Les artistes

Léo Ferré

Un fil pour eux, acteurs, chanteurs ,musiciens, etc, tous ceux que l'on ne retrouve pas dans nos fils de littérature, cinéma, musique ou images.

et les comédiens aussi...
Ce texte de Raymond Devos me parle énormément en ce moment...

L'artiste

Sur une mer imaginaire, loin de la rive...
L'artiste en quête d'absolu,
joue les naufragés volontaires...
Il est là debout sur une planche qui oscille sur la mer.
La mer est houleuse et la planche est pourrie.
Il manque de chavirer à chaque instant.
Il est vert de peur et il crie:
"C'est merveilleux!
C'est le plus beau métier du monde!"
Et pour se rassurer il chante:
Maman les p'tits bateaux
Qui vont sur l'eau
Ont-ils des jambes?
Mais oui mon gros bêta...
et plouf, il tombe à l'eau!
Il est rappelé à la dure réalité de la fiction.
Lui qui se voyait déjà en haut de l'affiche,
il se voit déjà en bas de la liste de ces chers disparus!
Il a envie de crier:
"Un homme à la mer!"
Mais comme l'homme c'est lui, et que lui c'est un artiste
et qu'il exerce le plus beau métier du monde,
il crie:
"Et le spectacle continue!"
Il remonte sur sa planche pourrie.
Il poursuit sa quête de l'absolu.
(Chanté:)
Maman les p'tits bateaux
Qui vont sur l'eau
Ont-ils des jambes?
et plouf!
il retombe a l'eau.
Il est ballotté comme une bouteille à la mer,
à l'intérieur de laquelle il y a un message de détresse.
Il a envie de crier:
"Une bouteille à la mer!"
Mais comme la bouteille c'est lui,
et que lui c'est un artiste
et qu'il exerce le plus beau métier du monde,
il crie:
"L'eau est bonne!"
Il remonte sur sa planche pourrie...
Il a complètement perdu le nord.
Il se croit sur la mer du même nom,
la mer du Nord... Il fait la manche...
Toujours la quête de l'absolu!
(Chanté:)
Maman les p'tits bateaux
Qui vont sur l'eau
Ont-ils des jambes?
Et il retombe à l'eau.
Le public qui est resté sagement sur la rive,
se demande si l'artiste n'est pas en train de le mener en bateau.
Il se dit:
"Mais alors, quand est-ce qu'il se noie?"
L'artiste, lui, s'aperçoit soudain
que la planche sur laquelle il est remonté pour la énième fois
donne de la gîte sur tribord!
C'est-à-dire qu'elle penche du côté où il va tomber!
Il a envie de crier:
"Les femmes et les enfants d'abord!"
Mais comme il est tout seul, il crie:
"Je suis le maître à bord!"
Il ajouterait bien:
"Après Dieu!"
Mais comme dans l'imaginaire, Dieu,
on ne risque pas de le rencontrer!...
(Dieu existe, certes... mais dans le réel!)
Pour Dieu l'imaginaire c'est une vue de l'esprit!
La fiction ça le dépasse!
L'artiste sait qu'il n'a rien à attendre du Ciel.
Alors au lieu de crier:
"Après Dieu!"
Il crie:
"Après moi le déluge!"
Et tandis que sa planche,
qui fait eau de toutes parts,
s'enfonce dans les eaux,
il n'a plus qu'une pensée:
"Sauver la recette!"
Il fait une annonce publicitaire:
"Mesdames et messieurs,
la planche pourrie sur laquelle j'ai eu
l'honneur de sombrer pour la dernière fois
devant vous ce soir était sponsorisée
par le Ministère de la Culture!"
Et il coule avec la subvention!
Il disparaît dans les flots
et il réapparaît aussi sec...
Il a de l'eau jusqu'à la ceinture...
Ses deux pieds touchent le fond de la mer.
Alors le public:
"Ha! Ha !
Il s'est noyé dans un verre d'eau!"
A l'évidence, la mer imaginaire sur laquelle
l'artiste s'était embarqué imprudemment
est à la hauteur de son imagination.
Elle manque de profondeur.
C'est une mer à marée basse.
Une mer de bas fonds!
Une mer indigne d'un grand naufrage!...
Alors l'artiste pour ne pas sombrer dans le ridicule...
Il fait la planche!
Il fait la planche pourrie.
Il a envie de crier:
"Une planche à la mer!"
Mais comme la planche c'est lui,
et que lui c'est un artiste et qu'il exerce le plus beau métier du monde,
il crie:
"Je suis le radeau de la Méduse à moi tout seul
et il se pourrait que cette fois-ci,
il n'y ait pas de survivants!..."
Le public imperméable jusque-là, se dit:
"C'est un spectacle cool...
- Pas de survivants?
- Cela promet...
- Cela laisse entrevoir une fin heureuse!"
Alors après avoir crié: "Bis!",
il crie "Ter! Ter!"
Et c'est le miracle!
Devant le public médusé,
l'artiste transfiguré regagne la rive
en marchant sur les flots...
et il se noie dans la foule!...

