Jan Kounen

Je me permets d'inaugurer la rubrique pour 2010 parce que j'ai des choses à raconter!

Coco Chanel et Igor Stravinsky


« J'entrevis dans mon imagination le spectacle d'un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d'une jeune fille, qu'ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps» Igor Stravinsky à propos du "Sacre du Printemps".

Très bonne surprise pour moi que ce film. Je redoutais une romance mièvre ou un délire psychédélique dont Jan Kounen est capable. Et on se retrouve devant un film mortifère à la photographie sombre, au rythme hypnotisant, et qui risque de dérouter ou même d'ennuyer pour peu qu'on passe à côté de son sujet. Car l'anecdote est au départ très simple. La rencontre de Chanel et Stravinsky au moment de la création scandaleuse du Sacre du Printemps, en 1913, puis leur passion amoureuse un peu destructrice à l'ombre de la femme du compositeur, témoin résignée et malade de cette relation adultère.

Mais le véritable propos de Jan Kounen (et du roman dont il s'inspire manifestement) est d'illustrer l'univers musical de Stravinsky. D'en trouver un équivalent visuel et de construire un récit qui adopterait la construction du "Sacre". Il y sera en effet question d'un éveil des sens au détriment du sacrifice d'une jeune femme, formidable personnage de cette épouse incarnée par la magnifique actrice russe Elena Morozova




Le générique de début est très beau. Un kaléidoscope de motifs géométriques orientalisants qui laisse entendre les échos déformés de la musique du Sacre. Plongée hypnotique dans un passé étrange où vont s'affronter le désir et la mort dans des décors en noir et blanc (Chanel n'aimait pas la couleur) et dans la nature. Le film démarre alors avec la création du "Sacre du Printemps", oeuvre géniale et profondément révolutionnaire, qui a fait un scandale dans le milieu parisien de l'avant Guerre. Huée, agitation, tout est formidablement recréé dans cette scène inaugurale. On y apprend que Stravinsky n'aimait pas la chorégraphie de Nijinsky et que Chanel avait donc assisté à cette représentation.

Chanel est montrée comme une femme de pouvoir, probablement davantage fascinée par cet homme anticonformiste qui dérangeait (comme elle-même) que par sa musique. La femme de Stravinsky l'exprimera d'ailleurs très lucidement. Et la suite de leur relation sera une sorte de jeu de massacre où ils ne s'épargnent rien malgré le désir et une forme d'attachement. Stravinsky dirigera lui-même un version acclamée du "Sacre" quelques années plus tard et Chanel sortira son fameux parfum N°5.

Chaque chapitre de cette histoire est accompagné d'extraits musicaux du ballet (dont il reprend en quelque sorte symboliquement les épisodes) et de quelques autres pièces pour piano. Je comprends mal pourquoi Jan Kounen a fait appel parallèlement à Gabriel Yared pour ajouter d'autres compositions. Elles sont certes très agréables et dans le ton mais j'aurais trouvé plus fort de n'utiliser que la musique de Stravinsky.

Le film n'est pas parfait. Igor est peu expressif, Coco trop monolithique et hiératique (une sorte de Fanny Ardant jeune) et leur passion un peu "glacée". Mais c'est qu'il s'agit d'un jeu à mort où tout semble se décomposer comme le suggère l'épouse de Stravinsky lorsqu'elle dit sentir une odeur de pourriture qui est son propre corps malade en train de se décomposer.



Je le conseille donc vivement mais il n'est pas aussi "divertissant" et facile que le film d'Anne Fontaine.

Moi qui étais contente de pouvoir rayer un film de ma liste à voir... Tu m'énerves à donner l'impression qu'il y a quelque chose d'intéressant autre qu'un biopic et une histoire d'amûr dans ce Coco... Pfffrte...

Mais rien que pour le

Citation :

Coco trop monolithique et hiératique (une sorte de Fanny Ardant jeune)

Je boycotterais ce film ! (Non mais... )

Marko a écrit:

Coco Chanel et Igor Stravinsky

Voici donc Chanel N°2 : Coco Chanel & Igor Stravinsky, signé Jan Kounen, cinéaste en général peu porté sur l'académisme. Mais comme Anne Fontaine dans le lisse Coco avant Chanel, le réalisateur semble quelque peu gêné aux entournures par la forte personnalité de la grande mademoiselle. Du coup, c'est Stravinsky qui est mieux traité, joliment dessiné avec ses doutes, ses fêlures et son génie longtemps incompris (superbe scène d'ouverture du spectacle des Ballets russes en 1913). Le personnage de Coco Chanel est moins travaillé mais au moins n'est-elle pas érigée en icône. Autoritaire et hautaine, fragile aussi, elle apparait ici sous un abord assez antipathique, sans doute proche de la réalité (dommage qu'on ne la voit pas plus au travail). La mise en scène est bien trop sage, limite compassée, mais son élégance et sa précision ne peuvent laisser indifférent.

