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| Gene Wolfe | |
| | Auteur | Message |
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Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Gene Wolfe Mar 29 Avr 2008 - 19:04 | |
| Gene Wolfe (1931- ) Né à New York, enfant unique, il passe son enfance à Houston (Texas). Il y fait des études d’ingénieur. En 1953, il sert dans l’infanterie pendant les derniers mois de la guerre de Corée. De retour, il finit ses études et se marie avec Rosemary, fervente catholique, à la foi de laquelle il va se convertir. Gene Wolfe va commencer par travailler comme ingénieur, d’abord dans un labo de recherche, mais aussi dans l’industrie, une rumeur fait de lui l’inventeur d’une machine à mouler les chips. Il travaillera aussi comme journaliste spécialisé dans pour la revue Planet Engineering. Il semble avoir écrit très tôt, mais ses premiers écrits (des policiers) sont refusés. Il vend sa première nouvelle en 1965, The Dead Man, qui relève de la Science-Fiction. Il trouve une rapide reconnaissance dans ce milieu et publie énormément dans les années 70, en particulier de nombreuses nouvelles dans des revues spécialisées. Les années 80 sont marquées par la publication des volumes Du livre du second soleil de Teur, appelé plus communément en France L’Ombre du bourreau. Ce cycle était au départ une tétralogie, à laquelle l’auteur a joint ultérieurement un cinquième volume, et quelques nouvelles se passant dans le même univers. Très reconnu par la critique, lauréats d’un nombreux prix (Nebula, World Fantasy Award) il a parmi les auteurs de Science-Fiction et de Fantasy la réputation d’être un écrivain exigeant, difficile, voir pour certains hermétique. Il continue à écrire, les deux volumes du Chevalier Mage sont sortis en France en 2006, et vit à Chicago. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gene Wolfe Mar 29 Avr 2008 - 19:07 | |
| Livre du second Soleil de Teur (L’Ombre du bourreau) L’ombre du bourreau La griffe du demi-dieu L’épée du licteur La citadelle de l’AutarqueCes quatre volumes constituent le cycle d’origine, et à mon sens se suffisent parfaitement à eux-mêmes.
Il s’agit d’une immense fresque de plus de 1400 pages pour l’ensemble des quatre volumes, où Sévérian nous raconte son parcours. C’est un homme adulte, au fait de tous ses moyens, à un moment crucial de sa vie, en train de prendre une décision essentielle pour lui et pour l’ensemble des habitants de la Terre. Et avant de franchir le pas, d’aller vers l’irréversible, il fait en quelque sorte le bilan de sa vie, surtout de ses jeunes années, tout ce qui l’a amené à se trouver à la place où il se trouve et en position de prendre la décision qu’il prend.
Il faut préciser que Sévérian possède une capacité très particulière, celle de ne rien oublier, de garder la mémoire la plus exacte de tous les événements qu’il a vécu, de toutes les personnes qu’il rencontrées, il en garde trace à tout jamais dans le moindre détail, il ne peut rien effacer, rien retrancher de sa vie. Il nous fait donc le récit de sa vie comme s’il la vivait de nouveau, avec la même intensité et le même ressenti qu’à l’époque où se passaient les choses.
Son récit débute lorsqu’il est un jeune garçon, apprenti dans la guilde des bourreaux. Il faut préciser que rentrent dans cette guilde les enfants mâles des condamnés à la peine capitale, et les enfants ainsi recueillis ne doivent pas dépasser une certaine taille, mesurée à une aune inamovible. Ceux qui dépassent la taille maximum sont exécutés. Comme tous les apprentis bourreaux, Sévérian ignore qui sont ses parents, et pourquoi ils ont été exécutés, il sait seulement que ceux qui sont ses maîtres, ses mentors, ses pères adoptifs les ont exécutés.
Ses jeunes années se déroulent comme celles de autres garçons de son âge, à jouer avec ses camarades, à imaginer des histoires, à découvrir le monde qui l’entoure, à apprendre son futur métier de bourreau. Mais, et c’est une des grandes richesse de ce cycle romanesque, aucun événement que Sévérian nous rapporte, aussi insignifiant qu’il apparaisse à première vue, n’est en réalité anodin, et il aura des répercussions ultérieures, où alors le sens de ce qui s’est réellement passé apparaîtra par la suite. Car Sévérian nous rapporte les faits avec les yeux de celui qu’il était au moment où les choses se sont passées, sans nous expliquer plus que ce qu’il était lui-même en état de comprendre à ce moment-là. Donc il nous rapporte les moments choisis, significatifs mais leur importance et sens véritable ne surgiront qu’au fur et à mesure du déroulement du récit. Vous voilà prévenus, faites attention au moindre détail, il pourra se révéler capital par la suite.
