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| Un bon début, ça aide... | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Dim 21 Juin 2009 - 19:44 | |
| Mais nooon...L'occasion était trop belle de te taquiner un peu. Et puis question beauté, subtilité et sensibilité, je suis servie avec Poussière, de Rosamund Lehman, notre lecture commune. |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: asser de nombreuses Mar 23 Juin 2009 - 19:39 | |
| Notre prison s 'élevait à l' extrémité de la forteresse, tout près du rempart. Souvent nous nous mettions à regarder à travers les fentes de la cloture le monde du bon Dieu, pour apercevoir quelque chose ; mais nous ne voyions guère qu' un petit bout du cil et un haut rempart de terre battue, tout tapissée de mauvaises herbes. Sur ce rempart, nuit et jour, allaient et venaient des sentinelles. On se mettait alors à penser que des années passeraient pendant qu' on continuerait à venir regarder à travers les fenetres de la cloture pour voir toujours le meme rempart, les memes sentinelles et le meme petit bout de ciel. Par exemple, pas du ciel qui s' étend au dessus de la prison ! Non de l' autre, lointain et libre !
Dostoievski - Souvenirs de la maison des morts
Peu de gens savent que Dostoievski fut condamné à mort, puis gracié, avant de passer de nombreuses années dans un bagne de Sibérie. Et ce livre mérite d' etre lu en tant que document exemplaire.
Dernière édition par bix229 le Jeu 25 Juin 2009 - 23:30, édité 1 fois | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Mar 23 Juin 2009 - 19:51 | |
| - bix229 a écrit:
- Peu de gens savent que Dostievski fut condamné à mort, puis
gracié, avant de passer de nombreuses années dans un bagne de Sibérie. Et ce livre mérite d' etre lu en tant que document exemplaire. Magnifique! Et la version que Janacek a créée pour l'opéra reprend l'essentiel des récits de ces différents prisonniers. L'enregistrement DVD du duo Boulez/Chéreau est un bon moyen de découvrir ce texte (ou de le voir après la lecture). Tu as du être particulièrement sensible à l'anecdote de l'aigle dont s'occupe le jeune Alyeya (chez Chéreau en tout cas) et qu'on libère vers la fin... Nous eûmes aussi pendant quelque temps dans notre prison un aigle des steppes, d’une espèce assez petite. Un forçat l’avait apporté blessé et à demi mort. Tout le monde l’entoura, il était incapable de voler, son aile droite pendait impuissante ; une de ses jambes était démise. Il regardait d’un air courroucé la foule curieuse, et ouvrait son bec crochu, prêt à vendre chèrement sa vie. Quand on se sépara après l’avoir assez regardé, l’oiseau boiteux alla, en sautillant sur sa patte valide et battant de l’aile, se cacher dans la partie la plus reculée de la maison de force, il s’y pelotonna dans un coin et se serra contre les pieux. Pendant les trois mois qu’il resta dans notre cour, il ne sortit pas de son coin. Au commencement, on venait souvent le regarder et lancer contre lui Boulot, qui se jetait en avant avec furie, mais craignait de s’approcher trop, ce qui égayait les forçats. — « Une bête sauvage ! ça ne se laisse pas taquiner, hein ? » Mais Boulot cessa d’avoir peur de lui, et se mit à le harceler ; quand on l’excitait, il attrapait l’aile malade de l’aigle qui se défendait du bec et des serres, et se serrait dans son coin, d’un air hautain et sauvage, comme un roi blessé, en fixant les curieux. On finit par s’en lasser ; on l’oublia tout à fait ; pourtant quelqu’un déposait chaque jour près de lui un lambeau de viande fraîche et un tesson avec de l’eau. Au début et durant plusieurs jours, l’aigle ne voulut rien manger ; il se décida enfin à prendre ce qu’on lui présentait, mais jamais il ne consentit à recevoir quelque chose de la main ou en public. Je réussis plusieurs fois à l’observer de loin. Quand il ne voyait personne et qu’il croyait être seul, il se hasardait à quitter son coin et à boiter le long de la palissade une douzaine de pas environ, puis revenait, retournait et revenait encore, absolument comme si on lui avait ordonné une promenade hygiénique. Aussitôt qu’il m’apercevait, il regagnait le plus vite possible son coin en boitant et sautillant ; la tête renversée en arrière, le bec ouvert, tout hérissé, il semblait se préparer au combat. J’eus beau le caresser, je ne parvins pas à l’apprivoiser : il mordait et se débattait, sitôt qu’on le touchait ; il ne prit pas une seule fois la viande que je lui offrais, il me fixait de son regard mauvais et perçant tout le temps que je restais auprès de lui. Solitaire et rancunier, il attendait la mort en continuant à défier tout le monde et à rester irréconciliable. Enfin les forçats se souvinrent de lui, après deux grands mois d’oubli, et l’on manifesta une sympathie inattendue à son égard. On s’entendit pour l’emporter : « Qu’il crève, mais qu’au moins il crève libre », disaient les détenus.
