Présumé coupable [Vincent Garenq]

Un film éprouvant, oppressant, impeccable dans son parti pris de stricte linéarité qui nous emporte dans ce cauchemar totalitaire absolu. J'ai aimé cette frontalité qui nous fait vivre pas à pas la descente aux enfers d'Alain Marécaux face à un Fabrice Burgaud glaçant et formaté (l'acteur est parfait). On a beau connaître presque tout de ce fiasco judiciaire le film vaut pour cette vérité quasi documentaire et l'interprétation géniale de Torreton. On en sort lessivé et révolté, forcément. Ce qui fait le plus souffrir dans cette histoire épouvantable c'est la froideur humaine et l' aveuglement bureaucratique d'un système judiciaire face à la souffrance d'un être qui se détruit parce qu'il n'est pas entendu. Marécaux est redevenu Huissier de justice après avoir tout perdu. Chapeau!

Marko a écrit:

Un film éprouvant, oppressant, impeccable dans son parti pris de stricte linéarité qui nous emporte dans ce cauchemar totalitaire absolu. J'ai aimé cette frontalité qui nous fait vivre pas à pas la descente aux enfers d'Alain Marécaux face à un Fabrice Burgaud glaçant et formaté (l'acteur est parfait). On a beau connaître presque tout de ce fiasco judiciaire le film vaut pour cette vérité quasi documentaire et l'interprétation géniale de Torreton. On en sort lessivé et révolté, forcément. Ce qui fait le plus souffrir dans cette histoire épouvantable c'est la froideur humaine et l' aveuglement bureaucratique d'un système judiciaire face à la souffrance d'un être qui se détruit parce qu'il n'est pas entendu. Marécaux est redevenu Huissier de justice après avoir tout perdu. Chapeau!

Pour un cauchemar, c'en est un. Et qui s'est abattu, comme la foudre, au hasard, sur un homme "normal", qui n'avait rien dans sa vie qui justifiait de vivre un tel enfer. Alain Marécaux, huissier de justice, a vécu un long calvaire dans la célèbre affaire d'Outreau. Il l'a raconté dans un livre, Vincent Garenq la transpose dans un film, Présumé coupable, fidèle et d'une sobriété sèche, dont la vision est à certains moments insoutenable. La souffrance d'un innocent, accusé du pire crime qui soit, sali, qui plus est, dans sa vie personnelle. Philippe Torreton s'est glissé dans la peau de cet homme broyé et concassé par la justice de façon stupéfiante. Sa composition, à l'image de celle de Michael Fassbender dans Hunger fait réellement peur. Physiquement et moralement. Le film est constamment proche de ce présumé coupable et n'a sans doute pas la prétention de brosser un tableau complet de l'affaire. Sur un plan strictement cinématographique, on peut le regretter. Le juge Burgaud n'apparait que lors de face à face avec Marécaux. On aurait aimé en savoir plus sur ce magistrat glacial qui considère encore aujourd'hui avoir "fait son travail", sur ses rapports avec une hiérarchie qui l'a soutenu et qui ne lui a infligé qu'une réprimande après le jugement final. Presque rien non plus dans le film sur l'emballement médiatique. Le procès, à la fin de Présumé coupable, est trop vite expédié. Il est vrai que les seconds rôles sont assez mal joués, dans l'ensemble. La force du film réside presque uniquement dans la description de l'insupportable douleur de cet innocent. C'est déjà beaucoup.

traversay a écrit:

Philippe Torreton s'est glissé dans la peau de cet homme broyé et concassé par la justice de façon stupéfiante. Sa composition, à l'image de celle de Michael Fassbender dans Hunger fait réellement peur.

Le film est constamment proche de ce présumé coupable et n'a sans doute pas la prétention de brosser un tableau complet de l'affaire.

C'est ce que j'ai aimé dans le film. Ce n'est pas un documentaire sur Outreau mais le portrait d'un homme brisé par un engrenage quasi totalitaire et qu'on ne lâche pas du début à la fin en un seul mouvement terrassant. Le rapprochement avec Fassbender est très juste. On y pense beaucoup même si la démarche esthétique de Steve Mac Queen est très différente (et beaucoup plus puissante sur le plan artistique).

Il y a aussi des plans terrifiants comme cet échange de regards entre Myriam Badaoui et son fils qui semble subjugué, hypnotisé, dans une relation incestueuse incroyablement malsaine.

On se demande aussi comment le fils de Marécaux pourra se pardonner ses accusations (certes induites probablement en grande partie) qui ont contribué à le faire accuser.

A un moment, j'avais tellement mal physiquement que je n'en pouvais plus. Je suis une petite nature

Le juge Burgaud a sa notice dans wikipédia. Intéressant.

traversay a écrit:

A un moment, j'avais tellement mal physiquement que je n'en pouvais plus. Je suis une petite nature

Le juge Burgaud a sa notice dans wikipédia. Intéressant.

