Felix Nussbaum [Peintre]

Autoportrait avec un masque, 1928

« […] Nussbaum arbore pour la première fois, en 1928, dans un autoportrait, un masque ridicule et poignant, aux yeux fermés, au nez rouge et à la bouche entrouverte, qui cache la bas de son visage, mais par-dessus lequel il lance un regard interrogateur, disant la contradiction entre l’identité qu’il endosse, celle qu’il donne à voir, et la réalité intime des peurs qui l’habitent. Devenu un artiste sans patrie, le masque lui sert à exprimer les variations de ses états d’âme d’exilé, entre prostration et rébellion, et des procédures par lesquelles il fait face au difficile exercice de son art. »

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Autoportrait au torchon, vers 1936

« Cet attirail carnavalesque rend la nudité de l’artiste poignante. La bouche réprime un son, le regard est fixe, comme halluciné. Par la polysémie des accessoires –son étrange couvre-chef est celui du fou, du marginal, de l’artiste, mais rappelle également le bonnet qui fut imposé aux juifs à l’époque médiévale ; le bleu et le blanc de son torchon renvoient aux couleurs du châle de prière juif, le tallit ; le violet de la fleur qu’il porte à l’oreille est celui de la nostalgie […]- Felix Nussbaum se présente, avec un mélange d’autodérision et de douleur tue, dans son identité d’artiste sans patrie, mais aussi de juif, stigmatisé par les lois de Nuremberg. »

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Autoportrait au bandeau vert, 1936

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Masques et chat, 1935

« Dans Masques et chat, le peintre, abrité derrière son masque inexpressif au nez grotesque, tient d’une de ses énormes mains gantée de noir, inopérante, une palette sèche. Aucun pinceau n’est visible ; tout affirme l’impossibilité de peindre. »

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Mascarade, vers 1939

« Dans cette œuvre crépusculaire, Felix Nussbaum juxtapose plusieurs « autoportraits-confessions », réalisés entre 1936 et 1938, dans lesquels il livre, par la grimace ou le déguisement, la gamme de ses états d’âme au cours de ces années d’exil : confiance en soi, orgueil, peur, distance, perplexité ou désespoir, paralysie créative. Ceux-ci forment une parade placée dans un paysage nocturne qui oppose un arbre solitaire aux branches nues et une architecture urbaine déshumanisée, sur laquelle s’écrase, dans un nuage noir, la tour métallique de la radio de Berlin, le tout éclairé par un soleil trompeur. »

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Ferry pour Douvres, 1935

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Le secret, 1939

« Si Le Secret, en particulier en raison de sa datation –novembre 1939-, fait très certainement référence à un péril historique immédiat, à la propagande de guerre (« l’ennemi vous écoute) ou au parler populaire (« les murs ont des oreilles »), il est difficile de ne pas le rattacher au motif de la communication impossible cher à Nussbaum et qui hante son œuvre ; il en forme l’allégorie la plus achevée. »

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Les perles (les Endeuillés), 1938

« Le motif de la mère et de l’enfant a été utilisé et héroïsé dans la propagande visuelle de la guerre civile espagnole, tant par ceux qui furent à l’origine de la guerre que par leurs adversaires. Nussbaum y réagit, mais construit une représentation allégorique annonçant le désastre à venir. »

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Le Réfugié, 1939

« Cette peinture est habitée par un homme recroquevillé sur un petit banc, la tête enfoncée dans les mains, sa canne et son baluchon posés à terre. On aura reconnu l’écho du Juif errant, pourchassé jusqu’à la fin des temps –le Juif errant qui hante l’imaginaire de l’Europe chrétienne depuis le Moyen Âge et qui incarne ici, de surcroît, la figure de la mélancolie, ce que vient renforcer le dispositif scénique évoquant par ses éléments géométriques et architecturaux, tant La Mélancolie d’Albrecht Dürer que celle de Lucas Cranach l’Ancien. »

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Nature morte au mannequin, 1940

« […] la page du titre du Soir est posée très en évidence, mais seul se lit le titre [GR]ANDE TOMBOLA. Si l’on traite ce titre comme une allégorie, il suggère peut-être que la vie est devenue une loterie, et cette idée est soulignée par le groupe incongru d’objets de la composition, un mannequin de peintre aux bras levés et une poupée-enfant avec des yeux écarquillés. Ces figures inanimées –surtout le petit bonhomme au centre, qui est repris des personnes qu’il avait créés pour des livres de lecture- semblent réagir avec indignation aux évènements politiques, que les lecteurs de journaux préfèrent ignorer. »

