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| Slawomir Mrozek [Pologne] | |
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Auteur | Message |
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eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 2 Jan 2010 - 20:31 | |
| MROZEC Slawomir(Né à Borzecin, près de Cracovie, 29/06/1930 - ) Ecrivain, dramaturge, dessinateur... Il est réfugié en France (dont il a acquis la nationalité) entre 1968 et 1989. Il a également vécu en Italie, aux Etats-Unis, en Allemagne et au Mexique. Il est retourné en Pologne en 1996. Extraits d'une interview avec Gilles Costaz (dans l'Avant-scène théâtre n°1183) : - Citation :
- "Après le bac, j'étais à la dérive. [...] Après la mort de ma mère en 1942, ma situation familiale s'était dégradée. Seul, pauvre, satellite du noyau de la bohème, j'étais un bon matériau pour l'idéologie triomphante. Si j'avais été ainsi en Allemagne dans les années 30, je serais devenu nazi. Sans occupation intellectuelle ou autre, j'étais une créature amorphe et malléable. J'étais sympathique à un pouvoir qui professait un amour joyeux pour l'humanité entière [...] On m'a trouvé un poste au Journal polonais, qui était une publication locale. Là, à vingt ans, j'ai tout fait. [...] J'ai découvert, par le journalisme, ma capacité à écrire. Je n'en revenais pas, j'étais ébloui. [...] Ma première publication a été une pièce sur la construction de l'avenir radieux de l'humanité ! [...] Heureusement, en 1953, la mort de Staline a provoqué un réveil, une certaine libéralisation. J'ai démissionné du journal en 1954. "
Il découvre le Procès, de Kafka. "Une fois que l'esprit est éveillé, il veut s'éveiller d'avantage."
Dernière édition par eXPie le Sam 2 Jan 2010 - 20:32, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 2 Jan 2010 - 20:32 | |
| Les Révérends (Texte français - traduit de l'anglais, car c'est en anglais que Mrozek a écrit sa pièce - par Gilles Ségal). L'avant-scène théâtre n°1183 - 1er mai 2005. Le Révérend Richard Bloom arrive chez Mrs Simson. On est "Aujourd'hui, dans une petite bourgade de Nouvelle-Angleterre". - Citation :
- Mrs Simpson : Je suis sûre que vous vous plairez ici.
Révérend Bloom : Je me plais déjà ! Mrs Simpson : Je parle de l'endroit. Les habitants, eux, sont effrayants ! Révérend Bloom : Je ne peux pas vous croire ! Mrs Simpson : Vous verrez ! Des pécheurs ! Rien que des pêcheurs ! Révérend Bloom : Ne le sommes-nous pas tous ? Mrs Simpson : Ici, nous sommes vraiment affreux. Je sais de quoi je parle, je suis la pire de toutes. [...] Je pourrais voir vos papiers ? Révérend Bloom : Pardon ? Mrs Simpson : Eh bien oui : carte d'identité, attestation de votre nomination dans notre paroisse par les autorités compétentes avec signatures, tampons, copie certifiée de votre diplôme de l'Ecole de théologie. Votre permis de conduire les âmes en quelque sorte ! Révérend Bloom : Mais... Mrs Simpson : En tant que présidente du Comité paroissial, j'ai le devoir de vérifier. Révérend Bloom : De vérifier quoi ? Mrs Simpson : Que vous êtes bien pasteur." (pages 19-20) Mrs Simpson vérifie : tout est en règle. C'est qu'elle se méfie : - Citation :
- Mrs Simpson : Excusez-moi, mais de nos jours !..; Avec tous ces étrangers, ces sans-papiers, marginaux et autres jeunes ! Oh, pardon ! Je ne voulais pas vous... Vous-même vous êtes jeune et je...
