Lire un manuscrit

Une amie vient de terminer l'écriture d'un roman de plus de 300 pages qu'elle me demande de lire en premier. C'est une création très importante pour elle: elle est jeune encore et veut devenir romancière. Je me sens à la fois honorée de sa confiance et un peu inquiète de l'importance de mon rôle. En effet, en dehors de moi (et pour des raisons que je ne peux évoquer), elle ne souhaite pas faire lire l'ouvrage à quelqu'un d'autre avant de l'envoyer à un éditeur, ce que pourtant je lui ai conseillé.

Je vous demande votre avis:

Avez-vous déja lu un manuscrit?
Comment avez-vous réagi?
Avec quelle profondeur avez-vous donné votre avis?
Avez-vous critiqué surtout le fond? la forme?
Le manuscrit a-t-il été publié ensuite?
Vos reflexions se sont-elles révelé pertinentes?

Ce n'est pas la première fois que je lis un manuscrit (oh non!) mais jusque-là la responsabilité était beaucoup moins grande!

Merci d'avance de me faire profiter le cas échéant de votre expérience!

Cela m'est arrivé et j'ai trouvé l'expérience très embarrassante. Je trouve qu'il est très difficile de rester objectif quand on connaît la personne, et qu'en plus dans le livre on retrouve des éléments de sa vie, même transformés. Je suis resté plus au niveau de la forme que du fond, suggérant divers changements tout en essayant de mettre en avant des aspects que j'ai trouvé positifs, mais je ne suis pas convaincue de l'utilité de mes remarques. Je pense que j'aurais été plus à l'aise en connaissant moins l'auteur.

Cachemire a écrit:

Avez-vous déja lu un manuscrit?
Comment avez-vous réagi?
Avec quelle profondeur avez-vous donné votre avis?
Avez-vous critiqué surtout le fond? la forme?
Le manuscrit a-t-il été publié ensuite?
Vos reflexions se sont-elles révelé pertinentes?

Ce n'est pas la première fois que je lis un manuscrit (oh non!) mais jusque-là la responsabilité était beaucoup moins grande!

Merci d'avance de me faire profiter le cas échéant de votre expérience!

J'ai fait des annotations dans la marge, ce que j'aimais, ce que je n'aimais pas et pourquoi ; correction des fautes. Indications du genre "trop long", etc.
Comme je connaissais la personne, il y avait plein d'allusions que je comprenais ; comme l'écrit Arabella, on ne peut pas être objectif. Il y avait des passages sans doute trop long, mais qui m'intéressaient parce que je connaissais la personne ; toutefois, en faisant un effort d'abstraction ("et si je ne la connaissais pas ?"), je me rendais bien compte que c'était un peu long.

Il est difficile d'être objectif, mais les remarques sont pertinentes, il me semble, parce qu'on a moins le nez sur le manuscrit que l'auteur. Il est très difficile de juger ce qu'on a écrit soi-même ; enfin, on le peut à peu près, mais pas sur le moment : il faut attendre des mois, et parfois plus. C'est Borges, je crois (l'ajout de "je crois" étant une Borgeserie qui permet de citer à tort et à travers, même en se trompant) qui disait que l'odeur de l'encre monte à la tête. Il y a de ça, même avec l'ordinateur (peut-être encore plus, parce qu'on tape plus vite qu'on n'écrit, et on efface plus facilement qu'avec une machine à écrire ; pensons que le style de Henry James a évolué lorsqu'il s'est mis à dicter).
La frontière entre le beau et le pompeux, l'archétype et le cliché, le style et l'emphase, tout ça l'auteur peut difficilement le voir. Même les plus grands auteurs avaient besoin d'amis qui leur disaient ce qui n'allait pas. Le vrai ami, c'est celui qui dit ce qu'il pense vraiment. Une louange sera d'autant plus prise au sérieux qu'il aura pu y avoir une critique.
Après, ça dépend de la personne... si elle est capable de supporter la critique ou non... Sachant que toute critique fait mal (enfin, si au bout du compte il y a plus de négatif que de positif).

