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| Shimazaki Aki | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Mer 7 Nov 2007 - 19:19 | |
| - Aériale a écrit:
- ...beaucoup aussi parce que je suis déjà nostalgique de cet univers
Moi aussi, j'ai quitté cette famille à regret, Mariko et son mari Kenji en particulier sont parmi les personnages les plus attachants et humains que j'ai rencontrés en littérature... Comme Coline, j'aimerais bien que Shimazaki explore dans un autre roman le passé de Sono, la nourrice de Kenji (on devine une vie romanesque et mouvementée). On peut toujours rêver . |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Mer 7 Nov 2007 - 20:09 | |
| - Nezumi a écrit:
Moi aussi, j'ai quitté cette famille à regret, Mariko et son mari Kenji en particulier sont parmi les personnages les plus attachants et humains que j'ai rencontrés en littérature...
Comme Coline, j'aimerais bien que Shimazaki explore dans un autre roman le passé de Sono, la nourrice de Kenji (on devine une vie romanesque et mouvementée). On peut toujours rêver . Tu as raison...Il y a une telle sérénité, tellement de générosité qui émanent de ces deux personnages... Aki Shimazaki arrive à nous les rendre terriblement proches et c'est en partie pour cette raison qu'on a tant de mal à les quitter. On a l'impression de les voir réellement! En même temps ils sont empreints d'une humanité qui reste toujours très pudique, toujours cette écriture sobre, sans rajouts d'émotion... Pour Sono, par exemple (mais ce n'est pas la seule) j'ai cru qu'on allait apprendre quelque chose sur elle, ou que j'avais oublié certains points dans les deux premiers tomes...En fait, on est prêts pour une nouvelle pentologie...Imaginons, la nounou de Kenji aurait pu avoir une idylle avec le père de Yukiko ...ou être la fille cachée du père de Horibe ...ou... ??? | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Mer 7 Nov 2007 - 20:16 | |
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| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Mer 7 Nov 2007 - 20:19 | |
| - Nezumi a écrit:
- Elle est habile, cette Shimazaki...
Exactement ce que je pense... peut-être bien qu'elle se laisse d'ailleurs des portes de sortie pour une nouvelle lignée avec ces histoires un peu en suspens (sans l'être vraiment, tout est là..héhé) | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Ven 9 Nov 2007 - 16:38 | |
| Cela m’a fait un grand plaisir de trouver Aki Shimazaki parmi vos écrivains préférés. Je l’ai découverte avec son premier livre de la pentalogie à cause de mon faible pour les livres d’Actes Sud. En plus le titre m’intriguait – le début d’une jolie aventure :) L’exploit qu’elle a fait – je le compare avec Claude Monet et ses nénuphars – bien qu’en peinture on peut justifier de répéter son sujet – mais je crois en littérature personne n’a encore essayé d’écrire toujours ‘la même histoire’ (et l’art de Aki Shimazaki est naturellement que cette histoire n’est JAMAIS la même :) ). Tout cela pour vous dire que j’ai adoré cette expérience – et qu’en fait je réalise maintenant qu’on pourrait tenter une seconde lecture de cette ‘série’. (Le temps que j’attend avec impatience son prochain livre !) | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Ven 9 Nov 2007 - 17:41 | |
| La comparaison avec Monet est très judicieuse Kenavo, c'est vrai que cette multiplication des points de vue et des perceptions est impressioniste. Je vois avec plaisir notre cercle d'accro à Shimazaki s'agrandir sur Parfum. As-tu lu Mitsuba, son dernier roman publié par Actes Sud au début de l'année ? |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Ven 9 Nov 2007 - 18:27 | |
| - Nezumi a écrit:
- As-tu lu Mitsuba, son dernier roman publié par Actes Sud au début de l'année ?
