De bon matin [Jean-Marc Moutout]

De bon matin de Jean-Marc Moutout

Citation :

Lundi matin, Paul Wertret se rend à son travail, à la banque où il est chargé d’affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures précises, sort un revolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s’enferme dans son bureau. Dans l’attente des forces de l’ordre, cet homme revoit des pans de sa vie et les évènements qui l’on conduit à commettre son acte…

Violence des échanges en milieu tempéré. C'est le titre de l'un des films de Jean-Marc Moutout (2003), consacré à la froide politique d'une entreprise qui licencie. Avec De bon matin, le réalisateur poursuit dans la même veine avec le "pétage de plombs" d'un cadre de banque, jusque là sans histoire. Restructuration, humiliation, démotivation, placardisation ..., ou comment broyer un homme et le conduire à se renier lui-même et à commettre l'irréparable. Moutout choisit de commencer par la fin (enfin presque) et de montrer le cheminement de la dépression en flashbacks. Pas de façon chronologique, mais comme une mosaïque de scènes clés, au travail ou en famille, à différents moments de la vie de cet homme acculé. Le procédé évite la démonstration mais, en contrepartie, dilue la force du scénario et lui ôte son implacabilité. Jean-Pierre Darroussin est tétanisant de souffrance, honnête homme piégé par la culture du résultat, isolé dans un management qui délaisse l'humain pour la rentabilité. Deuxième défaut du film : face à l'acteur, véritable stradivarius, les autres comédiens ne font pas le poids. Darroussin phagocyte littéralement le film. Au-delà de ces bémols, De bon matin, métallique comme le désespoir, sans issue de secours, est criant de vérité sur des situations vécues chaque jour dans le monde du travail. La souffrance d'un être en crise dans une société qui ne l'est pas moins est insupportable. Reconnaissons au film, en dépit de ses manques, de traiter le sujet à bras le corps, sans l'ombre d'une tentation démagogique.

DE BON MATIN



Réalisé par Jean-Marc Moutout
Avec Jean-Pierre Darroussin, Valérie Dréville, Xavier Beauvois...

Un lundi matin, Paul (Jean-Pierre Darroussin ) se rend à la banque où il travaille armé d’un revolver. A son arrivée, il tue deux de ses collègues, ses supérieurs hiérarchiques.
Ensuite, attendant enfermé dans son bureau l’arrivée de la police, il se souvient des derniers mois, de l’engrenage infernal des événements professionnels qui ont fait de lui un désespéré, et pour finir un criminel.

Jean Pierre Darroussin incarne magistralement le rôle, il est glaçant et émouvant à la fois. Tellement combatif mais si fragilisé.

Le film est plutôt efficace à montrer comment, sur décision inhumaine d’une personne, le système de l’entreprise (bancaire ici) permet de broyer tout à coup sans vergogne ses cadres supérieurs.
J’ai trouvé cependant des longueurs, une complaisance à faire durer l’attente qui m’a lassée. Le film, très froid, m’a paru long alors qu’il ne l’est pas.

traversay a écrit:

De bon matin de Jean-Marc Moutout

Le sujet m'intéressait, j'imaginais Daroussin impeccable dans ce rôle très intériorisé et fait pour lui. De ce côté là il l'est, mais ce film s'est finalement révélé sans surprise et il ne m'a pas bouleversée. Je dois avoir un problème avec le sujet, sur ce même thème Delphine De Vigan m'avait aussi lassée avec "Les heures souterraines". Je pense qu'il est en lui même si glaçant qu'il nécessite plus que tout autre une inventivité dans sa réalisation ou son approche pour ne pas plomber du même coup le spectateur (ou le lecteur)

Humiliation, perte d'identité, poids du système dans lequel l'humain se noie...tout cela est bien montré, et sans forcer le trait, c'est certain. Mais j'ai trouvé que cela manquait de force, et je pense aussi que cela tient à ces flashback un peu trop fouillis. Il y a un petit quelque chose qui m'échappe, tout ce qu'il tait en gros à son psy d'ailleurs (par exemple son rapport avec sa femme qui parle de le quitter à un moment puis...??) on ne ressent que confusément le désarroi de Daroussin -à moins de l'avoir vécu- qui ne peut dès lors avoir un jeu différent, droit et impassible jusqu'à nous devenir un peu étranger.