— C’est sûr ; un oiseau libre et indépendant comme lui ne s’habituera jamais à la prison, ajoutaient d’autres.
— Il ne nous ressemble pas, fit quelqu’un.
— Tiens ! c’est un oiseau, tandis que nous, nous sommes des gens.
— L’aigle, camarades, est le roi des forêts… commença Skouratof, mais ce jour-là personne ne l’écouta. Une après-midi, quand le tambour annonça la reprise des travaux, on prit l’aigle, on lui lia le bec, car il faisait mine de se défendre, et on l’emporta hors de la prison, sur le rempart. Les douze forçats qui composaient la bande étaient fort intrigués de savoir où irait l’aigle. Chose étrange, ils étaient tous contents comme s’ils avaient reçu eux-mêmes la liberté.
— Eh ! la vilaine bête, on lui veut du bien, et il vous déchire la main pour vous remercier ! disait celui qui le tenait, en regardant presque avec amour le méchant oiseau.
— Laisse-le s’envoler, Mikitka !
— Ça ne lui va pas d’être captif. Donne-lui la liberté, la jolie petite liberté.
On le jeta du rempart dans la steppe. C’était tout à la fin de l’automne, par un jour gris et froid. Le vent sifflait de la steppe nue et gémissait dans l’herbe jaunie, desséchée. L’aigle s’enfuit tout droit, en battant de son aile malade, comme pressé de nous quitter et de se mettre à l’abri de nos regards. Les forçats attentifs suivaient de l’œil sa tête qui dépassait l’herbe.
— Le voyez-vous, hein ? dit un d’eux, tout pensif.
— Il ne regarde pas en arrière ! ajouta un autre. Il n’a pas même regardé une fois derrière lui.
— As-tu cru par hasard qu’il reviendrait nous remercier ? fit un troisième,
— C’est sûr, il est libre. Il a senti la liberté.
— Oui, la liberté.
— On ne le reverra plus, camarades.
— Qu’avez-vous à rester là ? en route, marche ! crièrent les soldats d’escorte, et tous s’en allèrent lentement au travail | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Mer 24 Juin 2009 - 18:03 | |
| Il y a sept ans jour pour jour, je me suis juré de raconter, en partie du moins, l' histoire d' Auréline Foulc, et la mienne par conséquent.
Je me souviens du lieu et des circonstances précises de ce serment, fait dans un moment de colère. C' était un matin de septembre comme aujourd' hui. Je m' étais levé de bonne heure, j' avais bu sept ou huit tasses de café et j' étais parti en auto sur des routes départementales encombrées de tracteurs qui tiraient des pastières pleines de grappes. Depuis le début de la semaine, autour de Nmes, les vendanges battaient leur plein malgré des averses.
Après avoir roulé assez longtemps à petite allure, je finis par laisser les vignobles derrière moi et je pénetrai dans la partie occidentale du delta du Rhone qu' on appelle la Petite Camargue. Et la pluie jetait des hachures noiressur l' horizon.
Jean Pierre MILOVANOFF - Auréline
Jean Pierre Milovanoff est un écrivain de Nimes et je connais bien le pays dont il parle. C' est un conteur poétique et un peu mélancolique. Les femmes sont presque toujours au coeur de ses histoires...
Lisez donc La Rosita, La Splendeur d' Anronia, Le Maitre des paons, Auréline, Emily ou la déraison, et son dernier, L' amour est un fleuve de Sibérie. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Jeu 25 Juin 2009 - 20:33 | |
| Des hommes marchaient de nuit, dans la rue. Ils fredonnaient. Derrière eux, il y avait une tache rouge dans la nuit. Effroyable était cette tache rouge. Car cette tache était un village. Et ce village - et ce village brulait. Les hommes y avaient mis le feu. Car ces hommes étaient des soldats. Car c' était la guerre. Et la neige criait sous leurs souliers à clous. Effroyablement criait la neige. Les gens se tenaient tout autour de leurs maisons.