Sévérian n’a en fait jamais remis en cause sa destinée de bourreau, jusqu’à ce soit incarcérée dans la Tour Matachine, où vivent et travaillent les bourreaux, Thécla, une noble dame, qui suite à des sombres complots de la cour de l’Autarque, se trouve emprisonnée, et doit attendre pour être fixée sur son sort. Cette situation persiste pendant suffisamment longtemps pour que Sévérian s’attache à la fascinante prisonnière, et que pour elle il transgresse une règle essentielle de l’ordre. Il sera, en punition, banni, et envoyé comme licteur (sorte de bourreau) dans une lointaine province. Le voyage pour y arriver sera en lui-même une très grande aventure, il aura l’occasion de faire de nombreuses rencontres qui seront capitales durant toute sa vie, et de mieux découvrir le monde dans lequel il vit. Il s’agit d’une Terre en train de dépérir, en même temps que meurt peu à peu le soleil. Un monde en décadence, rappelant par certains aspects un monde médiéval, mais aussi rempli de machines sophistiquées, que certains manipulent avec aisance. Il y a aussi toute une série de créatures étrangères, toutes ne sont pas nées sur la Terre. Des guerres ont lieu sur cette Terre des derniers jours, des conflits de pouvoir existent, certains poursuivent des buts inavouables. Sévérian verra tout cela, croisera la route de beaucoup de personnages puissants et mystérieux, car il est une pièce maîtresse dans le destin de la planète, et le découvre peu à peu.
Ne vous attendez pas à un récit linéaire, où tout vous sera expliqué. Gene Wolfe nous montre des choses, en apparence dans des descriptions très réalistes et très précises, mais les zones d’ombres sont plus nombreuses que les choses qu’il nous explique. C’est à chacun de se raconter sa propre histoire à partir des éléments qu’il nous fournit. Il se passe énormément d’événements, mais le plus essentiel, c’est la façon de ressentir, de donner une cohérence à l’ensemble, et c’est au lecteur de le faire. C’est une œuvre complexe, qui a énormément de niveau d’explication possibles, d’interprétations admissibles, un magnifique et chatoyant puzzle, qui ne trouve jamais de solution définitive, il y a toujours un morceau qui ne trouve pas sa place et qui demande de reconsidérer l’ensemble d’une autre manière. Mais que de plaisir à chercher les réponses dans l’écriture magnifique de Gene Wolfe, un plaisir sans fin, chaque fois que je viens à bout du quatrième volume, j’ai une désespérante envie de relire le premier, car j’ai le sentiment que certains choses m’ont échappées et j’ai envie de chercher encore, et puis tout simplement je n’ai aucune envie de quitter l’univers de Sévérian.
Un univers étrange, mi fantasy, mi science-fiction, personnellement si je devais qualifier cette tétralogie, je préférerais parler d’un roman d’apprentissage, comme la littérature classique en a fournit des magnifique, et en premier lieu (pour moi en tous les cas) le Wilhelm Meister de Goethe. C’est dire à quel niveau je place ces livres, qui furent le deuxième cycle de fantasy qu’il m’a été donné de lire, et dont je n’ai plus jamais trouvé d’équivalent dans le genre. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gene Wolfe Mar 29 Avr 2008 - 19:26 | |
| Un extrait pour vous donner une idée de l'univers de l'écriture de l'auteur: Le personnage qui parle, Outlan, est un maître bibliothécaire, et a passé sa vie au service des livres: - Citation :
- Tu connais certainement la méthode que nous employons pour recruter nos membres ?
