Eric Vuillard

La bataille d’Occident

Il faut rester entre amis, la guerre se joue comme une pièce de théâtre dont on doit connaître le texte depuis sa tendre enfance, les premiers rôles sont réservés, seules les baïonnettes se tiennent en file indienne dans le râtelier et attendent n’importe quelle main pour les saisir.

Quoi ajouter de plus à ces deux bons commentaires de Shanidar et Animal ? Je rejoins ces avis et suis tout à fait admirative pour ce récit.
Découverte d’un auteur dont j’ai envie de le suivre.


Congo

Tout aussi bien que La bataille de l’Occident, ce livre m’a donné envie de reprendre ce sujet avec une autre lecture :



David Van Reybrouck

Le hasard m’a amené ce samedi vers une lecture d’Éric Vuillard dont La Bataille d’Occident vient d’être traduite en allemand sous le titre Ballade vom Abendland (traduction Nicola Denis). Tiens, une bataille qui se mue en ballade ! Heureusement, en allemand Ballade prend uniquement le sens du chant de trouvère et pas du tout celui de la promenade   

Kenavo, Shanidar, Bédoulène, Animal, vous les Parfumés qui avez lu le livre d’Éric Vuillard, que dites-vous de ce changement de vocabulaire ? Est-ce un changement de point de vue qui rend justice au livre ?
(Apparemment la traductrice s’est concertée avec l’auteur pendant son travail. Mais j'aimerais bien connaître votre point de vue.)


J’arrive donc en retard et prend la discussion au pied levé. Eric Vuillard parle beaucoup des photographies qui illustrent les chapitres de son livre et les relations subjectives qu’on entretient avec ce que l’on a vu. C’est comme un lecteur étourdi qui lit en pensant à autre chose, comme une digression pendant une lecture. Ainsi les pensées du lecteur vagabondent d’un sujet à une expérience personnelle, à une pensée différente... [ÉV parle de sa propre expérience qu’il a eu en venant en train et en lisant l’article L'obsession du « reporting » crée l'inefficacité managériale paru dans Le Monde du 08/05/2014.]

On parle aussi de catachrèse entre les titres des chapitres et leur contenu. ÉV détourne les expressions de leur sens premier. Ainsi le chapitre intitulé Le chemin des Dames montre le retournement dans le temps, l’ironie de l’Histoire, la poésie d’un chemin de voyage des filles de Louis XV et un coup de pied au roi de France. Car ce qui a été construit pour une promenade idyllique devient plus tard un endroit bruyant et mortel par la canonnade de la bataille de la 1ère guerre mondiale.

ÉV évoque l’écriture de son prochain livre où il est question de la photographie d’une indienne d’Amérique, vêtue en girl de rodéos. Il a été happé, obnubilé par la tristesse de sa figure mais n’a jamais pu dire pourquoi. « Quelque chose que l’on voit, on ne l’a pas encore vu. » Dans un élan lié à l’écriture, il repousse dans son texte toutes les explications qui se présentent à l’esprit, finalement il n’y a pas d’explication. La jeune fille n’est plus indienne, elle est tout à fait occidentalisée. En faisant des recherches sur la photographie ÉV découvre qu’elle a été trouvée après le massacre de Wounded Knee sous le corps de sa mère morte, elle fut achetée par un général américain et elle est devenue blanche, elle a perdu son identité.

Il ne me reste plus qu’à lire La Bataille d’Occident.

question piège ? ça doit pouvoir se défendre si on considère que la bataille est aussi une histoire de l'occident ?

je serai très curieux de ton avis sur ce livre.


je ne sais pas complètement ce qu'il m'en reste, et l'accent mis sur les photos pourraient m'en détourner (vilain réflexe ?), mais de relire kena et shanidar me le rappelle malgré tout. et puis en plus d'avoir de l'esprit je lui ai trouvé une certaine réserve aussi.

peut-être que cette variante du titre est une façon de prévenir le lecteur allemand de la réelle intention du livre, de dévier de l'idée purement guerrière ou du ressassement du fait ?

merci pour ton compte rendu Maline

animal a écrit:

peut-être que cette variante du titre est une façon de prévenir le lecteur allemand de la réelle intention du livre, de dévier de l'idée purement guerrière ou du ressassement du fait ?

je le vois aussi de cette façon, en fin de compte le livre parle de bien d'autres choses que de batailles... j'aime bien le titre allemand

et oui, je ne peux que te le recommander

c'est étonnant tout de même, à moins que dans ballade il n'y est l'idée de "conter" ?

attention aussi à ne pas confondre ballade et balade en français, le premier faisant en effet référence aux chants (qui peut être un chant guerrier comme ceux de Bertran de Born) et le second qui parle de promenade. Le premier n'appelant pas forcément le second (même si l'homophonie prête à confusion).