Wolfgang BORCHERT - Chère nuit gris-bleu
Borchert est mort à 26 ans, en novembre 47. C' était un écrivian considérable et précoce comme Stig Dagerman.
En hommage à Tom Léo qui en avait si bien parlé.
Dernière édition par bix229 le Jeu 25 Juin 2009 - 23:29, édité 1 fois | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Jeu 25 Juin 2009 - 23:14 | |
| Merci, Bix!!!
C'est vraiment plus qu'un écrivain pour moi... Son écriture déchire le coeur, est tellement forte: pas de place pour des choses superflues... | |
| | | Mina M Posteur en quête
Messages : 91 Inscription le : 22/06/2009
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Ven 26 Juin 2009 - 11:54 | |
| Grave. Sombre. Epaisse. Sensuelle. Une voix du matin qui sentait le café chaud. Une voix d'homme. La première fois ce n'était qu'une voix.Madeleine, Amanda Sthers: en espérant que la suite sera à la hauteur de ce début si prometteur | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Ven 26 Juin 2009 - 15:21 | |
| La ville qui s'éveillait arracha John Moore à cet état de torpeur qui, dans la chaleur suffocante de l'été à Chungking, tenait lieu de sommeil. En 1939, à son arrivée dans la cité assiégée, cette cacophonie matinale l'avait exaspéré. Il avait détesté cet étalement de maisons blessées, la stidence, l'odeur et les foules; toutes ces foules qui, telle une lèpre, défiguraient l'abrupt promontoire rocheux érodé par ses deux rivières, Le majestueux Yangtse et le beau Tchialling. Mais on était en 1944, cinq ans plus tard, et John Moore aimait maintenant la ville mutilés par la guerre à cause précisément de cette agression constante qu'elle imposait à ses sens, symbole toujours renouvelé de l'héroîsme et de la trahison. La crasse, le bruit, l'inconfort des étés torrides et des hivers opaques de brouillard qui étaient des défis qui lui manquaient quand il était loin, comme si une partie de lui-même avait pris ses racines sur ce roc dénudé. Cinq ans plus tôt, âgé de trente ans et plein de noble certitudes sur le bien et le mal, il était arrivé en Chine, reporter en herbe. Il venait témoigner dans cette guerre farouche qui opposait le peuple chinois assiégé à l'envahisseur japonais. Les villes, les provinces étaient tombées, les unes après les autres. Mais le peuple têtu ne cédait pas; il refusait de capituler. Nanking, Shanghai, Wuhan étaient tombées. Le gouvernement de Tchiang Kaishek s'était replié sur Chungking, dans la lointaine province de Szechuan. Puis, en mai 1939, les Japonais avaient bombardé et incendié la ville surpeuplée. Ils n'avaient pourtan pu briser le courage des habitants qui, après avoir tant bien que mal réparé les dégâts, vivaient, s'activaient, riaient parmi les gravats et la cendre. La cité reconstruite avait été à nouveau bombardée, encore et encore... John Moore avait participé à cette renaissance, à cette résistance. Et il savait désormais pourquoi les Américains résidant en Chine tombaient amoureux de la Chine. De son peuple.
Jusqu'au matin - Han Suyin | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Ven 26 Juin 2009 - 15:24 | |
| - bix229 a écrit:
- Des hommes marchaient de nuit, dans la rue.
Ils fredonnaient. Derrière eux, il y avait une tache rouge dans la nuit. Effroyable était cette tache rouge. Car cette tache était un village. Et ce village - et ce village brulait. Les hommes y avaient mis le feu. Car ces hommes étaient des soldats. Car c' était la guerre. Et la neige criait sous leurs souliers à clous. Effroyablement criait la neige. Les gens se tenaient tout autour de leurs maisons.
Wolfgang BORCHERT - Chère nuit gris-bleu
Borchert est mort à 26 ans, en novembre 47. C' était un écrivian considérable et précoce comme Stig Dagerman.