Raymond Devos

Alexandre Tharaud est un pianiste français né à Paris le 9 décembre 1968.
Il vient d'organiser une journée Satie à la Cité de la musique (8 février), filmée pour France Télévisions.



un entretien sur Télérama
ici


Et aussi
sonate Arpeggione

Bartabas, récital équestre

et la gnossienne n°1

Le site Satie

ici

Le site d'Alexandre Tharaud
http://www.alexandretharaud.com/

Une pianiste qui m'était inconnue, mais dont l'histoire est racontée dans l'excellent documentaire de Chris Marker sur Tarkovski, Une journée d'Andrei Arsenevitch, Maria Yudina




Mais elle était surtout très courageuse! Une des rares artistes opposées au régime communiste. Une nuit, Staline l'entend jouer un concerto de Mozart. Et il exige le disque tout de suite. Le problème, c'était un concert en direct, et qu'il n'y avait pas de disque. Qu'à cela ne tienne, on lui a fait enregistrer un disque en vitesse,on ne rigolait pas avec ce que Staline voulait!
Staline lui a fait envoyer 20 000 roubles, elle lui a répondu en gros qu'il pouvait se les mettre où il voulait, mais qu'elle allait les donner à son église , et demanderait des prières pour que cessent les crimes de Staline contre les habitants de son pays. Fallait le faire...

Tableaux d'une exposition, Moussorgsky, Maria Yudina
ici

Marie a écrit:

Mais elle était surtout très courageuse! Une des rares artistes opposées au régime communiste. Une nuit, Staline l'entend jouer un concerto de Mozart. Et il exige le disque tout de suite. Le problème, c'était un concert en direct, et qu'il n'y avait pas de disque. Qu'à cela ne tienne, on lui a fait enregistrer un disque en vitesse,on ne rigolait pas avec ce que Staline voulait!

Ah oui, je me souviens de cette anecdote. J'imagine la peur de ceux qui n'osaient pas dire à Staline que c'était du direct… Il a fallu refaire venir en catastrophe l'orchestre, le chef d'orchestre, la pianiste… et rejouer tout ça au beau milieu de la nuit.
Il y en a qui ne devaient pas en mener large…

Sur http://www.mariayudina.com/ on peut entendre (et télécharger libre de droits !) nombre de ses enregistrements, dont ce fameux enregistrement réalisé durant la nuit, et qui a fait pleurer d'émotion Staline.
Les liens directs vers les trois mouvements de ce concerto n°23 sont :
1er mouvement : http://www.mariayudina.com/recordings/488-1.wma
2ème mouvement (mon préféré) : http://www.mariayudina.com/recordings/488-2.wma
3ème mouvement : http://www.mariayudina.com/recordings/488-3.wma

Ah, merci eXPie!
Oui, le 2ème mouvement est également mon préféré... et c'est là qu'on découvre que Staline pouvait pleurer d'émotion...

