Hervé Guibert, l'écrivain-photographe

A l'occasion de la sortie de "Hervé Guibert, l'écrivain-photographe", livre audio consacré à Hervé Guibert, j'ouvre un fil sur cet artiste, mort très jeune dont les photos m'ont toujours beaucoup touché. Je connais moins son travail d'écrivain.

Citation :

Guibert est mort célèbre. A 36 ans, en 1991, il est mort du sida et il a raconté sa maladie, son corps, sa déchéance et ses amis dans "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie", en 1990. Son beau visage émacié et ses mots, chez Pivot, ont déclenché un intérêt nouveau pour son oeuvre. Il a obtenu un grand succès un an avant sa mort.

Mais Guibert n'est pas seulement l'écrivain du sida. Il a toujours écrit, beaucoup écrit, comme habité (ou dévoré) par l'écriture.

Dans "Hervé Guibert, l'écrivain-photographe", Jean-Louis Trintignant, Juliette Gréco, Anouk Grinberg et Cyrille Thouvenin lisent des textes qu'il a consacrés à l'image.

Guibert a entretenu un rapport étroit avec elle. Il entre à 21 ans au "Monde" et devient critique de photos, à une époque ou "le Monde" ne publie pas de photos. Rendre compte d'une exposition demande donc un talent d'observateur et de conteur. Guibert est doué. Il parvient à passionner les lecteurs avec cet art nouveau enfin majeur, la photo. Celle-ci s'expose à la fin des années 70 dans des galeries et les musées, les formats s'agrandissent, les collectionneurs naissent et Guibert découvre la photographie en même temps que ses lecteurs. Avec l'écriture d'un romancier, simple et limpide. A l'évidence, elle se prête à l'oralité.

En même temps que son travail journalistique, Guibert développe une oeuvre personnelle. Il publie "Suzanne et Louise", roman photo. On y voit les photos de ses grands-tantes (Guibert est aussi photographe, même s'il s'en défend) et les petits textes écrits à la main (calligraphiés par ses soins) sur ces femmes qu'il aime, ainsi que les moments où il a photographié ces personnages, comme un enfant qui habillerait ou déshabillerait ses poupées. Puis, à la suite de Roland Barthes qui théorise sur la photo dans "La Chambre claire", Hervé Guibert développe en 1980 son rapport intime à l'image dans "L'image fantôme", l'un de ses plus beaux textes. Il se raconte et décrit sa relation à ses proches, à partir de la photographie. Ses récits, cette façon romanesque de parler de son corps, de soi, de la mort et des autres se révèle aussi dans ses écrits sur l'image. Littérature et photo courent l'un après l'autre dans l'oeuvre du romancier.

C'est Vincent Josse, animateur de Esprit Critique sur France Inter qui est à l'origine du projet. Un livre audio, avec les voix d'acteurs, les photos de Guibert... Un superbe coffret !

On peut écouter ici certains textes lus par Juliette Gréco, Anouck Grinberg, et Jacques Bonnaffé :
écoutez

Quelques exemples de ses photos, toutes en noir et blanc :

Merci pour ce fil Steven
Autant l'écrivain que le photographe m'intriguent

kenavo a écrit:

Merci pour ce fil Steven
Autant l'écrivain que le photographe m'intriguent

J'ai lu A l'ami qui ne m'as pas sauvé pas vie, livre autobiographique dans lequel il parle du Sida qui le ronge, de l'évolution de la maladie, des espoirs de guérison, de ses amis notamment le philosophe Foucault (appelé Muzil).
C'est dur, sans espoir et on sait à la fin qu'il est parvenu à se procurer la Digitaline qui lui permettra de mettre fin à ses jours.
Un roman très perturbant, émouvant, dont on se souvient toujours. Ecrit sans aucune pudeur, certains passages sont "crus" et sans compassion. Terrible, c'est le terme qui qualifie cet écrit.

Je devais lire la suite Le protocole compassionnel, dont j'ai remis la lecture à plus tard tant j'étais bouleversée et le coeur prêt à exploser.

Merci Eve Lyne pour tes impressions
je me suis renseignée hier un peu sur son oeuvre littéraire.. et pour le moment ce n'est pas ce que je recherche.. mais j'ai noté en tout cas

kenavo a écrit:

Merci Eve Lyne pour tes impressions
je me suis renseignée hier un peu sur son oeuvre littéraire.. et pour le moment ce n'est pas ce que je recherche.. mais j'ai noté en tout cas

C'est une oeuvre noire. J'ai lu ce "roman" puisqu'il est sous-titré comme tel parce qu'il faisait partie des trente livres qui avaient marqué les années 1975 à 2005, dixit le Magazine Lire. C'est un livre qui tutoie la maladie et la mort en permanence, donc pas divertissant du tout.

Un passage m'a choquée : un remède est en cours d'élaboration aux Etats-Unis. Guibert est inscrit pour l'essayer. Or, subitement, les capitalistes se rendent compte qu'il y a du fric à se faire et le prix du médicament explose de manière éhontée. Guibert n'en bénéficiera pas. Je crois même qu'il n'a pas été commercialisé (non-commercialisation à confirmer, ma lecture remonte trop loin pour être affirmative sur ce point).

Au fur et à mesure de la lecture, des images se superposent aux mots. Tout est tellement sombre et difficile que sans cesse j'avais la vision de Jean-Paul Aron en fin de vie, complètement affaibli par le Sida.

C'est un livre qu'on ne peut pas se permettre de recommander car la lecture est trop personnelle. Un livre inoubliable pour moi, que je laisse à la liberté de chacun de découvrir sans recommandation particulière.

Merci à Eve Lyne et à ventdemer. Comme je le disais, je ne connais Guibert qu'à travers ses photos. C'est pourquoi j'ai ouvert ce fil dans la rubrique photo. Vos commentaires me donnent envie de lire A l'ami qui ne m'as pas sauvé pas vie Au début, je pensais commencer par Le Seul Visage.

Expositions Hervé Guibert à la Maison européenne de la photographie , photos rassemblées dans un livre dont le texte est écrit par Jean Baptiste Del Amo



On peut l'entendre dans L'Atelier de Vincent Josse
ici





Hervé Guibert a une place importante dans le livre de souvenirs ( que je n'aime pas beaucoup..) de Mathieu Lindon, Ce qu'aimer veut dire.

J'ai lu deux ou trois livres de cet artiste alors qu'il était encore vivant... et quand on lit son oeuvre à 20 ans, c'est très fortement impressionnant. J'aime sa manière d'écrire, sa sensibilité et puis, il était tellement beau cet homme : chacune de ses photos le souligne.