Nuri Bilge Ceylan

Il était une Fois en Anatolie ...j'avais tellement de regret de n'avoir pu voir ce film en salle que j'ai investi dans le DVD (j'en achète peu)...

J'ai adoré les films précédents de Nuri Bilge Ceylan et là...comment dire...j'ai peiné à accrocher au début...et puis j'ai connu ensuite du bonheur mais aussi quelques plages d'ennui...
Il faut dire que sur l'écran télé, ce n'est pas idéal pour un film de ce genre...Et puis je l'ai peut-être regardé trop tard dans la soirée...
Je le regarderai à nouveau...Je suis trop déçue de ne pas l'avoir aimé totalement...

Nuri Bilge Ceylan obtient donc La palme d'or et le prix de la critique internationale à Cannes   
Reconnaissance méritée pour ce grand cinéaste qui m'a tellement fait vibrer ces dernières années. Je me souviens de mon émotion en sortant des 3 Singes. Le voir sur le même palmarès que Zviaguîntsev c'est réjouissant.

J'ai regardé hier soir "Il était une fois en Anatolie " : un film qui me hantera encore longtemps et que j'aurais aimé voir au cinéma !
Un cinéma de l'introspection ,  avec une qualité picturale époustouflante , un sens de l'absurde et de la dérision jubilatoire dans les dialogues ( comme j'ai ri ! ces hommes frustes polémiquant avec gravité sur le yaourt de buffle dans cette voiture avec une façon terriblement féminine d'aborder la chose contrastant avec leur mine patibulaire : attendrissant ....) .....
Le reste ? Vous avez tout dit .....

Je veux le revoir ! 

Winter Sleep

Palme d'or à Cannes 2014

La conscience est un mot à l'usage des lâches, et inventé pour tenir le fort en respect; que la vigueur de nos bras soit notre conscience, nos épées, notre loi.
(Shakespeare, Richard III)

3h15 de dialogues tchékhoviens ça vous fait peur?  Surtout il ne faut pas! Je n'ai pas vu le temps passer (vraiment) et c'est un merveilleux moment de cinéma.

Nuri Bilge Ceylan s'est inspiré de plusieurs nouvelles de Tchékhov et le générique revendique également la filiation de Shakespeare, Voltaire et Dostoïevski. Pas pour faire bien ou par prétention mais parce que certains dialogues y font référence ou parce que leur univers irrigue le film pour lui donner sa profondeur et sa beauté.

Le thème de départ m'a un peu fait penser à l'histoire avec Ilioucha dans les frères Karamazov. Une histoire dans l'histoire qui en est comme l'écho et le détonateur. Dans Winter Sleep, un petit garçon pauvre dont le père a été humilié lance un caillou sur la fenêtre de la voiture de leur propriétaire.

Le film est le portrait de cet homme égoïste, condescendant et parfois presque pervers dans son narcissisme (qui est aussi auto-détestation) dont la jeune épouse dit qu'il méprise les croyants pour l'archaïsme de leur pensée, les non-croyants pour leur absence d'idéal, les vieux parce qu'ils sont conservateurs et les jeunes parce qu'ils sont iconoclastes... Un misanthrope qui se rêvait grand comédien de théâtre et qui a passé sa vie à assoir son autorité et son emprise sur les autres par l'humiliation et l'arrogance.



A partir de l'incident du caillou le film est une succession de joutes oratoires formidablement filmées entre cet homme et sa soeur, son épouse, le frère de l'homme humilié, entre soeur et épouse, épouse et père de l'enfant (quel moment!!)...



Le temps passe vite car chaque affrontement crée un véritable suspens psychologique, éclaire les personnages et, surtout, les dialogues sont d'une incroyable force, littéraires mais d'une grande vitalité, caustiques, émouvants, profonds et vrais.

Il y a des échappées dans ces paysages fabuleux de Cappadoce enneigés et une scène extraordinaire avec un cheval.

