Alphonse Daudet

bix229 a écrit:

Mais avec le temps, je le tiens pour responsable -avec Pagnol- d' avoir créé une image pitoresque,
caricaturale et en fin de compte dévalorisante de l' homme du sud.
Excessif mais bon coeur. Naif mais poétique, ridicule mais sans le savoir.
Et évidemmment, les gens du sud en ont rajouté une couche, surtout du coté de Marseille !
Daudet n' est pas Dickens.
Et les gens du sud, ne sont ni des Tartarin ni des Escartefigue. Ou alors par esprit d' imitation.

Je comprends ce que tu veux dire.
Cependant, comment peux-tu cataloguer un auteur sans, comme tu l'affirmes, connaître "les autres aspects" de son oeuvre ?
L'image caricaturale, c'est peut-être toi qui la donnes. Je dis ça comme ça hein   (je ne connais pas encore très bien Daudet non plus).
Et puis "excessif mais bon coeur, naïf mais poétique" n'a rien, à mon sens, de dévalorisant, de dégradant, de risible. Au contraire.
Mais encore une fois, je vois très bien ce que tu veux dire.

bix229 a écrit:

Daudet n' est pas Dickens.

Pagnol fait justement le rapprochement entre les deux :
Les écrivains pas tout à fait modernes mais récents qui m’ont beaucoup frappé, ce sont Dickens et Daudet, qui sont d’ailleurs des esprits très voisins, avec une sensibilité très voisine. D’ailleurs je pense que Dickens a eu une grande influence sur Alphonse Daudet. Seulement, Daudet, c’est un Dickens provençal. Le ton de Dickens, on le retrouve dans Jack de Daudet et dans plusieurs de ses livres, et dans plusieurs de ses Lettres de mon moulin.

Les lettres de mon moulin

Ce n'était pas trop tôt. Las après ma précédente lecture, il me fallait respirer un peu. Les lettres de mon moulin devaient faire l'affaire. Daudet narrateur, provençal devenu parisien redevenu provençal raconte quelques histoires, les siennes ou des histoires entendues, des histoires du pays quoi.

Alors c'est vrai ce n'est pas toujours bien joyeux et quelques drames quotidiens sont une belles couleur de fond. Mais il est vrai aussi qu'on s'amuse assez souvent et que les bêtes et autres sont causes de petites leçons bien méritées et pas piquées des vers.

Au fil de ces lettres on trouve quand même d'autres choses, surtout ce qui est à l'image de celle qui nous raconte un sous-préfet qui prépare son discours avant de... il faut dire que quand les petites fleurs et les petites bêtes de la forêt il y aurait de quoi !

Il y a cette pointe de fraîcheur, de lâcher prise, les souvenirs de pas grand chose, d'ombres et d'orangers, rien que deux lignes d'une saison et on y est. Quand il nous emmène chez des amis c'est un peu pareil.

C'est encore que ces ailleurs qui apparaissent, cette Provence, est à mi-chemin entre une grande tentation parisienne (car il y a des lettres parisiennes) et des contrées plus lointaines (car il y a des lettres de Corse et d'Algérie). En même temps et un peu par là on plonge aussi dans le temps, histoires sans âges et traces de modernité, à force et malgré quelques inégalités il est difficile de ne pas trouver au fil des pages une espèce de refuge en ce moulin.

Simple et chaleureux donc et avec les bienfaits de très jolies phrases et sans doute plus d'une pour chaque saison !

C'est curieux et c'est bien chouette.


A noter aussi, ça ne gâte rien, la bien bonne présentation de Daniel Bergez en folio classique.

Faudrait que je le relise. C'était une lecture scolaire, et cela ne m'avait pas emballé à l'époque.

je mettrai un ou deux extraits. il y a des passages comme la description des orangers sous la neige qui valent le détour.

Extrait de la lettre Les Oranges, une de celles qui fait voyager de Paris à la Corse en passant par l'Algérie, la coupe au milieu n'est pas si petite. J'ai d'abord recopié la deuxième partie, et puis me suis dis que ce serait dommage de ne pas donner le début avec, le contraste, le voyage, mais aussi l'allègement du ton, elle est très chouette celle-là :

Citation :

A Paris, les oranges ont l'air triste de fruits tombés ramassés sous l'arbre. A l'heure où elles vous arrivent, en plein hiver pluvieux et froid, leur écorce éclatante, leur parfum exagéré dans ces pays de saveurs tranquilles, leur donnent un aspect étrange, un peu bohémien. Par les soirées brumeuses, elles longent tristement les trottoirs, entassées, dans leurs petites charrettes ambulantes, à la lueur sourde d'une lanterne en papier rouge. Un cri monotone et grêle les escorte, perdu dans le roulement des voitures, le fracas des omnibus :
- A deux sous la Valence !
(...)
Une nuit, pendant que j'étais là, je ne sais par quel phénomène ignoré depuis trente ans cette zone de frimas et d'hiver se secoua sur la ville endormie, et Blidah se réveilla transformée, poudrée à blanc. Dans cet air algérien si léger, si pur, la neige semblait une poussière de nacre. Elle avait des reflets de plumes de paon blanc. Le plus beau, c'était le bois d'orangers. Les feuilles solides gardaient la neige intacte et droite comme des sorbets sur des plateaux de laque, et tous les fruits poudrés à frimas avaient une douceur splendide, un rayonnement discret comme de l'or voilé de claires étoffes blanches. Cela donnait vaguement l'impression d'une fête d'église, de soutanes rouges sous des robes de dentelles, de dorures d'autel enveloppées de guipures...