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| Guillevic | |
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Auteur | Message |
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jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Guillevic Lun 4 Avr 2016 - 11:32 | |
| Possibles futurs : C'est un vieux fil. Il ne reste plus qu'à prendre les flammèches pour le faire redémarrer sur le chapeau des roues. Suite à la suggestion de Shanidar, j'ai pris un recueil de Guillevic dans le cadre de la chaîne de lecture 2016. Il me faudra plusieurs lectures pour tout digérer, mais à la deuxième relecture j'ai vite repéré ce qui faisait les points essentiels de ce qui suscitait mon adhésion de lecture. La poésie est un art de la brièveté dans ce recueil. Je vous parle souvent de Patrice Desbiens qui excelle dans cet art. Guillevic n'est pas en reste. Au moment de publier son 22e recueil après 52 années en écriture et peu avant sa mort, Guillevic est déjà mûr pour la postérité. Il revient encore sur la table de l'écrivain, pour donner un dernier effort. Effort est un mot bien inapparent pour décrire le caractère de la plume de Guillevic. Ce dernier est habile dans le maniement de la langue et je ne doute pas qu'il soupèse sept fois au minimum ce qu'il finira par dire et publier. Plain and simple, voilà que ça donne pour une première pioche... je tiens à vous indiquer que j'avais flashé sur la même citation que j'avais rapportée plus haut sur le fil... voilà pour le reste... - Eugène Guillevic, Possibles futurs, 2014, Paris : Gallimard, coll. «NRF Poésie», p. 49. a écrit:
- Nous n'avons pas
Interrogé le peuplier.
C'est le peuplier Qui s'est penché vers nous Pour mieux nous entendre. La poésie semble anodine. Il ne faut pas toutefois se méprendre sur ce qui suit : - Ibid., p. 53. a écrit:
- Je suis dans mon centre,
Tu es dans le tien.
C'est la rencontre de nos centres, La permanence de cette rencontre - Pour tout éclairer -
C'est leur coïncidence Qui est notre amour. Beaucoup plus tard dans le recueil : - Ibid., p. 112. a écrit:
- Dans le jour
Nous rêvons de quelque chose De plus tissé
Où nous aurions À gagner sur l'espace,
Et le soir Ne nous apporte pas
De quoi nous occuper À la tâche rêvée. Presque à la toute fin du recueil : - Ibid., p. 193. a écrit:
- Bonheur
De se voir arrivé Au centre du royaume.
Alors, on écoute Tout en regardant
Une lumière Éprise d'elle-même
Qui nous porte Le silence et moi. Je vous dirais qu'il y a une connivence de vues dans la manière d'écrire entre Guillevic et moi. J'imagine que ça vient avec le métier d'une conception poétique acquise au fil des années. Il y a aussi que je me suis perdu entre quelques générations de poètes. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Guillevic Lun 4 Avr 2016 - 17:31 | |
| ah quel plaisir de te lire, jack !
j'étais sûre que l'épure de Guillevic pourrait te séduire et que sa concision qui est paradoxalement une ouverture immense sur le monde saurait te plaire !
shanidar : contente !! | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Guillevic Mer 27 Avr 2016 - 9:22 | |
| Art poétique : Ça fait quatre recueils de Guillevic que je lis, je crois... Possibles futurs, Terraqué, Accorder et Art poétique. Je commence à entrer dans son oeuvre à peine. Est-ce que je critique Guillevic juste pour la forme...? Non, je ne dirais pas... Il faut voir ce qui a tendance à se relâcher d'un recueil à l'autre, couture après couture... À la réflexion, Guillevic est tellement maître de lui-même. Il écrit, prend le temps de reprendre ses manuscrits et réédite ses livres au fil du temps dans de nouvelles anthologies recomposées. À mon sens, Art poétique est de facture assez classique et se met dans la posture du maître qui enseigne la poésie. J'ai zappé plusieurs poèmes, j'aurais resserré des choses mais à la réflexion, je comprends cette volonté de léguer quelque chose. La poésie de Guillevic est assez rustique et particulière, et il se moque volontiers de devoir rimer. Si je fais ce «mini-reproche» à Guillevic de se mettre dans la posture du maître, c'est que ça le dessert moins bien à mon sens. Sa poésie se retrouve mieux lorsqu'elle est libre, quand elle est moins entravée par la volonté d'enseigner ou de vouloir transmettre quelque chose. Néanmoins, j'ai retenu plusieurs extraits : - Guillevic, Art poétique, 1999 (c1989), Paris : Gallimard, coll. «NRF», p. 22. a écrit:
- Tu voudrais bien
Avancer dans ton poème Comme un ruisseau
Sinueux, pas rapide -
Et tu trembles de devenir Comme un étang
Où tu pourrais, stagnant, Ne plus t'y reconnaître. Peu après, il nous prend dans un détour inattendu : - Ibid., p. 24. a écrit:
- Toi,
Tu regardes le corbeau,
Tu t'intéresses à ce qu'il fait Sur les chaumes Devant ta fenêtre.
Lui, Rien ne l'oblige, Il ne te regarde pas écrire. Nous reconnaissons un peu plus la musique dans celui-ci : - Ibid., p. 27. a écrit:
- On n'en finit jamais
Avec la lune.