En hommage à Tom Léo qui en avait si bien parlé. Je ne connaissais pas, cet auteur. mais à découvrir bientôt pour moi. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Dim 28 Juin 2009 - 19:08 | |
| En aout, dans nos pays, un peu avant le soir, une puissante chaleur embrase les champs. Il n' y a rien de mieux à faire que rester chez soi, au fond de la pénombre, en attendant l' heure du diner. Ces métairies, que tourmentent les vents d' hiver et que l' été accable, ont été baties en refuges et, sous leurs murailles massives, on s' abrite tant bien que mal de la fureur des saisons. Henri BOSCO - Le Mas Théotime. Je ne vous présenterai pas Henri Bosco devenu un auteur fétiche de ce forum. Quant aux nouveaux arrivés, ils lisent le fil Bosco et galopent chez leur libraire préféré.. | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Lun 29 Juin 2009 - 22:36 | |
| Ethan se réveilla lentement. L'odeur métallique de l'orage flottait dans l'air. Son coeur battit plus fort à la pensée du miracle de sa vie. Moi, pensa-t-il; et le mot passa comme la lueur d'un éclair. Il sortit du lit et enfila son jean. Sur une paillasse à même le plancher, Nate dormait. Ethan resta immobile un moment à le contempler. Depuis le jour de la naissance de son fils. il l'avait toujours considéré comme son étoile Polaire. Il se pencha sur lui et repoussa ses cheveux sur son front. " Allons fiston, c'est l'heure." Nate s'étira. Sans même lui ôter son pyjama, Ethan l'en- veloppa d'une parka et le prit dans ses bras. Il savait qu'il y avait besoin d'une paire de chaussures dans le pick-up. " Ballon, papa", dit Nate, encore à moitié endormi. Ethan se pencha et ramassa le ballon tout dégonflé que Nate avait reçu la veille pour ses trois ans. Nate le saisit et s'y cramponna pendant qu'Ethan lui mettait tant bien que mal sa veste, le maintenant d'abord d'un bras, puis de l'autre. Il grandissait si vite, il était presque trop lourd pour qu'on le porte. Le jour ne pointerait pas avant une heure. Il faisait froid mais Ethan sentait sourdre la chaleur annonciatrice de la tempête. La neige n'allait pas tarder, c'était perceptible dans l'odeur particulière de l'air. Il était encore tôt dans la saison - le 1er décembre - mais elle promettait d'être effroyable.
Perdu dans les bois - Leslie Schwartz | |
| | | bulle Zen littéraire
Messages : 7175 Inscription le : 02/07/2007 Age : 67 Localisation : Quelque part!
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Mer 1 Juil 2009 - 23:23 | |
| Des années durant, j'ai eu la hantise du jour où tu ne me reconnaitrais plus. C'est arrivé. La première fois, tu était assis sur un banc au soleil, dans cette maison, là-bas. Près de Milly-la-Forët. Je t'ai vu de loin. Les épaules affaissées. La tête basse. Les yeux collés à tes peids nus et enflés. Un viel enfant abandonné. Je suis venue vers toi. Je me suis assise à tes côtés. J'ai pris ton visage entre mes maisn et je t'ai embrassé. Tu m'as regardée. Tu as dit: " Comme vous êtes gentille." Quelque chose s'est vidé en moi. Pas ça, Christian. Pas ça. Il me semblait déceler dans tes yeux, pleins d'une tendresse absente, la fin de notre jeunesse. Une vieille femme très maigre est sortie du bâtiment. Elle marchait vite. Marmonnait qu'elle était en retard. Elle s'est brusquement arrêtée, son regard figé sur la grille fermée. Elle a laissé tomber ses bras, Comme toi... j'aurais voulu t'arracher à tout cela, et le sentiment de mon impuissance m'a submergée. En rentrant à Paris, j'avais mal au coeur, et j'ai arrêté l'auto au bord de la route. Les derniers rayons du soleil rasaient les herbes hautes qui ondulaient mollement comme les algues sous la mer. Le ciel était doux. C'était un jour fait pour être heureux.