Toutes ces rencontres tendent un miroir peu reluisant à cet homme qui tombe peu à peu le masque. Sous ce bloc d'arrogance et de misanthropie quelque chose de plus humain et fragile émerge et finit par nous émouvoir. Son épouse dit qu'après un certain âge on ne peut plus changer et probablement a-t-elle raison mais peut-être seulement en partie... Car ce vieux misanthrope n'était-il pas finalement dans son enfance ce même petit garçon humilié et en colère? Le film permettant aussi un retour vers le passé, le village natal ou la tombe de ses parents, le bonheur perdu.



Tous les personnages sont riches et intenses, la photographie somptueuse sans chercher la joliesse (Animal retrouvera Macho man mais pas la palette graphique qui l'agaçait), la musique de Schubert déjà très utilisée mais discrètement présente, la scène finale ouverte et terriblement bouleversante.



A l'arrivée c'est un film somptueux qui donne à voir des visages, des regards (entre père et fils notamment!!!)  et des âmes (sans vouloir être pompeux mais c'est vraiment à ce niveau là). Un film qui donne envie d'être moins orgueilleux et de regarder le monde et les autres avec plus de générosité. Plus universel ça n'existe pas et la Palme d'Or offerte par Jane Campion une évidence.

Marko a écrit:

Winter Sleep

Palme d'or à Cannes 2014


A l'arrivée c'est un film somptueux qui donne à voir des visages, des regards (entre père et fils notamment!!!)  et des âmes (sans vouloir être pompeux mais c'est vraiment à ce niveau là). Un film qui donne envie d'être moins orgueilleux et de regarder le monde et les autres avec plus de générosité. Plus universel ça n'existe pas et la Palme d'Or offerte par Jane Campion une évidence.

   Ca c'est pour le directeur du cinéma chez moi car je veux le voir...je veux le voir...

coline a écrit:

Marko a écrit:

Winter Sleep

Palme d'or à Cannes 2014


A l'arrivée c'est un film somptueux qui donne à voir des visages, des regards (entre père et fils notamment!!!)  et des âmes (sans vouloir être pompeux mais c'est vraiment à ce niveau là). Un film qui donne envie d'être moins orgueilleux et de regarder le monde et les autres avec plus de générosité. Plus universel ça n'existe pas et la Palme d'Or offerte par Jane Campion une évidence.

   Ca c'est pour le directeur du cinéma chez moi car je veux le voir...je veux le voir...

 Et tiens Coline , je suis ton exemple : vlà pour notre directeur de ciné de Saint Michel de Maurienne  :   !  
 Je VEUX  le voir aussi !  

églantine a écrit:

coline a écrit:

Marko a écrit:

Winter Sleep

Palme d'or à Cannes 2014

   Ca c'est pour le directeur du cinéma chez moi car je veux le voir...je veux le voir...

 Et tiens Coline , je suis ton exemple : vlà pour notre directeur de ciné de Saint Michel de Maurienne  :   !  
 Je VEUX  le voir aussi !  

  Pourvu que ça marche!

Dit comme ça, c'est clair que ça me tente. Mais plus de 3 heures tout de même...C'est fou!

Sans doute la semaine prochaine, je verrai bien  

Aeriale a écrit:

Dit comme ça, c'est clair que ça me tente. Mais plus de 3 heures tout de même...C'est fou!

Très sincèrement j'ai trouvé parfois le temps un peu long avec Comrades (notamment la 1ere partie) même si c'est un film magnifique. Par contre avec Winter Sleep il y a une telle intensité psychologique qu'on est embarqué comme dans un thriller moral. Il y a ce jet de caillou et ensuite on se demande comment vont réagir les uns et les autres. Chaque rencontre est formidablement tendue et émouvante. J'ai vraiment retrouvé du Dostoïevski dans cette volonté de développer un enjeu moral qui révèle les uns et les autres. Un peu de Dardenne aussi en quelque sorte mais avec une recherche formelle tellement plus sidérante. Et puis Tchékhov bien sûr pour ces jeux dialectiques sur la vanité, l'éphémère, les rapports de force homme/femme ou sociaux. Ces personnages sont fabuleux et on aimerait rester encore plus longtemps avec eux à les observer et à les écouter.

