Tim Willocks

shanidar a écrit:

Il m'a fallu 250 pages pour commencer à vraiment m'intéresser à ce roman historique, dont l'action principale se déroule pendant le siège de l'île de Malte en 1565, mais ensuite il m'a été bien difficile de le lâcher.

Pfff... j'ai du l'arrêter à la page 200... je regrette, maintenant!

oui, Willocks prend vraiment tout son temps pour démarrer l'action. Il nous laisse nous familiariser avec les personnages qui au fil de des évènements vont vraiment s'épanouir et atteindre à des problématiques passionnantes. Et l'autre forme d'intelligence de l'auteur est de commencer en avançant certains poncifs qu'il va peu à peu déformer, remettre en cause et finir par rendre caduc. Le Bien et le Mal se trouvent en nous à dose plus ou moins égale et les personnages sont en lutte avec eux-mêmes bien plus qu'engager dans une violente guerre de religion.

@ Shanidar

Très chouette commentaire qui résume bien la tonalité de ce roman historique, dans lequel Willocks s'est scrupuleusement attaché à la véridicité des faits - La capitale de Malte doit d'ailleurs son nom au personnage trouble de La Valette - Cependant, j'exprime un léger désaccord avec ton point de vue généralisateur sur le Bien et le Mal, car j'y ai surtout vu une critique sur le fanatisme religieux et son corollaire : la volonté d'hégémonie menant à la guerre.  
D'ailleurs, la suite intitulée " Les Douze Enfants de Paris" (qui ne paraîtra finalement en français qu'au mois d'avril) traite également de ce fanatisme qui aboutit à la nuit de la Saint-Barthélémy.

il m'a semblé que justement le fait que l'auteur dépasse les clivages religieux permettait d'ouvrir le propos sur une dimension bien plus énigmatique, bien plus introspective, celle du mélange en l'homme d'une fascination-répulsion pour le Mal comme pour le Bien... En tout cas, c'est ce qui m'a paru fonctionner à merveille dans ce roman. Si Willocks n'avait fait qu'un roman historique sur les guerres de religions (même si le thème est récurent, il va beaucoup plus loin), je ne crois pas que l'ensemble m'aurait plu autant. D'ailleurs il joue librement du genre du roman historique en insérant pas mal de comportements 'modernes' ou de réflexions sur les classes ou le féminisme qui paraissent parfois un peu étonnantes pour un épisode qui se joue en 1565...

Par essence, les critères du Bien et du Mal ont été définis par les religions, c'est pourquoi je pense que Willocks focalise son roman et les deux suivants sur des périodes spécifiques à ces déterminants.
Son traitement de la moralité des moeurs relève plutôt d'une comparaison sociétale, et non du Bien et du Mal.
Enfin, c'est ainsi que je le vois.

shanidar a écrit:

Après la lecture d'un tel roman, j'ai l'impression d'être devenue une experte de la tactique militaire, du rechargement de mousquet, du maniement à une ou deux mains de l'épée et de la meilleure manière d'enfiler une armure de 50 kg ! Mais et c'est sans doute le plus réussi, pas une seule fois je ne me suis ennuyée à la lecture palpitante de tant de sang répandu, de têtes coupées, d'affreuses blessures infligées dans la chaleur méditerranéenne d'un bout de caillou posé sur l'eau.

Tu vois, c'est un peu ce qui me rebute... je sais que, pour le moment, je n'aurais pas la patience de subir ce genre d'explications et que ça risquerait de m'empêcher d'apprécier ce livre comme il semble le mériter...

colimasson a écrit:

shanidar a écrit:

Après la lecture d'un tel roman, j'ai l'impression d'être devenue une experte de la tactique militaire, du rechargement de mousquet, du maniement à une ou deux mains de l'épée et de la meilleure manière d'enfiler une armure de 50 kg ! Mais et c'est sans doute le plus réussi, pas une seule fois je ne me suis ennuyée à la lecture palpitante de tant de sang répandu, de têtes coupées, d'affreuses blessures infligées dans la chaleur méditerranéenne d'un bout de caillou posé sur l'eau.

Tu vois, c'est un peu ce qui me rebute... je sais que, pour le moment, je n'aurais pas la patience de subir ce genre d'explications et que ça risquerait de m'empêcher d'apprécier ce livre comme il semble le mériter...

mais Willocks n'est pas du tout didactique, on apprend tout ça sans même s'en rendre compte. L'auteur n'est pas dans une démonstration d'un quelconque savoir mais vraiment au cœur de sa narration et dans les pensées de ses personnages (c'est aussi un livre très introspectif malgré ce qu'on pourrait croire ou craindre)...
Comme légère réticence j'avoue que C'est ainsi que les hommes vivent de Pelot est plus tripant (dans le sens qui prend aux tripes) parce que son écriture est incroyablement juste et inactuelle et Le nom de la Rose d'Eco est plus raffiné, intellectuel, didactique pour le coup. Mais, Willocks n'est vraiment pas bête et sait très bien mener sa narration, ce qui le rend tout particulièrement attachant et... efficace ! Ce n'est pas un livre incontournable mais indéniablement un bon moment de lecture.