Révérend Bloom : Un défaut dont je me corrige un peu chaque jour. Mrs Simpson : Vous, de toute façon, c'est différent, vous êtes prêtre. Vous êtes, comme qui dirait... éternel Révérend Bloom : Merci. Mrs Simpson : Je me demande quand même pourquoi ils ne nous ont pas envoyé quelqu'un de plus âgé. Révérend Bloom : Leur stock de vieux est épuisé. " (pages 20-21) C'est à ce moment-là qu'arrive "une jolie jeune femme traînant son bagage : c'est le Révérend Gloria Burton". Elle aussi a reçu sa nomination dans la bourgade. Il doit y avoir une erreur... ou bien l'un des deux révérends n'en est pas un vrai ? Il faut que le Comité paroissial se réunisse. On assiste déjà à quelques passes d'armes entre les deux candidats à la paroisse. - Citation :
- Révérend Bloom : Bloom... Richard Bloom.
Révérend Burton : Enchantée. Vous êtes juif ? Révérend Bloom : Sous-catégoriellement, oui. Mrs Simpson : Quoi ? Révérend Burton : Ca vous étonne ? Bloom est un nom typiquement juif. Mrs Simpson : Mais... Mais vous avez crucifié notre Seigneur, Jésus-Christ ! Révérend Bloom : Je ne me souviens pas avoir personnellement participé à ça. Mrs Simpson : Je deviens folle ! Comment un assassin de notre Seigneur peut-il devenir son serviteur ? Révérend Bloom : Il y a déjà eu des renversements d'alliances. Mais je ne pense pas que ce soit le cas." (page 24) Aïe. Une femme d'un côté, un Juif de l'autre. Le choix va être difficile. De fil en aiguille, et surtout avec l'arrivée des membres du Comité paroissial, la situation va déraper. Vraiment déraper. Alors qu'ils prennent le thé : - Citation :
- "On voit apparaître à la fenêtre une pancarte au bout d'un bâton qui porte écrit : SATAN, la pancarte va de gauche à droite, puis de droite à gauche. [...]
Révérend Bloom : Qu'est-ce que c'est que ça ? Mrs Simpson : Quoi ? Révérend Bloom : (montrant la pancarte) Ca, là ! Mrs Simpson : Oh ça.. c'est Chuck ! Révérend Bloom : Qui ? Mrs Simpson : Chuck... Notre sataniste local. De toute évidence, il a appris votre arrivée et il proteste. Révérend Bloom : Contre qui ? Mrs Simpson : Contre Dieu. C'est un gentil gamin à part ça. [...] Chuck n'est pas très malin, c'est vrai, mais il n'est pas dangereux. Une bombe de temps en temps ici ou là, mais jamais une bien grosse." (pages 30-32)" Une pièce marrante. Pas un chef-d'oeuvre, mais marrante, avec ce qu'il faut de coups de théâtre, de retournements et de personnages hauts en couleurs. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 2 Jan 2010 - 23:38 | |
| Quelle bonne idée qu'un fil sur Mrożek Je ne connais pas cette pièce qui doit être récente, ce que je préfére ce sont les nouvelles, décallées, drôles et absurdes. Faudrait que je relise pour faire une critique un peu constructive. Si j'ai le temps un jour | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: L’amour en Crimée. Comédie tragique en trois actes de Slawomir Mrozek Dim 3 Jan 2010 - 22:46 | |
| Merci pour ce fil sur Slawomir Mrozek. Je ne connais qu'une des ses pièces de théâtre.
Il y a une dizaine d’année j’ai vu « L’amour en Crimée » sur scène à Berlin. En trois actes l’auteur amène les spectateurs en trois époques successives en Crimée. Au début les acteurs jouent une sorte de suite à « La cerisaie » d’Anton Tchékhov quelques années avant la Révolution d’octobre. Ensuite le jeune Lénine apparait et avec lui la Révolution. Enfin près d’un siècle plus tard l’après-perestroïka amène son cortège de mafieux postsoviétiques.
Slawomir Mrozek m’a semblé ne pas aimer les Russes. Il a écrit une pièce satirique, amère et mélancolique en même temps. Au terme du premier acte la cerisaie est vendue par sa propriétaire comme bois à l’abattage, au terme du troisième la Russie bazarde toute la taïga au Japon, bien sûr en vue de son abattage. Que veut dire Slawomir Mrozek par là : la vie est un chat qui cherche à se mordre la queue et se tourne de plus en plus vite… ? Cent ans d’histoire russe en trois actes.
