János Szász

Woyzeck

Une autre adaptation ciné dans un noir et blanc de 1994. Assez vite on perçoit le petit budget, assez vite on se rend compte que ça n'empêche pas les effets saisissants et la construction de l'image. Un peu frustré par l'alternance entre les passages à effets comme l'intro et d'autres plus simples, mais ça gêne moins car rapidement on s'intéresse à cette autre adaptation. A la fois intemporelle et plus proche dans le temps (tournage dans un quartier pauvre de Budapest) mais surtout presque sociale, humainement très proche. Des écarts avec le texte d'origine mais sans écart sur l'esprit d'origine, une authentique vision personnelle sur l'œuvre... et joliment partagée.

Pas trop revenir sur l'histoire, une histoire d'amour, en fin de compte entre un soldat psychologiquement écrasé et physiquement fatigué et une fille pauvre, ils ont un enfant. Elle est belle et un autre homme cherche à la séduire... la suite... se termine par une triste vengeance provoquée par un sentiment d'impossible.

Un peu systématique mais intéressant, un jeu de lueurs dans les yeux des personnages, ce qui donne des regards fantastiquement expressifs dans une image très sombre.

Pour l'aspect un peu SF de l'atmosphère et de certaines images ça peut faire penser à Stalker, mais le réalisateur suit son chemin personnel, ce qui se confirmerai à entendre la sympathique interview qui accompagne le dvd et explique le pourquoi et le comment de cette adaptation... personnelle (avec des mots sur la pièce vue enfant, le film d'Herzog, La charrette fantôme, les acteurs, et la première projection).

Beau film, beau principe, beau résultat. Des personnages montrés un peu autrement, surtout Marie et l'Officier (policier ici) dont l'épaisseur s'affirme loin de toute bouffonnerie à la fin du film.

Très très belle découverte, encore plus dans son état que dans son résultat. Et pleine de simplicité, offerte. Le film donne une vision de ce drame et en révèle toute l'ampleur en l'actualisant. Je suis content de l'avoir vu après le film d'Herzog, l'opéra (merci les parfumés) et surtout lu le texte.

La musique du film, une partie c'est O solitude, my sweetest choice

découvert ce film grâce à ce blog : clic !

je reviendrai avec des images choisies par moi !

extrait video : clic pour les boucles d'oreilles et l'étrange dialogue avec le capitaine qui remplace presque une partie des voix/hallucinations de Woyzeck.

j'en connais au moins un qui se régalera avec le film... huhu.

images ?

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Oh là là! Mais qu'est-ce que j'attends!!! Le pire c'est que j'étais persuadé de l'avoir commandé (et reçu!) mais je ne le trouve pas. Je vais vite arranger ça.

P.S. en fait c'est épuisé sur amazon.fr et Amazon.com ne veut pas me l'envoyer chez moi... Je cherche...

Re-P.S.: ça y est! A suivre...

ça y est! Je l'ai vue cette petite merveille Comment est-ce possible qu'un film à l'univers visuel aussi fort soit autant passé inaperçu? Animal cite justement Stalker comme référence mais on pourrait aussi y ajouter le surréalisme d'Eraserhead de Lynch (et oui encore lui! Mais là c'est flagrant dans bien des plans. Cette petite ville, l'homme aux manettes de commandes des voies ferrées, l'antre de Woyzeck, la façon de montrer la sexualité et les relations folles entre les personnages... la magie de l'image surtout) mais aussi certains films de Bela Tarr ou même les premiers Lars Von Trier. Stop pour les références, parlons de Woyzeck.



