Jeffrey Eugenides

Citation :

Jeffrey Eugenides (né le 8 mars 1960 à Détroit, Michigan) est un romancier des États-Unis d'origine grecque. Il finit sa 2e licence à l'Université Brown en 1983 et a également suivi un master d'écriture créative à l'Université de Stanford. Il habite à Berlin avec sa famille, est marié à l'artiste Karen Yamauchi et a publié plusieurs nouvelles dans The New Yorker, The Paris Review et Granta.

Son premier roman sort en 1993 : Virgin suicides, salué à sa sortie par la critique. Le roman aura encore plus de succès après avoir été adapté au cinéma par Sofia Coppola en 1999. Son deuxième roman, Middlesex, sorti en 2002, reçoit le prix Pulitzer en 2003.

(source : Wikipédia)

Middlesex :

L’histoire d’une famille sur 3 générations…la première, grecque, ayant vécue l’invasion turque et le massacre qui s’en suivit, émigre aux Etats-Unis…emportant un secret de famille qui frappera la troisième de plein fouet…et chacun se débrouille comme il peut.

Ce roman d’environ 700 pages suscite l’intérêt et bouscule les tabous sans les abolir. Les personnages sont biens construits et l’histoire tient le lecteur mais le style comporte quelques maladresses. Qu’importe, l’auteur maitrise son sujet et nous emmène là où il le souhaite.

Dans une interview qu'il avait donnée, Jeffrey Eugenides disait qu'il ne connaissait pas l'Allemand, et que c'est pour ça qu'il aimait bien vivre à Berlin : ne pas comprendre les conversations.

J'ai beaucoup apprécié The Virgin Suicides (l'histoire de soeurs qui se suicident), mais ayant vu le film avant, j'avais quasiment la bande-son du film dans les oreilles quand j'ai lu le livre...

Pour Middlesex, toujours dans l'interview, Jeffrey Eugenides disait qu'il avait voulu écrire sur la Grèce, la Turquie, mais qu'il ne connaissait absolument pas le sujet. Il a donc passé beaucoup de temps à se documenter.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'auteur n'est pas très prolifique... Il privilégie visiblement la qualité.

Je l'ai lu il y a longtemps; l'histoire est atypique, bien menée, avec, effectivement des personnages attachants.
C'est loin mais ce livre est resté dans ma mémoire.

Quelqu'un a-t-il lu Virgin Suicides du même auteur?

Sophie a écrit:

Quelqu'un a-t-il lu Virgin Suicides du même auteur?

Oui, ça ressemble beaucoup au film, et inversement.
Je pense que si on aime l'un, on aimera l'autre.

Vraiment bien aimé ma lecture de Middlsex... d'ailleurs je voulais en lire d'autres, et puis j'ai tout laissé passer comme souvent...


Avis de l'époque sur Middlsex.

Prix Pulitzer 2003

Lorsqu'on entend parler de Middlsex, si on ne prête pas trop l'oreille, on peut entendre qu'il s'agit de l'histoire d'un hermaphrodite, et que l'auteur est le même que celui qui a écrit le roman Virgin suicides. Mais lorsqu'on écoute mieux, et surtout lorsqu'on lit le roman, on s'aperçoit rapidement que ce roman dépasse son sujet racoleur, et s'éloigne avec brio du thème post adolescent désœuvré de Virgin Suicides.

Jeffrey Eugenides nous offre un roman épique, décrivant une Amérique changeante, en perpétuel mouvement (prohibition, loi de l'immigration, industrialisation, racisme…). Il nous dépeint l'histoire d'une famille grecque orthodoxe : on part des années 20 pour finir aux années 70. On découvre un univers à la fois superstitieux, agrémenté de mythologie et profondément réaliste, avec l'intégration d'une famille dans un pays étranger. Le narrateur garde toujours un regard tendre sur ses congénères, tout en maîtrisant l'auto dérision et les longues digressions nous faisant passer du rire aux larmes en quelques lignes.

Finalement Eugenides nous raconte ainsi l'évolution du gène qui provoquera l'hermaphrodisme du narrateur : passant par l'inceste, pour patienter dans le mariage de germains et finir par se développer chez Cal/Calliope. Chaque personnage a sa place propre, et tient une importance primordiale dans le récit. On s'attache à chacun d'eux, on les voit grandir, naître, vieillir, mourir… Et on voit Calliope devenir Cal.

