Comme le disait Marko sur le fil des expos ce n'est pas évident de "rentrer" dans cette expo, comme le remarquait Coline au début du fil "c'est froid". Les images presque effacées de Tuymans (qui se prononcerait +/- Teuillemince ?) ont une allure quasi-clinique renforcée par les murs blancs du musée (pas si souvent que ça qu'on voit des expos de peintures sur fonds blancs non ?).
J'ai apprécié le fait que les explications soit reportées uniquement dans le petit livret de l'expo et que les titres des oeuvres ne soit pas affichés tout à côté, qu'on lise les explications avant ou pas, ça creuse le vide autour de celui qui regarde, provoque encore un peu plus le doute.
Car ce qui frappe, entre autres choses, c'est l'étape de reconnaissance du motif. Les silhouettes de la toile reprise pour l'affiche, on identifie tout de suite que ce sont des gens de dos qui regardent quelque chose mais on ne sait pas quoi, on ne voit pas et c'est un mélange déstabilisant de commun et d'inquiétude. Et d'ailleurs de quoi s'agit-il ?
Saint-Georges, des spectateurs du combat contre le dragon qui sont en fait des spectateurs "modernes" du site de Waterloo.
On se retrouve d’emblée avec ces couches logiques (mot ambigu) de lecture qui ont leur pendant la technique. Dans les explications du livret il y a certes des motifs d'intention mais pas vraiment de discours qui éclaircirait un minimalisme très contemporain. Non, décomposition de l'image pour revenir à sa source, qui souvent est une photo qui subit ou suit plusieurs étapes de déconstruction avant de se reconstruire en peinture ou lithographie. Au clinique s'ajoute le technique laborieux, un point qu'on pourrait ne pas percevoir.
Il est difficile de parler de charmant pour évoquer le travail de Tuymans qui donne l'impression de retourner patiemment les couteaux des plaies de la mémoire. Néanmoins la finesse de son travail de la lumière et son sens précis du détail, qui tient d'une sorte d'esquisse inversée, impliquent une brume qui n'est pas sans douceur, trompeuse ou nécessité pour ne pas affronter une très dure réalité trop en face (
Our new quarters et autres travaux qui tournent autour des atrocités des camps...).
Dur mais pas sans humour. C'est ce qu'on découvre aussi dans cette courte mais marquante exposition qui méritait bien le déplacement. Peut-on
rentrer là-dedans ? Pas sûr. Manifestation de l'art moderne dont on pressent un système, on est aussi face à un travail attentif qui recourt à différentes techniques et fait appel au savoir d'artisans spécialisés. Indépendamment de ses sujets, résumer Tuymans à du simple en se basant sur les faux airs d'inachevé de ses productions apparaît bien difficile.
Peut-être pour essayer de restituer une impression ou tourner autrement un intérêt particulier à tout ça, je dirais qu'une vertu de Tuymans est d'avoir dégager, débarrasser, l'esthétique éthérée et/ou mystérieuse de tout romantisme ou de "petite histoire" derrière l'image. Mais il y a derrière l'image une autre image, c'est sûr.
J'aurais aimé en voir plus mais je suis content d'avoir eu l'expérience en vrai. Et je suis bien loin de vous avoir tout raconté.