Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Machi Tawara

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eXPie
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MessageSujet: Machi Tawara   Machi Tawara EmptyLun 26 Jan 2009 - 21:40

TAWARA Machi (31/12/1962)
Machi Tawara Machi-10


Professeur de littérature au lycée de Kanagawa, Tawara Machi se fait connaître en 1987 avec le succès triomphal de son recueil de tanka : L'Anniversaire de la salade.
Elle est passée à la télévision et à la radio. Imaginerait-on, chez nous, un poète star des médias ?
1991 : deuxième recueil.
1997 : troisième recueil de tankas : La Révolution du chocolat (chokorêto kakumei)
En octobre 2005, après la naissance de son fils, elle a publié son quatrième recueil de tankas, Le Nez de Winnie l'Ourson (Pûsan no hana).

Plus d'informations sur : http://www.gtpweb.net/twr/indexe.htm


Dernière édition par eXPie le Dim 6 Jan 2013 - 21:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Machi Tawara   Machi Tawara EmptyLun 26 Jan 2009 - 21:40

L'anniversaire de la salade, 1987, traduit en 2008 par Yves-Marie Allioux. Editions Philippe Picquier 112 pages.

Le traducteur parle d'"événement plus sociologique que véritablement littéraire : plus de trois millions d'exemplaires vendus au Japon dont un million dès les trois premiers mois- chose jamais vue pour de la poésie même au Japon ; près de six millions en traductions étrangères, etc." (page 103).

Sasaki Yukitsuna, qui a été le professeur de Tawara Machi à l'Université Waseda, et qui lui a donné le goût d'écrire des Tankas, a écrit une post-face.
"Mais où réside donc, dans les tankas de Tawara Machi, cette nouveauté qui a fait précisément de leur auteur une nouvelle star ?
Tout d'abord la nouveauté d'un style qui allie la langue moderne à la forme fixe du tanka […] Le tanka en langue parlée tel qu'il s'est pratiqué jusqu'à nos jours tolère beaucoup trop les libertés prises avec le rythme. […]Chacun de ces tankas suit presque parfaitement dans son écriture le rythme 5-7-5-7-7. […] Autre aspect novateur de ses poèmes : leur façon de traiter le dépit amoureux. […]
Ici, les rapports entre homme et femme sont des rapports débarrassés de tous les détours de la coquetterie. Tout y est limpide, clair. Les personnages de ces poèmes y apparaissent comme des caractères à qui dès le départ la gravité ne convient pas. Ils sont complètement libérés de cette psychologie om angoisse et tourments constituaient le lot des déceptions sentimentales.
" Et puis, il y a son utilisation ingénieuse des "suffixes verbaux intervenant d'ordinaire en fin de phrase". (pages 93-95).

Le traducteur s'explique sur ses traductions qui font à chaque fois trois lignes (comme un haïku) : "Cependant, il faut dire aussi que cette répartition sur trois lignes donne plus de moyens au traducteur pour rendre un certain nombre de nuances, et imprimer au français ce rythme qu'appelle de ses voeux Tawara Machi elle-même.
Le lecteur ne manquera pas de s'apercevoir, du moins peut-on l'espérer, que malgré leur disposition sur trois « vers » ces poèmes présentent une articulation plus logique – psychologique, chronologique, topologique – que le fameux « flash »du haïku, qu'ils développent souvent une sorte de démonstration en plusieurs « temps »." (page 109).
Il souligne aussi l'enchaînement qui apparaît si on ne "picore" pas de-ci, de-là. Ces enchaînements existent aussi dans les haïkus, mais apparaissent rarement du fait qu'on les connaît généralement sous des versions "compilées". "Un joyau n'en brille-t-il pas d'autant mieux pourtant qu'il est serti de pierres moins précieuses ?" (page 109).
"Alors finalement, « poétesse du fast-food » ,Tawara Machi ? Rédactrice de slogans publicitaires ? Light verse ?" (page 111).
"« Tout simplement notre vie », ne faut-il pas voir là, en dernière analyse, la clef du succès non démenti de la poésie de Tawara Machi ?" (page 112).