Tres bonne idee ce fil! J'ai vu Alexandre Tharaud creer le concerto pour piano de Thierry Pecou (l'oiseau innumerable) disponible en CD. C'etait un sacre spectacle d'autant plus que ce concerto est d'une redoutable virtuosite! Il y a meme un moment ou il se met a taper sur le piano directement (un peu comme le fait Fazil Say ou la jeune pianiste dans le film allemand "4 minutes") avec une energie communicative.
Il est tres mediatise mais son succes n'est pas une imposture!

En parlant de Fazil Say, son nouveau CD vient de sortir chez nous (hier, en fait) : 1001 Nights In The Harem, qui comprend 3 compositions de Fazil Say : un concerto pour violon, Summertime variations et Patara Ballet.

A 72 ans , Sotigui Kouyaté vient d'obtenir l'Ours d'argent du meilleur acteur au 59ème festival de cinéma de Berlin pour le rôle de griot qu'il interprète dans London River de Rachid Bouchareb.

Ce Malien de naissance, Burkinabé d'adoption, a été capitaine de l'équipe nationale de football du Burkina Faso, infirmier, menuisier ébéniste et fonctionnaire, avant de fonder ses propres compagnies de ballet et de théâtre au Mali et au Burkina Faso. Il a débuté sur les planches en 1983, à Paris, dans l'épopée indienne du Mahabharata mis en scène par Peter Brook. Qui lui a fait interpréter également un Prospéro noir dans La Tempête de Shakespeare.

Un entretien avec Sotigui Kouyaté
ici

Filmographie et parcours théâtral sur Wikipédia
ici

Arturo Toscanini (Parme, 25 mars 1867 - Riverdale, 16 janvier 1957),chef d'orchestre italien.

Un des mystères de l’Italie… Ce pays entièrement voué à la voix et à l’opéra, qui ne compte guère de grandes formations symphoniques a donné le jour à un des plus glorieux chef d’orchestre du XX ème siècle, Arturo Toscanini. Un enfant du bel canto qui n’a jamais cessé de vouloir faire chanter l’orchestre.
Cent cinquante heures de conversations ont été enregistrées par son fils. Il en a été tiré un film récemment diffusé sur Arte. Le film en lui-même était assez nul ( Toscanini joué par un acteur, devant un feu de fausses bûches américaines..) Mais les documents étaient grandioses!
Et les propos, intéressants. Toscanini raconte ses débuts en 1889 à l’âge de 19 ans ( il était alors violoncelliste d’un orchestre et remplaça au pied levé un chef incompétent), sa rencontre avec Verdi, ses relations difficiles avec Puccini, sa haine pour ces deux « délinquants « que furent Mussolini et Hitler, qui avaient pourtant tout fait pour le retenir, en Italie ou à Bayreuth. Il a préféré s’exiler en Amérique et prendre la direction d’un orchestre conçu pour lui, celui de la NBC.
Dans la direction, tension et inquiétude ne le quittaient jamais.
Mauvais caractère, on le sait, mais aussi humour féroce, il écrit à son confrère Leopold Stokowski qui dirigeait la symphonie de Franck:
«  Je n’ai jamais entendu une direction d’orchestre aussi affreuse, bestiale, anti musicale et brutale.. Même sous votre baguette! »
Des réserves sur la Callas ( elle ne prononce pas assez bien..), amour sans bornes pour Beethoven , qui, « tel la cime du Mont Blanc domine absolument tout »



Le lien Wikipedia



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Le site
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Documents vidéos sur Rue 89
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Pianiste, professeur au Conservatoire national de musique, Zhu Xiao-Mei donne des récitals en France et à l'étranger. Elle est renommée, en particulier pour son interprétation des Variations Goldberg de Bach.
Elle vit à Paris et retourne de temps en temps en Chine, où vivent ses deux parents et ses quatre sœurs.

