Iain Crichton Smith

Iain Crighton Smith (1928-1998) vécut dans sa chair, misère, exil, oppression.
Né à Glasgow, il fut très tôt arraché à cette ville ; le père mort de tuberculose, il suivit sa mère sur une île des Hébrides, tout au Nord. Cette dernière, travaillant dans une conserverie de poissons, les mains brûlées par le sel, assura la survie de ses trois enfants.
Maladif, Iain se réfugia dans la lecture, devint professeur, eut une activité littéraire prolifique, publia de très nombreux romans, recueils de nouvelles, poèmes et pièces de théâtre, le tout en anglais et en gaélique.
Une oeuvre dans laquelle la notion de vulnérabilité et de perte occupe une place importante.
D'un naturel timide, cet homme de l'entre-deux (langue et culture), pouvant faire preuve d'un humour mordant et espiègle, voua toute sa vie une haine au puritanisme.

Le tonnerre gronda sourdement, comme lorsque quelqu'un parle d'une voix très très grave, puis il dégringola de nuage en nuage, tel un géant qui marche en posant un pied sur la route et l'autre pied dans le fossé.

source: ici

Murdina Scott

Citation :

Murdina Scott, premier roman publié en 1968 du polygraphe des Hautes Terres Iain Crighton Smith (en gaélique, Iain Mac a'Ghobhainn), décrit un épisode du XIXe siècle, entré dans l'Histoire sous le pudique terme d'Évictions.
Lors du passage de la société clanique à celle pré-capitaliste, il fut décidé de déposséder les highlanders de leurs biens, raser leurs villages leurs églises et de les exiler sur la côte Nord, inhospitalière. Ce qui désertifia le pays, dispersa les communautés, provoqua des milliers de morts, obligeant du jour au lendemain des paysans à devenir pêcheurs. " Quand ils mourraient de faim, il y en avait qui escaladaient les rochers pour aller chercher les oeufs de ces oiseaux de mer. Je ne sais pas leur nom... " Contrairement à son compatriote Walter Scott qui cent cinquante ans plus tôt illustrait légendes et fresques historiques clinquantes et pré-romantiques, Crighton Smith privilégie les personnages de marginaux solitaires. Son écriture surprend par la limpidité, la simplicité de son chant.
Murdina Scott, vieille femme aigrie ayant passé sa jeunesse au chevet de sa mère folle, a laissé fuir mari et fils. Extrêmement croyante, soumise, déstabilisée par l'émissaire venu lui annoncer l'expulsion prochaine, elle appelle à l'aide. Le pasteur lâchement l'ignore. Seul, un maçon autodidacte, grand lecteur, dont elle a toujours stigmatisé l'outrancière liberté, l'accueille. Cette rencontre opère un changement, engendre l'irruption fugace et incisive d'une dimension fantastique, alors que le récit est ancré dans le réalisme. Métaphore vivante, (triomphe de la fiction sur le réel, invitation à l'engagement, à la prise en charge de son destin) elle devient la sorcière de la seule histoire qu'elle ait jamais réussie à inventer à des enfants. Elle, qui, recroquevillée dans un ancien monde fossilisé par le poids de la fatalité, de la misère, l'individualisme, la culpabilisation prônée par un puritanisme hystérique et tortueux, attendait la mort, retrouve la force de mettre en place de nouveaux liens, de nouvelles solidarités, mais aussi pour la première fois de dire non. La vieille femme tient alors tête à ses spoliateurs.

Je n’ai pas encore terminé tout à fait ce livre – mais je voulais déjà ouvrir son fil.

En anglais, ce livre a comme titre Consider the Lilies qui fait référence à la Bible :

Consider how the lilies grow. They don't work or spin yarn, but I tell you that not even Solomon in all his splendor was clothed like one of them.

Et en cherchant sur Internet pour avoir cette citation en français, je réalise qu’on ne la connaît pas.. ou bien je me suis totalement planquée – en tout cas ce serait une explication pourquoi on a donné un titre totalement différent à ce livre en version traduite.

Mais en effet, Murdina Scott est un lys.. et cette femme est vraiment très attachante, bien qu’elle représente un esprit et des traits de caractère que je ne partage en aucun cas – mais on peut voir comment la vie l’a fait ainsi, comment elle est devenue ce que son entourage a fait d’elle.