Oui.. au début cela faisait drôle - après tous ces romans avec la connaissance préalable qu'on allait rencontrer des gens des histoires d'avant - fallait trouver le point de vue qu'elle choisissait cette fois ci. Mais avec ce livre - il y avait de nouvelles personnes, une nouvelle histoire. Je l'ai aimé parce que j'ai retrouvé son style à part dans la littérature asiatique (que j'aime bien - Asie et Amérique - ces deux continents sont le plus représentés dans mes étagères) et comme je l'ai dit - j'attend son nouveau.. bien que je réalise maintenant - cela remonte à Janvier seulement qu'on a eu son nouveau livre.. hm….il faut avoir encore un peu de patience.... | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Ven 9 Nov 2007 - 18:33 | |
| - kenavo a écrit:
- en fait je réalise maintenant qu’on pourrait tenter une seconde lecture de cette ‘série’.
C'est vrai...La lecture en serait très différente maintenant que nous savons tout (ou presque!) de chacun des personnages... Lire un seul de ces volumes, ce serait dommage...Il faut vraiment les envisager comme un tout indivisible... | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Dim 18 Nov 2007 - 11:04 | |
| "Mitsuba" Takashi Aoki est cadre dans une grande entreprise nipponne. Comme beaucoup de cadres et d'employés, il travaille dur pour son entreprise, sa seconde famille. Aussi, quand il apprend qu'il va être muté en Europe, à Paris, est-il bien ennuyé car il se trouve à un moment clé de sa vie intime. Takashi est célébataire et son célibat désespère sa mère et ses amis. Ils lui proposent souvent des rencontres arrangées, les miaï, mais Takashi n'aime pas cette tradition étouffante et sclérosante. Il rêve du grand et véritable amour....le coup de foudre en quelque sorte. Dans son entreprise, à l'accueil, travaille une belle jeune femme....célibataire elle aussi. Elle s'appelle Yûko Tanase et attire le regard des hommes comme un pot de miel attire les mouches. Yûko est non seulement belle mais elle a de la classe, de la retenue et une grande féminité. Takashi en tombe très vite amoureux et n'ose guère l'aborder jusqu'au jour où il saute le pas et l'invite à boire un verre après le travail. Comble de bonheur, elle accepte l'invitation! Peu à peu, les deux jeunes gens s'apprécient et tissent des liens d'amitié et de complicité. Yûko n'aime pas non plus les mariages arrangés. De confidences en confidences, Takashi et Yûko vont s'avouer leur amour réciproque. Le bonheur est proche, tout proche surtout après une nuit passée à Kobe. Hélas, les traditions sont difficiles à vaincre et plus encore ardues à ignorer quand l'argent et le pouvoir s'en mêlent. Que deviennent alors les serments et les promesses de nos deux amoureux? Le café Mitsuba, trèfle en japonais, s'éloigne lentement dans les limbes des souvenirs, la vie passe et emmène nos amoureux loin l'un de l'autre: Québec et Paris. Mais il est dit que la vie sait jouer d'ironie quand elle décide de se moquer des tristes réalités humaines! Aki Shimazaki offre une vision peu amène de la société japonaise qui en est encore à arranger les mariages de ses enfants. Le lecteur occidental a du mal à accepter la communion existant entre l'entreprise et ses employés qui s'y dévouent corps et âme. Shimazaki dénonce cela, à mots subtils, et montre du doigt l'habitude des hommes de rentrer tard chez eux. En effet, il est rare de voir un mari rentrer tôt chez lui profiter de la présence de sa famille. Il préfèrera aller boire un verre avec ses collègues dans un bar, un café où il contera fleurette aux hôtesses et chantera des karaokés. La place de la femme japonaise est tragique: cloîtrée dans son foyer où elle attend, patiemment, le retour de son seigneur et maître, en s'occupant du ménage, des enfants. Aussi, ai-je été émue par le personnage, atypique et sublime du coup, de l'ami de Takashi, Nobu. C'est le seul à rentrer chez lui à la sortie du travail, c'est le seul à exprimer clairement son rejet de cette détestable habitude.... Nobu est chrétien, Nobu aime se retrouver en compagnie de son épouse et de ses enfants, Nobu est tout sauf un bon "shôsha-man", il est un "Asaïka", c'est à dire un homme