Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Paul Valéry

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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptySam 15 Jan 2011 - 22:11

pour la route et s'ouvrir un peu les yeux :


Je marche sur les bords de la mer et je me parle. Je ne vois rien au milieu de la vaste vue. Je marche dans mon incohérence propre, - abstraite et amoureuse et triste et irritée et extralucide et enflammée parfois... Le vent tire la torche, brouille et excite la torche spirituelle.

Il se lève. Il allume sa lampe. Il ressent toute la montée amère et claire de la pensée, la présence du réel bien nette et détachée sur le sommeil qui vient de finir, sur l'ombre qui entoure la table.
Il va ouvrir au jour qui doit être déjà bien clair. Il bénit le jour de la fenêtre ouverte, aspire l'air, implore le principe, demande la lumière à la lumière. L'abstraction, et l'amour.
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyVen 18 Mar 2011 - 10:32

Le Cimetière marin


Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
Ô récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, OEil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous une voile de flamme,
Ô mon silence !... Edifice dans l'âme,
Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit !

Temple du temps, qu'un seul soupir résume,
A ce point pur je monte et m'accoutume,
Tout entouré de mon regard marin ;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l'altitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l'âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change !
Après tant d'orgueil, après tant d'étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m'abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir.

L'âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié !
Je te rends pure à ta place première :
Regarde-toi !... Mais rende la lumière
Suppose d'ombre une morne moitié.

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d'un coeur, aux sources du poème,
Entre le vide et l'évènement pur,
J'attends l'écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l'âme un creux toujours futur !

Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l'attire à cette terre osseuse ?
Une étincelle y pense à mes absents.

Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres ;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux !

Chienne splendide, écarte l'idolâtre !
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Eloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux !

Ici venu, l'avenir est paresse.
L'insecte net gratte la sécheresse ;
Tout es brûlé, défait, reçu dans l'air
A je ne sais quelle sévère essence...
La vie est vaste, étant ivre d'absence,
Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même...
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.

Tu n'as que moi pour contenir tes craintes !
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant ...
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L'argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs !
Où sont des morts les phrases familières,
L'art personnel, les âmes singulière ?
La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge
Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici ?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse ?
Allez ! Tout fuit ! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi !

Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse !
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel !

Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Etes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N'est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, Il ne me quitte pas !

Amour, peut-être, ou de moi-même haine ?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir !
Qu'importe ! Il voit, Il veut, il songe, il touche !
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
A ce vivant je vis d'appartenir !

Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d'Elée !
M'as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m'enfante et la flèche me tue !
Ah! Le soleil...Quelle ombre de tortue
Pour l'âme, Achille immobile à grands pas !

Non, non !...Debout ! Dans l'ère succesive !
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
Buvez, mon seil, la naissance du vent !
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme..Ô puissance salée !
Courrons à l'onde en rejaillir vivant.

Oui ! Grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolu, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l'étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil.

Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs !



(Extrait de "Charmes", in Poésies. NRF/Poésie Gallimard)
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyJeu 21 Avr 2011 - 11:50



Paul Valéry - Page 2 Marie210


La Dormeuse


A Lucien Fabre


Quels secrets dans son coeur brûle ma jeune amie,
Ame par le doux masque aspirant une fleur ?
De quels vains aliments sa naïve chaleur
Fait ce rayonnement d'une femme endormie ?

Souffle, songes, silence, invincible accalmie,
Tu triomphes, ô paix plus puissante qu'un pleur,
Quand de ce plein sommeil l'onde grave et l'ampleur
Conspirent sur le sein d'une telle ennemie.

Dormeuse, amas doré d'ombres et d'abandons,
Ton repos redoutable est chargé de tels dons,
Ô biche avec langueur longue auprès d'une grappe,

Que malgré l'âme absente, occupée aux enfers,
Ta forme au ventre pur qu'un bras fluide drape,
Veille ; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts.