Une écriture très limpide, mais pleine de chaleur et de bienveillance.

Une très belle découverte, grâce à Bix qui en a parlé sur le fil de nos lectures !



Consider the Lilies

Bravo Kenavo, j' ai lu le livre et trainé trainé pour ouvrir le fil...
Tu as bien fait !
Je vais te dire, j' ai trouvé ce livre tellement bon que je trouve étonnant qu'il n'ait pas été traduit plus tot et encore un seul de ses livres.
Chapeau au passage à l' éditeur de Nantes le Passeur.

Tu sais ce que je souhaiterais Kena, c'est qu' on arrive à faire connaitre suffisamment un auteur pour pouvoir le faire traduire et publier...et Iain
Crichton Smith pour commencer...
Impossible ?
Autre question, y a t'il d'autres ouvrages en anglais faciles à trouver chez toi ?

bix229 a écrit:

j' ai trouvé ce livre tellement bon que je trouve étonnant qu'il n'ait pas été traduit plus tot et encore un seul de ses livres.
Chapeau au passage à l' éditeur de Nantes le Passeur.

oui.. en effet.. très bon travail pour l'éditeur..
D'autant plus étonnant que cet auteur semble vraiment en Angleterre être très connu - surtout pour ses poèmes, mais quand même...

bix229 a écrit:

Tu sais ce que je souhaiterais Kena, c'est qu' on arrive à faire connaitre suffisamment un auteur pour pouvoir le faire traduire et publier...et Iain Crichton Smith pour commencer...
Impossible ?

ah oui.. ce serait trop bon..
peut être pas impossible.. mais quand même encore loin d'une réalité à prévoir.. mais on peut toujours espérer

bix229 a écrit:

Autre question, y a t'il d'autres ouvrages en anglais faciles à trouver chez toi ?

je viens de jeter un œil - puisque je ne peux pas différencier à coup sûr les romans et recueils de poèmes sans recherches plus intense, je ne peux pas te dire exactement... mais en tout cas il y a au moins 5-8 livres qu'on peut avoir de lui en anglais.. j'ai surtout vu 2 recueil de nouvelles qui me tentent si je ne vais pas trouver un autre roman.. en tout cas je veux bien poursuivre.. peut être aussi faire connaissance avec des poèmes de lui

Murdina Scott est une vieille dame. Elle vit seule dans Les High Lands
d' Ecosse. Elle est pauvre, très pauvre, et elle vit avec ses souvenirs et ses croyances.

Cette époque, le 18e siècle, est marquée par un évènement historique qu' on a nommé les Evictions. On a dépouillé et exproprié les pauvres gens des villages de la contrée pour consacrer les terres à l' élevage des moutons.
Décison arbitraire et fait du prince pour éponger les dépenses des nobles.

Mais cet évènement n' est pas le sujet du livre, il est en arrière fond, meme s' il est un élément déclancheur pour Murdina Scott.

L' auteur s' est interessé au destin de cette femme, honnète, droite,
bonne, mais exagérément rigide. Parce qu' obnubilée par sa religion et
le culte parental. La tradition.

Un jour, un cavalier vient lui annoncer qu' elle est chassée de chez elle.
Cet évenement dramatique va changer radicalement sa vie.
Il pourrait etre la fin pour elle : la fin de sa petite vie dans sa humble maison.
Mais un ensemble de faits se produisent qui lui ouvrent les yeux.

Elle se rend compte qu' elle s' est trompée et qu' elle en a été punie.
Elle s'est enfermée elle -meme dans le deuil et la solitude parce qu'elle
avait des préjugés qui la rendaient intolérante.
C'est ainsi qu'elle s'est punie.
Et soudain, au moment où sa vie va devenir encore plus précaire, incertaine, elle devient clairvoyante, ouverte, tendre.

Et elle dit non. Non à tous ceux qui l'ont empéchée de vivre et d'etre elle meme.
Et du coup, elle devient plus légère, plus attentive. Consciente. Révoltée. Vivante.
La leçon de ce livre c'est que mieux vaut tard que trop tard.
Et la différence n' est pas mince pour elle.