Un film moyen donc, qui ne m'a pas scotchée ni retournée alors que ça aurait dû. Le choix du réalisateur, montrer la mécanique d'un système dans lequel l'homme n'est qu'un pion, en prenant le plus de distance possible pour accentuer cet effet est risqué, il peut ôter toute émotion. Chez moi ça n'a pas fonctionné!

Aeriale a écrit:

Un film moyen donc, qui ne m'a pas scotchée ni retournée alors que ça aurait dû. Le choix du réalisateur, montrer la mécanique d'un système dans lequel l'homme n'est qu'un pion, en prenant le plus de distance possible pour accentuer cet effet est risqué, il peut ôter toute émotion. Chez moi ça n'a pas fonctionné!

Un collègue à moi l'a vu. Il l'a trouvé pas mal, sauf qu'il a dit que ça rappelait trop le boulot !

Vu. Daroussin ne daroussine pas et il n'y a rien à redire (c'était ce qui me faisait le plus peur). Le film est un peu plan plan mais relevé de quelques beaux paysages... Ses qualités ne sont pas principalement là. C'est un film assez dur parce qu'il n'en fait pas trop et qu'il est très bien pensé et honnête avec je crois un grand respect et une grande attention portée au sujet, important. Le film a pour contexte une certaine tendance de management et la crise bancaire, dans les deux cas la distance choisie permet de ne pas déséquilibrer le film ce qui aurait risqué de le limiter à un montré du doigt très convenu, banal qui ne ferait pas avancer le bazar.
Le film va donc un peu plus loin, prenant le problème à la racine : la part du travail dans la vie. Bien ou mal faire son travail, les sentiments d'utilité et de justice ou d'équité. Ce que ça peut signifier pour l'individu, ce que ça signifie comme image de société ou image devenue mutante la victime du film étant paradoxalement une des images de la réussite.

Le doute et la déconstruction sont montrés de façon assez sensible et déstabilisante avec le stress et le repli sur soi qui n'est pas qu'une "perte d'estime parce qu'on lui dit qu'il est mauvais au boulot", c'est plus complexe, plus de doute et moins de mots sur ces événements là, laissés tels quels eux aussi sans réponse.

Pas le film du siècle mais une bonne surprise pour la justesse du contenu et de la manière précise, pensée et mesurée.

Sorti en DVD.

J'ai trouvé ce film beaucoup plus fort que le roman de Delphine de Vigan!

Citation :

Moutout choisit de commencer par la fin (enfin presque) et de montrer le cheminement de la dépression en flashbacks. Pas de façon chronologique, mais comme une mosaïque de scènes clés, au travail ou en famille, à différents moments de la vie de cet homme acculé. Le procédé évite la démonstration mais, en contrepartie, dilue la force du scénario et lui ôte son implacabilité

Et bien, pas vraiment d'accord, parce que ce morcellement des souvenirs permet bien de montrer ce qui est plus complexe, pour moi, dans ce film, qu'un cadre broyé par un système dans lequel il évolue depuis des années. Les compromis continuels avec son éthique personnelle, masqués par une hyperactivité et gratifiés par une reconnaissance financière ( c'est très bien noté dès le départ, le quartier , la voiture, etc) ,et sociale. Les conséquences sur sa vie personnelle ( on en apprend beaucoup lors du coup de tel final avec un ex ami, quand il s'aperçoit que certaines choses ne se rattrapent jamais), sa famille. Que du banal sans doute, mais une vie sur un fil, et quand ce fil casse, tout s'écroule .