Merci Arabella et eXPie pour vos témoignages!

J' ai essayé de corriger le premier manuscrit d' un ami. Je ne le referai jamais. Trop tendance à le réécrire...

Mais tout dépend ce qu' on attend d' un "corecteur", ça peut quand meme etre une aide, à condition d' etre discret et de suggérer...

Cela m'est arrivé et je ne me suis pas permis d'intervenir sur la forme...D'ailleurs, ce que j'ai lu était bien écrit, après chacun a son style et cela se respecte...
Par contre je me suis permis des remarques d'ordre plus général, ou des questions, j'ai donné mon ressenti de lectrice, j'ai mis en évidence ce que je pouvais trouver long, ou hermétique...
Ne pas oublier non plus de souligner tout ce qui est positif...les auteurs sont, comme tout un chacun, fragiles...

Bon courage pour cet "exercice" délicat autant pour toi que pour ton amie.

Le mieux, je crois, c'est de faire une sorte de mix de ce que disent les Parfumés : de vraies critiques de styles avec annotations dans les marges, ou ailleurs, mais un vrai support distancé (quitte à ce que l'auteur lise ces remarques tranquillement chez elle, toute seule). Et peut-être plus facilement partager des avis sur le fond, la transmission d'histoire, de pensées, d'atmosphère, face à face.

Mais à voir avec ce que veux ton amie.

Je trouve que c'est un peu difficile de te mettre autant de pression aussi, n'hésites pas à lui dire.

Je lis de temps en temps des manuscrits pour une maison d'édition.

Je lis donc des textes envoyés par des auteurs que je ne connais pas. Je prends des notes dans un cahier pour exprimer mon ressenti de lectrice, ce que j'aime, ce que je n'aime, ce qui m'énerve, les répétitions, les remarques concernant le style et l'histoire, mes questions, ... Je corrige l'orthographe, la ponctuation, le style tout en essayant de respecter et de rester dans le style de l'auteur... Je fais des propositions et des commentaires ponctuels dans la marge. Mais ce travail de lecture a pour but premier de savoir si le manuscrit est acceptable ou pas par la maison d'édition (nous sommes plusieurs à les lire et c'est intéressant alors de confronter nos avis). Ensuite, si le manuscrit est accepté par l'éditeur, je le relis avec plus d'attention et là je donne mes corrections et propositions.

Je lis aussi les textes de mon homme. Au début, j'avais peur de le heurter et c'était une tâche difficile. Maintenant, si je trouve que c'est intéressant mais que ça doit être retravaillé, je le lui dis. Si c'est mauvais, je le lui dis aussi. Et tant pis. C'est ce qu'il attend de moi. Maintenant, je ne suis pas sa seule lectrice car je ne suis pas assez objective et que certaines choses m'échappent.

En tout cas, c'est une grande responsabilité qu'elle te met sur les épaules ton amie Cachemire. Peut-être faudrait-il lui proposer de le faire lire par une ou deux autres personnes.

Queenie a écrit:

Bon courage pour cet "exercice" délicat autant pour toi que pour ton amie.

Le mieux, je crois, c'est de faire une sorte de mix de ce que disent les Parfumés : de vraies critiques de styles avec annotations dans les marges, ou ailleurs, mais un vrai support distancé (quitte à ce que l'auteur lise ces remarques tranquillement chez elle, toute seule). Et peut-être plus facilement partager des avis sur le fond, la transmission d'histoire, de pensées, d'atmosphère, face à face.

Mais à voir avec ce que veux ton amie.

Je trouve que c'est un peu difficile de te mettre autant de pression aussi, n'hésites pas à lui dire.

Merci Queenie! Oui, je lui dirai sans aucun doute...

Merci à tous pour ces réponses!

J'ai reçu le manuscrit et je commence à le lire... excellente première impression!

Merci encore à tous!

J'ai parlé à mon amie: elle n'a besoin finalement que de mon avis de lectrice.
Je lis donc détendue et avec plaisir!