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| David Grossman [Israël] | |
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+7Cassiopée topocl pascal brutal Marko Charlie Ouliposuccion mimi54 11 participants | |
Auteur | Message |
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mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: David Grossman [Israël] Mar 24 Jan 2012 - 20:40 | |
| Né le 25 janvier 1954 à Jérusalem, David Grossman est un écrivain israélien, auteur de romans, d'essais et de livres pour la jeunesse. C'est l'une des figures de la littérature israélienne. Son père est originaire de Galicie1 Grossman a étudié la philosophie et le théâtre à l'Université hébraïque de Jérusalem. Il a travaillé comme correspondant à Kol Israel, la radio nationale d'Israël. Il a été l'un des présentateurs de Cat in a Sack, un programme pour enfants qui fut diffusé de 1970 à 1984. Son livre Duel fut la première pièce de théâtre radio-diffusée. Avec Dani Eldar, il a présenté la populaire série radio au ton absurde Stutz (terme yiddish pour : « cela peut arriver »). Il s'est rendu célèbre par sa première œuvre, Le vent jaune (הזמן הצהוב), où il décrivait les souffrances imposées aux Palestiniens par l'occupation de l'armée israélienne. Cet ouvrage lui vaudra l'accusation de trahison par le premier ministre de l'époque, Yitzhak Shamir1. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. En 1984, il remporta le prix du Premier Ministre pour une œuvre créative et était considéré comme candidat au Prix Nobel de littérature. Grossman vit à Mevasseret Zion, près de Jérusalem. Il est marié et père de trois enfants, Jonathan, 28 ans, Ruth, 18 ans et Uri, qui a été tué au combat le 12 août 2006 au Liban, peu de temps avant son 21e anniversaire. Proche du « Camp de la paix », il a, comme la plupart des Israéliens, soutenu l'action d'Israël dans le conflit israélo-libanais de l'été 2006, mais estimait inutile l'extension de l'offensive menée par Tsahal. Le 10 août 2006, quelques jours avant la mort de son fils, lui et les écrivains Amos Oz et A.B. Yehoshua avaient lancé, d'abord dans le quotidien Haaretz, puis lors d'une conférence de presse, un appel au gouvernement israélien pour qu'il accepte un cessez-le-feu comme base pour aboutir à une solution négociée, décrivant la poursuite des actions militaires comme « dangereuse et contreproductive » et s'inquiétant du sort du gouvernement libanais. Le 2 juin 2010, au lendemain de l'arraisonnement par la marine israélienne de bateaux pro-palestiniens au large de Gaza, il déclare : « Aucune explication ne peut justifier ni blanchir ce crime. Aucun prétexte ne peut servir à excuser ou à expliquer la stupidité des actes du gouvernement et de l'armée. Israël n'a pas envoyé ses soldats pour tuer des civils de sang-froid. De fait, c'était même la dernière chose qu'il voulait. Et pourtant. Une petite organisation turque, fanatique du point de vue religieux et radicalement hostile à Israël, a recruté pour sa cause plusieurs centaines de chercheurs de paix et de justice, et a fait en sorte de prendre Israël au piège, précisément parce qu'elle savait comment Israël réagirait, comment Israël était programmé pour réagir comme il l'a fait. [...] Il est clair que ce jugement n'implique aucun accord avec les motivations, ouvertes ou cachées, et souvent malveillantes, de certains participants à la flottille de Gaza. Car tous ne sont pas des humanitaires épris de paix, et les déclarations de certains d'entre eux sur la destruction d'Israël sont criminelles. Mais cela ne compte pas, tout simplement, car autant que nous le sachions, ces opinions ne méritent pas la peine de mort. » Bibliographie Le Sourire de l'agneau ( 1983), Paris, Seuil, 1998 amour (1986), Paris, Seuil 1991 Le Livre de la grammaire intérieure,1991), Paris, Seuil, 1994 L'Enfant zigzag (1994), Paris, 2004 Quelqu'un avec qui courir, ( 2003) Une femme fuyant l'annonce (Seuil, 2011 - Prix Médicis étranger 2011) Le Vent jaune (essai, 1987). Paris, Seuil, 1988 Chroniques d'une paix différée (essai, 2003), Paris, Seuil 2003 Duel à Jérusalem (livre pour la jeunesse, 1982). Paris, Seuil, 2005 | |
| | | Ouliposuccion Envolée postale
Messages : 236 Inscription le : 06/09/2011 Localisation : ouzbekistan
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Mer 25 Jan 2012 - 4:26 | |
| Ah ! je sens que tu es sur le point de finir "une femme fuyant l'annonce" ^^
Ca sera ma prochaine lecture , le livre attend patiemment son tour sur mon bureau.
