Robert Rossen

Il n'a tourné que 10 films, mais fait pourtant partie des plus grands réalisateurs américains de l'après-guerre.

Robert Rossen est né le 16 mars 1908 à New York. A l'âge de 21 ans, il est déjà metteur en scène de théâtre. A la Warner Bros, il signe une dizaine de scénarios, aussi solides sur le plan dramatique qu'engagés dans leur contenu. Il tourne son premier long-métrage en 1947, L'heure du crime. Ses deux films suivants marquent les esprits : Sang et or, Les fous du roi, ce dernier lui valant un Oscar. Inquiété par la chasse aux sorcières maccarthyste, il part pour l'Europe et tourne des films indignes de lui. De retour en Amérique, ses deux dernières oeuvres témoignent d'une nouvelle orientation dans sa carrière : L'arnaqueur et Lilith. Il meurt en 1966, pendant le tournage de Cocoa beach, qui reste inachevé.


L'arnaqueur

Gordon: Eddie, you're a born loser.
Eddie: What's that supposed to mean?
Gordon: First time in ten years I ever saw Minnesota Fats hooked, really hooked. But you let him off.
Eddie: I told you, I got drunk.
Gordon: Sure you got drunk, the best excuse in the world for losin'. No trouble losin' when you got a good excuse. And winning - that can be heavy on your back too, like a monkey. Drop that load too when you got an excuse. All you gotta do is learn to feel sorry for yourself. That's one of the best indoor sports, feelin' sorry for yourself. A sport enjoyed by all - especially the born loser.

1. L'heure du crime (Johnny O'Clock, 1947)

Un bon petit film noir, nerveux et racé, une course contre la montre et l'angoisse.

2. Sang et or (Body and Soul, 1947)

Un film de boxe dans la grande tradition du genre avec promoteurs véreux et combats arrangés. L'un des meilleurs de l'époque avec Nous avons gagné ce soir de Wise et Gentleman Jim de Walsh.

3. Les fous du roi (All the King's Men, 1949)

L'histoire d'un homme qui se retrouve à faire de la politique presque par hasard, et accèdera à la haute fonction de gouverneur de la Louisiane. Et tombera dans tous les travers qu'il a dénoncés. Très, très grand film politique.

4. La corrida de la peur (The brave Bulls, 1951)

Honnête film tauromachique dont le thème principal est celui de la peur. L'aspect documentaire est plus qu'intéressant.

5. Mambo (1954)

Silvana Mangano est très belle et danse de façon lascive. Pour le reste, oublions.

traversay a écrit:

L'arnaqueur

Gordon: Eddie, you're a born loser.
Eddie: What's that supposed to mean?
Gordon: First time in ten years I ever saw Minnesota Fats hooked, really hooked. But you let him off.
Eddie: I told you, I got drunk.
Gordon: Sure you got drunk, the best excuse in the world for losin'. No trouble losin' when you got a good excuse. And winning - that can be heavy on your back too, like a monkey. Drop that load too when you got an excuse. All you gotta do is learn to feel sorry for yourself. That's one of the best indoor sports, feelin' sorry for yourself. A sport enjoyed by all - especially the born loser.

voilà (enfin) un film que je connais.. et que j'adore..
et j'aime aussi la "suite" Color of money

6. Alexandre le grand (Alexander the great, 1956)

Un péplum, oui, mais pas si mauvais. Richard Burton fait un bel Alexandre.

7. Une île au soleil (Island in the Sun, 1957)

Le film exotique dans toute sa splendeur (mouais). Beau casting : Mason, Fontaine, Dandridge, Collins, Belafonte ...

8. Ceux de Cordura (They came to Cordura, 1959)

Le western obligatoire dans toute filmographie de cinéaste américain qui se respecte. Et celui-ci, très classique, est excellent. Avec Gary Cooper et Rita Hayworth qui assurent.

9. L'arnaqueur (The Hustler, 1961)

Incontournable. Brillant, avec des dialogues déchirants. L'un des plus grands rôles de Paul Newman. A comparer avec la suite tournée par Scorsese, 25 ans plus tard, La couleur de l'argent.

10. Lilith (1964)

Un jeune psychiatre tombe amoureux d'une patiente internée. A en perdre la raison. D'un romantisme exacerbé, comparable à La fièvre dans le sang de Kazan. Beatty/Seberg, couple inoubliable.

Lilith


Que ne t'ai-je lu plus tôt Traversay. Ce film est une merveille!



Un jeune homme (Warren Beatty) postule comme ergothérapeute dans un hôpital psychiatrique. Il est rapidement accepté par l'équipe soignante et les patients grâce à ses qualités humaines, son écoute, sa patience, sa sensibilité... Jusqu'au moment où il s'attache à Lilith (Jean Seberg), patiente schizophrène et repliée dans son monde intérieur qui s'éveille à son contact et le séduit...

Je m'attendais à un film ordinaire et caricatural sur la folie et l'institution psychiatrique comme on en voit tellement, même parmi les plus célèbres (Shock Corridor, Vol au-dessus d'un nid de Coucou...). On est au contraire aux antipodes de ce cinéma excessif et provocateur. Rossen prend le temps d'observer chaque personnage, de lui donner de la profondeur, d'apporter une dimension poétique qui ne sublime jamais la folie mais au contraire montre les fêlures de chacun, ses rêves, ses désillusions, son rapport à la nature et aux sentiments. On pourrait être chez Bergman ("A travers le miroir" notamment) ou dans un certain cinéma d'auteur européen de l'époque.