Voici quelques tankas, avec de tout : du beau, du trivial, du limite nunuche...

Citation :
Page 7
Adossés à un mur exposé au soleil
nous demeurons assis
parallèles parfaites de mes jambes et de tes jambes

Page 8
Va-et-vient des vagues et dans la douceur
de leurs manières je pourrais toujours entendre
qu'importe ! un adieu

Page 10
Plus ils sont gros plus je me sens
riche ! Sacs des grands magasins
Tôkyû Hands, Tôkyô

Page 13
A cette heure de ton absence
me parle la sonnerie Où bois-tu ?
avec qui es-tu ivre ?

Page 15
Sans plus de façon qu'on se lève
de la table d'un fast-food où l'on sert
des hamburgers il faut quitter les hommes

L'homme, bouteille réservée dans un bar,
aujourd'hui qu'est passée la date limite
temps radieux

Page 22
Un homme qui ne penserait qu'à moi
serait bien ennuyeux je sais mais
c'est ce que je voudrais pourtant

Page 26
Ne pas bien savoir
exprimer sa tendresse lui était pardonné
Génération de mon père

Page 27
Quand j'ai fini d'écrire et collé mon timbre
tout aussitôt commence ce temps
où j'attends la réponse

Page 28
Les yeux fermés et la tête enfouie
dans ta chope de bière Aucun regard pour moi
Toi, mais quelle est donc cette soif !

Page 31
A l'aveuglette quelqu'un aussi m'aime
mais me ressemble sans me ressembler
ce moi qu'il dit aimer

Page 38
Comme les soupirs d'un petit enfant
de légers friselis rident les eaux
du fleuve Jaune en plein été

Page 39
Avec son passeport suspendu à son cou
qu'elle soit là ou non Tawara Machi
qu'importe à la plaine de la Chine du Nord

Page 41
De loin je contemple
Le Grand Pont enjambant le Qiantang
Un train y découpe le vent

Avec le tee shirt que je portais en regardant
Le Yang-tsé-kiang je me mets à marcher
Dans la ville de Tôkyô

Page 42
Avant le réveil téléphonique c'est dans l'écume
du dentifrice « Etiquette Lion »
que tout commence

Page 43
Ta veste où subsiste ton odeur
doucement je l'enfile
pour essayer des poses à la James Dean

Page 46
« Je t'aime… passionnément, pas du tout »
Ah si vraiment il y avait autant d'amours
qu'il y a de pétales à une fleur…

Page 51
Ces enfants soudain je pense à leurs mères
Quand elles étaient enceintes
moi qui surveille leur examen

Page 55
De trois marrons mis à bouillir
j'ai fait mon automne en sentant cette mer
au loin où tu es

Page 58
Si c'est ainsi que le café embaume
sur la table comment l'amour seul
remplirait-il une vie ?

Page 61
Ne sont nullement taillées pour moi
ces marches de pierre que ne cesse
de gravir en rêve

Page 63
« C'est vraiment bon ! » m'as-tu dit
Aussi le six juillet sera-t-il
l'anniversaire de la salade

Page 65
Dans leur boîte de conserve les petits pois
au beau milieu de la nuit « Ouvrez ouvrez !»
chuchotent-ils

Page 69
Il n'y a pas de quoi en faire un drame Posée
sur ma main droite toute ma vie solitaire
dans ce citron pourri

Page 72
Je ne sais pourquoi l'hiver mon cœur aussi a froid
Les notes de téléphones augmentent
aux premiers vents du nord

Page 84
Lorsque je découvre ton dos qui m'attend
en lisant un livre de poche
j'en ressens un peu de dépit


Il est évidemment impossible de porter un jugement sur la forme. Concernant le fond, il faut bien avouer que, dans l'ensemble, c'est pas mal du tout.
Globalement, c'est de l'auto-fiction, mais cela n'est pas gênant : on peut imaginer ce qu'il y a entre les fragments. C'est personnel sans être voyeur.
C'est peut-être là l'origine de son succès : un ton finit par se dégager.
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