Alexandre Tisma [Serbie]

Alexandre Tisma est né en 1924. Il est mort en 2003 à Novi Sad, en Serbie.

Il a combattu les occupants allemands et hongrosi aux cotés de Tito en 1944-45. Plus tard, il s' est opposé à Milosevic et a du quitter son pays. Novi Sad où il a vécu est tristement célèbre en raison du progrom du 21 au 23 janvier 1942 au cours duquel 14 000 Juifs et 500 Serbes perdirent la vie. L' histoire de cette ville a inspiré l'' oeuvre de Tisma qui a publié poèmes, romans et nouvelles.

J' ai beaucoup apprécié La Jeune fille brune je vous en parlerai prochainement.

BIBLIOGRAPHIE

- Croyances et méfiances. - L' Age d' homme

- Le Kapo. - L' Age d' homme

- Sans cris. - L' Age d' homme

- Celles qu' on aime. - L' Age d' homme

- La Porte béante. - L' Age d' homme

- L' Usage de l' homme. - L' Age d' homme

- Le Livre de Blam. - L' Age d' homme

- Une nouvelle que je n' ai pas écrite. - Le Serpent à plumes

- L' Ecole d' impo=iété. - Le Serpent à plumes

- La Jeune fille brune. - Le Serpent à plumes

Alexandre TISMA : LA JEUNE FILLE BRUNE. - Le Serpent à plumes/Motifs

J' ai rencontré la jeune fille brune au meme moment et dans les memes circontances que la blonde. C' était le premier hiver après la guere. Je venais d' etre démobilisé et engagé par un grand quotidien de Belgrade comme corespondant dans le Nore de la Backa.

Ainsi commence le roman dont le personnage principal est le narrateur. Il est revenu de guerre,, blessé moralement et écoeuré, mais vivant. Et jeune très jeune. Dans un village où il est allé enqueter, il rencontrera deux jeunes filles, une blonde, une bruen. Les lendemains de guerre faits de frustrations favorisent les aventures et les rencontres de ce genre.

Il ne le sait pas encore, mais cette rencontre va marquer à tout jamais sa vie. Le hasard fait qu' il passe la nuit avec la jeune fille brune. Une nuit d' amour parfaite, inoublable, mais sans lendemain. Il ne la reverra jamais et ce souvenir deviendra une fixation obsessionnelle et aride. Et qui lui fera rater toutes les autres rencontres amoureuses.

Y compris avec la jeune fille blonde, pourtant si belle et si désirable et qui n' attend visiblement de lui qu' un geste, un signe, qui ne viendront jamais. En reveur romantique et absolu, il preferera penser à l' absente. La nostalgie des occasions manquées, des regrets compulsifs, le conduiront à une vie sans vie. A remacher les litanies du malheur.

Volilà un livre qui laisse une impression de mélancolie poignante. Parce que la vie ne favorise pas les chercheurs de chimères. Ceux qui lachent la proie pour l' ombre et que l' ombre ensevelit derrière les fantasmes d' une jeunesse inassouvie. Et finalement, l' impression désolante du trop tard.

J'ignorais tout de la jeune fille brune. Je l' avais laissée partir, Je l' avais chassée ce matin-là, après notre étreinte, malgré son regard interrogateur... dans l' idée qu' elle était un début sans savoir qu' en réalité c' était une fin, l' apogée de ce que je pourrais attendre dans la sensation de moi-meme.

P. 192

La fille brune n' était qu' un passé à jamais révolu. Elle resterait pour toujours le souvenir d' une nuit, d' une apogée qui ne prouvait rien, d' ailleurs, n' était peut etre la pauvreté des jours et des nuits qui l' avaiet précédé... Elle n' avait été que le jaillissement, le flamboiement vers le sublime, vers la nouveauté, une fuite restée unique... J' avais piaffé pendant vingt ans après une chose qui ne dépendait pas de moi, ou qui peut etre n' esistait pas.

P. 212

Merci Bix pour ce fil. Tisma est un des auteurs le plus important et remarquable des Balkans.

J'ai lu presque toutes ses œuvres, qui sont, sans exception imprégnées de cette mélancolie poignante, dont tu parles, mais aussi d'une beauté intensive et fascinante.

bix229 a écrit:: Plus tard, il s' est opposé à Milosevic et a du quitter son pays.

