Eric Vuillard

Arensor, les personnages évoqués, de tous métiers, notamment, avec leur noms, le sont d'après ses recherches, il me semble très poussées, et les dires des participants ou témoins, c'est une façon d' aborder l'Histoire de façon plus terre à terre, non ?

Bédoulène a écrit:

Arensor, les personnages évoqués, de tous métiers, notamment, avec leur noms, le sont d'après ses recherches, il me semble très poussées, et les dires des participants ou témoins, c'est une façon d' aborder l'Histoire de façon plus terre à terre, non ?

Et bien justement, c'est ce qui me gêne. Il y a des éternités que les historiens ont épluché toutes les sources dans le moindre détail, surtout à propos d'un événement pareil ! Pour moi parler de "recherches" dans ce cas me pose question. Je préférerais la notion de "documentation". Pour donner le fond de ma pensée, j'ai parfois l'impression que certains auteurs réutilisent le travail d'historiens dans une certaine forme de vulgarisation, genre Lorant Deutsch. Ceci dit, je ne voudrais pas faire de procès d'intention à Vuillard que je n'ai jamais lu ; une approche originale de l'événement et le style pourraient emporter mes réticences.

je veux bien troquer le mot recherches par celui de documentation Arensor. Et je ne vois que de l'intérêt à ce que l'auteur se soit servi de tous les documents auxquels il a pu avoir accès et notamment les paroles des personnes ayant participé à cet évènement.

Tu n'as plu qu'à te faire une idée en le lisant.

Il y a de toute façon la liste de ses sources en fin de livre.

Bédoulène a écrit:

Tu n'as plu qu'à te faire une idée en le lisant.

Tu as tout à fait raison, une lecture qui ne me tentait pas à priori mais que je vais devoir faire

j'espère ne pas passer pour un contre revolutionnaire et pour cela ne pas me retrouver le col dénudé sur le billot à attendre la chute de la grande faucheuse, mais vous me connaissez maintenant, j'aime bien fouailler là où ça fait mal. Et, je ne peux passer sous silence une opinion qui amène une optique différente de celle de la glorification des journées révolutionnaire (tout en ne niant pas l'effet moteur de celles ci dans le processus révolutionnaire), cette opinion de contestation autant que je m'en souvienne était partagée par des profs de fac (mais bon, la parole se perpétue...) un article la situera plus clairement que je ne le ferai moi même :
voir ici
ce qui me gène c'est que je trouve difficilement tolérable de poser en exemple des personnes se defoulant dans les rues d'une capitale en exhibant des têtes au bout de piques, sincerement ceci m'amène à penser à des scènes de notre histoire récente, et à ce combat que mena M.Badinter contre la peine de mort;
Que l'on s'entende, lorsque j'écris cela je ne suis pas en colère mais peiné de devoir l'exprimer et de risquer à contrario de heurter les gens alors que je ne suis pour rien dans ces faits, mais je ne suis pas un béni oui-oui et j'essaie de prendre le maximum de précautions pour le dire. Est on suffisement conscient de l'horreur qu'ont pu representer ces journées terribles...?Ceci dit sans vouloir revenir à l'Ancien Régime
.

je comprends bien Chamaco et d'ailleurs ce sentiment je l'ai bien ressenti à la lecture du livre sur Toussaint Louverture dans lequel l'auteur montrait bien et condamnait l'horreur des deux côtés. (me souviens plus de l'auteur)

D'ailleurs dans le livre de Vuillard me semble que ceci est épargné au lecteur.

les révolutions sont des guerres aussi "meurtres en famille" ?

Merci Bédoulène

si toutes les révolutions auraient pu être à l'image de celle de 1974 au Portugal, dite révolution des oeillets.
« Grândola, vila morena,
Terra da Fraternidade,
O povo é quem mais ordena
Dentro de ti, ó cidade... » (extrait)
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« Grândola, ville brune,
Pays de Fraternité,
C'est le peuple qui commande
Ici, oh cité »

J'ai écouté hier l'émission La fabrique de l'Histoire du 02.09.16 sur France Culture, présentée par Emmanuel Laurentin et qui une fois par mois, invite des historiens à commenter, critiquer, réfléchir sur des œuvres de fictions (livres, films, bds) mettant en scène des faits historiques.

Etaient réunis pour cette émission : Fabrice d'Almeida, Arlette Farge, Pascal Ory, accompagné par Victor Macé de Lepinay.

Tous convenaient d'emblée qu'ils éprouvaient beaucoup d'admiration pour les livres précédents de Vuillard et voici ce qu'ils disaient de 14 juillet :

"surprenant et intelligent" "une manière fascinante de tricoter le petit récit dans le grand évènement" "de remplir le vide" (Fabrice d'Almeida)

"étonnante recherche du nom des gens, langage nouveau, écriture nouvelle dans le vertige de cette Révolution" "Histoire ? Pas sûr ! mais ce n'est pas important. Ce qui compte c'est le sentiment idéologique de l'auteur au sein d'un récit engagé" (Arlette Farge)

"complètement historien grâce aux recherches dans les archives" (Pascal Ory)

Et pour reprendre ce que nous dit Chamaco, qui est d'ailleurs également souligné par Ory expliquant que certaines phrases pourraient être interprétées comme 'populiste' ou à 'contre-emploi" (c'est-à-dire contre le 'peuple'), je cite les mots de Fabrice d'Almeida à la fin de l'entretien :

"Vuillard démonte tout l'imaginaire anti-populaire de notre époque, il désamorce les clichés contre le peuple, les préjugés inhérents à notre temps, l'idée d'un peuple assoiffé de sang, voleur, violent, antipathique".

merci Shanidar !