... Et je voudrais encore rajouter que ce roman est cellui d' un syliste
et j' envie Kena de l' avoir lu en anglais.
C' est une sorte d' ouvrage en marquetterie délicate.
Où la progression dramatique se fait en douceur.
Un livre à la fois simple et dépouillé, mais d' un style tenu et maitrisé.
Un livre où chaque phrase est importante en soi et liée aux autres. Et chaque mot essentiel dans la phrase.
Pour constituer un ensemble cohérent, nuancé.
Bref un beau livre si je ne l'avais pas dit encore !

Elle se rendit compte que c' était le moment de la soirée où l' on entendait toujours la musique du mélodion. Mais ce soir-là, il n ' y avait pas de musique.
Peut etre qu' il n' y aurait plus jamais de musique. Et elle se rendit compte qu' elle en était désolée. Peut etre qu' elle avait aimé cette musique toute sa vie et que quelq'un l' en avait privée.
Parmi les danseurs qu' elle avait connus, il y en avait tant qui étaient
maintenant à l' autre bout de la terre, ou sous la terre, tant d' entre eux étaient occupés à combattre la souffrance, tant d' entre eux étaient vieux...
Et les les jeunes joueurs de football aussi avaient traversé la lande pour rentrer chez eux en un long défilé, en sueur et le rouge aux joues...
Dans un clair de lune fantomatique, ils avaient joué, tapant dans un ballon fantomatique pour le faire entrer dans la béance d' un but fantomatique, plongeant et poussant la balle du pied dans la lumière déclinante, comme s' ils étaient sous l'eau.
Etaient ils encore là, comme des fantomes, sur la lande ou au bout de la route ?
Non dit-elle fermement, se détournant de la fenetre. Ils ne sont plus là.
Non, de meme qu' il n'y a, dans les ténèbres, rien d' autre que des ténèbres.

Murdina Scott. P. 170-171

bix229 a écrit:

C' est une sorte d' ouvrage en marquetterie délicate.
Où la progression dramatique se fait en douceur.
Un livre à la fois simple et dépouillé, mais d' un style tenu et maitrisé.
Un livre où chaque phrase est importante en soi et liée aux autres. Et chaque mot essentiel dans la phrase.
Pour constituer un ensemble cohérent, nuancé.
Bref un beau livre si je ne l'avais pas dit encore !

tout à fait d'accord avec toi..

les images qu'il a créé avec ses mots vont me rester encore pour longtemps..

Bix, Kenavo, vous en parlez très bien de ce livre. Je le note sur mon petit carnet.

odrey a écrit:

Bix, Kenavo, vous en parlez très bien de ce livre. Je le note sur mon petit carnet.

je peux te garantir un très bon moment de lecture ..

Ah les "petits carnets" qui font les grandes passions et gonflent les
bibliothèques !

Le mien est déjà complet pourtant c' est un répertoire assez volumineux.

C'est vrai, vous me faites tous deux encore envie avec cet auteur qui semble lumineux et dont encore une fois, je n'avais jamais entendu parler. Moi aussi, je note.

PS: mais je tiens à faire remarquer qu'à cause de kenavo et d'arabella déjà, j'ai la tête et les mains totalement prises par Peter Cameron, et qu'il me reste encore un roman de lui à lire...., je viens aussi de recevoir un Rose Macaulay, toujours à cause des mêmes personnes.
Les susdites personnes, auxquelles se joint 'inocemment' bix cette fois, forment des coalitions pour nous faire acheter des romans dont personne n'a jamais entendu parler et aussi pour nous faire briser nos résolutions de début d'année.
Décidément, il y en a qui ne reculent devant rien et n'ont aucun scrupule.
Voilà, c'est fait, il fallait que ce soit dit....

Je ne suis pas "innocent" du tout ! J' adore parler d' auteurs qui, ou bien
sont mal connus, ou bien sont méconnus ou oubliés.
Et ils sont nombreux, et on a peu de temps... alors je fais ce que je peux.

Une sorte de devoir de mémoire !

domreader a écrit:

Moi aussi, je note.

domreader a écrit:

Décidément, il y en a qui ne reculent devant rien et n'ont aucun scrupule.
Voilà, c'est fait, il fallait que ce soit dit....

jamais été aussi contente de dire: oui, j'avoue, je suis coupable

Faute avouée est ........pardonnée