Je dus avouer que non. Une règle très ancienne veut qu'il y ait, dans chaque bibiothèque, une salle réservée aux enfants; on y trouve des livres d'images vivement colorés, comme les aiment en général les enfants, ainsi que quelques contes de fées et récits d'aventures fantastiques. De nombreux enfants viennent dans cette salle, mais on ne s'y intéresse pas tant qu'ils y restent confinés. Il hésita un instant, et quoique l'expression de son visage n'ait pas changé, j'eus l'impression qu'il craignait de faire de la peine à Cyby avec ce qu'il s'apprêtait à dire. Mais, de temps en temps, l'un des bibliothécaires remarque chez un enfant solitaire et d'âge encore tendre, un comportement différent : il quitte de plus en plus souvent la salle de lecture en question, et arrive même à ne plus jamais y mettre les pieds. Un tel enfant finit toujours par découvrir, sur quelque étagère basse mais mal éclairée, Le livre d'Or. Tu n'as jamais vu ce livre, et tu ne le verras jamais, car tu as dépassé l'âge auquel on le trouve. Il doit être magnifique, dis-je. C'est vrai, en effet. A moins qeu ma mémoire ne me trahisse, il est relié en bougran noir, et le dos est très décoloré. Plusieurs des feuillets se dont détachés, et certaines planches ont disparu. Mais c'est un livre absolument délicieux; j'aimerais pouvoir le retrouver, même si pour moi, tous es livres resteront toujours fermés, maintenant. En temps opportun, l'enfant découvre donc le livre, disais-je. C'est alors qu'interviennent les bibliothécaires - comme des vampires, prétendent certains, mais d'autres préfèrent les voir comme ces fées qui se font marraines à l'occasion d'un baptême. Ils parlent à l'enfant, qui se joint à leurs rangs. Il fait désormais partie du personnel de la bibliothèque, quoi qu'il advienne, et bientôt ses parents n'en entendent plus parler. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gene Wolfe Mar 3 Avr 2012 - 21:31 | |
| La cinquième tête de cerbère Nous sommes à une époque indéterminée sur une planète dans une galaxie éloignée de la Terre. Elle a été colonisée par des Français, mais maintenant d'autres maîtres sont venus. Une population locale a existée avant la venue des Terriens, mais elle semble disparue, sans que l'on sache vraiment comment, ses traces sont rares et peu explicites. Gene Wolfe nous parle de ce monde par le biais de trois personnages, un enfant revenu adulte dans la maison de son enfance qu'il nous raconte en parti, un aborigène à un moment ou la colonisation n'avait pas encore commencée, et un ethnologue venu de la Terre, le Dc Marsh qui essaie de retrouver des traces de ces fameux aborigènes et dont le chemin à un moment a croisé celui du premier narrateur. Trois nouvelles qui prennent à chaque fois la parole pour le personnage principal du récit, sous une forme ou une autre. Et nous font entrapercevoir les contours flous d'un monde, à travers les préoccupations, les soucis, les priorités et les questionnements propres à chacun des trois personnages. Un monde mystérieux, dont nous sommes loin de pouvoir saisir toutes les subtilités et réalités, l'auteur nous laisse avec des hypothèses et des réponses possibles, pas vraiment avec des certitudes ni encore moins une vision complète et cohérente. Et au-délà du monde dont il est question, comme dans d'autres de ses livres Gene Wolfe est obsédé par le souvenir, la mémoire, l'identité, ou les identités d'une personne, ce qui la distingue des autres. Tout cela dans des descriptions à priori précises et détaillées, mais dont le côté réaliste ne semble jamais en capacité de rendre compte autrement que de façon lacunaire de l'ensemble des possibles. Plus la réalité semble tangible, et plus elle nous échappe. C'est fascinant et labyrinthique, même si j'ai moins apprécié la deuxième nouvelle, un peu trop longue à mon goût, et moins convaincante que les autres, même si son sens, en particulier celui de son dénouement nous est fourni en partie dans le troisième et dernier récit, et que sans doute il est difficile de s'en passer dans l'économie de l'ensemble. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Gene Wolfe, un géant dans les limbes Lun 17 Fév 2014 - 7:47 | |