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| | | Charlie Agilité postale
Messages : 970 Inscription le : 12/01/2010
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Mer 25 Jan 2012 - 14:28 | |
| - Ouliposuccion a écrit:
- Ah ! je sens que tu es sur le point de finir "une femme fuyant l'annonce" ^^
Ca sera ma prochaine lecture , le livre attend patiemment son tour sur mon bureau.
Fameuse brique, je ne sais pas encore si je vais me lancer...je lirais vos commentaires avec attention @Mimi et Oulipo | |
| | | mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Sam 28 Jan 2012 - 0:50 | |
| Une femme fuyant l'annonceSeuil (Août 2011) 666 pages 4ème de couverture - Citation :
- Ora, une femme séparée depuis peu d’Ilan, son mari, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle inéluctable que lui dicte son instinct maternel : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté volontaire pour « une opération d'envergure » de 28 jours dans une ville palestinienne, nouvelle que lui apporteraient l’officier et les soldats affectés à cette terrible tâche. Mais s’il faut une personne pour délivrer un message, il en faut une pour le recevoir, pense Ora. Tant que les messagers de la mort ne la trouvent pas, son fils sera sauf. Aussi décide-telle, sans aucune logique, pour conjurer le sort, de s’absenter durant ces 28 jours en se coupant de tout moyen de communication qui pourrait lui apporter la terrible nouvelle. Ayant prévu une randonnée à travers le pays avec Ofer, elle part malgré tout. Au passage, elle arrache à sa torpeur Avram, son amour de jeunesse (le père d’Ofer ?) et l’emmène avec elle sur les routes de Galilée pour lui raconter leur fils. Elle espère maintenir en vie son enfant par la trame de mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier. Le périple ici est l’occasion d’évoquer le passé : à mesure qu'Ora et Avram arpentent le pays à la beauté étonnante, se reconstitue le fil de la mémoire et des secrets qui enserrent les personnages. Ora, Ilan et Avram s’étaient liés, adolescents, pendant la guerre des Six Jours, dans un hôpital où ils étaient tous trois à l'isolement, alors que les combats faisaient rage à l’extérieur. C’est là que se sont noués les destins de chacun. Le stratagème de la mère réussira-t-il à préserver la vie du fils ? Quoi qu’il lui arrive, le récit le fait renaître avec une vigueur nouvelle.