(Extrait de Charmes, in Poésies / NRF / Poésie / Gallimard)


Illustration : Le rêve (triptyque) de Marie Laurence Gaudrat








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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyJeu 21 Avr 2011 - 23:02

c'est marrant ça fait trois jours que je me dis que je n'ai pas le temps.

Que de choses tu n'as pas vues, dans cette rue où tu passes 6 fois le jour, dans ta chambre où tu vis tant d'heures par jour! - Regarde l'angle que fait cette arrête de meuble avec le plan de la vitre. Il faut le reprendre au quelconque, au visible non vu, - le sauver, - lui donner ce que tu donnes par imitation, par insuffisance de ta sensibilité, au moindre paysage sublime, coucher de soleil, tempête marine, ou à quelque œuvre de musée. Ce sont là des regards tout faits. Mais donne à ce pauvre, à ce coin, à cette heure et chose insipides - et tu seras récompensé au centuple...

je crois que j'aime bien le côté simple de ce qui est dit, la limite même de la manière de le dire, mélange d'effort et d'insuffisance. Pas seulement dans ce fragment mais dans le reste de ce que je parcours dans le Poésie perdue, les poèmes en prose des Cahiers (NRF/Gallimard).


Dernière édition par animal le Ven 22 Avr 2011 - 20:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyVen 22 Avr 2011 - 10:52

animal a écrit:
c'est marrant ça fait trois jours que je me dis que je n'ai pas le temps.
(NRF/Gallimard).



Tu n'avais "Pas le temps" de copier cet extrait de texte ou celui de le mettre en application ... ?
Dans les deux cas, voler sur son temps pour copier un texte, ou prendre le temps de poser son regard sur la banalité apparente des choses pour réinventer son propre univers poétique, est devenu un luxe ... alors, l'enseignement de Paul Valéry nous donne certes à réfléchir, mais son éloge de la conscience du soi créatif par rapport à l'objet, questionne sur la perte de la lenteur dans notre société actuelle où tout est vitesse ...
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyVen 22 Avr 2011 - 20:46

pas le temps de poster surtout, le reste...

ce qui m'intéressai, hier (entre autres), ce n'était pas forcément le message pour lui même, que son aspect d'évidence mélanger à cette forme à la fois travaillée et dans le mur de sa limite. ce qui est aussi un des sens de ce texte. Dans ce recueil je trouve qu'il arrive à être précis, mais aussi un peu gauche, emprunté, sans que ce soit évitable finalement. Le rapport de l'auteur avec la limite de l'expression ou de son expression. Sans que ça n'enlève rien à la démarche d'ailleurs ou au personnage.

vitesse c'est réducteur. précipitation peut-être ? après tout le temps est supposé être le même pour chacun chacune.
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyVen 22 Avr 2011 - 23:19

Pour ma part, si je me suis intéressée au fond, c'est que la forme ne bénéficie pas du style si élaboré de Valéry , auquel je suis sensible ...

Quant à la vitesse, je ne pensais évidemment pas au rythme tranquille d'une petite ville provinciale, mais à celle des mégapoles qui concentrent la majorité des populations urbaines ... dans ces ruches citadines, c'est métro-boulot-dodo, et au pas de course ... !
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyVen 22 Avr 2011 - 23:33

à lire ce qu'il y a dans ce bouquin de notes ou fragments en prose, on ressent quand même un certain retour, une même marche vers un même but, la recherche d'une complétude et l'expression à la fois de la démarche ou marche et de son but. après je connais mal Valéry et ce n'est que mon impression.

pour la petite ville de province je t'assure qu'on peut y passer des journées, des semaines et des mois un peu écrasants, et encore je suis loin d'être dans les plus à plaindre. tu peux aussi dormir 6h et travailler 10, 12 ou 15h, tu peux aussi penduler pour des centaines de kilomètres, t'endormir à un feu rouge ou ailleurs... pas parce qu'il y a des arbres derrière les fenêtres que c'est les vacances.