A travers ce roman, Jeffrey Eugenides pose des questions sur l'identité sexuelle, sur ce qui est inné ou ce qui est acquis (est-ce qu'une fille ayant été élevée comme telle peut devenir un homme ?) A travers les complexes de l'adolescence s'insinuent ceux encore plus forts de la différence, Calliope se sent différente. On voit aussi comment, petit à petit, Cal finit par accepter sa duplicité, sa nature atypique. Le système de narration passant du " je " au " il/elle ", la façon dont parfois le narrateur s'implique et d'autres fois se pose en spectateur de lui-même, amène un nouveau souffle à la lecture, et permet au lecteur de voir sous divers angles. Ces différents points de vue permettent d'être à la fois dans l'action et spectateur de celle-ci, un peu à la manière des pièces grecques : lorsque l'acte se termine, le chœur nous explique ce qu'il se passe, et c'est alors que tout devient clair.

Petit extrait

Citation :

[…] aucune de mes coéquipières plus athlétiques n'avait jamais occupé un corps aussi problématique. Elles n'avaient pas, comme moi, deux testicules occupant illégalement leurs canaux inguinaux. A mon insu, ces anarchistes s'étaient installés dans mon abdomen et s'étaient même branchés sur les réseaux de distribution. Si je croisais les jambes d'une certaine façon ou que je bougeais trop vite, j'éprouvais une douleur fulgurante dans l'aine.

Jamais lu cet auteur, Virgin Suicides vu en film et cela ne m'a pas donné envie de lire le livre.. et sujet de Middlesex pas trop ma tasse de thé..
mais à un certain moment donné on en a parlé tellement de lui - et depuis des années c'est le calme total
writer’s block?
apparemment, je viens de voir - aussi en anglais rien de nouveau depuis des années..

L’automne passé Jeffrey Eugenides a publié un nouveau roman, « The Marriage Plot ». Je l’ai lu en anglais au moment des fêtes de fin d'année et attends sa traduction française pour en parler plus longuement. Sachez simplement que l’histoire – une histoire d’amour triangulaire - se passe en 1982 dans une université américaine. Eugenides pose la question si les histoires d’amour à la Jane Austin ou Henry James sont encore racontables de nos jours. Les théoriciens français, et pas seulement Roland Barthes, sont souvent cités.

A quand la traduction française ?

Le roman du mariage

Comme Maline, j'ai remarqué la multiplicité des références littéraires, qui accompagnent le parcours des trois principaux protagonistes. Madeleine, Leonard et Mitchell forment un triangle amoureux instable et composent le portrait d'une jeunesse entre deux âges, assoiffée de connaissance et de découvertes mais loin des certitudes de l'âge adulte.
La tonalité du roman est étrangement désuète, voire décalée tant plane l'ombre des écrivains du passé. Eugenides accentue ainsi une distance vis à vis des états d'âme et d'un vécu en soulignant l'intemporalité des angoisses et insatisfactions. La narration est d'abord frustrante par ses détours et ses citations, avant de trouver sa légitimité en dévoilant un discret vertige.
Eugenides s'attache à suivre des personnages qui hésitent puis recherchent un idéal qu'ils devront apprendre à déconstruire. Le roman du mariage impose alors un renoncement teinté d'amertume pour espérer un nouveau départ.

Avadoro a écrit:

Le roman du mariage

Comme Maline, j'ai remarqué la multiplicité des références littéraires, qui accompagnent le parcours des trois principaux protagonistes. Madeleine, Leonard et Mitchell forment un triangle amoureux instable et composent le portrait d'une jeunesse entre deux âges, assoiffée de connaissance et de découvertes mais loin des certitudes de l'âge adulte.
La tonalité du roman est étrangement désuète, voire décalée tant plane l'ombre des écrivains du passé. Eugenides accentue ainsi une distance vis à vis des états d'âme et d'un vécu en soulignant l'intemporalité des angoisses et insatisfactions. La narration est d'abord frustrante par ses détours et ses citations, avant de trouver sa légitimité en dévoilant un discret vertige.
Eugenides s'attache à suivre des personnages qui hésitent puis recherchent un idéal qu'ils devront apprendre à déconstruire. Le roman du mariage impose alors un renoncement teinté d'amertume pour espérer un nouveau départ.

Et il est bien, ce livre ? Vos commentaires ne débordent pas d'enthousiasme, me semble-t-il...