Queenie a écrit:

Moi qui étais contente de pouvoir rayer un film de ma liste à voir... Tu m'énerves à donner l'impression qu'il y a quelque chose d'intéressant autre qu'un biopic et une histoire d'amûr dans ce Coco... Pfffrte...

Mais rien que pour le

Citation :

Coco trop monolithique et hiératique (une sorte de Fanny Ardant jeune)

Je boycotterais ce film ! (Non mais... )

oui elle est très belle, plus "femme" qu'Audrey tautou, très classe, crédible mais finalement pas très émouvante. Tout semble glisser sur elle. Pas de souffrance véritable. Finalement pas très symapthique. Mais c'est peut-être ça le personnage. J'oubliais un autre bémol: un final où on les voit vieillissants en parallèle. On devrait être ému mais ça ne dégage rien et les maquillages sont laids.

C'est pour t'aider à ne pas y aller Mais quand même! Il y a de très bonnes choses.

traversay a écrit:

La mise en scène est bien trop sage, limite compassée, mais son élégance et sa précision ne peuvent laisser indifférent.

Sur ce point je ne suis pas d'accord. Il y a un superbe travail sur l'image, le rythme, qui ne sont pas du tout académiques. Et surtout il y a ce parallèle constant avec Le Sacre qui est très ambitieux et plutôt réussi. Il y manque peut-être la sauvagerie savante de cette musique. Il lui préfère un climat flottant comme un parfum oriental.

Cette semaine, rattrapage avec l'adaptation de 99F de Beigbeder réalisée par Jan Kounen en 2007.




Tout le monde connaît le message du bouquin de Beigbeder... Dénonciation du consumérisme, de la société capitaliste, des moyens démesurés mis en oeuvre pour vendre des produits aussi ridicules qu'un yaourt et du mode de vie grandiose et dépravé que mènent les publicitaires.
Dans le film, le message est le même, en moins virulent peut-être (déjà qu'il ne l'était pas tellement non plus dans le livre... ) Le début est très grandiloquent et fait un peu peur. Heureusement, on retombe bien vite dans la réalité beaucoup plus crue de Octave (interprété par Jean Dujardin : le rôle lui convient à merveille), publicitaire, qui passe ses soirées à s'enivrer pour se réveiller, le lendemain matin, au milieu de gens à poils et avec la gueule de bois. Ca semble lui convenir...


La vie est dure lorsqu'on a trop de fric et qu'on s'ennuie...

Le rythme est ultra rapide, à la manière des spots publicitaires censés être dénoncés par le film. Les phrases brèves et claquantes s'enchaînent les unes à la suite des autres. Ce n'est pas désagréable, le film passe à une allure folle... La démonstration est beaucoup plus aisée que dans le livre, normal, le média correspond mieux à ce qu'il veut dénoncer.

Certains passages sont très bons (l'annonce de la grossesse de Sophie, le trip hallucinogène version animée, les réunions avec les grands chefs de Madone) d'autres le sont un peu moins (les histoires de cul d'Octave).

La fin prend ses distances avec le film et propose une alternative originale qui colle parfaitement à l'esprit du message. A prendre avec du recul tout de même parce qu'il y a beaucoup d'auto-complaisance dans la dernière partie du film.

Citation :

On peut faire d’aussi précieuses découvertes dans les Pensées de Pascal que dans une réclame pour un savon

Mon dernier coup de coeur : voir - enfin ! - hier, Coco Chanel & Igor Stravinsky de Kounen. J'avais déjà pas mal apprécié la version de Fontaine avec Tautou et Poelvoorde sans forcément être pleinement convaincue. J'ai trouvé la version de Kounen (qui prend la relève chronologiquement) bien plus maîtrisée et savoureuse. Un excellent moment riche en émotions et en intensité.

citronrouge a écrit:

J'ai trouvé la version de Kounen (qui prend la relève chronologiquement) bien plus maîtrisée et savoureuse. Un excellent moment riche en émotions et en intensité.

Marko a écrit:

Très bonne surprise pour moi que ce film. Je redoutais une romance mièvre ou un délire psychédélique dont Jan Kounen est capable. Et on se retrouve devant un film mortifère à la photographie sombre, au rythme hypnotisant, et qui risque de dérouter ou même d'ennuyer pour peu qu'on passe à côté de son sujet.