Peut-être une pièce intéressante si elle est mise ne scène par quelqu’un qui sait en tirer la substantielle moelle et jouée par de très bons acteurs habitués du grand théâtre contemporain. Malheureusement j’ai vu une mise en scène de boulevard avec des acteurs qui étaient dépassée par la pièce dans un théâtre qui aimerait être autre chose que ce qu’il est, une bonne petite scène de boulevard. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 13:35 | |
| Son œuvre dramatique est souvent associée au « théâtre de l'absurde ». Fils d'un employé de la poste, Slawomir Mrozek débute en 1950 comme dessinateur satirique. En 1953 il signe avec d'autres écrivains polonais la « Lettre des 54 » qui demande une peine exemplaire pour les prêtres catholiques accusés d'espionnage au profit des États-Unis par les dirigeants communistes. Grâce à ses dessins et nouvelles humoristiques il devient très populaire en Pologne. En 1962 il reçoit le prix littéraire Koscielski. Entre 1963 et 1996 il vit en Italie, à Paris, aux États-Unis, en Allemagne et au Mexique. En 1968 il publie dans Le Monde une lettre ouverte protestant contre l'intervention des armées du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Depuis 1994 il publie des dessins satiriques et des chroniques dans Gazeta Wyborcza. En 1996, il rentre dans son pays natal où il vit depuis à Cracovie.
Il reçoit en 1987 le prix Franz Kafka de la ville de Klosterneuburg, et en 2000 le titre de docteur honoris causa de l'Université Jagellonne de Cracovie. Il est un des auteurs les plus lus en Pologne.(Wikipedia)
Bibliographie traduite en français :
Les Émigrés. (Albin Michel, 1975) Le Pic du Bossu. (Albin Michel, 1979) L'Amour en Crimée comédie écrite en français au Mexique. L'Éléphant (Albin Michel, 1992) L'Arbre (Ed. Noir sur Blanc) Roman (broché). Paru en 03/1996 Œuvres complètes en français (11 volumes déjà parus en juillet 2009). (Ed.Noir sur Blanc).
Dernière édition par Constance le Sam 21 Jan 2012 - 20:24, édité 2 fois | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 13:38 | |
| Recueil de 42 nouvelles à l'univers absurde, grinçant, désopilant, où la réflexion métaphysique provoque des fous rires. A lire de toute urgence, pour faire provision de bonne humeur. Une des nouvelles de cet ouvrage : - Citation :
Imprudence
Il vint me voir, prit une chaise et commença ainsi :
- Je suis un salaud. - C'est bien vrai, rétorquai-je.
Il me lança un coup d'oeil mal assuré, ne sachant si je plaisantais ou si je parlais sérieusement. Il dut sans doute en conclure que je plaisantais car il poursuivit :
- Je suis quelqu'un d'infâme. Je ne sais pas si ça vient de mon caractère infâme ou de ma bêtise. - Pourquoi pas de l'un et de l'autre ? Tu es aussi infâme que bête.
Cette fois il me regarda non pas de manière mal assurée, mais avec stupéfaction. Apercevant toutefois un miroir dans mon dos, il y planta son regard, et à la stupéfaction succéda un profond désintérêt. Il sortit un petit peigne de sa poche et se coiffa.
- Je suis heureux que tu bavardes avec moi en toute sincérité, repris-je à mon tour. Parce que je me disais que ce ne serait plus jamais possible. Tu es comme tu es, mais au moins tu t'en rends compte.
Il rangea son petit peigne, mais j'eus l'impression qu'en se peignant il ne m'avait pas prêté une oreille attentive, et même qu'il avait oublié ce que j'avais dit auparavant, car il poursuivit :
- Ne me dis pas le contraire. Tu n'imagines pas combien de saloperies j'ai fait dans ma vie. - Je ne dis pas du tout le contraire. Ca fait longtemps que je te connais et je pense de toi la même chose que toi. - Un salaud ! Un vaurien ! Une canaille !
Et, se cachant le visage dans ses mains, il commença à sangloter.