la vitesse ça peut encore être un timing, quelque chose de coulé, fluide, précis, très légèrement au-dessus du réel. ou Country dans ce fameux film Country Man. C'est le taux de présence en soi même qui est difficile à appréhender, maybe.
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyDim 22 Mai 2011 - 12:18

Extrait de "Le bilan de l'intelligence", texte d'une conférence prononcée le 16 janvier 1935 à l'université des Annales ... après cette brillante analyse, je n'aurai pas l'outrecuidance de me permettre de le commenter, néanmoins il est remarquable de constater que cette analyse est plus que jamais d'actualité ...



Citation :
Tout se passe dans notre état de civilisation comme si, ayant inventé quelque substance, on inventait d'après ses propriétés une maladie qu'elle guérisse, une soif qu'elle puisse apaiser, une douleur qu'elle abolisse.
On nous inocule donc, pour des fins d'enrichissement, des goûts et des désirs qui n'ont pas de racine dans notre vie psysiologique profonde, mais qui résultent d'excitations psychiques et sensorielles délibérément infligées.
L'homme moderne s'enivre de dissipation. Abus de vitesse, abus de lumière, abus de toniques, de stupéfiants, d'excitants ...
Abus de fréquence dans les impressions; abus de diversité; abus de résonnance; abus de facilités; abus de merveilles; abus de ces prodigieux moyens de déclenchement, par l'artifice desquels d'immenses effets sont mis sous le doigt d'un enfant.
Toute vie actuelle est inséparable de ces abus.
[...] Quant à notre sens le plus central, ce sens intime de la distance entre le désir et la possession de son objet, qui n'est autre que le sens de la durée, ce sentiment du temps, qui se contentait jadis de la vitesse de la course des chevaux, il trouve aujourd'hui que les rapides sont bien lents, et que les messages électriques le font mourir de langueur.
[...] L'espace libre et le temps libre ne sont plus que des souvenirs. Le temps libre dont il s'agit n'est pas le loisir, tel qu'on entend d'ordinaire. Le loisir apparent existe encore, et même ce loisir apparent se défend et se généralise au moyen de mesures légales et de perfectionnements mécaniques contre la conquête des heures par l'activité. [...]
Mais je dis que le loisir intérieur qui est tout autre chose que le loisir chronométrique, se perd.
Nous perdons cette paix essentielle des profondeurs de l'être, cette absence sans prix, pendant laquelle les éléments les plus délicats de la vie se rafraîchissent et se réconfortent, pendant laquelle l'être, en quelque sorte, se lave du passé et du futur, de la conscience présente, des obligations suspendues et des attentes embusquées ...
Point de souci, point de lendemain, point de pression intérieure; mais une sorte de repos dans l'absence, une vacance bienfaisante, qui rend l'esprit à sa liberté propre.
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyMar 24 Mai 2011 - 9:28

Autre extrait de "Le bilan de l'intelligence" :




Citation :
[...] Allez donc entendre du La Fontaine, du Racine, récité dans une école quelconque !
La consigne est littéralement d'ânonner, et, d'ailleurs, jamais la moindre idée du rythme, des assonances et des allitérations qui constituent la substance sonore de la poésie n'est donnée et démontrée aux enfants. On considère sans doute comme futilités ce qui est la substance même de la poésie. Mais, en revanche, on exigera des candidats aux examens une certaine connaissance de la poésie et des poètes. Quelle étrange connaissance !
N'est-il pas étonnant que l'on substitue cette connaissance purement abstraite (et qui n'a d'ailleurs qu'un rapport lointain avec la poésie), à la sensation même du poème ?
[...] L'idée fondamentale semble ici, comme en d'autres matières, d'instituer des moyens de contrôles faciles, car rien n'est plus facile que de constater la conformité de l'écriture d'un texte, ou sa non-conformité, avec l'orthographe légale, aux dépens de la véritable connaissance, c'est-à-dire de la sensation poétique. L'orthographe est devenue le criterium de la belle éducation, cependant que le sentiment musical, le nombre et le dessin des phrases ne jouent absolument aucun rôle dans les études ni dans les épreuves ...
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptySam 3 Sep 2011 - 11:30

Journées Paul Valéry à Sète
Du 23 au 25 septembre.
Première édition, au musée Paul Valéry.

