Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Françoise Henry

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MessageSujet: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 10:32

Françoise Henry 18930210

Comédienne et auteur de pièces radiophoniques, Françoise Henry est née en 1959.
Elle a publié Éclatements (poésies), Journée d'anniversaire (Calmann-Lévy, 1998), Le Postier (Calmann-Lévy, 1999), Un Amour malheureux (Pauvert, 2000), Mémoires d'un oiseau (Pauvert, 2002), La Lampe (Gallimard, 2003).

Elle vient de publier chez Grasset Juste avant l'hiver (mars 2009)

4e de couverture :
Prague, 1969.
Dans un café, la patronne acariâtre et jalouse épie sa jeune serveuse. Elle assiste en voyeuse à l'éclosion et au massacre d'un amour pur qui lui rappelle une blessure de jeunesse.
A travers ce huit-clos et une poignée de personnages, c'est tout le cauchemar d'un régime politique qui nous est restitué.


J'ai été emballée par ce roman. Je cous copie-colle ici ma chronique de lecture (en avant-première, parce que je ne l'ai pas encore publiée sur mon blog)
Wink

Extrait : « Je vous ai toujours observée, Anna. Comme j’ai toujours observé mes serveuses. D’abord parce qu’elles sont jeunes et jolies (plus ou moins). Tout ce que je ne suis plus (ou n’ai jamais été). Évidemment, nous sommes obligés de les garder comme telles. C’est pour ça qu’elles ne durent pas. »

Celle qui parle est la patronne d’un café situé à Prague, au bord de la Vltava. Elle s’adresse à Anna, serveuse. Et son monologue va nous tenir en haleine jusqu’à la fin de Juste avant l’hiver.

Quelques touristes s’attablent dans ce café :

« Ils riaient presque. Ils avaient voulu cela, les touristes. Venir dans ce pays en état de choc. Eh bien, ils voyaient. Ils retrouveraient dans quelques jours, leur pays riche, ils rempliraient leur ventre de tout ce qui s’était creusé ici, à Prague, et le ventre à nouveau plein et satisfait ils raconteraient : "On vous tend une carte dans les restaurants, mais on commence par vous dire non pas ce qu’il n’y a pas – ce serait trop long – mais ce qu’il y a. Du concombre ! De la soupe ! C’est tout !" »

Les voyageurs de passage ne verront dans ce café qu’une serveuse gracieuse, Anna, à l’anglais hésitant, et rien de ce qui se noue derrière les pans blancs de son tablier. La patronne, elle, voit tout. Elle traque jusqu’au plus minuscule indice, passant des semaines à l’observer sans lui adresser la parole.

Elle se souvient dans les moindres détails du jour où elle a assisté à la rencontre entre Anna et Pavel, « l’étudiant » :

« Cette première approche n’a duré qu’une minute au plus, vous vous êtes éloignée, le regard tranquille comme vous l’êtes toujours, je n’ai rien noté d’extraordinaire à ce moment-là.

Mais soudain, vous avez tout lâché. […] Vous mouriez subitement, je crois que vous mouriez votre plateau sur le bras. »


La narratrice raconte la fulgurance de cet amour. Elle n’est pas protectrice pourtant, et ses mots trahissent souvent aigreur et jalousie. Douleur aussi, et frustration. Car dans cette histoire d’amour, elle n’est qu’un témoin, un objet du décor.

Pavel est en danger. Il ne va pas échapper à une arrestation, à la torture.

« Vous aimiez un homme, vous retrouvez un enfant qui a mal. […] vous prenez sa main qu’il vous cachait. Vous avez dix ans de plus, Anna. Ou cent ans de plus. C’est à cela qu’ils voulaient arriver – ce gouvernement de vieillards qui n’estiment que la vieillesse : à vous vieillir.

Ternir votre insolente jeunesse… »


Entre Printemps de Prague et chute du Mur de Berlin, les paroles de cette femme, sont d'abord teintées de fiel, de mépris. Peu à peu, sa carapace se fendille, et l’on réalise que, derrière la femme acariâtre, c’est la femme blessée qui s’exprime. Ses mots résonnent alors comme une ode à l’amour. Ode à son commencement, à sa perte, au champ des possibles qu’il ouvre… ou qui se referme.

La fin de Juste avant l’hiver est superbe, et clôt magnifiquement ce roman hors du commun.

On imagine bien une lecture publique de ce texte, ou une mise en scène, même basique, les mots étant assez forts pour porter une lectrice comme une actrice.

Juste avant l’hiver
est une prouesse. Pas simple de garder l’attention du lecteur avec un simple monologue. Pas simple de lui faire écouter sans jamais qu’il se lasse une seule voix, qui plus est une voix si antipathique au départ. Pas évident de doser avec justesse la présence de parties narratives sans enlever la force de cette voix qui parle et tient la note jusqu’au bout. Difficile d’évoquer dans un décor flou mais inquiétant les rouages politiques qui grincent et broient les protagonistes. La réussite de Françoise Henry dans cet exercice délicat est totale, l’émotion tangible.