Les quelques patients que l'on rencontre sont inoubliables. Que ce soit cet homme qui exprime la pensée de Dostoïevski à travers ses préoccupations morales et mystiques, cet autre, fasciné par Lilith, qui la désire, l'aime et se brise en silence dans sa solitude intérieure, Lilith elle-même à la fois enfantine et lucide, animale et immatérielle, charnelle et maléfique. Elle est attirée par les ondes, le flux du torrent, séduit chacun pour mieux le faire souffrir et le confronter à ses propres démons. Elle est la représentation de la Lilith biblique, première femme avant Eve, démon tentateur, femme de la nuit et esprit du vent qui apporte la maladie, incarnation des tourments humains, miroir de la propre mère de l'ergothérapeute dont on sait qu'elle était elle-même une malade mentale.



La folie y apparait comme une expression exacerbée d'une souffrance universelle et le film devient une allégorie de l'existence et des forces fondamentales qui la sous-tendent. Mais sans jamais chercher la démonstration. Tout est calme et paisible, sensuel, chaque espace est exploré avec beaucoup de subtilité. On découvre les différents lieux de cet hôpital puis on assiste à des scènes champêtres. La cassure n'en est que plus douloureuse.



Le dernier plan sur le visage de Warren Beatty égaré est bouleversant.

Un film à voir, revoir, inoubliable.

Présentation très alléchante, je le note !

sentinelle a écrit:

Présentation très alléchante, je le note !

Je te le passerai...

Marko a écrit:

sentinelle a écrit:

Présentation très alléchante, je le note !

Je te le passerai...

Bien volontiers, merci

Je rejoins l’avis de Traversay et de Marko, ce film est tout simplement une petite merveille ! La superbe photographie noir et blanc, la musique, la finesse du scénario, l’interprétation des acteurs dont celle de Jean Seberg (notons également la première apparition de Gene Hackman et un des premiers rôles de Peter Fonda). Il y a de la poésie dans ce film, certaines scènes bucoliques prenant parfois des expressions oniriques proches de la rêvasserie.




Lilith (Jean Seberg), au prénom très évocateur puisqu’il fait référence au mythe du démon dévorateur et tentateur, est une patiente internée aussi belle que désirable. Femme tentatrice et fragile à la fois, à l’appétit sexuel insatiable, elle ne peut s’empêcher de séduire les hommes, les femmes et même les petits garçons qu’elle croise lors de ses sorties autorisées.



Vincent Bruce (Warren Beatty), ergothérapeute fraîchement engagé à l’hôpital psychiatrique dans lequel elle réside, ne résiste pas longtemps au charme de cette jeune femme qui telle une plante vénéneuse se révèle toxique à celui qui ose la consommer.



Une scène particulièrement explicite reprend d'ailleurs ce thème de la végétation potentiellement toxique que Lilith croque à pleines dents par provocation.



Le personnage de Lilith est évidemment des plus intéressants mais celui de Vincent Bruce l’est tout autant : au lieu d’apporter son soutien et son aide à Lilith, c’est Lilith qui révèlera les fêlures de Vincent. Et elles ne sont pas en reste, sortant de la guerre de Corée et orphelin ayant perdu très jeune sa mère atteinte de maladie mentale.

Tous les personnages semblent en fait enfermés, comme privés de liberté et de mouvements, et de nombreux plans soulignent bien cet aspect du film, comme s’il y avait d’un côté les enfermés dedans mais aussi tous les autres, les enfermés dehors, ceux dont les failles sont plus ou moins cicatrisés mais qui ne sont pas à l’abri d’une déchirure plus vive.



Ce qui donnera lieu d’ailleurs à un très beau final en gros plan sur le visage de Vincent Bruce dégoulinant de sueur mais je n’en dirai pas plus.


Film sur la folie, la passion amoureuse, la complexité des sentiments et les fêlures, sans oublier de subtils portraits de personnes en souffrance dans lequel s’invite parfois une certaine poésie des images. Et ce n’est pas un hasard si un patient, féru de Fiodor Dostoïevski et faisant référence à ses deux romans phares que sont « Crime et châtiment » et « Les frères Karamasov », pose des questions à Vincent sur ce qu’est la vertu et la moralité avant d’aborder pleinement le sentiment de culpabilité et les regrets dans le derniers tiers du film. L’inceste paraît également en filigrane, par Lilith et son jeune frère suicidé mais aussi par la trouble ressemblance de Lilith et de la mère de Vincent. Importance du double, des images qui se reflètent dans l’eau, des jeux de miroir. Un très beau film à plusieurs niveaux.



Un grand merci à Marko pour le prêt

Bravo pour vos commentaires ! Je le reverrai un de ces jours (pour ma retraite ?).

Est-ce qu'il serait possible que tu me prêtes le film Marko ? J'aimerais beaucoup le voir moi aussi...

colimasson a écrit:

Est-ce qu'il serait possible que tu me prêtes le film Marko ? J'aimerais beaucoup le voir moi aussi...

Avec plaisir mais il est entre les mains de Sentinelle actuellement... Demande lui

Marko a écrit:

colimasson a écrit:

Est-ce qu'il serait possible que tu me prêtes le film Marko ? J'aimerais beaucoup le voir moi aussi...

Avec plaisir mais il est entre les mains de Sentinelle actuellement... Demande lui

Alors... sentinelle... ?

Je te MP. Un film à découvrir en tout cas, n'hésitez pas !