Tu peux me dire où tu as trouvé cette information?

Dans la préface de La Jeune fille brune. - Le Serpent à plumes Ed/Motifs

Et grand merci pour ton intervention. J' ai parfois l' impression de precher dans le désert ! Alexandre Tisma [Serbie] 18687

Et puis je vais continuer à lire Tisma, j' en ai plusieur autres qui m' attendent : Une nouvelle que je n' ai pas écrite, Le Livre de Blam, L' Usage de l' homme... Je suppose que tu les as lus....

Abeille bibliophile Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010

Une nouvelle que je n'ai pas écrite

Alexandre Tisma [Serbie] 97822611

Des nouvelles écrites avec beaucoup de délicatesse et un art minutieux du suspens, de l'angoisse sans raison, de la montée dramatique et puis quand je m'attendais à une chute terrible la nouvelle finissait de manière à retrouver une certaine plénitude et là où j'attendais une fin dans le style d'un retour à la normale, Tisma par une pirouette (souvent contenue en une seule phrase très courte) parvenait à faire chavirer le navire.

C'est une lecture très étrange, qui donne à la fois le sentiment de rester sur sa faim, d'avoir entrouvert une porte sur tout un univers (le communisme, la Mittel Europa, les relations hommes/femmes, les souvenirs qui s'évanouissent, reviennent, emplissent le wagon d'un train pour s'estomper enfin en une image apaisée, d'une sérénité troublante), d'avoir effleurer la magie, mais de ne pas avoir réussi à la retenir complètement dans ses mains, mais ce sentiment loin d'apporter une frustration, laisse rêveur, donne envie de revenir vers chaque nouvelle pour y chercher à nouveau la perle qu'on a sentie sous le bout de son doigt et qui s'est évanouie…

L'écriture de Tisma est un peu sèche et pourtant musicale, il utilise des phrases courtes qui peignent assez sèchement les détails des vies qu'il raconte (résultat de la peur, de la grisaille, de l'empêchement de penser de l'ère communiste ?), et pourtant on sent chez l'auteur un grand amour de la vie, une écoute mélancolique des êtres, une capacité à voir l'invisible, le sourire effacé, le souffle oublié. J'ai eu souvent l'impression que les personnages étaient des ombres (orphelines) et qu'il s'agissait de les traverser pour sentir leur présence à peine visible, à peine esquissée, comme une sorte de théâtre des apparences, fantomatiques, fortes et ténues en même temps. Et de ce sentiment ambivalent nait une grâce, un rythme, un écoulement qui gagne, monte, puis retombe au gré de phrases écrites dans un style très tendu. Il y a quelque chose de lénifiant et d'angoissé dans l'écriture de Tisma, qu'il est difficile à expliquer mais qui enchante.

Une lecture d'une grande sérénité et d'un étrange tourment. A la fois retenue, comme faite à mi-voix, de confidence en confidence et en creux se dessinent des destins troubles, malheureux, profondément détruits, des destins d'inconnus qui resteront dans l'oubli et que seule la plume attentive de l'auteur fait revivre un court instant. Une lecture très mélancolique, très douce et parfois saisissante.

(et merci à bix)

Merci à toi aussi... et à ta lecture si personnelle !

Tu as raison aussi de faire allusion à l' ère communiste. Tisma a été toute sa vie un Résistant. Aux cotés de Tito contre les Allemands et les Hongrois et plus tard contre Milosevic. Sans oublier sa ville, Novi Sad où eut lieu un prgrom contre les juifs en 1942. Et au cours duquel 14 OOO Juifs et 500 Serbes perdirent la vie. Tisma a fini ses jours en exil en France.

Danilo Kis, né à la frontière yougo-serbe a connu presque le meme destin tragique. Là aussi, un pogrom contre les juifs pendant son enfance et l' exil à Paris...Il le raconte dans Chagrins précoces. - Folio

Agilité postale Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013

bix229 a écrit:: Merci à toi aussi... et à ta lecture si personnelle !

Tu as raison aussi de faire allusion à l' ère communiste. Tisma a été toute sa vie un Résistant. Aux cotés de Tito contre les Allemands et les Hongrois et plus tard contre Milosevic. Sans oublier sa ville, Novi Sad où eut lieu un prgrom contre les juifs en 1942. Et au cours duquel 14 OOO Juifs et 500 Serbes perdirent la vie. Tisma a fini ses jours en exil en France.