Zhu Xuai Mei joue Bach: Variations Goldberg

Zhu Xiao Mei joue Bach





Pékin, 1969 : Zhu Xiao-Mei est un " être de mauvaise origine ". Autrement dit, avant la révolution maoïste, ses parents étaient des bourgeois cultivés. Une tare d'autant plus lourde à porter pour la jeune Xiao-Mei qu'elle a un don précoce pour le piano et une passion pour la musique décadente - Schumann, Mozart, Bach. Elle est donc envoyée en camp de rééducation : il faut éradiquer en elle tout désir autre que celui de mourir pour Mao. Les années passent... Xiao-Mei est devenue une bonne révolutionnaire. Mais, un jour, elle trouve dans le camp un vieil accordéon. Elle caresse les touches, se risque à jouer un accord, quelques notes de musique s'élèvent... Par enchantement le temps perdu s'efface, les rêves reviennent, l'espoir renaît. Xiao-Mei jure qu'elle rejouera du piano. Il lui faudra encore dix ans pour atteindre son but, dix ans de souffrances, de lutte acharnée, d'exil. Aujourd'hui, Xiao-Mei est célébrée dans le monde entier comme une pianiste virtuose et une immense artiste. De Pékin à Paris, de Hong-Kong à Los Angeles... le témoignage déchirant d'une femme broyée par la Révolution culturelle chinoise et sauvée par la musique.

Marie a écrit:

Arturo Toscanini (Parme, 25 mars 1867 - Riverdale, 16 janvier 1957),chef d'orchestre italien.

Immense chef d'orchestre et véritable tyran avec les musiciens! Aujourd'hui les orchestres n'accepteraient plus ça, même de la part de génies. Pour Verdi c'est le rêve!

coline a écrit:

Zhu Xiao-Mei

Merci de la faire découvrir. Je ne la connaissais que de nom. A mettre en parallèle avec la biographie de Lang Lang qui est intéressante aussi mais peut-être moins littéraire.

Citation :

Présentation de l'éditeurVirtuose dès son plus jeune âge, Lang Lang est devenu l'un des pianistes les plus célèbres de sa génération, acclamé pour la sensibilité et le romantisme de ses interprétations. Depuis ses premiers succès en 1999, à seulement dix-sept ans, sa carrière fulgurante l'a propulsé parmi les plus grands. Du Carnegie Hall, à New York, à la Grande Salle du peuple de Pékin en passant par la Salle Pleyel, à Paris, il joue régulièrement avec les maestros Daniel Barenboïm, Lorin Maazel, Zubin Mehta... Un conte de fées? Pas seulement. Si aujourd'hui Lang Lang a réussi, c'est au prix d'une enfance sacrifiée - dans une Chine en pleine métamorphose -, guidée par le travail acharné et l'esprit de compétition, sous le joug d'un père qui n'avait pour son fils qu'un objectif: qu'il devienne le meilleur. Voici l'histoire d'un enfant prodige dont l'amour pour la musique et le bonheur de jouer illuminent chaque page.

Il est parfois assez théâtral mais c'est un sacré musicien. Je l'ai vu en concert, invité par Cécilia Bartoli pour son récital, et il était fabuleux.
Un extrait: Un bis lors d'un concert avec l'orchestre philharmonique de Berlin:
Etude n°3, opus 10 de Chopin (avant "Un zeste de citron" de Gainsbourg )

Marko a écrit:

coline a écrit:

Zhu Xiao-Mei

Merci de la faire découvrir. Je ne la connaissais que de nom. A mettre en parallèle avec la biographie de Lang Lang qui est intéressante aussi mais peut-être moins littéraire.




Il est parfois assez théâtral mais c'est un sacré musicien. Je l'ai vu en concert, invité par Cécilia Bartoli pour son récital, et il était fabuleux.
Un extrait: Un bis lors d'un concert avec l'orchestre philharmonique de Berlin:
Etude n°3, opus 10 de Chopin (avant "Un zeste de citron" de Gainsbourg )

Et moi c'est Zhu Xiao-Mei que j'ai vu en concert il y a quelques années dans une adorable église bourbonnaise où il y a l'été un festival de musique...