| Dans ces vingt ou trente dernières années, je ne crois pas, ou plutôt je suis à peu près certain de ne pas avoir lu d'écrivain de fictions plus complet, plus talentueux, plus grandiose que Gene Wolfe. Pourtant son lectorat reste réduit et sa réputation, qui ne dépasse guère un petit cercle d'amateurs de SF, très en deçà de ses mérites. Et la question lancinante qui se pose naturellement après un tel constat d'échec : pourquoi après toutes ces années de labeur et de production intense dans des genres divers, souvent populaires, reste-t-il relativement méconnu ? Pourquoi connaît-on les noms d'Asimov, de Dick ou de King - pour se cantonner aux domaines de la SF et du fantastique - qui lui sont pourtant inférieurs sur de nombreux points et même sur toute la ligne ? J'ai employé le mot d'échec car plusieurs signes montrent que Wolfe a réellement cherché à partir des années 90 le succès populaire ou en tous cas - le "peuple" ne lisant guère je le crains, à part quelques romans de gare, ou de plage - le lectorat le plus large possible. Il s'est mis à produire en masse des romans d'héroïc-fantasy, emplis de châteaux, de dragons, de fées et de sorcières, de jolies filles et de héros musclés, toujours avec sa maîtrise habituelle, sinon avec la même inspiration, mais je n'ai pas l'impression que cela ait beaucoup fait évoluer son statut d'écrivain. En fait, je soupçonne que ça lui ait surtout fait perdre définitivement l'aura qu'il n'a jamais eue mais qu'il aurait pu, ou dû gagner, celle de l'auteur d'un chef d'oeuvre inconnu : "La cinquième Tête de Cerbère". Wolfe, à une époque, a bénéficié d'un vrai succès d'estime : ce n'est plus le cas aujourd'hui où il est souvent mis dans le même sac que tout un tas d'écrivains besogneux et lourdauds qui n'ont pas plus de rapport avec lui qu'une poignée de verre pilé avec un authentique diamant. |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gene Wolfe Lun 17 Fév 2014 - 9:40 | |
| Heureuse de voir un autre amateur de Gene Wolfe, auteur en effet trop méconnu. | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Gene Wolfe Dim 13 Déc 2015 - 11:29 | |
| La cinquième tête de Cerbère La cinquième tête de Cerbère est un roman du genre science-fiction qui regroupe trois récits distincts avec un fil conducteur qui se révèle bien souvent au détour d’une phrase. Toutefois ces trois récits pourraient presque être lus indépendamment mais il y manquerait sûrement le lien ténu et essentiel que Wolfe a su y laisser dans la trame. La planète Sainte-Croix a été colonisée initialement par les français et conquise depuis par une nation anglo-saxonne. Sur cette planète vit une société en apparence assez proche de la nôtre mais avec des préoccupations propres à une colonie implantée depuis peu sur un territoire pas complètement exploré. La planète Sainte-Croix a dans son orbite la planète Sainte-Anne. Cette dernière planète aurait connu avant sa colonisation une population autochtone, appelée « abos », qui aurait disparue selon certains. Toutefois d’autres récits parlent des étranges pouvoirs protéiformes de ces abos qui auraient remplacé les colonisateurs en prenant leur apparence et en oubliant leur origine. La première partie du récit se situe sur la planète Sainte-Croix et relate les souvenirs de prime enfance à la vie d’adulte d’un homme. Cette première partie permet d’installer un univers à part où le lien familial, l’identité prennent une part essentielle. La seconde partie relate les pérégrinations d’un abo en proie à des expériences terribles et mystiques sur la planète Sainte-Anne. Enfin la dernière partie traite de la lecture parcellaire du journal intime d’un ethnologue emprisonné sur Sainte-Croix en vue d’une éventuelle libération. Récit tenant plus de l’uchronie, ce roman ouvre la porte à différents champs de réflexion aussi bien scientifiques, ethnologiques, sociaux que moraux. Même si sa lecture peut s’avérer déconcertante, j’ai pris grand plaisir à la lecture de ce roman parcellaire où le souvenir et la mémoire tissent une toile frêle mais aux ramifications multiples.
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| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Gene Wolfe Dim 13 Déc 2015 - 11:32 | |
| @arabella : j'aime beaucoup ce que tu as écrit sur le sujet ! J'abonde en ton sens. J'aurais juste aimé écrire la même chose | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Gene Wolfe Dim 13 Déc 2015 - 11:57 | |
| Tiens, ça donne envie de tenter ! Merci GGG ! | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gene Wolfe Dim 13 Déc 2015 - 16:45 | |
| Contente que tu aimes Gene Wolfe, GGG. Et de voir ce fil un peu alimenté. Il te reste à découvrir les quatre tomes de L'ombre du bourreau. Quand à mes commentaires, je ne crois pas que j'aurais maintenant la motivation pour y passer autant de temps. | |
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| Sujet: Re: Gene Wolfe | |
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| | | | Gene Wolfe | |
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