Il fait partie de ces personnes qui croient faire ce qui est juste en se référant aux lois et aux règles établies mais qui manquent cruellement d'empathie et de recul sur les relations humaines. Un peu comme Miss Ratchett dans "Vol au-dessus d'un nid de Coucou". Mais il n'a pas sa perversité consciente. Il dit que son métier exige de ne pas verser dans l'émotionnel mais il oublie que les faits ne suffisent pas à éclairer ce genre d'histoires. Il n'était pas seul et c'est effrayant. Le pire dans cette affaire (comme il l'a suggéré ultérieurement) c'est que parmi la quinzaine de faux accusés reconnus par Badaoui il y en avait probablement 2 qui n'étaient pas si clairs (et condamnés plus récemment pour maltraitance). C'était un bordel innommable!

Présumé coupable

Je partage votre avis sur la composition de Philippe Torreton, qui donne à ressentir un puits de souffrance jusqu'au malaise. C'est l'expression d'une intensité sobre et linéaire jusque dans la déchéance physique, creusant un gouffre qui ne semble jamais pouvoir disparaitre, symbole d'un désastre collectif et institutionnel.
Je suis tout de même gêné par l'absence de mise en scène, Vincent Garenq suivant de bout en bout Philippe Torreton et ne parvenant pas à se démarquer de son regard. C'est certes un choix cohérent par rapport à l'ambition du film, mais qui fragilise un édifice en insistant trop lourdement sur l'identification au sujet.

Avadoro a écrit:

Je suis tout de même gêné par l'absence de mise en scène, Vincent Garenq suivant de bout en bout Philippe Torreton et ne parvenant pas à se démarquer de son regard. C'est certes un choix cohérent par rapport à l'ambition du film, mais qui fragilise un édifice en insistant trop lourdement sur l'identification au sujet.

C'est une adaptation fidèle du livre de Marécaux et je trouve qu'il donne une intensité impressionnante à ce drame personnel là où je redoutais un film banal et formaté. La mise en scène réside bien quand même dans cette absence de lâcher prise qui nous happe du début à la fin. Je vois plus un film kafkaïen sur un homme brisé par un engrenage absurde qu'un film document sur Outreau. Tout est vu du point de vue de Marécaux, laissant tout ce dont il n'est pas témoin volontairement dans l'ombre. C'est ce côté fragmentaire qui rend d'ailleurs le cauchemar d'autant plus éprouvant.

Marko a écrit:

C'est une adaptation fidèle du livre de Marécaux et je trouve qu'il donne une intensité impressionnante à ce drame personnel là où je redoutais un film banal et formaté. La mise en scène réside bien quand même dans cette absence de lâcher prise qui nous happe du début à la fin. Je vois plus un film kafkaïen sur un homme brisé par un engrenage absurde qu'un film document sur Outreau. Tout est vu du point de vue de Marécaux, laissant tout ce dont il n'est pas témoin volontairement dans l'ombre. C'est ce côté fragmentaire qui rend d'ailleurs le cauchemar d'autant plus éprouvant.

Je partage ton analyse (le film est tout sauf banal ou inoffensif), mais ce sont plutôt des détails mis bout à bout qui m'ont gêné : les flous systématiques aux réveils, la perception de la fin de son couple...autant de moments où la caméra révèle une subjectivité qui m'apparait maladroite.

J'attends ton avis sur Take Shelter, qui avait aussi séduit à Cannes (Grand Prix de la Semaine de la Critique).

-Présumé coupable-

Oublié de parler de ce film qui m'a pourtant secouée comme vous tous. Cette image de Philippe Torreton depossédé de lui-même, le regard vide et perdu dans une souffrance telle qu'il semble déjà ne plus faire partie des humains est glaçante et risque de nous rester longtemps en mémoire. Rien que pour ça respect. Mais je me suis tellement sentie mal avec cette sale impression d'impuissance face à une machine judiciaire implacable, qu'il me reste surtout ce malaise, quelques semaines après.

Dégoût, incompréhension, inhumanité à son paroxysme, ce sont les mots qui nous viennent. Et la honte aussi de faire partie d'un monde où des innocents paient l'incapacité d'un système qui n'a même pas le courage de se regarder en face par la suite. On aurait aimé oui en savoir plus sur les dessous de l'affaire, sur le procés trop vite expédié ici, mais là est une autre histoire, et ce parti pris de ne partir que du regard de Marécaux se justifie clairement. Sobre et très intense, allez y pour Torreton mais vous n'en sortirez pas sans dommages!

Et pour avoir regardé vaguement (j'ai tenu 20 minutes) hier soir "L'abolition" avec Charles Berling, film épouvantablement réalisé et dirigé, on se rend compte de l'efficacité et de la justesse de ce "Présumé Coupable". Bien meilleur également que le film sur Omar Raddad.