qui se comporte correctement avec sa femme, qui la traite avec égards, et Nobu est détesté par son supérieur et nombre de ses collègues. Mais Nobu n'en a cure: il quittera sans regret l'entreprise pour créer une école privée! A homme d'affaires, homme d'affaires et demi... En filigrane, Shimazaki aborde un sujet grave: le stress au travail pouvant conduire le cadre à la mort. Ainsi en alla-t-il pour le père de Takashi, éreinté par les voyages aux importants décalages horaires. Là aussi, l'auteure utilise une plume acérée mais subtile pour critiquer ce système inhumain qui broie sans relâche son combustible fait de chair et de sang. Le Japon est tout sauf un pays idyllique: tradition et modernité se côtoient, se mêlent pour faire avancer une idée de l'économie. Cette marche en avant forcée est le fruit de l'issue désastreuse de la Seconde Guerre mondiale: la pénurie, le dénuement extrême et l'humiliation sans compter le vacillement des principes de la monarchie impériale peuvent expliquer cette vision du monde. Un roman tout en subtilité et douceur, à l'image d'une aquarelle, malgré la violence psychologiques de certaines situations. Un roman, écrit directement en français par cette auteure japonaise vivant au Québec, ayant la nationalité canadienne, aux senteurs du Japon et à la saveur douce-amère des reproches faits à quelqu'un que l'on aime tendrement. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Dim 18 Nov 2007 - 12:55 | |
| Merci pour ton impression de ce livre. Il ne me reste rien à ajouter. A part que les livres de Aki Shimazaki rangent entre ces livres étroits où on peut facilement trouver plus de mots pour les décrire et analyser qu'elle a utilisé pour l'écrire (il y des années de cela quand j'ai voulu 'résumer' le livre 'Soie' de Baricco - j'en ai pris plus de temps pour en parler que j'avais mis à le lire) | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Dim 18 Nov 2007 - 14:28 | |
| Quel superbe résumé! Merci Chatp' . |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Lun 19 Nov 2007 - 15:50 | |
| jai enfi terminé la rédaction de mes impressions de lecture de la pentalogie "Le poids des secrets" !
Il me semblait difficile de parler séparément des cinq romans composant la pentalogie du "Poids des secrets" d'Aki Shimazaki sans tomber dans la redondance...d'autant que je les ai lus les uns à la suite des autres. Aki Shimazaki réussit le tour de force de ne pas lasser son lecteur au cours des cinq récits de son cycle: en effet, chaque tome apporte son lot de petites ou grandes révélations et éclaire les zones d'ombres qui pèsent sur la famille et les proches de Mariko ou de Yukiko.
Tsubaki commence le cycle du "Poids des secrets" avec Yukiko en personnage principal, celui qui va mettre le doigt sur une faille qui fera basculer son univers mais aussi revenir à la surface les secrets de famille dus au poids des traditions. Yukiko a atteint l'âge mûr maintenant. Sa mère, survivante de la bombe de Nagasaki, se meurt. Elle a toujours été réticente à parler de la guerre, de la bombe, de son passé. Yukiko n'ose la presser de questions malgré son immense envie, le poids des traditions est là: on ne dérange pas un aîné par des questions inopportunes. Le fils de Yukiko, lui, n'a pas ce frein et ne cesse de questionner sa grand-mère, lui qui est issu d'un mariage mixte américano-japonais! Yukiko s'interroge et souffre de son ignorance, elle qui porte le même prénom que sa mère. Cette dernière décède et son avocat transmet à Yukiko deux enveloppes: l'une lui est adressée, l'autre à quelqu'un qu'elle ne connaît pas. A la lecture de la lettre de sa mère, des voiles tombent: elle apprend ce qui pesait tant sur l'âme et la conscience de sa mère. Elle a commis un acte terrible...le parricide! Mais en est-ce vraiment un? Avait-elle une raison de haïr à ce point son père? C'est la question qui vient tout de suite à l'esprit du lecteur qui, éclairé par quelques pistes, ne peut juger durement la jeune Yukiko de Nagasaki qui aimait tant les tsubaki, les camélias rouges dont elle parsemait la mare avec les pétales. Tsubaki qui, sous la plume de Shimazaki, ont une grâce presque irréelle.