Citation :
Durant ces journées, poètes, spécialistes internationaux, philosophes et musiciens donneront lectures et conférences. Sont notamment attendus Salah Stétié, l’un des plus grands poètes libanais de langue française, Nenad Milosevic, grand poète serbe, Philippe Delaveau, et d’illustres universitaires comme Michel Jarrety, biographe de Paul Valéry et Kunio Tsunekawa, directeur du Centre d’études valéryennes au Japon.

A l’occasion, de précieuses pièces seront exposées, comme le premier manuscrit du «Cimetière marin», le cahier des premiers poèmes du jeune Valéry, ainsi qu’un ensemble de ses peintures et œuvres graphiques.

©bibliobs
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptyLun 23 Jan 2012 - 11:30




Paul Valéry - Page 2 Laura_10



La fileuse


Lilia..., neque nent

Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée.

Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts fragiles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s'incline.

Un arbuste et l'air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l'oisive.

Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.

Mais la dormeuse file une laine isolée;
Mystérieusement l'ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse ...

Derrière tant de fleurs, l'azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir ... Tu es éteinte

Au bleu de la croisée où tu filais la laine.



(Extrait de "Album de vers anciens", in Anthologie poésie française XX ème siècle/ NRF/Poésie/Gallimard)

Illustration : "La fileuse" de Laura Leroux-Revault


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Thierry Cabot
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptySam 12 Oct 2013 - 14:42

Merci elena et tous les commentateurs de ce fil.
Les poèmes que vous avez choisis sont particulièrement beaux.
J'ai commencé à aimer Paul Valéry à partir de ma vingtième année, pas avant. C'est peu à peu en effet que je me suis approché de cet art subtil, à la fois cérébral et sensuel, de ces vers euphoniques d'une incroyable plasticité où rien n'est laissé au hasard.  
Définissant la poésie comme "une hésitation prolongée entre le son et le sens", Paul Valéry a su au prix d'un travail acharné (il semble d'ailleurs qu'il ne croyait guère à l'inspiration) nous offrir d'inestimables pépites !
C'est un bonheur de le retrouver ici.
Bien amicalement à tous.

Thierry
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptySam 12 Oct 2013 - 18:01

Et merci à toi, d'avoir fait remonter ce fil, Thierry.
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Thierry Cabot
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MessageSujet: Re: Paul Valéry   Paul Valéry - Page 2 EmptySam 9 Nov 2013 - 21:48

Ces deux poèmes de Paul Valéry me paraissent tout à fait délicieux :

À Francis de Miomandre.

Quelle, et si fine, et si mortelle,
Que soit ta pointe, blonde abeille,
Je n’ai, sur ma tendre corbeille,
Jeté qu’un songe de dentelle.

Pique du sein la gourde belle,
Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,
Qu’un peu de moi-même vermeille,
Vienne à la chair ronde et rebelle !

J’ai grand besoin d’un prompt tourment :
Un mal vif et bien terminé
Vaut mieux qu’un supplice dormant !

Soit donc mon sens illuminé
Par cette infime alerte d’or
Sans qui l’Amour meurt ou s’endort !


Le Sylphe

Ni vu ni connu
Je suis le parfum
Vivant et défunt
Dans le vent venu
                             
Ni vu ni connu
Hasard ou génie ?
A peine venu
La tâche est finie !
                                               
Ni lu ni compris ?
Aux meilleurs esprits
Que d’erreurs promises !
                                     
Ni vu ni connu,
Le temps d’un sein nu
Entre deux chemises !
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