- Citation :
« C’est pour cette raison qu’elle a amené Avram avec elle. Pour nommer ces choses et lui raconter l’histoire d’Ofer, le récit de sa vie, de son corps et son âme, les péripéties de son existence. » Il m’aura fallu un peu plus de 200 pages pour apprivoiser ce livre, passant de l’ennui au découragement, du sentiment étrange de ne pas trop savoir où j’allais à l’impression de désordre difficile à appréhender, mais avec au fond de moi l’envie forte de lire ce livre. Bien m’en a pris, il est de ces ouvrages que l’on mérite, qui ne se dévoile pas dès les premières pages. L’écriture surprend au début. Elle fourmille de détails longuement évoquées, alors, que les choses capitales sont abordées succinctement, ou de manière plus elliptique. David Grossman joue continuellement avec les époques et les procédés narratifs. Si au départ, la manière surprend, et peut décourager, elle donne finalement à ce livre ce petit quelque chose en plus, qui en fait un grand livre. Osez partir avec Ora et Avram sur les chemins de Galilée, autant pour pénétrer ce pays qui s’est fait dans la douleur, que pour découvrir ce fils tant aimé, Ofer, parti pour une dernière mission de 28 jours, que sa mère va raconter dans un désordre tel qu’il évoque la confusion de toute mère voyant son fils partir au combat avec le risque de ne pas en revenir. C’est cela qui hante Ora. Ora, qui veut dire lumière en hébreux…la lumière qu’elle apporte, et qu’elle porte en elle. Ora qui veut dire prière en latin…Cette randonnée, quelle effectue avec Avram, qui fut autrefois son amant- et un peu plus que cela-n’est autre qu’une prière pour le garder vivant. - Citation :
- « Quant à elle, depuis le premier jour, elle tirait sa force de son fils. »
Peut-on conjurer le sort en quittant tout pour ne pas entendre le pire ? Peut-on protéger ceux qu’on aime en refusant de les voir partir ? Ces questions qui restent ouvertes. Ilan, le mari délaissant, grand absent de ce roman, y pourtant si présent. Ce curieux ménage à trois que forment Ilan, Ora, et Avram n’a cessé de fluctuer. Ils sont si liés, que cela finit finalement par se comprendre. C’est dans la douleur de la guerre des six jours que leur destin s’est forgé. Un long et angoissant prologue met en appétit le lecteur, pour déboucher sur le roman en lui-même, massif et peu aéré. De longs, très longs chapitres le composent. Il faut savoir à la fois prendre son temps et ne pas morceler sa lecture. Ce livre, dont l’auteur a commencé l’écriture en 2003, a une résonance particulière, lorsque l’on sait que l’auteur perdra son fils cadet en 2006, tué au Sud-Liban. Un pays construit dans la douleur… | |
| | | Ouliposuccion Envolée postale
Messages : 236 Inscription le : 06/09/2011 Localisation : ouzbekistan
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Sam 4 Fév 2012 - 11:03 | |
| Une femme fuyant l'annonceDès le prologue, on constate une puissance narrative, David Grossman ne fait pas qu’écrire et conter, il transbahute son lecteur sur un terrain miné qui tord les tripes. Il ressort de chaque personnage une extraordinaire humanité, une sensibilité singulière, un esprit divin. Je n’ai pu me détacher de ce chef d’œuvre à la construction si parfaite qu’elle en est bien rare. Comment aborder le conflit Israélo-Palestinien sans tomber dans une gigantesque lourdeur ? C’est un homme ayant perdu son enfant tombé au Liban qui nous offre cette œuvre colossale, sans trébucher dans le sentimentaliste, juste un hymne admirable, une éloquence de toute beauté. Un conflit abordé au travers d’une mère, Ora, fuyant de chez elle afin d’éviter l’éventuelle annonce des messagers de la mort alors que son fils s’est porté volontaire pour se battre, une manière de conjurer le sort ne pouvant se résoudre à l’attendre. Pas d’annonce, pas de mort. C’est en ayant le ventre lacéré par ses entrailles que débute une élégie maternelle lors de son voyage en Galilée avec l’un de ses amours de jeunesse, une introspection du destin de trois personnes brutalisées par un combat survivant dans la noirceur des sévices moraux et physiques. Ora ou l’aura absolue, souveraine dans son royaume d’Israël fait de cendres et de poussières, d’une force admirable, les étincelles d’une souffrance immarcescible. De cette guerre qui consume, incendie les âmes, calcine les espérances jaillit ce roman flamboyant , éblouissant. Un livre coup de poing monumental et d’une profonde maitrise dont on ne ressort pas indemne face à l’évidence que la guerre coule dans les