- N'oublie pas que tu es aussi un crétin, une citrouille et une bourrique. - Mais peut-être aussi un neurasthénique ? proposa-t-il en me regardant à travers ses doigts toujours collés à son visage. - Non, une andouille toute bête. - Ou bien un schizophrène ... Touché par le souffle divin de la folie. La société ne comprend pas ça. - Allons donc ! Un bourricot tout ce qu'il y a de plus ordinaire. - Mais pour ce qui est de mes saloperies ... Tu ne trouves pas que c'est plutôt exceptionnel ? Quelque chose comme du Nietzsche, du Dostoïevski, du Voyage au bout de la nuit, Les fleurs du mal, du Lord Byron au minimum ... - Non, un salaud des plus communs.
Il enleva les mains de son visage et se mit à manger un bonbon à la menthe.
- Bon, alors, c'est peut-être l'histoire du péché originel ? L'homme est faible, on n'a pas le droit de l'accabler. Tu me jettes la pierre, alors que toi-même ... Tu ferais mieux de m'aimer. - C'est exclu. - Alors, si ce n'est pas le souffle divin de la folie, c'est peut-être le pauvre d'esprit. Heureux les pauvres d'esprit, car ... Enfin, tu sais bien. Peut-être que tu accepterais de le prendre par ce côté-là ? - Non. - Comment ça, "non" ? Alors que tu devrais m'aimer pour tous les salauds que je t'ai sortis; car enfin, je me confesse. Si tu veux, je peux même exprimer des regrets. - Ne te fatigue pas. - Et si nous prenions le salaud du côté du professeur Skinner ? L'homme n'est pas responsable de ses actes, car il est déjà formé par son environnement. les réflexes conditionnés. Je comprends que tu ne sois pas très chaud pour le péché originel, car ça fait un peu vieux jeu. Mais Skinner ? - Lui non plus. Tu es un infâme ordinaire d'une stupidité normale, un point c'est tout. - Rien de spécial ? - Rien. - Rien de spécial, d'intéressant, rien de quoi on puisse discuter ? - Non, rien de tout ça. - Alors, adieu, déclara-t-il froidement.
Il se leva et sortit. Il s'avéra qu'il ne manqua pas de me dénoncer. Simultanément à la Sainte Inquisition et aux humanistes-athées. Il le fit en un tournemain car il écrivit sa délation au papier carbone. Maintenant je me cache dans les montagnes. Assis dans ma hutte faite de branchages et tremblant de froid, je me dis : " Qu'est-ce que j'ai gagné à faire le malin ? "
Dernière édition par Constance le Dim 22 Jan 2012 - 11:29, édité 1 fois | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 15:14 | |
| Lisez Mrozek, son théatre et ses nouvelles. vous y trouverez cet humour si particulier et qui procède du grotesque et de la dérision. Sa noirceur vous effraiera peut etre, mais vous permettra aussi peut etre de mieux comprendre l' avant garde polonaise des années 30 et au delà. Tels Witkiewicz ou Gombrowicz.
"Mrozek voit le monde dans une prespective de catastrophe" a dit de lui son compatriote Jan Kott. On ne peut pas le lui reprocher, le monde était une catastrophe...Il l' est toujours, ce qui fait que Mrozek est toujours actuel.
Dernière édition par bix229 le Sam 21 Jan 2012 - 17:17, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 16:04 | |
| Le fil de Mrozek existait déjà... j'ai donc fusionné les deux. L'auteur est présenté deux fois, du coup... ça n'est pas grave, car elles se complètent. | |
| | | Constance Zen littéraire
Messages : 4066 Inscription le : 27/04/2010
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 20:26 | |
| - eXPie a écrit:
- Le fil de Mrozek existait déjà... j'ai donc fusionné les deux.