Avec l'amour au centre de ce tout :

« Je voudrais ne parler que d’amour. C’est ça, seulement, qui me fait frémir. Le reste c’est du mensonge. »[b]
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 10:59

Merci pour ce fil - et pour la présentation de ce livre
Lorsque tu l'as mentionné sur le fil 'nos lectures du mois' j'avais fait une recherche concernant le résumé..
Très intéressant.. et tes impressions me font encore plus envie de succomber à la tentation Wink
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 12:05

Je crois que tu peux succomber !!! Very Happy
L'écriture de Françoise Henry, est très intéressante. On sent qu'elle est comédienne, ce qui donne un traitement des mots différent, je trouve.
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 12:11

pagesapages a écrit:
Je crois que tu peux succomber !!! Very Happy
L'écriture de Françoise Henry, est très intéressante. On sent qu'elle est comédienne, ce qui donne un traitement des mots différent, je trouve.
en tout cas j'ai noté et vais probablement commander demain dans ma librairie Wink

Petite question à part - est-ce qu'elle est parente avec Judith Henry que j'ai vu dans la pièce Le Canard sauvage récemment: ici
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 12:15

Kenavo a écrit:
Petite question à part - est-ce qu'elle est parente avec Judith Henry que j'ai vu dans la pièce Le Canard sauvage récemment
Je ne sais pas du tout. Elle semble très discrète. Je ne sais même pas vraiment dans quels films ou quelles pièces elle a joué. Et sur la fiche Wikipédia de Judith Henry, elle n'apparaît pas...
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 3 Avr 2009 - 12:24

pagesapages a écrit:
Je ne sais pas du tout. Elle semble très discrète. Je ne sais même pas vraiment dans quels films ou quelles pièces elle a joué. Et sur la fiche Wikipédia de Judith Henry, elle n'apparaît pas...
Merci.. j'apprécie si un auteur ne veut pas faire partie de la presse people Wink et en plus ses livres vont 'parler' pour elle..
c'était seulement une coïncidence de voir ce nom et puisque je ne connaissais pas non plus Judith Henry avant cette soirée au théâtre, cela aurait été un drôle de hasard Very Happy
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 15 Mai 2009 - 22:07

"Juste avant l'hiver" de Françoise Henry : une grâce dansante

Monique Petillon
Le Monde des Livres 15/05/09


Fragile. Intimiste. Voilà la tonalité, délicate et fiévreuse qui était celle des premiers romans de Françoise Henry : Journée d'anniversaire (Calmann-Lévy, 1998) ou Mémoires d'un oiseau (Pauvert, 2002). C'est avec Le Rêve de Martin (Grasset, 2006) qu'elle a imposé une voix, simple et poignante, pour évoquer un destin brisé, dans la France rurale de 1940. Ce récit prenait la forme d'une lettre posthume de la mère de Martin, l'enfant douloureux de la "faute", abandonné ensuite à la condition misérable de valet de ferme.

Sans doute est-ce son expérience de comédienne et d'auteur de pièces radiophoniques qui a donné à la romancière un sens aussi juste du rythme de la phrase, une approche aussi nuancée des intonations. Avec un grand talent, elle affûte, dans son dernier roman, un dispositif assez similaire à celui qu'elle employait dans Le Rêve de Martin : un long monologue, une "lettre intérieure" qu'adresse, vingt ans après, Ivana à Anna, une des serveuses sur qui, en 1969, elle exerçait une autorité glaciale, dans un café de Prague.

Impeccable Anna, dont la gaieté contenue et la grâce dansante attirent, dans le huis clos de ce café aux rideaux épais, "lieu de repli et d'oubli", les regards séduits des hommes (notamment Tomas, le maître d'hôtel aux souliers vernis), et l'attention haineuse d'Ivana. Rien n'échappe à celle-ci du trouble naissant entre Anna et un jeune étudiant de passage, Pavel. Une idylle bientôt brisée par le "poids historique" qui, dans ce pays en état de choc, fait "main basse sur (leur) amour", ternit leur "insolente jeunesse".

Dans cette atmosphère grise et oppressante, le moindre effleurement, le plus infime tressaillement, tout devient "subtil et intense". Cela pourrait se passer partout où le sentiment de danger rend l'amour et l'amitié plus secrets, voire clandestins, où l'on chuchote, où l'on serre contre son coeur une lettre froissée. Mais, de façon imprévisible, la romancière mêle noirceur et vitalité sensorielle : c'est, tournoyant dans la lumière glauque, la jupe jaune d'Anna. C'est, dans une vitrine, la douceur "charnelle", veloutée, d'une corbeille d'abricots. Ou l'éclat d'une gerbe de tulipes.