Hamaguri est le récit de Yukio, fils naturel de Monsieur Horibe, père de Yukiko. Au Japon, il est difficile d'être le fils de personne, de ne pas avoir de filiation: la question des origines est essentielle, voire existentielle. Yukio raconte les souffrances à la vue des larmes de sa mère, celles de la solitude, celles de ne rien partager avec autrui, celles de la séparation d'avec une petite fille qui accompagnait ses jeux au square. Cette petite fille qui lui apprit à jouer au jeu des hamaguri, palourdes dont les paires sont uniques ("chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont bien ensemble"). Une fois la paire reconstituée, si on y met de petits cailloux, produit une musique particulière lorsqu'on la secoue. Très vite, Yukio comprend que son père est le père de la petite fille, et que celui-ci n'a pas eu le courage de Mr Takahashi, l'époux de sa mère et son père adoptif, de ne pas respecter la volonté de ses parents. La guerre est en filigrane: la cruauté des militaires enrôlant dans les usines les collégiens, lycéens et étudiants pour participer à l'effort de guerre est parfois insoutenable...d'autant plus qu'elle est vaine. Le bruissement des bambous, si particulier, succède aux fleurs rouges des tsubaki. Les bambous, pluie incessante d'émotions rythmant l'éveil à l'amour et à la sensualité de l'adolescence....même si le tabou de l'inceste assombrit cet éveil. Tabou qui ravagera Yukiko et la conduira au regret indicible. Yukio a appelé sa dernière fille Tsubaki et Tsubaki ressemble étrangement à Yukiko, le premier amour interdit de Yukio. La vérité devient de plus en plus palpable, accompagnée par la douce musique des coquilles d'hamaguri, retrouvées enfin, exhumées du passé scellé par Mariko. L'intensité dramatique monte d'un cran: les révélations s'enrichissent de la perception de Yukio d'un même évenement. Un éclairage différent dévoilant les zones d'ombres laissées par le récit de Yukiko.
Tsubame rapproche le lecteur des racines des secrets douloureux de Yukiko et Yukio. Mariko, la mère de Yukio, relate son enfance, sa condition de jeune fille orpheline à la suite du tremblement de terre qui ravagea Tokyo. Mariko est coréenne, elle est donc d'"origine douteuse" et doit cacher cela: les Coréens du Japon se font massacrer par les soldats car rendus responsables de la catastrophe. Mariko devient, grâce à une femme japonaise, Mariko Kanazawa, ce qui la sauve de l'emprisonnement. Aki Shimazaki pointe de la plume le nationalisme exacerbé du Japon qui refuse l'assimilation des étrangers. Une partie de l'âme japonaise peu connue et bien loin des clichés habituels. Tsubame est le surnom d'un prêtre qui s'occupe de l'orphelinat où se réfugie Mariko. Tsubame veut dire hirondelle, donc annonciatrice du printemps et de la belle saison à venir. Les hirondelles qui élèvent en couple, se répartissant les tâches, leurs nichées. Le prêtre se comporte comme un père envers Mariko: il lui obtient le fameux koseki, c'est à dire l'état civil qui l'établit comme étant une vraie japonaise...il lui offre une origine légale, une relative liberté et une identité! Mariko n'avouera jamais son origine coréenne: elle en a honte et ne veut pas que cela rejaillisse sur sa famille qui ne serait alors pas mieux considérée que la nisei, la seconde génération des immigrants. La chappe de plomb est trop lourde pour s'en libérer: la société japonaise est trop intolérante vis à vis des étrangers, des zaïnichi. Son passé surgit lors de la mise au jour des fosses communes des Coréens assassinés après le tremblement de terre. Mariko rencontre une vieille femme, Madame Kim, coréenne, qui lui redonnera le goût d'écouter, d'écrire et lire le coréen et lui fera oublier la honte de ne pas être japonaise...mais Mariko n'avouera pas pour autant cela à sa famille: les souffrances sont trop vives pour s'en libérer. Madame Kim lui offrira autre chose de précieux, en lui re-apprenant le coréen: sa filiation contenue dans le journal de sa mère.