Il est plus intéressant qu'enthousiasmant, d'où des impressions un peu en demie-teinte. Il ne faut pas chercher de comparaison avec Middlesex, bien plus accessible et réjouissant.
L'écart chronologique entre les romans d'Eugenides (il publie tous les dix ans) implique forcément des attentes un peu excessives et c'est sur ce plan que j'ai été surpris au départ. Mais c'est une oeuvre assez ambitieuse et très riche dans son ambition stylistique et sa description d'une génération.

Bonne question, eXPie. Que me reste-il plus de 2 ans après la lecture du roman ? Tout simplement le souvenir d'avoir passé un bon moment de lecture et l'envie vive de relire " Le roman du mariage " pour découvrir des ressorts plus profonds qui ne me sont pas apparus à la première lecture, attirée que j'étais par l'intrigue du livre.

Je fais remonter ce fil sur Eugenides, pour vous proposer un extrait de Middlesex:

Citation :

Un véritable mythe grec finit sur une note tragique. Mais les Américains ne perdent jamais le moral. Ces derniers temps, chaque fois que nous parlons de Milton, ma mère et moi en venons à la conclusion qu'il est parti juste à temps. Il est parti avant que Chapitre Onze n'eût ruiné l'affaire familiale en moins de cinq ans. Avant que Chapitre Onze, reprenant, dans un autre registre, les activités divinatoires de Desdemona quant au sexe des enfants à naître, ne se mette à porter une minuscule cuillère en argent autour du cou. Il est parti avant l'épuisement des comptes en banque et la suppression des cartes de crédit. Avant que Tessie ne soit obligée de vendre Middlesex et d'aller vivre en Floride avec tante Zo. Et il est parti trois mois avant que Cadillac, en avril 1975, ne sorte la Seville, une voiture économique qui avait l'air d'avoir perdu son pantalon, après quoi les Cadillac ne furent plus jamais ce qu'elles avaient été. Milton est parti avant bien des choses dont je ne parlerai pas, qui sont les banales tragédies de la vie américaine, et comme telles n'ont pas leur place dans ce récit singulier et hors du commun. Il est parti avant la fin de la Guerre froide, avant les boucliers anti-missiles et le réchauffement de la planète et le 11 septembre et un second président avec un nom à une seule voyelle.
Plus important que tout : Milton est parti sans me revoir. Cela n'aurait pas été facile. J'aime à penser que l'amour que mon père me portait était suffisamment fort pour qu'il m'accepte tel que j'étais. Mais d'une certaine manière il vaut mieux que nous n'ayons pas été confrontés à cette situation, lui et moi. Pour ce qui est de mon père, je demeure une fille à jamais. Il y a là une sorte de pureté, la pureté de l'enfance.

Chapitre Onze est le frère du narrateur, qui tire son surnom du nom de la procédure désignant la mise en banqueroute d'une personne privée. Milton et Tessie sont leurs parents. Au moment où son père décède dans un accident de voiture, Cal est en fugue depuis plusieurs mois.

Je tiens à dire que la façon dont Eugenides traite la question de l'intersexuation n'a rien de racoleur ou de sordide - le roman est subtilement construit, avec beaucoup de délicatesse. Par exemple dès la première page, Cal nous apprend qu'il est membre d'une fondation pour la préservation du mainate, une espèce chez laquelle le dimorphisme sexuel est inexistant - il y a de multiples touches de ce type tout au long du roman, des allusions à la mythologie, de l'humour fin...

Le roman du mariage m'est lui tombé des mains

Si vous connaissez d'autres ouvrages sur l'ambiguïté sexuelle (à part Seraphîta de Balzac et le témoignage d'Herculine Barbin) c'est volontiers, c'est un thème qui me passionne

Agnès a écrit:

Si vous connaissez d'autres ouvrages sur l'ambiguïté sexuelle (à part Seraphîta de Balzac et le témoignage d'Herculine Barbin) c'est volontiers, c'est un thème qui me passionne

Le choeur des femmes de Martin Winckler.

topocl a écrit:

Agnès a écrit:

Si vous connaissez d'autres ouvrages sur l'ambiguïté sexuelle (à part Seraphîta de Balzac et le témoignage d'Herculine Barbin) c'est volontiers, c'est un thème qui me passionne

Le choeur des femmes de Martin Winckler.

Le Golem de Gustav Meyrink
Le Cycle de Fondation d'Isaac Asimov (comme d'autres romans de SF...)