| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Alexandre Jardin | |
|
+11topocl Clemence Orientale Menyne lyana79 coline Chatperlipopette Queenie Sophie Aeriale bulle 15 participants | |
Auteur | Message |
---|
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Alexandre Jardin Mer 13 Aoû 2014 - 14:32 | |
| L’île des gauchers (1995) Pour ceux qui en ont marre d’aimer comme des droitiers et d’analyser l’amour à la manière d’un plan de carrière débouchant sur privilèges stricts, reconnaissance sociale et monnaie tapante, Alexandre Jardin imagine une île sur laquelle se réuniraient tous les gauchers sensibles de ce monde. Attention : l’amour libre n’est pas l’amour anarchique. L’humain ne peut pas aimer n’importe comment et nous retrouvons le classique adage : la seule obligation c’est de ne pas en avoir. Les coutumes, les rituels, les droits et les devoirs ne sont pas néfastes en eux-mêmes mais c’est leur utilisation et la limitation des libertés qu’ils impliquent qui gâchent la spontanéité et l’élan pulsionnel primitif qu’Alexandre Jardin imagine dans leur générosité. Sans naïveté, il part d’un constat simple : il faut cesser de vouloir être aimé le mieux possible –ce qui suscite frustration et colère- mais commencer à aimer le mieux possible –le cercle vertueux se met alors en place et engendre des récompenses affectives sans cesse plus gratifiantes. On pourrait craindre de retrouver les mécanismes de calcul avides et égoïstes du monde des droitiers mais les gauchers vont plus loin : d’accords sur la nécessité de jongler avec des axiomes affectifs de base, ils n’intègrent cependant pas les lois affectives de leur île sans avoir parcouru leur démonstration personnelle. Il s’agit moins de règles qualitatives s’interrogeant sur le comment pour aboutir à un résultat universel, que de s’emparer de processus universels pour les adapter quantitativement à ses besoins : combien de partenaires différents dois-je explorer pour mieux savourer mon élu(e) ? combien de personnalités sont en moi ? en l’autre ? combien de distance devons-nous instaurer entre nos matelas respectifs ? combien de temps devons-nous passer dans le silence pour nous réapproprier ? à quelle fréquence dois-je abandonner ma personnalité pour bénéficier des joies d’une escapade en tenue blanche –symbole de liberté dionysiaque et sexuelle ? combien de temps puis-je m’abstenir de toute relation sexuelle avec mon élu(e) ? –cette question se posant, bien sûr, dans l’objectif de redécouvrir le plaisir sensuel et d’accroître la tension jusqu’à son plus délicieux point de rupture. Les gauchers ne sont pas des manchots ni des analphabètes : ils ont des bras et savent écrire, mais ils le font d’une manière différente de celle des droitiers. Ils ne tiennent pas avidement à leur élu(e) car ils ont cessé de le considérer comme un faire-valoir social ou comme une assurance vieillesse de solidarité. Ils n’ont pas peur de vivre dans la passion exaltante ou douloureuse de la rencontre amoureuse. Ils ne craignent pas de se confronter sans cesse au regard de l’autre et trouvent dans cette joute mentale et psychologique une nourriture de l’âme qui les pousse sans cesse à s’améliorer, à s’enrichir de nouvelles connaissances et à s’instruire de la nature humaine dans sa globalité. L’amour des gauchers n’est pas un amour craintif et revanchard mais ressemble plutôt à l’amour que pourraient éprouver les surhommes, une fois descendus de leurs sommets. Il faut être vigoureux et majestueux, il faut s’aimer soi-même dans la tolérance et la tendresse la plus divine –acceptant ses défauts et les dorlotant pour les transformer en jolis charmes désuets- avant de rencontrer l’autre et de s’essayer à l’amour. Il faut comprendre cette règle fondamentale de l’architecture amoureuse – « davantage de vie de couple et plus de solitude »- avant de s’aventurer sur l’ île des gauchers. Bien sûr que l’histoire gauchère de Lord Cygogne et de son élue Emily se présente avec toute la bancale ossature d’une utopie qui devrait mieux, d’ailleurs, ne jamais être réalisée –ne serait-ce que parce qu’elle n’est accessible qu’à certains hommes dotés d’une certaine forme de pensée. Bien sûr que leur histoire peut susciter rires et moqueries –ceux-ci cachent souvent l’envie. Bien sûr qu’on méprise ceux qui veulent vivre plus facilement, plus légèrement, plus librement. Et pourtant, qui n’aimerait pas vivre, même provisoirement, l’expérience exaltante qu’Alexandre Jardin nous décrit dans son île des gauchers ? Description du rite de la tenue blanche : - Citation :
- « Afin d’éviter que le mariage n’enfermât les couples dans un quotidien trop restreint, les compagnons du capitaine Renard avaient imaginé un rite, celui de se vêtir en blanc. A Port-Espérance, il suffisait de s’habiller ainsi pour signifier à sa femme, à ses enfants, à ses amis, que l’on souhaitait vivre quelque temps pour soi, en se libérant provisoirement des engagements pris tout au long de l’existence. »
Ode à l'adultère (intelligent) : - Citation :
- « Laissez-moi vous dire que vous avez fait un excellent usage de l’adultère. Je vous félicite. Tant de droitiers se trompent bêtement, sans en rien retirer de valable. Quelques frottis-frottas de muqueuses, un petit spasme et puis c’est tout… Vous, vous avez fait les choses au mieux. Comme un authentique Gaucher ! Une révélation, c’est tout de même mieux qu’un vulgaire coït, n’est-ce pas ? C’est à ça que ça sert l’adultère, à réoxygéner l’être, comme vous dites ! »
Le rapport entre la culture et la dégénérescence des moeurs (c'est-à-dire l'éloignement de la morale bourgeoise dans un comportement d'opposition qui est lui-même bourgeois) n'est jamais éloigné : - Citation :
- « Lord Cigogne soignait tout - y compris les maladies imaginaires- à l'aide de romans ou de textes divers qu'il prescrivait sur ordonnance : deux pages de telle pièce d'Oscar Wilde, matin, midi et soir, pour un patient qui souffrait tragiquement d'un manque d'humour; une cure de Chatterton afin d'enrayer un optimisme trop béat; une diète à base d'ouvrages de Rabelais suffisait à soulager les neurasthéniques.
