SYLVIA
Sylvia, c' est un souvenir. Sylvia est une obsession, un enfer vécu par l' auteur avec sa compagne pendant quatre ans.
Un enfer pavé de bonnes intentions et meme d' amour. Mais l' amour ne suffiit pas, parfois. Et l' amour de Sylvia est accablant, tyrannique, fou. Fou est le mot. Leonard Michaels partage et subit l' état de désintégration mentale dans lequel Sylvia sombre et délire.
On peut dire que Sylvia est aliénée, mais que Leonard l' est tout autant. Et dans cet état-là, on ne peut qu' etre témoin et victime. Et nul n' est préparé à de tels séismes intimes. On n' en sort jamais indemne... Quand on en sort.
Vivre à deux avec la folie, c' est en fait vivre à trois, car le folie prend toute la place.
C' est le suicide de Sylvie qui décidera de la fin de l' histoire. Mais pas tout à fait. Trente ans plus tard, Léonard Michaels écrira encore sur Sylvia. Un livre de douleur, de regrets, de deuil et d' obsession. Sobre et poignant.
Sylvia s' est immobilisée un moment... Puis elle s' est dirigée vers la chambre. je ne m' étais jamais senti aussi mal.
je suis resté sur le canapé, une marionnette posée là. Elle est revenue et s' est plantée au bout du canapé.
"Je viens d' avaler quarante sept Senocal." Dans son regard vide, j' ai lu : c' est bon, tu l' auras voulu.
"Tu te fous de moi," ai-je répondu.
Elle est allée dans la salle de bains. Je n' ai pas quitté le canapé, incrédule, mais pas tout à fait, jusqu' à ce que je l' entende gémir. Son corps a heurté le sol, un bruit unique, qui ne ressemble à rien d' autre. Je me suis précipité. Elle était affalée sur le carrelage... Elle avait du tomber alors qu' elle était assise sur la cuvette des toilettes. Je l' ai trainée sur le canapé, l' ai giflée, secouée. Puis j' ai essayé de la faire marcher dans le salon... ça ne servait à rien. Je ne me suis arreté que pour téléphoner...PP 138-39
Sylvia ne reviendra pas à la vie. Après les obsèques, Leonard loue une chambre à Ann Arbor au dessus d' une colline qui surplombait un cimetière.
Tous les matins avant de partir au travail, je m' asseyais avec le journal et une tasse de café à la table de la cuisine ou alors je regardais les arbres et les sentiers du cimetière. Une jeune femme venait s' y recuellir plusieurs fois par semaine... Pendant de longues minutes, elle se tenait devant la tombe, la tete légèrment penchée en avant... Une tristesse lourde et simple. J' étais de tout coeur avec elle, comme si je pouvais me permettre une telle commisération. Pauvre femme, pensai-je, les larmes aux yeux.
Une fois, j' ai revé que Sylvia étéit en train de dormir... je me mettais à pelurer, à supplier... La réalité se résumait à mon besoin plus réel que la mort... Il fallait qu' elle ouvre les yeux, qu' elle se lève. Alors elle se levait. Je la prenais dans mes bras et lui demandais si elle voulait aller au cinéma. Elle répondais que oui, mais est-ce qu' on ne pourrait pas manger quelque chose avant ? Je lui disais qu' on ferait ce qu' elle voudrait, tout ce qu' elle voudrait, tout ce qu' elle voudrait et nous partions à la recherche d' un restaurant, désespérement heureux. PP 149-150