veines, nourrit dès la plus jeune enfance ceux d’une « terre promise », mais à qui ? Extrait« En l’écoutant bredouiller des explications, les yeux baissés, Ora découvrit avec horreur que personne ne lui avait demandé de rempiler. Officiellement, il était libéré de ses obligations militaires et redevenu un civil. C’était son initiative, admit Ofer, le front buté, virant à l’écarlate, il n’allait pas manquer l’aubaine ! Pas question ! « Durant trois ans, j’en ai bavé pour me préparer à ce genre d’opération. » Trois années de barrages et de patrouilles, au cours desquelles il s’était fait matraquer à coups de pierres par les gamins des villages palestiniens ou des colonies, sans parler du fait qu’il n’était pas monté dans un tank depuis six mois, et maintenant, avec la déveine qui le caractérisait, il allait louper une expédition pareille avec trois unités blindées ! Il en avait les larmes aux yeux. On aurait dit qu’il lui demandait la permission de rentrer tard d’une soirée avec ses camarades de classe. Comment pourrait-il se prélasser à la maison ou se promener en Galilée pendant que ses camarades iraient au casse-pipe ? Bref, elle comprit qu’il s’était porté volontaire de son propre chef, pour vingt-huit jours. » | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Sam 4 Fév 2012 - 11:15 | |
| Chouettes commentaires. Pas de regret de l'avoir offert à ma mère pour Noël alors! Je le lirai pendant mes prochaines vacances. | |
| | | pascal brutal Espoir postal
Messages : 34 Inscription le : 02/12/2011
| Sujet: Une femme fuyant l'annonce, David Grossman Sam 3 Mar 2012 - 11:53 | |
| Longue odyssée à travers une Galilée universelle, « Une Femme fuyant l'Annonce » relate la fuite d'une mère (Ora) qui tente d'échapper à la probable annonce de la mort de son fils.
Ora, c'est la pureté rêvée par l'auteur mais aussi par chacun d'entre nous. Mère aimante et réconfortante, elle est aussi une femme libre et émancipée, possède une vision éclairée et objective de la situation qui l'entoure. Elle décide de chasser la mort en y insufflant de la vie, marie le passé au présent pour imaginer un avenir plus supportable. Shéhérazade des temps modernes, Ora ne peut compter que sur sa parole face à la Mort et la seule manière de vivre c'est de revivre par la pensée ce qui a déjà été vécu. On pense par moment au « Livre de ma Mère » d'Albert Cohen, tant Ora incarne la mère parfaite, toujours à l'écoute de ses enfants, les observant sans cesse d'une manière sublime.
Mais Ora, c'est aussi une idée, une vision, la vision idyllique de David Grossman. Dans ce « voyage au bout de la vie », l'auteur multiplie les messages de paix et de lucidité sur la cohabitation entre arabes et juifs, mais aussi entre les Hommes. Loin de tenir un discours hippie cliché et vide de sens, Grossman plonge littéralement dans les êtres peuplant son voyage, glisse sur leur peau, les fait vivre par la parole et surtout détruit par sa prose magique la bestialité de l'Homme. « Une Femme Fuyant l'Annonce » est un « conte à rebours » qui décrit avec finesse la pression psychologique quotidienne que subissent les Israéliens dans ce conflit sans fin. Mais au lieu de sombrer dans le Pathos, de décrire une situation tragique pleinement justifiée, Grossman extraie ses personnages du contexte pour en faire à la fois des héros mythiques et des victimes émouvantes, simplement humaines.
Grossman réalise un Grand Livre grâce à sa prose. Simple, limpide et calme, les phrases semblent flotter sur les pages dans une sorte de légèreté grave. La construction anarchique mélangeant les époques et les personnages vient renforcer ce sentiment de fuite, cette volonté de trouver rapidement un sens à la Condition humaine. Les passages qui décrivent Ora enceinte sont d'une poésie et d'une douceur à couper le souffle. Par moment cette prose émoustille nos sens, on se met à la goûter et à la sentir. Cet arôme donne un peu plus de corps aux personnages tout en nous plongeant dans une contemplation fantasmée de la vie.
Bref, « Une Femme Fuyant l'Annonce » est un chef-d’œuvre qui se termine par trois petits points. Universel et volontairement ouvert, le roman est une initiation à ce que l'on connait déjà mais que l'on ne voit pas. Magnifique. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Mar 6 Mar 2012 - 19:56 | |
| Une femme fuyant l'annonce . - Citation :
- J'aime penser que les moments les plus importants de l'Histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines ou les chambres d'enfants.