Danilo Kis, né à la frontière yougo-serbe a connu presque le meme destin tragique. Là aussi, un pogrom contre les juifs pendant son enfance et l' exil à Paris...Il le raconte dans Chagrins précoces. - Folio

Oui ce pogrom de janvier 1942 est un élément assez central du roman d'Aleksandar Tišma intitulé Le livre de Blam, le devoir de mémoire oblige à mentionner qu'il fut pour l'essentiel perpétré par l'occupant hongrois.

Le livre de Blam
(titre original: Knjiga o Blamu, 1985, 275 pages environ, 15 chapitres)

Le titre pourrait renvoyer à la Torah, souvent divisée en "Livre de...", je ne sais si d'autres me rejoignent dans cette hypothèse ?

Une fois la toute dernière page refermée, et celle-ci a son importance, aurez-vous, comme moi, le sentiment d'un ouvrage visionnaire, ou à tout le moins à pressentiment remarquable ?

En effet, écrire cela sur Novi Sad au début des années 1980, oblige, en lisant ce livre en 2014, à un regard sans doute différent de celui du lecteur de la fin des années 1980. Ce roman ne peut échapper à la confrontation avec les évènements des années 1990 qui culminèrent en violence au bombardement "allié" de 1999 (puis s'achevèrent peu après celui-ci), alors qu'Aleksandar Tišma était en exil en France, un an avant son retour définitif à la capitale de la province de Voïvodine.

Le second grand mérite de l'écriture d'Aleksandar Tišma ici, c'est la façon fraîche (mais frais tirant sur le froid) et sereine de décrire des évènements qui sont tous sauf frais et sereins. De ce contraste tout à fait efficace, qui type le roman, obtenu par sa seule manière, sa plume, on pressent, à peu près à coup sûr, qu'un écrivain de grande classe est là (je le découvre par ce roman).

Le style, elliptique au début (sans être réellement crevant), puis tout en flashes-back, retours, mélanges afin de confronter, de souligner, n'est pas forcément ma tasse de thé, mais c'est, disons, méticuleux et abouti, et il reste assez de clarté pour que la lisibilité ne soit pas trop entamée (mon goût me pousse vers un peu plus de linéarité, j'aime la simplicité dans les charpentes, pour tout vous dire).

Miroslav Blam est un juif qui passe à travers; à travers la mort, les troubles, et aussi, d'une certaine manière, à travers la vie entendue au sens d'existence. L'inertie colossale de son tempérament s'allie à la prudence de mise, à ces époques et en cette ville, et à son goût pour l'ombre et la discrétion.

Du coup, son jeu de présence absente, de ne se mêler de rien, même quand il est atteint au plus près (par exemple le sort de sa propre famille, ou encore la vie extra-conjugale de son épouse, ou sa fille -dont il pense qu'elle n'est pas de lui, ce qu'il vit comme un frein à sa paternité, etc...) est certes une arme de survie, et même de survie dans la tranquillité, mais qui a son pendant: la vacuité. Blam n'est même pas un témoin, juste une mémoire, qui a vocation à s'effacer en totalité, vu la répugnance de Blam a laisser la moindre trace (une trace est déjà un embêtement). Et en plus il joue de malchance parfois pour une non-seconde rencontre susceptible de changer le cours de sa vie (si donc tout s'en mêle !)...

De là une porte s'ouvre au lecteur sur la notion de courage et d'action par rapport à une lâcheté qui tiendrait du fait de se garder des temps comme des gens, mais c'est beaucoup plus fin, subtil que cela sous la plume d'Aleksandar Tišma, au fait, suffit-il de se fermer telle une huître pour éviter les ennuis, et qui juge, au juste, de la lâcheté et du courage ?

Merci Sigismond pour ton commentaire précis et pertinent !

Et oui, Tisma a vécu une époque tragique et pourtant il est parvenu à en parler avec suffisamment de
recul et de cohérence pour adhérer à son propos.
Avec discrétion, empathie et clairvoyance. Tu as raison, il y a aussi un coté visionnaire chez Tisma.
Comme chez certains autres grands écrivains.

Je pense à Dostoievski, celui de L' homme souterrain...