Totalement d'accord avec vous. J'ai eu la chance de découvrir ce magnifique film en salle l'année dernière, à l'occasion d'une ressortie à la Cinémathèque Française. J'ai été enivrée, ravie d'avoir tenté l'aventure.

Marko a écrit:

oui elle est très belle, plus "femme" qu'Audrey tautou, très classe, crédible mais finalement pas très émouvante.

A mes yeux, Anna Mouglalis est d'une beauté et d'un charisme irradiants et elle détient une force dans le regard qui est stupéfiante. Contrairement à toi, je pense qu'elle était parfaite pour jouer ce rôle, ou tout du moins, c'est l'image contrastée que je me fais de Coco Chanel. Cette dureté, cette force intérieure mêlée à l'élégance. En plus, on sent beaucoup d'alchimie entre elle et Mads Mikkelsen. Je n'ai pas vu Coco avant Chanel pour la simple et bonne raison qu'Audrey Tautou me donne de l'urticaire mais de toute façon, Anna Mouglalis est indétrônable

Marko a écrit:

traversay a écrit:

La mise en scène est bien trop sage, limite compassée, mais son élégance et sa précision ne peuvent laisser indifférent.

Sur ce point je ne suis pas d'accord. Il y a un superbe travail sur l'image, le rythme, qui ne sont pas du tout académiques.

Ah ça oui ! L'esthétique du film est renversante et la mise en scène est travaillée, rythmée. Même l'affiche est superbe ! Par contre, Traversay utilise l'adjectif "élégance" et c'est un qualificatif qui sied à merveille dans le cas de Coco Chanel et Igor Stravinsky. S'agissant d'un biopic sur la créatrice, icône éternelle, de la maison Chanel, on peut considérer que Jan Kounen a réussi sa mission.

Marko a écrit:

J'oubliais un autre bémol: un final où on les voit vieillissants en parallèle. On devrait être ému mais ça ne dégage rien et les maquillages sont laids.

C'est pas faux, je l'admets mais c'est vraiment histoire de chipoter

Tiens, faudrait que je me le note dans un coin celui-la quand même.

Queenie a écrit:

Tiens, faudrait que je me le note dans un coin celui-la quand même.

Oui tu le dois.

Kannskia a écrit:

Marko a écrit:

J'oubliais un autre bémol: un final où on les voit vieillissants en parallèle. On devrait être ému mais ça ne dégage rien et les maquillages sont laids.

C'est pas faux, je l'admets mais c'est vraiment histoire de chipoter

C'est vrai que s'agissant de Jan Kounen, on pouvait craindre le pire ; ça avait été une bonne surprise.

J'ai l'impression que les fins de films ou de séries dans lesquels on voit les acteurs vieillis sont quasiment toujours ratés, avec des maquillages outranciers (je pense à 6 Feet Under, aussi)...

Ils devraient probablement prendre de vrais vieux acteurs, qui ressemblent le plus possible aux jeunes (et vice versa) : la vieillesse ne serait plus ridicule, ça ferait travailler les vieux acteurs, et ça éviterait les louanges exagérées qu'on fait aux acteurs jeunes qui jouent si bien les vieux.

eXPie a écrit:

Kannskia a écrit:

Marko a écrit:

J'oubliais un autre bémol: un final où on les voit vieillissants en parallèle. On devrait être ému mais ça ne dégage rien et les maquillages sont laids.

C'est pas faux, je l'admets mais c'est vraiment histoire de chipoter

C'est vrai que s'agissant de Jan Kounen, on pouvait craindre le pire ; ça avait été une bonne surprise.

Personnellement, j'y allais sans appréhension étant donné que j'avais apprécié Dobermann et 99 Francs.

Kannskia a écrit:

eXPie a écrit:

Kannskia a écrit:

Marko a écrit:

J'oubliais un autre bémol: un final où on les voit vieillissants en parallèle. On devrait être ému mais ça ne dégage rien et les maquillages sont laids.

C'est pas faux, je l'admets mais c'est vraiment histoire de chipoter

C'est vrai que s'agissant de Jan Kounen, on pouvait craindre le pire ; ça avait été une bonne surprise.

Personnellement, j'y allais sans appréhension étant donné que j'avais apprécié Dobermann et 99 Francs.

J'avais sans doute vu Dobermann dans de mauvaises conditions... 99 Francs, j'avais commencé à le voir, mais ayant lu le livre... (le principal intérêt du livre, pour moi, ça a été le côté "Madeleine de Proust", un rappel de slogans publicitaires qui avaient eu du succès).
Et la vision (terme approprié, je crois) de "Blueberry: L'expérience secrète" : ça a été d'un ennui colossal...