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Nature morte à la sculpture africaine, 1943

« Là encore, dans un mélange d’autodérision et de désespoir, Felix Nussbaum, artiste de son siècle, se présente, arraché à sa terre d’origine, entravé et totalement amputé de ses forces créatrices. »

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Nature morte avec une poupée et une raquette de tennis, 1943

« L’œuvre reprend et subvertit, par des éléments quasi animés –le regard de la poupée, son geste empêché, le mouvement du torchon- comme par ce retour tragique à l’enfance, les dispositifs scéniques de la pittura metafisica, notamment celui des mannequins portant raquette et balle de Carlo Carra. »

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Autoportrait dans le camp, 1940

« Comment ne pas évoquer les petits personnages nus qui se dessinent dans la vision de l’Enfer de Jérome Bosch, ou dans plusieurs peintures allégoriques de Bruegel ? Devant la baraque de gauche se détache un homme, le visage caché dans les mains, assis à une table de fortune sur laquelle est posée ne bougie d’où s’échappe une lueur blafarde, telle une obscure clarté. Ces images, qui forment comme des remarques, campent la réalité mortifère du camp, noyée dans le désespoir, le dégoût, la maladie, la faim, avec pour seul horizon la fuite ou la mort. »

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Autoportrait à la clé, 1941

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Autoportrait au passeport juif, 1943

« Nussbaum a choisi le procédé de mise an abîme en se représentant coiffé d’un chapeau, à l’instar du portrait photographique qui figure sur sa carte d’identité ; de même, c’est sur le document administratif qu’il appose sa signature. Des effets d’ombre projetés sur sa silhouette sur le mur altéré ajoutent encore à la pesanteur terrifiante du tableau. »

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La tempête, 1941

« Qu’elle agite les mâts dans le port d’Ostende, qu’elle figure sur le titre du journal Le Soir ou dans ses natures mortes, ou encore qu’elle soit placardée sur les murs de la ville, la tempête traverse l’œuvre de guerre de Felix Nussbaum et devient la métaphore de la tragédie que vit l’Europe et de la persécution. »

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Peur, 1941

« La rencontre, l’étreinte, la fusion sont absentes de l’œuvre de Felix Nussbaum. Jamais, même dans Soir, il n’abolit la distance entre ses personnages. Ici, les deux visages ne font qu’un et la main qui les presse l’un contre l’autre est d’une poignante humanité. »

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Cour de prison, 1942

« Cette « cour de prison » est en fait la cour intérieur et le jardin que l’artiste voyait de son appartement où il se cachait depuis 1942, comme l’atteste l’inscription en français « Felix Nussbaum / 1942 Bruxelles) sur un dessin préparatoire daté du 5 mars 1942 ; il lui apporte quelques modifications et, dans le toile, supprime la fenêtre supérieure, la seule à être dotée de rideaux, derrière laquelle il devait se tenir. Toutes les fenêtres ont désormais des barreaux. »

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Mannequins, 1943

« Avec ces personnages, Felix Nussbaum revient sans doute sur le thème du couple isolé et en danger, déjà abordé dans Soir peint en 1942. Ces mannequins –auxquels de nombreux artistes, notamment Giorgio de Chirico, ont eu recours- dépersonnalisent les figures, ravalées à l’état de choses sans vie ni volonté autonome. De même que les arbres sont captifs d’une clôture de planches, les hommes sont prisonniers du monde qui les environne et leur est hostile. »

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Joueur d’orgue de Barbarie, 1942-43

« L’artiste reprend le thème du joueur d’orgue de Barbarie, qu’il avait déjà traité en 1931. L’origine du terme « orgue de Barbarie » reste mystérieuse, mais traditionnellement, le joueur d’orgue de Barbarie est la figure de l’errant, de l’étranger, du marginal –pour Nussbaum, celle de l’artiste. Mélancolique, le musicien, en 1931, tournait la manivelle de son instrument, dont sortait encore un son. Ici, il ne joue plus, l’orgue reste muet. »

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