Ton chapeau au vestiaire - Nadine Trintignant | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Jeu 2 Juil 2009 - 21:54 | |
| L' étui à violencelle s' ouvre, sur la doublure de velours d' un rouge vineux repose une mitrailleuse toute neuve. A l' aube grise, on découvre les cadavres : au cours de sa ronde, le laitier les trouve auprès des bouches à incendies, le lift boy dans le hall de l' hotel, le magasinier dans le hangar, entre les bidons d' huile. La plus grande teinturerie de la place a mis dans sa vitrine un écriteau sur lequel on lit : "Ici on répare les trous de balles dans les vetements. Invisibilité garantie." Vers midi, l' on voit apparaitre les premières flappers, ce sont les dames aux cheveux oxygénés affublées de robes invraisemblablement courtes et de chapeaux en pots de fleurs enfoncés sur leur tignasse coupée. Des Cadillac noires, lourdement blindées, s' arretent devant le restaurant de luxe situé en face de l' Hotel de ville où les assassins offrent un banquet en l' honneur du Conseil municipal. Hans Magnus ENZENBERGER - Chicago Ballade. Enzenberger fait partie de mon Panthéon personnel depuis que j' ai lu Durruti. Le bref été de l' anarchie. C' est un poète, un écrivain et un homme passionné et passionnant et tout ce qu' il publie est également interessant, curieux et pointu. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Mar 7 Juil 2009 - 18:56 | |
| Le jeune homme schizophrénique était maigre comme beaucoup de gens dans de tels états mentaux. En effet, il semblait plutôt dénourri. Peut-être était-il même dans un état de marasme; du moins sa mère semblait-elle quelquefois penser ceci. Les os malaires du jeune homme faisaient saillie nettement, les joues étaient creuses et les veines étaient bien distinctes à travers la peau mince. En conséquence de sa vie très sédentaire, presque celle d'un invalide (ce qu'il était de plusieurs de points de vue), il avait très peu de musculature et était très faible, cette faiblesse étant peut-être un important facteur de la grande peur que reflétaient ses yeux grands ouverts peur de la nature ainsi que de ses semblables, peur de la mort aussi bien, en quelque sorte, que de la vie. Son visage et en particulier sa bouche semblaient le plus souvent grimacés par un mélange de tristesse et de douleur, la bouche étant du reste plutôt petite et les commissures des lèvres dirigées en bas.
Le jeune homme avait été dans beaucoup d'hôpitaux d'aliénés, presque toutes les fois son transport, sinon aussi son admission automatique, ayant été arrangé préalablement et à son insu par sa mère, comme très souvent on le fait d'une telle manière sournoise avec les gens que les psychiatres jugent ou du moins disent malades. En ce cas le diagnostic avait été la schizophrénie, terme emprunté au grec et qui veut dire étymologiquement esprit fendu. Sa mère tenait en effet le rôle déterminant et définitif dans les décisions importantes de l'hospitaliser ou non. Son père, d'après ses propres mots, n'aurait jamais fait appel à ces méthodes de contrainte, et son beau-père n'en avait peut-être ni le droit légal, ni même le droit moral. Le schizo et les langues de Louis Wolfson Je ne peux, une nouvelle fois, que vous inviter à lire ce roman incroyable qui nous plonge dans le quotidien d'un schizophrène raconté par lui-même à la troisième personne. Il y a peu d'équivalent à part peut-être l'œuvre d'Antonin Artaud ou quelques Janet Frame... Mais ce qu'il y a de profondément original chez Wolfson c'est la façon dont il invente un néolangage et toutes sortes de rituels défensifs pour conjurer l'intrusion persécutoire de sa langue maternelle. C'est en même temps un roman plein d'humour (malgré la souffrance qui imprègne chaque page) et d'invention où il rencontre son père fluidique sur un banc public, une femme de joie, des maçons francophones, des bibliothèques et des frigidaires... Génial! | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Sam 11 Juil 2009 - 22:36 | |
| PAROIS DE PLUIE
Epuisée par les nuits de veille, d' incertitudes, d' espoirs contradictoires, celui de la garder vivante et celui de la perdre, la perdre pour que cesse la dégradation de ce corps qui se défaisait, de cet esprit qui s' engluait, de cette respiration qui devenait sifflante, de plus en plus oppressée. Ne plus voir ce regard autrefois si aimant, si tendre et qui, au moment de la fin, était devenu dilaté, noir, sans pupilles, ouvert sur un abime de ténébres venant d' un pays qui n' était déjà plus le votre.
Marie DIDIER - Morte saison sur la ficelle, p. 95
Si l' on me demandait le nom d' une romancière française, je crois que le nom de >Marie Didier se présenterait spontanément . Marie Didier est médecin à Toulouse, et depuis 1988, elle a écrit 6 livres, dont La Contre visite, et depuis, elle m' est devenue indispensable. J' aime beaucoup Marie Didier, sa sensibilité et son talent qui font d' elle une romancière tout à fait à part. De son métier de médecin, elle a gardé la compassion et le regard lucide de ceux qui savent, mais qui n' en continuent pas moins à exercer, à regarder, à écouter... Dans tous ses livres elle manifeste sa générosité et sa compréhension envers tous ceux qui souffrent et qui essaient de faire face avant que tout s' effondre. Comprendre ce n' est pas accepter ou alors accepter l' inévitable parce qu' il n' y a rien d' autre à faire et personne d' autre non plus. Et c' est cela le vrai courage. | |
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