Wasurenagusa raconte l'itinéraire de Monsieur Takahashi. Il est héritier d'une vieille et grande famille et doit en assurer la pérennité. Ses parents lui trouvent, par misaï, une épouse, de bonne famille, de bonne origine: Satoko. C'est l'échec car aucun enfant naît de cette union: Takahashi est stérile mais le regard social accuse Satoko. Takahashi sait qu'elle n'y est pour rien et décide de prendre son destin en main et de s'affranchir de son étouffante famille: il part travailler à Nagasaki. Satoko lui permet de se libérer de ses chaînes, de prendre son envol et lui donner la force d'épouser Mariko et d'adopter son fil Yukio. Takahashi remonte le fil de ses souvenirs et il se souvient de sa nurse, Sono, qui fut comme une mère pour lui: elle sut arrêter ses peurs et ses pleurs nocturnes. Un seul souvenir: un signet représentant des myosotis, des wasurenagusa..."ne m'oublie pas". Les rêves et les présages tiennent une place importante dans ce roman: celui de la barque dans lequel se trouve un couple et son enfant. Qui sont-ils? Lui et sa famille (Mariko et Yukio)? Une filiation aussi solide qu'une filiation du sang. Takahashi n'est pas au bout de ses surprises: il apprend que son père était stérile, donc qu'il est un enfant adopté. Qui est sa mère? C'est alors que le signet lui ouvre les yeux: wasurenagusa, ne m'oublie pas.... Contrairement à Mariko, Takahashi n'est pas honteux de son "origine douteuse", il l'assume entièrement et en acquiert une grande sérénité. La question des origines, de la filiation ne doit pas être le moteur d'une société car elle la rend intolérante et obtuse.
Hotaru est l'ultime volet de la pentalogie, il est celui qui rend limpide ces secrets et il est porteur d'espoir. Le poids des secrets s'allège au fil du récit. Tsubaki, la petite fille de Mariko, écoute sa grand-mère, écoute ses souffrances et découvre combien peuvent peser les mots et les sentiments que l'on cache au plus profond de soi. La mise en lumière des secrets n'est-elle pas faite pour que la jeune Tsubaki ne répète pas l'histoire ni le désespoir de sa grand-mère Mariko? Tsubaki est amoureuse d'un de ses professeurs, marié, et est tentée de céder à ses avances. Mais ne prend-t-elle pas le risque de n'être qu'une luciole, un hotaru, attirée par l'eau sucrée des promesses de cet homme? N'est-il pas soumis aux codes sociaux de la société japonaise: un mariage de raison ne se défait pas? Ses promesses ne seraient-elles pas aussi mensongères que celles de Monsieur Horibe? Au pied du mur, quitterait-il sa femme pour partir avec elle? Rien n'est moins sûr. La fuite en avant du malheur et des secrets s'achève avec Tsubaki qui ouvre les yeux et a la force de ne pas céder à la tentation: "Je lève la tête. Les cumulo-nimbus se sont transformés en cirrus. Je ferme les yeux. Mes grands-parents marchent sur les nuages montés haut dans le ciel limpide. Leurs mains sont toujours unies l'une à l'autre: j'appelle: "Obâchan!" elle s'arrête. L'air soucieux, elle tente de me dire quelque chose. Je luis dis aussitôt: "Ne t'inquiète pas! je ne tomberai pas dans l'eau sucrée!". Ojîchan sourit "Tsubaki, tu rencontreras aussi quelqu'un de spécial dans ta vie."Tsubaki, au fil du récit de sa grand-mère Mariko, sait qu'elle ne sera pas une luciole attirée par le sucré du prestige social d'un homme et se laissant abusée par ses belles promesses. Elle se gardera de ce piège mortel. L'apaisement est là ainsi que la sérénité après tant de souffrances.