A l'exclusion du final (absolument magnifique au bord de ce lac de montagne dans la nuit profonde) qui est judicieusement écourté, le film respecte assez scrupuleusement la trame du texte fragmentaire de Büchner. L'image semble être en DV avec des mouvements un peu saccadés par moment mais dans un noir et blanc somptueux avec des effets de brume, des jeux d'ombres et de lumières avec ces fameux scintillements des yeux, déjà notés par Animal, qui donnent une étrangeté presque animale aux personnages. On est dans une forme de cinéma un peu archaïque proche du cinéma muet comme le confirme le générique final qui lui emprunte sa typographie. Mais il y a des plans d'une beauté et d'une modernité fascinantes. La bande son est très travaillée avec ces bruits naturels (l'eau, le vent...) et mécaniques (les trains, les machineries... ). Et la musique peu présente mais subtilement distillée démarre avec "O Solitude" de Purcell (oh combien adapté) qui revient plusieurs fois comme un passage du Stabat Mater de Pergolese ou un chant traditionnel. Je n'ai jamais autant ressenti la dimension christique du personnage et de son chemin de croix que dans cette version qui choisit le surréalisme et l'expressionnisme plutôt que le naturalisme d' Herzog. L'opéra de Berg rend le personnage de Marie plus attachante alors que le film la montre charnelle, vampirique, presque maléfique (j'ai encore pensé à la mystérieuse voisine dans Eraserhead). Il y a aussi une dimension concentrationnaire dans les décors et les personnages autour de Woyzeck sont des sortes de dictateurs qui tentent de détruire sa part d'humanité. Woyzeck est comme L'idiot de Dostoievski une figure christique, un être pur qui cherche l'harmonie et la bonté universelles mais qui se heurte à la cruauté des hommes qui finissent par l'enfermer dans une solitude absolue dont il ne peut sortir que par le meurtre et le suicide. C'est terrifiant et une vision cauchemardesque de la nature humaine. Le film lui rend hommage dans une des plus belles versions que je connaisse. Encore merci pour la trouvaille Animal!



Je remets l'extrait mis en lien par Animal:



Et la très belle ouverture du film sur "O Solitude":

L'extrait du Stabat Mater de Pergolese utilisé dans le film:

ça me donnerait presque envie de revoir Eraserhead vu il y a ... ça doit faire au moins 15 ans ? mais je me méfie un peu.


content que ça t'ait plus, même si ça ne me surprend pas !

j'espère que tu as profité aussi de la petite interview du réalisateur.

animal a écrit:

j'espère que tu as profité aussi de la petite interview du réalisateur.

J'ai pas fait attention aux bonus. Je regarderai ça!

Je l'ai vu moi aussi, et j'ai également beaucoup aimé. D'abord la splendeur des images, un noir et blanc magnifique, qui rend les visages tellement expressifs. Je n'ai pas lu Buchner (honte sur moi), cela devient une priorité, je n'ai donc comme point de référence l'opéra de Berg. Quelque part je trouve l'opéra plus cruel (en particulier la scène final avec l'enfant) alors que là les personnages sont encore plus tristes. Je ne trouve pas la Marie du film vampirique, au contraire, juste tellement désespérée, mais sans avoir renoncé à attendre quelque chose, ce qui fait qu'elle s'égare encore plus dans le chemin impossible. Même "les méchants" ont des moments de désespoir poignant, et comme s'ils ne pouvaient exister sans Woyzeck, tout en le poussant à la destruction.

Vraiment fort et rare.

Grand merci à Animal pour l'avoir fait circuler.

et du nouveau bientôt sur le grand écran ? Bande-annonce du Grand cahier

et le fil de Agota Kristof

Je ne savais pas que c'était de lui. J'irai le voir avec d'autant plus d'intérêt. En regrettant de ne pas avoir lu le roman.

Le grand cahier

Vers la fin de la seconde guerre mondiale, deux jumeaux choyés sont mis à l'abri chez leur grand-mère à la campagne. A l'abri c'est très relatif puisque pour ces enfants c'est une sorte d'apprentissage de déshumanisation face à la violence qu'ils subissent et doivent endurer.

C'est donc assez fort et assez casse gueule si on y pense. Le film est très homogène, extrêmement bien sonorisé et intègre des visions animés de collages dans le cahier sans que ça choque. Outre cette stupéfiante homogénéité, qui pourrait avoir l'air un peu froide, c'est la mesure qui impressionne. Pas de surenchère esthétique ou émotionnelle. La dimension irréelle, sublimée, de cette histoire terrible est parfaitement calée et mesurée. Presque un conte, presque un imaginaire, pas un registre du souvenir, quelque chose d'autre qui donne toute la portée nécessaire aux propos comme aux images et aux personnages, esquissés mais vivants.

Une fable cruelle très bien mise en image dont l'apparent manque de mordant (d'une certaine manière) est bien trompeur. Et il est difficile de décrocher ne serait-ce qu'une demi-seconde de l'écran.

Impressionnant sans être ostentatoire.

(Et ça fait plaisir de retrouver les mêmes qualités que dans son Woyzeck, et ça donne envie de voir ses autres films !)

La banda annonce m'avait fait peur. A tort peut être.

je n'ai pas revisionné la bande-annonce mais si tu trouves que ça a l'air d'en faire des tonnes tu pourrais avoir une bonne surprise.

je pense que c'est à essayer quoiqu'il arrive.

une interview qui aidera à réveiller la motivation ? clic

Alors si cela passe à côté....