David Grossman Ce livre, écrit par un militant de la paix dont le fils est mort dans les derniers jours de la guerre… , raconte l'histoire d’Ora, dont le fils est parti en opération militaire et qui préfère fuir plutôt que de prendre le risque de se voir annoncer une tragédie. Il mérite tout notre respect. Ora se livre à une randonnée pédestre à travers les sublimes paysages d’Israël, havres de paix pour elle, en compagnie de son amant de jeunesse auquel elle se raconte, et raconte ses fils. La partie randonnée est très bien décrite, la relation des personnages aux paysages, les rencontres, les déambulations, les sacs-à-dos (qui ressemblent un peu trop au sac de Marie Poppins mais, baste…). À travers le dialogue d’Ora et de son ami, David Grossman nous montre comment on vit dans un pays perpétuellement en guerre, cette guerre qui trouble les amours et amitiés, effraye et pervertit les enfants pour finir par vous les prendre. Cette douleur, chez une femme déchirée, passionnée, versatile et dépossédée inspire un livre riche, foisonnant, plein de mystère, de non-dits, et de retours en arrière. Je suis curieusement restée assez extérieure à tout cela. Si j'ai bien compris de la douleur d’Ora, elle ne m'a guère inspiré de sympathie ou d'empathie. J’ai trouvé qu'une bonne part du récit rapporte des souvenirs assez artificiels, lourdement démonstratifs, trop longuement détaillés, rapportés avec une certaine complaisance. Je n'ai trouvé aucune cohérence à la plupart des personnages masculins. Bien qu'Ora nous parle de ses fils à longueur de pages, je ne suis absolument pas arrivée à sentir à quoi ils ressemblent . Je regrette beaucoup, il doit y avoir une inadéquation entre ce roman et moi, il m’est resté étranger. Je ne dis pas que c’est un mauvais livre, il est possible que ce soit même un grand roman, mais il ne m'a pas parlé. | |
| | | Cassiopée Main aguerrie
Messages : 347 Inscription le : 28/07/2011 Localisation : France
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Dim 22 Avr 2012 - 14:21 | |
| Une femme fuyant l'annonceJe suis mère, mère jusqu’au bout des ongles, mère jusqu’au bout du cœur, mère dans chaque fibre de mon être… Si je savais mon fils en danger, je serai prête à tout, à faire un accord avec le diable, à marcher jusqu’au bout du monde, à donner ma vie sans concession…. Ce cri d’amour, c’est le mien. Dans « Une femme fuyant l’annonce », c’est celui d’Ora, son cheminement, son pacte (qu’elle sait stupide) pour protéger son fils, que l’on entend, que l’on lit, qui nous transperce, nous hante … Elle explique sa fuite….. Si elle ne parle pas, si personne n’arrive à la joindre, si on ne la retrouve pas… aucune mauvaise nouvelle ne pourra l’atteindre pense t’elle… Lui, c’est Ofer, le fils. Il a pris l’initiative de retourner dans l’armée, vivant la mission à laquelle il va se consacrer comme « une aubaine ». Il dit : - Citation :
- « Si je suis tué, partez. Fichez le camp, il n’y a rien de bon à attendre ici. »
Elle entreprend, avec son amour de jeunesse, la randonnée qu’elle aurait dû faire avec son fils. On les suit, oscillant entre passé (à travers les retours en arrière) et présent, avançant avec les difficultés inhérentes à un couple qui a du mal à se parler, se comprendre, se toucher aussi parfois …. Elle voudrait oublier la guerre, les conflits mais … - Citation :
- «Elle gémit, se prend la tête dans les mains et serre fort, maudissant du fond du cœur cette guerre interminable qui, une fois de plus, a réussi à se frayer un chemin vers son âme. »
Cette marche est-elle un adieu à son pays, à son fils ? Son amant lui parle de ses souffrances, de ce qu’il a vécu… Elle, elle raconte Ofer, elle le fait vivre, exister sous leurs yeux, elle le maintient en vie…. Ce n’est pas seulement dans les paroles d’Ora, d’Avram que l’on découvre la blessure d’un pays, d’un peuple, des peuples, des hommes, c’est aussi dans les silences, entre les lignes, dans les mots chuchotés, murmurés, par l’auteur, dans tout ce qui se sent mais ne se voit pas …. L’écriture et le style de David Grossman sont aériens et profonds à la fois (et ce n’est pas, à mon sens, contradictoire). Aériens car les mots peuvent se montrer légers, poétiques même pour évoquer des événements, des réalités graves … Profonds car sous des aspects parfois confus (les pensées d’Ora sont quelquefois désordonnées car elle a peur, et s’affole sans vouloir le montrer), ce qui est écrit (et encore plus ce qui se devine entre les lignes) ne laissera personne indifférent …. Ce cri d’amour d’Ora est, je crois, le cri d’amour d’un écrivain pour la Paix….. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Sam 3 Nov 2012 - 17:51 | |
| Une femme fuyant l'annonce sera ma deuxième lecture de David Grossman. J'ai commencé par son tout dernier ouvrage . Merci Marko d'avoir pensé qu'il pouvait me plaire...je serais passé à côté quelques temps encore...
