Je suis tout à fait conscient qu'à part Mordicus (et Animal?) personne ne connaîtra ce nom. Meshuggah est un groupe de… metal (à défaut de pouvoir être plus précis) suédois assez reconnu à travers la scène metallique. S'il est difficile de classer Meshuggah, c'est parce qu'il appartient à ces groupes tellement originaux qu'ils ne correspondent jamais à une catégorie prédéfinie (ni death, ni black, ni cyber, ni thrash…). Meshuggah, c'est juste "hard", "progressif" et OVNIesque.
Ce qui rend le groupe intéressant, ce n'est pas seulement son côté "inclassable", c'est surtout sa démarche autant musicale que "philosophique" (ce qui, vous vous en doutez, n'est pas pour me déplaire).
Tout d'abord, à quoi ressemble la musique de Meshuggah? Elle donne l'impression de se répéter, de décrire un motif récurent, un thème, mais en réalité, chaque "riff" diffère d'un autre, chaque répétition est l'occasion de détruire ce qui précède. La guitare de répète que rarement exactement la même chose, le rythme change, une note disparaît, la mélodie est coupée: Meshuggah ne se répète jamais. Le rythme n'est pas non plus facile à cerner, ce n'est pas une musique sur laquelle on peut agiter la tête en continu, c'est saccadé, presque aléatoire, doublé, triplé! Polyrythmique, atonale, dissonante, progressive et agressive, chaque aspect de la musique de Meshuggah peut être mis en résonnance avec une certaine philosophie. Il (me) semble évident que les membres du groupe cherchent à faire passer une vision du monde, une recherche constante: la polyrythmie illustre l'irréductible pluralité de visions du monde, l'atonalité et la dissonance la difficulté de s'accorder (ne serait-ce qu'avec soi-même) sur une vision harmonieuse, la progression la quête et l'agressivité représente enfin une forme de désespoir qui se métamorphose au mieux en scepticisme, au pire en nihilisme*; la musique de Meshuggah n'est donc pas "positive" (même si certains passages de Catch33 laisse entrevoir des "lueurs").
Personnellement, lorsque j'écoute Meshuggah, j'ai la même impression (exactement) que lorsque je lis un livre de philosophie: c'est tout un système de pensée qui se déploie devant moi.
Voici quelques extraits (dont j'espère que vous pourrez apprécier la valeur, même si je sais que les non-habitués n'y entendent qu'une masse compacte de sons indistincts):
Meshuggah-Future Breed Machine (album: Destroy, Erease, Improve)
Meshuggah-Rational Gaze (album: Nothing) (je comptais vous donner la version studio - qui est beaucoup plus longue - mais je me suis dit que clip pouvait être intéressant)
Meshuggah-Shed (album: Catch 33)
Meshuggah-Bleed (album: Obzen) (encore une fois, j'ai préféré le clip à la version studio pour illustrer mon propos)
Meshuggah-Combustion (album: Obzen)
*j'ai aussi envie de dire que la négativité de Meshuggah est un refus net de se laisser enfermer dans des formes pensées classiques manifestement (dans leur musique) insatisfaisantes. D'où le recours au metal (musique de contestation) et l'impossibilité, malgré tout, de les classer sans être trop général ou trop précis…