Un livre, en tout cas, que j'ai envie de relire pour ces petits chapitres didactiques et bien tournés.

Merci, shanidar, de me rappeler de ne pas confondre    l’orthographe des mots homophones.

Eric Vuillard - Tristesse de la terre.





Buffalo Bill Cody. On a tous entendu ce nom, légendaire, épique, qui évoque l'ouest, l'Amérique...Mais qui est-il vraiment ? Savez-vous que cet homme est l'initiateur du Reality show, génial inventeur du "Wild West Show" ? Spectacle grandiose où de valeureux cow-boys se battent contre des indiens ignares et dissidents. Du moins cela, c'est le topo. Ni plus ni moins. Parce que ce, dans ce livre, E.V. dresse le passé, puis le laboure, de la légende, il n'en restera plus rien. 150 pages où un spectacle s'élabore, où la civilisation s'auto-proclame au dépends de la race exécrée et honnie, où un acteur s'exhibe, puis s'étiole, car "les princes du divertissement meurent tristes". La machine du spectacle brille pendant qu'un peuple se consume, volé de ses terres; de Sitting Bull, son chef; de Zintkala Nuni, sa fille...

Il s'agit d'un retour, non pas à la terre, mais au début de sa fin. D'où, sûrement, sa tristesse, dans l'alacrité de la foule qui crache...Une belle écriture, c'est cela, épurée et cadencée, j'ai aimé, malgré quelques redondances ici ou là. La fresque, courte et en cela on n'a pas le temps de s'ennuyer, se sustente de photos, célèbres, que l'auteur encadre, pour mieux revisiter. Et, un dernier chapitre, où on embrasse Wilson Alwyn, l'homme qui a photographié la neige. Et c'est toute l'histoire de ce roman, qui est aussi histoire, qu'analyse, que style, et qui se termine juste assez tôt, juste assez comme il faut, pour qu'on ait l'envie de le rouvrir dans pas bien longtemps. Ce qui sera mon cas je parie   .

Une histoire et un style. C'est du Vuillard.

tu as lu lesquels d'autres ? les deux précédents ?

animal a écrit:

tu as lu lesquels d'autres ? les deux précédents ?

Nonnnnnn non pas du tout Animal, c'est le premier que je lis, mais je ne serais pas du tout contre en lire davantage, surtout quand je vois tes commentaires sur la page d'avant.

c'est le "Une histoire et un style. C'est du Vuillard." qui me faisait penser que.

dans la présentation en tout cas ça a l'air de ressembler aux deux précédents, par contre ceux d'encore avant ce doit être assez différent dans la manière, Conquistador c'était différent, les autres encore plus il parait.

Tristesse de la terre

Grosse déception. Même recette, et même format, que les deux précédents (La Bataille d'occident et Congo) mais cette fois de l'autre côté de l'Atlantique. Quelques photos et un peu d'histoire autour de Buffalo Bill, de son vrai nom William Cody, figure historique et pittoresque de l'Ouest américain qui s'est incarné lui-même dans de multiples représentations de son Wild West Show. Représentations aux Etats-Unis mais aussi en Europe (il est question de son passage à Nancy). Ah, en fait le sujet du livre pourrait être le spectacle, le grand spectacle et son acte de travestissement de la réalité à fois nocif et vaguement salutaire.

Le problème c'est qu'on en reste à de gros clichés qui ne sont pas loin d'un (très bobo ?) anti-américanisme primaire et de pleins de bons sentiments pour tous ces pauvres indiens qui eux étaient tous gentils alors que les américains de maintenant et bien ils étaient tous méchants et déjà tous idiots (et cruels). Servi sur un toast d'histoire et de chronologie approximative ça aurait eu beaucoup de mal à prendre et les quelques réflexions pas toutes inintéressantes et bien on est fort de tenté de les oublier le plus rapidement possible avec le reste du bouquin.

Je ne sais pas ce que je trouve le plus dommage de mon manque d'intérêt ou de l'impression d'avoir lu un truc rapide, très formaté, et pas forcément très réfléchi. Sur les trois c'est celui qui fait de l'ombre aux autres, c'est celui (de trop ?) qui fait de l'ombre tout court.

L'avantage c'est qu'avec le "format Actes Sud" (qui m'agace aussi) c'est vite lu...

Bien d'accord. Merci.

comme j'avais beaucoup apprécié la Bataille d'Occident et que je n'aime pas particulièrement Cody, je ferai donc l'impasse.

Je te rassure au moins sur ce point : lui non plus n'aime pas Buffalo Bill.