Tombé hors du temps Récit pour voix David Grossman
Traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses
Rappelons-le, car ce n’est pas sans lien avec ce dernier ouvrage de l’auteur proche du « Camp de la paix », le plus jeune des trois fils de David Grossman a été tué au combat le 12 août 2006 au Liban, il n’avait pas encore 21 ans. David Grossman a perdu Uri "aux dernières heures du sud-Liban" .
« On dit de celui qui est mort A la guerre qu'il est "tombé". Ainsi de toi:Tu es tombé Hors du temps,le temps Dans lequel je demeure Passe.... »
Tombé dans l’oubli est un texte pour voix, voix au pluriel, donc écrit pour l’oralité et c’est important de bien intégrer cette caractéristique avant d’aborder l’ouvrage, dernier ouvrage de David Grossman, paru en octobre 2012
Les deux premières voix qui s’élèvent le font dans un dialogue émouvant. Un dialogue dont les deux personnages en présence s’étonnent car il a mis cinq ans à pouvoir s’élever en place du silence.
Il s’agit d’un homme et d’une femme, sa femme…Un père et une mère meurtris par la mort de leur enfant, cinq ans auparavant. « - Je dois partir - Ou ça? - Le rejoindre. - Où? - Le rejoindre. Là-bas. - A l’endroit où c’est arrivé ? - Non, non. Là-bas. - C’est quoi là-bas ? - Je ne sais pas. - Tu me fais peur. »
« - Ta voix. - C’est revenu. La tienne aussi. - Ta voix m’a tellement manqué. - J’ai cru que nous…que plus jamais- - Plus que ma voix, c’est la tienne qui me manquait. - Mais c’est quoi là-bas, dis-moi. Un tel endroit n’existe pas. Il n’y a pas de là-bas ! - Si on y va, il y a un là-bas. »
C’est le soir, l’heure du dîner, et soudain l’homme quitte la table, fait ses adieux à son épouse et va se mettre à marcher. A marcher vers « là-bas », en direction de son fils mort. A partir de là, il devient « l’homme qui marche ».
Il ne s’arrête plus et parcourt les collines autour de la ville en parlant. D’autres parents, qui ont aussi perdu un enfant vont le suivre en parlant aussi tandis qu’un chroniqueur , à la présence mystérieuse, commente ce qui se dit, ce qui se joue…Il le fait pour un Duc non moins mystérieux. Dans le cortège, un cordonnier, une sage-femme bégayante, un vieux professeur de mathématiques, une ramendeuse de filets de pêche. De sa fenêtre lointaine, un Centaure-écrivain les épie, enchaîné à sa table de travail et furieux de ne pouvoir recréer son fils mort au moyen d’une histoire. La voix de la femme restée à la maison se fait entendre aussi. D’une hauteur où elle s’est placée, son regard les accompagne.