Anna gardera son mystère, grâce à la musique, qui va infléchir le cours de sa vie. On ne dira pas plus précisément le rôle que jouera ici Heinrich, le "pianiste d'ambiance" du café, qui parfois dérive vers Mozart ou Chopin. Quant au ressassement d'Ivana, et son regard d'"oiseau de proie", ils pourraient sembler insupportables sans le tour de force du retournement final, qui fait apparaître Anna, en miroir, comme un "double aimé et maudit". Celle qui aura su préférer l'espoir au regret, et garder intact le "premier frisson".


source
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 15 Mai 2009 - 22:31

Citation :
Quant au ressassement d'Ivana, et son regard d'"oiseau de proie", ils pourraient sembler insupportables sans le tour de force du retournement final, qui fait apparaître Anna, en miroir, comme un "double aimé et maudit"

C'est très vrai !!! Elle est superbe cette fin. Quel dommage que je ne puisse pas en dire plus sans risquer de tout déflorer !
Merci Kenavo de relayer cet article !sunny
Je passe mon temps à dire à qui veut l'entendre qu'il est complètement anormal qu'un roman de cette qualité passe inaperçu. Là, je vois que quelqu'un est tombé sous le charme !!! swing

Et est-ce que Monique Petillon qui a écrit cet article va bientôt lire Adriana Lisboa, "Des roses rouge vif" ? Je croise les doigts ! Allez, madame Monique, fais un p'tit effort ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyVen 5 Juin 2009 - 14:06

pagesapages a écrit:
Et est-ce que Monique Petillon qui a écrit cet article va bientôt lire Adriana Lisboa, "Des roses rouge vif" ? Je croise les doigts ! Allez, madame Monique, fais un p'tit effort ! Very Happy
on t'a entendu Wink ici
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyMer 13 Oct 2010 - 1:38

LA LAMPE. - Gallimard

Un hiver sous l' Occupation, en province. Dans une impasse donnant sur des jardins vit une couturière.
Elle s' appelle Marguerite, mais tout le monde l' appelle Cousine Bobine.

Frele, le dos vouté, seule au monde. Les femmes du quartier viennenet chez elle, s' attardent pour bavarder, lui apportent des pièces de tissu pour qu' elle en fasse une jupe, un corsage, une robe.
Les tissus l' émerveillent. Et toute la journée et parfois une partie de la nuit, elle pédale sur sa

machine Singer.
Un papillon de nuit s' installe un soir chez elle et ne veut plus partir. Elle s' attache à lui et lui parle...

Telle est la complainte de la pauvre Marguerite. Sa vie est prévisible, elle le sait mieux que personne
mais ne s' en étonne ni ne s' en attriste. Et sa solitude est devenue une habitude...
C' est un livre incroyablement naif et tendre... Ou alors c' est moi !

Il parait qu' on ne fait pas de la littérature avec de bons sentiments.
Bof ! Que ceux qui n' ont jamais été émus par Anna Gavalda me jettent la première pierre ! Rolling Eyes
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MessageSujet: Re: Françoise Henry   Françoise Henry EmptyMar 3 Jan 2012 - 14:08

Le rêve de Martin

Une vie. Un gosse perdu en route, un homme qui grandit avec cette souffrance, toujours seul et abandonné, mais sait picorer au passage de petits bonheurs.



Martin est né dans une famille nombreuse, d'une aventure de sa mère avec le jeune instituteur, aussi brève que lumineuse. Dans une campagne de l'entre-deux-guerres, parmi des hommes et des femmes rudes à la tâche, où les situations se vivent, mais ne se disent pas. Enfant bâtard jamais énoncé, il est placé à l'âge de 12 ans, garçon de ferme, interdit de l'amour qui lui avait jusque-là été prodigué. Lâché de tous, n'ayant que son courage et ses deux bras pour survivre. On ne la pas complètement oublié, le petit Martin, si gai, si débrouillard, on lui a parfois rendu visite (pas sa mère qui n'en a plus eu le courage), on l’a invité aux mariages, baptêmes, enterrements, mais on l’a bien mis de côté, expiant dans son innocence la faute de sa mère. Et il a grandi comme ça, car chez « ces gens-là » on ne discute pas, on assume sa vie aussi dure soit-elle. Il a souffert, il a continué, a accroché quelques éclat de lumière que la vie lui a cependant offerts. Car oui, dans la vie existent encore des gens bienveillants, et pas toujours ceux que l'on croit, les voisins parisiens que le village regarde avec méfiance, la nièce Véronique avec sa belle voiture rouge rutilante, les aides-soignantes amicales de la maison de retraite…

Une vie qui passe, qui souffre, que les autres préfèrent ne pas trop regarder pour ne pas trop souffrir avec elle.

Cette histoire est racontée par-delà la mort par la mère-même de Martin, qui n'a jamais su lui dire son amour, n'a pu que suivre de loin son destin tragique sans trouver le courage et l'audace de l'en sauver, et, de ce ciel où elle repose depuis longtemps déjà, et où Martin va la retrouver bientôt, lui crie cet ultime message de remords et d’amour.

Un questionnement profond sur ce qu'est-ce que l'amour, que reçoit-on de l'autre, à qui doit-on son attachement.

Un très beau texte, très attachant, tout en nuances et en subtilités, qui confirment que les hommes ordinaires ne sont jamais ordinaires.

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