Cigogne prétendait que les vers de Shakespeare étaient souverains contre le bégaiement, que la lecture régulière de la prose de Victor Hugo guérissait radicalement l'asthme et que fréquenter le Provençal Mistral à petites doses était bon pour le teint. Le Français Marcel Proust n'était à conseiller que dans les cas les plus extrêmes; ultime drogue qui, en cas d'utilisation prolongée, pouvait rendre fou. »
Un peu d'histoire de l'île des gauchers : - Citation :
- « Histoire
1886: Adoption à l'unanimité par le conseil de Port-Espérance de la coutume des jours blancs (Il s'agit de jours où les gens s'habillent de blanc. Pour la famille de la personne, cela signifie qu'aucune question ne doit lui être posée. Durant ces jours blancs, la personne peut agir en toute liberté, sans contraintes. Elle peut être infidèle et même devenir quelqu'un d'autre si elle le souhaite.
1888: Colonisation de l'île du silence par Jeanne Merluchon qui impose un silence absolu sur cet îlot. La même année, instauration du Carême Gaucher. Il s'agit de quarante jours durant lesquels tout le monde doit s'abstenir d'avoir des relations sexuelles.
1952: Interdiction d'éclairer les restaurants autrement qu'à la bougie; les lampes électriques sont formellement interdites dans les lieux publics, afin que le teint des femmes soient mis en valeur par la lumière chaude que diffusent les bougies.
1968: Instauration du mariage à durée limitée.
1969: Instauration du divorce à temps limité. »
En spoiler, un beau passage final suggérant les modalités d'achèvement complet d'une relation :- Spoiler:
- Citation :
- « Avec étonnement, Lord Cigogne s’aperçut que l’amour ne peut, d’une certaine manière, être parachevé que dans la séparation, comme si la présence physique d’Emily eût été un obstacle insurmontable à la convergence totale de leurs deux natures. […]
Veuf, Jeremy put reconstituer d’elle, à partir de leurs souvenirs et de ce qu’il venait d’éprouver en intégrant Emily à son être, l’essence pure de ce qu’elle avait été et de ce qu’elle serait en lui pour toujours, dans une unité qui se moquait des apparentes contradictions d’Emily. »
*peinture d'André Masson | |
| | | ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
| Sujet: Re: Alexandre Jardin Mar 14 Avr 2015 - 18:09 | |
| L'île des Gauchers.
Colimasson a très bien mis en avant l'intrigue ci-dessus. Le concept m'a attiré, le début m'a plu, l'idée était intéressante et originale, mais... Je dois être définitivement droitier! Je n'ai pas tellement accroché à ce roman. L'auteur m'a perdu en route, je me suis lassé, j'ai lu la deuxième partie en diagonale. Son style ne me convient pas, trop terne et descriptif à mon goût. Quant aux idées, il véhicule trop de clichés, je n'en retire rien, sinon un ennui. Pas une lecture pour moi. Il écrit assez bien, mais je ne saurais expliquer davantage pourquoi il ne me plaît pas. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Alexandre Jardin Dim 19 Avr 2015 - 21:28 | |
| Peut-être parce que tu n'es pas d'accord sur le fond des idées, tout simplement... | |
| | | ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
| Sujet: Re: Alexandre Jardin Mar 21 Avr 2015 - 13:31 | |
| Il y avait des idées intéressantes, mais c'est surtout le style qui m'a fait décrocher. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Alexandre Jardin | |
| |
| | | | Alexandre Jardin | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|