C'est avec émotion et regrets que l'on quitte la famille de Yukio. Aki Shimazaki a utilisé avec art et subtilité les symboliques du camelia, des bambous, des palourdes, des hirondelles, des myosotis et des lucioles. Chacun a apporté sa pierre à l'édifice de la pentalogie: ils représentent une petite partie, détestable, de la société japonaise et de son rapport avec l'Autre ou avec les sentiments et les émotions. Une plongée dans le sensible, dans la poésie pure, dans les images douces-amères, dans une écriture subtile et aérienne où le quotidien devient épopée. | |
| | | Le Bibliomane Zen littéraire
Messages : 3403 Inscription le : 21/02/2007 Age : 58 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Ven 30 Nov 2007 - 21:54 | |
| "Le poids des secrets"
Yukiko, une vieille dame, rescapée du terrible drame de Nagasaki, vient de s'éteindre. Sa fille reçoit alors, par l'intermédiaire de l'avocat de sa mère, deux lettres. La première lui est adressée tandis que l'autre devra être remise à un personnage dont jusqu'ici elle ignorait l'existence. Ce qu'elle apprend dans la lettre qui lui est destinée la stupéfie : son grand-père ne serait pas mort à cause de l'explosion atomique lors du bombardement de Nagasaki le 9 aout 1945, mais il aurait été empoisonné et serait mort avant l'explosion. L'auteur de cet empoisonnement ne serait autre que Yukiko, sa propre fille. Pourquoi ? C'est ce que va découvrir la jeune femme au fil du récit que lui a laissé sa mère. L'histoire de Yukiko nous replonge à l'époque de la fin de la seconde guerre mondiale. Elle est alors une jeune fille innocente qui, au hasard des circonstances, va faire d'étranges révélations au sujet de son père mais aussi au sujet de ses voisins immédiats dont le fils, Yukio, est son ami. Quels secrets se cachent derrière les apparences ? C'est ce que Aki Shimazaki nous invite à découvrir au fil de ces cinq romans où plusieurs personnages, tous liés par le même destin se racontent les uns après les autres. Dans cette pentalogie à l'aspect kaléidoscopique, chaque personnage nous en apprend un peu plus sur les secrets et les interrogations qui se posent d'emblée dès la lecture du premier de ces romans. Mais chaque révélation est aussi une ouverture vers d'autres questionnements, vers d'autres ramifications de l'intrigue qui, de l'époque contemporaine nous ramènent vers le début du XXème siècle. On apprend ainsi au fil des cinq tomes le déroulement et les multiples intrications et connexions qui se jouent entre les protagonistes de l'histoire. Mais on assiste également en arrière-plan à l'évocation d'une page de l'histoire récente du Japon. C'est aussi toute une vision méconnue de la société japonaise qui nous est révélée : un nationalisme exacerbé, une xénophobie latente et une hiérarchisation des classes sociales qui faussent et pervertissent les rapports humains les plus simples et les plus innocents.
Je ne me hasarderai pas à raconter ou à résumer quoi que ce soit du récit qui se déroule au fil de ces cinq romans, de peur de déflorer l'intrigue, préférant en cela laisser aux futures lectrices et lecteurs le plaisir de découvrir par eux-mêmes la captivante histoire imaginée par Aki Shimazaki. Mais que l'on ne s'y trompe pas, ce récit n'est pas un thriller ni un roman policier. Pourtant, on ne peut s'empêcher, une fois la lecture commencée, de tenter d'en savoir plus sur le destin de chacun des protagonistes de cette histoire tant ce récit est mené de main de maître. Servie par une écriture sobre et fluide, l'histoire de Yukio et Yukiko, de leurs parents, mais aussi de leurs enfants emmènera le lecteur dans un récit captivant qui s'étend sur trois générations. On y verra que le destin des uns et des autres est bien souvent le fruit du pur hasard, que le moindre geste, la moinde parole, la décision la plus anodine, peuvent, à l'instar de l'effet papillon, se révéler lourds de conséquences pour des êtres que séparent le temps et l'espace.
D'une prodigieuse inventivité, d'une construction remarquable, « Le poids des secrets », ce roman en cinq actes, ce drame subtil empreint d'une poésie sous-jacente nous invite à découvrir la face cachée de la société japonaise tout en nous offrant un récit qui est aussi une méditation sur la destinée humaine et la part de hasard inhérente à chacune de nos existences. Sublime. | |
| | | Invité Invité
| | | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Shimazaki Aki Sam 1 Déc 2007 - 0:57 | |
| Et bien si après ça, on n'a pas envie de Le poids des secrets...... Il faut tout lire dans l'ordre? | |
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| Sujet: Re: Shimazaki Aki | |
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| | | | Shimazaki Aki | |
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