Je viens de lire le très bon article du Monde. Nuri Bilge Ceylan évoque ses influences déjà citées (Persona de Bergman en plus) mais surtout il donne le nom de 2 des 3 nouvelles de Tchékhov dont il s'est inspiré: Ma femme et Braves gens.

Marko a écrit:

Aeriale a écrit:

Dit comme ça, c'est clair que ça me tente. Mais plus de 3 heures tout de même...C'est fou!

Très sincèrement j'ai trouvé parfois le temps un peu long avec Comrades (notamment la 1ere partie) même si c'est un film magnifique. Par contre avec Winter Sleep il y a une telle intensité psychologique qu'on est embarqué comme dans un thriller moral. Il y a ce jet de caillou et ensuite on se demande comment vont réagir les uns et les autres. Chaque rencontre est formidablement tendue et émouvante. J'ai vraiment retrouvé du Dostoïevski dans cette volonté de développer un enjeu moral qui révèle les uns et les autres. Un peu de Dardenne aussi en quelque sorte mais avec une recherche formelle tellement plus sidérante. Et puis Tchékhov bien sûr pour ces jeux dialectiques sur la vanité, l'éphémère, les rapports de force homme/femme ou sociaux. Ces personnages sont fabuleux et on aimerait rester encore plus longtemps avec eux à les observer et à les écouter.

Tu sais être convaincant toi  

Je te dirai, j'y vais mardi avec une amie!  

Je prends le pari que tu ne le regretteras pas.

Aeriale a écrit:

Je te dirai, j'y vais mardi avec une amie!  

C'est plutôt le genre de film que j'ai envie d'aller voir seule, pour ne pas risquer d'être parasitée par le potentiel ennui de l'ami(e) qui accompagne...
Avec un peu de chance, il m'arrive parfois devant ce genre de programmation d'être seule (ou presque) dans la salle. Et là c'est fabuleux!  

Winter Sleep

J'ai aussi été impressionné par le film même si je n'éprouve pas le même enthousiasme que Marko vis à vis du cinéma de Nuri Bilge Ceylan. Winter Sleep marque d'abord par ses décors, de l'hôtel troglodytique à la neige qui envahit littéralement la dernière heure. Les personnages sont tous façonnés par cet environnement naturel qui révèle une solitude.
La tension dans les dialogues est en effet constante et fascine de bout en bout. Si elle rend la durée de plus de trois heures bien moins intimidante, il faut tout de même beaucoup de concentration et d'attention pour percevoir toutes les nuances de ces échanges remplis de violence émotionnelle. Certaines séquences m'ont beaucoup ému (en particulier ce monologue de l'épouse au visage seulement éclairé par la lumière du feu) et l'exploration par Ceylan de ce triangle relationnel est remarquable de maîtrise.

Marko a évoqué la misanthropie de l'homme et son image extérieure qui se fracture peu à peu. J'ai tout de même trouvé que son arrogance, ses certitudes provoquaient un repli et une fermeture fragilisant par moments le film, avec plusieurs artifices scénaristiques qui m'ont paru trop évidents et manipulateurs. L'exploration des rapports de force est à la fois passionnante et étouffante et l'appréciation reste évidemment très subjective. Ces quelques regrets sont assez minces face à l'aboutissement que constitue Winter Sleep dans l'oeuvre de Ceylan, à l'image d'une scène finale extrêmement belle.

Pourquoi trouves-tu que la misanthropie du personnage fragilise le film? Il s'ouvre justement et c'est ce qui est intéressant. Tu le trouves trop monolithique? Caricatural? Le seul artifice que je perçois est la scène avec le cheval qui est trop symboliquement ostentatoire. Mais elle est tellement forte! Peut-être que le sous-bassement littéraire crée ce sentiment de construction un peu visible, démonstrative.