Chamaco a écrit:

j'espère ne pas passer pour un contre revolutionnaire et pour cela ne pas me retrouver le col dénudé sur le billot à attendre la chute de la grande faucheuse, mais vous me connaissez maintenant, j'aime bien fouailler là où ça fait mal. Et, je ne peux passer sous silence une opinion qui amène une optique différente de celle de la glorification des journées révolutionnaire (tout en ne niant pas l'effet moteur de celles ci dans le processus révolutionnaire), cette opinion de contestation autant que je m'en souvienne était partagée par des profs de fac (mais bon, la parole se perpétue...) un article la situera plus clairement que je ne le ferai moi même :
voir ici
ce qui me gène c'est que je trouve difficilement tolérable de poser en exemple des personnes  se defoulant dans les rues d'une capitale en exhibant  des têtes au bout de piques, sincerement ceci m'amène à penser à des scènes de notre histoire récente, et à ce combat que mena M.Badinter contre la peine de mort;
Que l'on s'entende, lorsque j'écris cela je ne suis pas en colère mais peiné de devoir l'exprimer et de risquer à contrario de heurter les gens alors que je ne suis pour rien dans ces faits, mais je ne suis pas un béni oui-oui et j'essaie de prendre le maximum de précautions pour le dire. Est on suffisement conscient de l'horreur qu'ont pu representer ces journées terribles...?Ceci dit sans vouloir revenir à l'Ancien Régime
.

Je suis tout à fait d'accord avec toi Chamaco et c'est très bien de rappeler le fait. Nous ne retenons généralement que la face généreuse de ces événements en oubliant leur côté obscur. N'en déplaise à Fabrice d'Almeida, il n'y a pas beaucoup de journées révolutionnaires qui n'aient pas été sanglantes. Comme si ces événements, pour acquérir une dimension symbolique, avaient besoin de quelques sacrifices humains...

le fait que le simple souvenir de ces faits motive encore les personnes de nos jours prouve plusieurs choses : que l'accumulation des souffrances sous l'Ancien Regime a suscité un mouvement spontané de violences ayant dépassé les cadres révolutionnaires, que depuis la fin de la Révolution jusqu'à nos jours on n'est pas parvenu à trouver un régime idéal qui préserve la dignité et le bien-être des hommes, que quoi que l'on dise l'homme sera toujours un loup pour l'homme. La Révolution aurait elle pu faire l'économie des journées Révolutionnaires j'en doute et en même temps je trouve qu'il est dommage que la haine ait pu remplacer la raison, et quoi qu'en dise Ory les têtes ont bien été portées au bout des piques et cela n'est pas à la gloire de l'homme....mais que cela ne nous empêche pas de passer une bonne nuit et de se retrouver demain matin au petit dejeuner...Amitiés
mon libraire ne va pas tarder à recevoir ce livre que bien sur je lirai car moi aussi je suis un petit loup

Il semble bien, pourtant, d'après le livre de Vuillard que durant les journées du 12,13 et 14 juillet, il n'y a pas eu de têtes sanglantes fichées sur des piques, mais bien des effigies empruntées à la galerie de la future Madame Tussauds comme on l'apprend aussi à la lecture de Denis Vidal (clic). Alors bien sûr, la Folie Titon, la maison de plaisance de l'entrepreneur Réveillon qui voulait baisser le salaire de ses employés, a été pillée et du sang a peut-être été versé (Vuillard ne le dit pas) mais alors il s'agissait du sang des émeutiers se blessant aux goulots fracassés des bouteilles de grand vin (dont ils firent bombance, oui) , ou bien celui des menstruations ou d'une défloration consentie dans le baldaquin de Madame Réveillon mais pas un cheveu de la perruque de Réveillon ne fut touché. Pas un. En revanche, les soldats laissèrent sur le pavé les corps de 300 émeutiers en représailles pour ce pillage. 300 morts contre des tiroirs vidés, des tapis compissés et des fanfreluches déchirées.

je crois Arensor et Chamaco qu'il vous faut lire le livre pour en discuter plus justement.

bien sur que je vais le lire , je ne tiens pas à refaire la Révolution , pourtant de grands historiens ont parlé de la mort de Mr De Launay et de ses gardes et de leur triste fin, tout autant que celle des émeutiers ayant trouvé la mort dans ces journées, allons nous nous étriper sur les morts (et il y en eut) des journées révolutionnaires.? Telle n'est pas mon intention, pour moi (et c'est un grand principe de la révolution) tout homme est égal dans la mort qu'il soit garde ou emeutier et nul ne mérite de mourir, mon intention n'est pas de faire dire à l'Histoire ce qu'elle ne dit pas, je retourne donc à ma douce quiétude en attendant cette lecture, je ne tiens pas à débattre non plus des menstruations et je m'en excuse (je n'en suis pas expert)

C'est tout l'enjeu du livre de Vuillard, rééquilibrer les éléments ; De Launay est inscrit dans les livres d'Histoire, avec son nom et sa fin tragique mais personne ne connait les noms, les professions, les âges de ceux qui étaient là, Vuillard leur redonne une place dans l'Histoire, il fait dire à l'Histoire ce qu'elle ne dit pas. Il va même jusqu'à réinventer des prénoms féminins (en se basant sur ceux les plus souvent utilisés à l'époque) pour donner une présence à celles qui sont, pour le coup, pratiquement totalement effacées de l'Histoire et qui pourtant étaient bien là.

Allez file chez ton libraire, Cham !!