« Un pas, Encore un pas Je marche Et je marche Vers toi, Je suis Une question lancée, Un cri ouvert. »
Le choeur douloureux, la scansion de ces voix si humaines s’élèvent avec force et poésie. Elles se répondent parfois, à l’unisson parfois, ou bien chacune dans son histoire ou ses questionnements, sa culpabilité aussi. Et ce choeur nous bouleverse et nous emporte tandis qu’au-dessus du cortège des lumières s’allument…
« Le chant est la langue de mon deuil. »
« Comment vais-je pouvoir Passer à septembre Sachant qu'il va rester en août? »
« Nous étions Deux flocons humains, Un enfant et sa mère, Nous avons plané Dans l'espace du mond Pendant six années Entières Qui étaient à mes yeux Comme une poignée de jours, Et nous étions comme une chanson Pour enfants, Tressée de légendes Et de miracles- Jusqu'au moment où une bouffée d'air a soufflé Imperceptible Un courant L'agitation D'un éventail Un vent doux Dans les feuilles- Décrétant Toi ici Lui Là-bas – Tout est fini Brisé En mille morceaux. »
Ainsi ils vont jusqu’à la muraille « qui divise, fend le monde ». Leur marche a été mouvement, parole et écriture pour « ne pas se pétrifier », pour retrouver « la respiration » car « Il y a Une respiration il y a Une respiration dans La douleur il y a Une respiration".
« La putain de chose qui nous est arrivée à moi et à mon fils, oui, je dois la mélanger à une histoire, j'y suis forcé. Et qu'il y ait de l'action ! De l'imagination ! Et des visions, de la liberté, des rêves ! Du feu ! De la lave en fusion ! (…) Je dois la recréer sous forme d'histoire. »
Je ne suis pas loin de crier au chef-d’œuvre …mais je comprendrais tout à fait que se livre déroute ou laisse totalement à distance par sa forme notamment.
Je dois encore rendre hommage au traducteur. Tombé hors du temps a été traduit de l'hébreu par Emmanuel Moses, poète et romancier qui a traduit quelques-unes des voix majeures de la littérature hébraïque moderne.
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| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Sam 3 Nov 2012 - 19:16 | |
| Tu pourrais en tirer une adaptation théâtrale tu penses ? | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Dim 4 Nov 2012 - 9:58 | |
| Colin, est-ce que tout le livre est un poème géant, ou est ce-que des poèmes s'insèrent dans un texte général en prose? (et alors dans quelle proportions?) En tout cas les extraits que tu sites sont fort beaux. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Dim 4 Nov 2012 - 23:34 | |
| - Marko a écrit:
- Tu pourrais en tirer une adaptation théâtrale tu penses ?
Je le verrais mieux en lecture mise en espace. Mais cela ferait une soirée très "chargée" d'émotions tristes probablement pour les spectateurs. Je me pose la question: malgré la beauté du texte, pourrais-je les faire venir pour leur livrer le poids de ces mots? Alors je crois que je préfère avoir fait seulement cette lecture à haute voix pour moi seule. Et je l'ai adoré!
Dernière édition par coline le Lun 5 Nov 2012 - 0:04, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Dim 4 Nov 2012 - 23:54 | |
| - topocl a écrit:
- Colin, est-ce que tout le livre est un poème géant, ou est ce-que des poèmes s'insèrent dans un texte général en prose? (et alors dans quelle proportions?)
En tout cas les extraits que tu sites sont fort beaux. Il y a aussi des dialogues et des passages de récit assez lorsqu'intervient notamment le Chroniqueur de la ville. Et il me semble qu'il y a un bon équilibre entre les différentes formes. Même ce qui prend la forme du poème peut se faire récit. "Ils marchent dans les collines, et je les suis, allant et venant sans cesse entre eux et la ville. Ils gémissent, trébuchent et se relèvent, s'agrippent les uns aux autres, portent ceux qui dorment, s'endorment à leur tour, des nuits entières, des jours entiers, ils tournent autour de la ville, sous la pluie et dans le froid, sous un soleil ardent."" Ces derniers jours j'ai l'impression qu'à l'aplomb de leurs têtes, dans l'air, il y a des scintillements rougeâtres, comme si une chaîne de braise flottait au-dessus d'eux." | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: David Grossman [Israël] Lun 5 Nov 2012 - 7:37 | |
| On dirait un récit mythologique. | |
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| Sujet: Re: David Grossman [Israël] | |
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| | | | David Grossman [Israël] | |
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