TempsFermont, ville minière du Labrador. Des hordes de rats hantent les rues. Un vent violent souffle à rendre fou et la température est en-dessous de 60°. Un mur-écran protège la population de toute cette rigueur. Atmosphère comme annonciatrice d’apocalypse.
Un vieil homme, perdu, s’avance sur le plateau, erre, peu vêtu, jette des feuilles manuscrites au vent et disparaît. C’est de la Forge, poète, atteint de la maladie d’Alzheimer.
Peu après, s’avancent des jeunes femmes : Blanche, sa jeune épouse qui hurle son nom, et Noella, sa fille, dont on verra très vite qu’elle est muette.
Le père est retrouvé, ramené à la maison. Il va bientôt mourir.
Noella, sa fille aînée, a convoqué ses frères jumeaux, après de longues années de séparation, pour « liquider », en plus de l’héritage littéraire, ce qui s’avère être un autre héritage, effroyable, qu’elle seule connaît.
Les frères eux, Edward et Arkady, ont connu l’exil depuis l’enfance et n’en savent pas la raison.
C’est à la révélation du drame à l’origine de cet exil qu’ils vont être confrontés : la relation incestueuse du père avec leur grande sœur, Noella, dès qu’elle eut cinq ans…et la mort de leur mère qui s’est immolée dans la forêt en apprenant l’horreur…
Noella en a alors perdu sa voix.
En langage des signes, elle explique :
« Mon père a fait entrer un scorpion dans mon ventre et je l’ai vu y prendre un très grand plaisir. Plus que son viol c’est de le voir complice de l’infect insecte qui m’a anéantie ».La mère avait confié les deux petits garçons à leur sœur, encore très jeune, qui les abandonna à des familles mais ne perdit jamais leur trace…
L’un a grandi en Russie ; l’autre, militaire, revient de la guerre d’Afghanistan.
Les échanges qui ont lieu entre les protagonistes se font en Québécois, en langue russe, en langue des sourds et muets …avec traducteurs ! C’est étrange… et ça marche ! Sans égarer le spectateur !…
On sait depuis le début comment tout cela va finir, pourtant on est tenu en haleine, vibrant de toutes les émotions successives des personnages.
Oublier ou affronter ?
« S’il est vrai que le fil du désastre ne peut plus se casser, il peut encore nous conduire vers le monstre qui le détient. Les labyrinthes, il ne suffit plus de rentrer dedans. Il faut les dynamiter ».La paix pourra-t-elle revenir dans cette famille ?
Comment chacun va-t-il continuer à vivre ?
Ensemble ou seuls ?
La violence est inouïe, parfois insoutenable, et pourtant elle prend place dans le calme…Un calme rompu parfois par l’arrivée de la tante, la sœur de la mère, avec son arc qu’elle bande, et l’impact des flèches, amplifié par le son, lourd de menace. Un calme rompu par l’horreur de ce qui se dit, s’apprend…Et par le comportement obscène du vieillard.
La création de
Temps a eu lieu en Allemagne, à l'occasion de la Schaubühne de Berlin. (Maline, nous en as-tu parlé? Je n'ai pas retrouvé...)
La version que j’ai vu vendredi a été raccourcie de 45 minutes, et s’avère très efficace, enlevée.Il en sera ainsi pour la suite de la tournée.
Les acteurs sont époustouflants.
Wajdi Mouawad était présent.
Après sa tétralogie,
Le sang des promesses («
Littoral », «
Incendies », «
Forêts » et «
Ciels »)
Wajdi Mouawad prend un virage dans on oeuvre . Il l’explique dans cette interview passionnante (il est si agréable à écouter !) :
clic!Plus court:
[url=https://www.dailymotion.com/video/xirpzl_temps-par-wajdi-mouawad_creation]
clic!La suite de la tournée, pour ceux que cela intéresserait:
• Scène nationale - Evreux Louviers 10 avril 2012
• Scène nationale Pt Quevilly Mt St-Aignan> 12 au 13 avril 2012
• Théâtres en Dracénie - Draguignan 10 mai 2012
• Théâtre national de Chaillot - Paris > 15 au 25 mai 2012
• Théâtre de Grasse> 29 au 30 mai 2012