Une photo en passant

Yasui Nakaji : Jetée. 1938.

Sebastião Saldago : Gdansk, Pologne, 1990.

Salgado est l'oeil qui m'a fait entrer en photographie, après une expo à Madrid qui m'a laissée bancale, avec cette question tonitruante : comment peut-on faire du beau avec autant de Mal ?

shanidar a écrit:

Salgado est l'oeil qui m'a fait entrer en photographie, après une expo à Madrid qui m'a laissée bancale, avec cette question tonitruante : comment peut-on faire du beau avec autant de Mal ?

Oui, c'est vrai... mais c'est parfois gênant, je veux dire : pas moralement (et encore), mais j'ai l'impression qu'il en fait parfois un peu trop. Sans pouvoir toutefois vraiment comprendre comment il parvient à faire des photos aussi belles là où d'autres photographes obtiendraient peut-être des photos misérabilistes, ou purement informatives...

oui, il y avait des photos de la famine au Sahel (insupportable) et celles des mines au 'Brésil' (je crois), beaucoup d'images complètement époustoufflante et à peine envisageable, regardable. Mais ce n'est pas seulement esthétique, c'est aussi un discours, montrer ce que personne ne voudrait voir s'il n'y avait cette touche artistique, ce flou, ce mouvement unique, cette humilité du regard posé sur l'humilité des sujets. Et celui qui regarde en sort changé, c'est déjà quelque chose, un fouillement du coeur, un arrachage de sentiment qui est comme la catharsis des tragédies grecques.

Il dope souvent les contrastes (je pense notamment à sa série sur les puits de pétrole en flamme). Une fois de plus, le noir et blanc est tellement plus esthétique que la couleur... Peut-être que ça "déréalise", que, du coup, on voit plus l'oeuvre, l'aspect artistique ; que si c'était en couleur, on serait plus confronté au fait que ce sont de vrais gens. Ca tend à transformer la réalité en art "abstrait".

eXPie a écrit:

Il dope souvent les contrastes (je pense notamment à sa série sur les puits de pétrole en flamme). Une fois de plus, le noir et blanc est tellement plus esthétique que la couleur... Peut-être que ça "déréalise", que, du coup, on voit plus l'oeuvre, l'aspect artistique ; que si c'était en couleur, on serait plus confronté au fait que ce sont de vrais gens. Ca tend à transformer la réalité en art "abstrait".

oui, il y a une photo où un mineur est recouvert de poussière et par un jeu de lumière, le spectateur a l'impression qu'il est revouvert de poussière d'or ; mais il faudrait être 'aveugle' pour ne pas voir derrière le prince charmant, la misère et la crasse. Je crois que le travail de Salgado est bien plus subtil que ce que les 'critiques' nous laissent entendre. Il est impossible de ne pas regarder à deux fois ses images, de ne pas s'interroger longuement sur le destin des hommes/femmes/enfants qu'il photographie. La photo que tu as choisi est emblématique de ce travail : on est d'abord surpris et/ou émerveillé par le mouvement mais on ne peut pas ne pas se poser la question du 'destin' de ce bateau : va-t-il couler ou pas ? les efforts des ouvriers qui l'ont construits vont-ils être réduits à néant par cette gerbe d'eau superbe et peut-être destructrice ? Ensuite à chacun de broder son histoire. J'aime la photographie qui raconte, je trouve que Salgado est un formidable conteur. Tout ça pour dire que malgré la touche artistique il est impossible de ne pas voir les 'vrais' gens dans l'oeuvre du photographe... et même parce qu'il les 'maquille' il nous pousse à travers un cheminement à atteindre l'autre histoire des hommes (celle qu'on ne veut pas voir : l'esclavage, la famine, aujourd'hui), c'est cette histoire-là qui m'intéresse (le cheminement, la construction mentale que la photo nous impose) : retrouver l'homme sous les paillettes, découvrir la perle de l'huitre, le trésor dans le sable et que ce trésor s'avère être un miroir de notre 'sale' monde.

Merci pour toutes vos impressions eXPie et Shanidar. Ca m'a donné envie d'en découvrir un peu plus, et je suis bien d'accord avec vous pour dire que les photos de Salgado sont impressionnantes !

Philippe Halsman : Bobby Fischer, 1967.

Manuel Bidermanas (il est le fils d'Israëlis Bidermanas, plus connu sous le nom de Izis)

Boulevard Saint-Germain, mai 1968.

Très beau, André de Dienes ! Je ne connaissais pas ce photographe...

Horst P. Horst : Lisa Fonssagrives’ Hands, New York. 1941.

Martin Liebscher se photographie dans le Suntory Hall à Tokyo... pas une fois, mais beaucoup, beaucoup de fois. Puis, il fait un mix de toutes ses photos, et cela donne ceci :


Songeons au temps passé...

eXPie a écrit:

Très beau, André de Dienes ! Je ne connaissais pas ce photographe...

celle que j'ai choisi est une des plus 'innoffensive' de lui.. il a fait surtout des nus.. et sinon pas mal de Marilyn Monroe

eXPie a écrit:

Martin Liebscher se photographie dans le Suntory Hall à Tokyo... pas une fois, mais beaucoup, beaucoup de fois. Puis, il fait un mix de toutes ses photos, et cela donne ceci :


Songeons au temps passé...

A ce niveau-là il aurait été plus rapide en peignant cette scène qu'en la photographiant de cette façon ! Mais j'aime beaucoup le résultat
Il sombre dans l'alcoolisme en bas à gauche ? Et en règle générale, il a l'air de trouver tout ça très ennuyeux