On a beau la regarder, La peindre, écrire sur elle,
Lui parler, Essayer de la caresser,
Lui tourner le dos, L'insulter,
Quand elle est là Elle nous verse son lait,
Quand elle n'y est pas, Son lait nous manque. Il y a quelque chose qui reste dans l'élément naturel, mais qui prend une direction plus aérienne : - Ibid., p. 46. a écrit:
- Il y a de l'utopie
Dans le brin d'herbe
Et sans cela Il ne pousserait pas.
Il y a de l'utopie Dans l'azur
Et même Dans un ciel gris.
Toi, sans utopie Tu n'écrirais pas
Puisqu'en écrivant, Ce que tu cherches
C'est mieux connaître Où te mène ton utopie. Nous reprenons les éléments pour recomposer : - Ibid., p. 76. a écrit:
- Je me suis abonné
À l'instant
Et avec lui je vais À travers le temps
Qu'il transperce Pour venir à moi,
Et nous restons ensemble Comme l'eau et l'étang.
Quand, va savoir pourquoi, Le contact est rompu,
Je deviens un errant Ou plutôt
J'ai perdu Ce que je suis. J'arrête cette première partie ici.
Dernière édition par jack-hubert bukowski le Mer 27 Avr 2016 - 12:14, édité 1 fois | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Guillevic Mer 27 Avr 2016 - 9:43 | |
| J'entame déjà la deuxième partie. Guillevic se met dans le sens de la boussole poétique : - Guillevic, Art poétique, 1999 (c1989), Paris : Gallimard, coll. «NRF», p. 80. a écrit:
- J'écoute
Et je n'écoute pas.
J'entends Et je n'entends pas.
Tout se fait sans moi Et pourtant avec moi
Qui suis ici Et suis un peu partout,
Entremêlé à tous Ces destins que j'ignore. Nous revenons à une musique... - Ibid., p. 109. a écrit:
- Je n'écris pas de toi,
Je n'écris pas de nous Quand je te vis le plus.
Rien n'est alors Que de nous vivre,
Quand tellement je suis à toi Que je suis plus toi que moi.
J'écris plutôt de toi Afin de revivre ces temps
Restés en moi, mûrs du besoin De les dépasser
Vers le plus Qu'on peut supporter. Revenons au carrefour de la poésie : - Ibid., p. 121. a écrit:
- N'attends pas plus longtemps.
Si tu ne saisis pas le poème Aussitôt qu'il exige,
Peut-être jamais plus Il ne reviendra.
Peut-être Il se détruira
Ou s'engouffrera dans un monde, À combien de dimensions? Celui-là, il coule bien : - Ibid., p. 126. a écrit:
- La nuit accouche des étoiles,
Toi, tu accouches des poèmes :
Lentement, En tâtonnant.
Mais la nuit A plus de talent. Fin de la deuxième partie. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Guillevic Mer 27 Avr 2016 - 9:58 | |
| Troisième et dernière partie. Il fallait bien subdiviser ce que je livre comme extraits. J'intitulerai cette sous-partie, le devenir du poème : - Guillevic, Art poétique, 1999 (c1989), Paris : Gallimard, coll. «NRF», p. 134. a écrit:
- Fatalement, rimer
C'est répéter, piétiner,
Poser un son Pour le retrouver.
Or, je veux que les mots Aillent à l'aventure,
Et que l'on découvre S'ils s'accordent.
Pourquoi faut-il d'ailleurs, Qu'ils s'accordent? Dans un registre plus allégé : - Ibid., p. 141. a écrit:
- Le poème
Se fait chalut
Dans lequel on se prend On ne sait quoi,
Qui n'existe pas En dehors de lui
Et qui restera Vivant en lui,
À la fois vibrant Et figé. Au chapitre du devoir de l'écriture : - Ibid., p. 156. a écrit:
- Forcé d'écrire?
Je n'en ai pas envie.
J'aimerais Rester là, immobile,
À regarder le ciel, Il n'y a pas plus bleu,
Et de temps en temps L'horizon et ses approches.
Je voudrais Me passer des mots. En tant que posture éthique : - Ibid., p. 174. a écrit:
- Je n'irai pas
À la recherche d'un paysage Pour le découvrir ou le revoir.
J'irai là Où les hasards, la nécessité M'amèneront,
Et parfois je rencontrerai un lieu Où avoir envie de rester Le temps de l'oublier
Pour un lui-même Encore plus cher à qui Ne demande rien. Il y a un mûrissement qui transparaît dans la plume et les réflexions de Guillevic. Il décrit après tout ce qui advient de cette rencontre avec la matière du poème. FIN | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Guillevic Mer 27 Avr 2016 - 11:34 | |
| Il y a chez Guillevic, il me semble, une volonté d'effacement de soi-même pour mieux se réincarner ; comme si le poète pouvait par la force des mots et des rythmes réinventer son corps, sa voix, son être à volonté... comme un tableau noir toujours effacé sur lequel s'inscrit le temps d'un présent qu'il faudrait sans cesse réécrire. | |
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| Sujet: Re: Guillevic | |
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| | | | Guillevic | |
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