L'auteur est présenté deux fois, du coup... ça n'est pas grave, car elles se complètent. Désolée. Avant de créer tout fil, je passe toujours par la fonction "Recherche", afin de vérifier s'il n'en existe pas déjà un, mais j'ai oublié de consulter la liste alphabétique des auteurs, mise à jour par Arabella. J'ai donc fait le ménage sur mon intervention, pour ne laisser que des éléments complémentaires. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Jan 2012 - 21:31 | |
| Oh... Ca a l'air dément ! Je note le recueil des Arbres. Et si son théâtre relève du courant de l'absurde, je veux en lire aussi ! Je commence par quelle pièce ? | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Ven 16 Aoû 2013 - 7:54 | |
| Slawomir Mrozek est décédé le 15 août 2013 à Nice, il avait 83 ans. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Jeu 19 Nov 2015 - 19:09 | |
| Je commence La vie est difficile -nouvelles- et sans préjueger de la suite, j' aime déjà la première, Révolution. La voici !
Slawomir MROZEK - Révolution
Dans ma chambre le lit se trouvait ici, l’armoire là, et entre les deux il y avait la table. Jusqu’au jour où j’en eus assez. Je déplaçai le lit là, et l’armoire ici. Pendant un certain temps je sentis couler en moi un courant novateur vivifiant. Mais au bout de quelques jours... l’ennui revint. J’en tirai la conclusion que la source de mon ennui était la table, ou plutôt sa position immuablement centrale. Je poussai donc la table là, et le lit au milieu. De façon anticonformiste. Cette seconde nouveauté me redonna de la vitalité, et tant qu’elle dura, j’acceptai la gêne anticonformiste qu’elle occasionnait. En effet, je ne pouvais plus dormir maintenant le visage tourné vers le mur, ce qui avait toujours constitué ma position préférée. Au bout d’un certain temps, néanmoins, la nouveauté cessa d’être nouvelle, et seule subsista la gêne. Dans ces conditions, je poussai le lit ici, et l’armoire au milieu. Cette fois, le changement fut radical. En effet, l’armoire au milieu de la chambre, c’était plus que de l’anticonformisme. C’était de l’avant-garde. Au bout d’un certain temps, néanmoins... Ah, ce maudit « certain temps » ! Bref, même l’armoire au milieu de la chambre cessa de me paraître quelque chose de nouveau et d’inhabituel. Il convenait d’opérer une cassure, de prendre une décision fondamentale. Si, dans le cadre ci-dessus défini, aucun véritable changement n’était possible, il importait de sortir complètement de ce cadre. Dès lors que l’anticonformisme se révélait insuffisant, dès lors que l’avant-garde ne donnait aucun résultat, il fallait accomplir une révolution. Je pris la décision de dormir dans l’armoire. Tous ceux qui ont essayé de dormir debout dans une armoire savent qu’avec une telle absence de confort on est absolument assuré de ne pas trouver le sommeil, sans parler de l’exténuation qui s’empare des jambes, et des douleurs dans la colonne vertébrale. Oui, ce fut la bonne décision. Succès, victoire complète. Car, cette fois-ci, même le « certain temps » n’eut aucune prise. Au bout d’un certain temps, non seulement je ne m’habituai pas à mon changement, c’est-à-dire que le changement demeura changement, mais au contraire, je ressentis ce changement avec de plus en plus d’acuité, car la douleur allait croissant à mesure que le temps passait. Tout aurait donc été pour le mieux, n’eût été ma résistance physique, qui s’avéra limitée. Une certaine nuit, je n’y tins plus. Je sortis de l’armoire et m’allongeai sur le lit. Je dormis trois jours et trois nuits. Après quoi je poussai l’armoire contre le mur, et la table au milieu, car l’armoire au milieu me gênait. Maintenant le lit se trouve ici, comme avant, l’armoire là, et entre les deux il y a la table. Quand l’ennui me guette, je me remémore l’époque où j’étais révolutionnaire. Slawomir MROZEK, La vie est difficile, Albin Michel, Paris, 1991. (Nouvelles traduites du polonais par André KOZIMOR)
www.politique-autrement.org/Revolution | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Jeu 19 Nov 2015 - 20:37 | |
| il me plait ce révolutionnaire ! merci Bix | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Sam 21 Nov 2015 - 14:16 | |
| Merci pour cette piqûre de rappel ! | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] Dim 22 Nov 2015 - 16:10 | |
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| Sujet: Re: Slawomir Mrozek [Pologne] | |
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| | | | Slawomir Mrozek [Pologne] | |
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