Là est la danseDans
Là est la danse (titre français totalement incompréhensible pour moi), Amy Sackville nous emmène jusque dans les immensités fascinantes du pôle Nord pour nous montrer que l'amour ne vieillit pas comme on l'imaginait, mais adopte tours et détours pour mieux résister.
Il s'agit d'une journée de Julia, qui vit dans une immense maison familiale, cabinet de curiosité géant, où elle cultive avec vénération les souvenirs, les lettres et les journaux de sa curieuse famille. Là a grandi Edward Mackey, jeune homme à l’œil pétillant, courageux et plein d'espoir, qui, au tournant du XIXe siècle, partit à bord de
la Perséphone, à l'assaut du pôle Nord, jusque-là jamais foulé. Il laissait derrière lui, pour plusieurs saisons tourmentées, sa toute jeune et patiente épouse Emily, avec promesse d’un retour qui ne se fit jamais. Les générations suivantes se firent un plaisir de broder sur le thème de leurs amours contrariées, ô combien magnifiées. Julia, jeune femme fantasque intimement imprégnée de cette mythologie familiale a son propre parcours aux côtés de son époux, qui entre en résonance avec cette lourde ascendance.
Voilà un livre fort curieusement écrit, un narrateur omniscient, au style très écrit et poétique, nous menant par la main au côté d'un personnage, puis de l'autre, scrutant ses pensées fugaces ou profondes, ses rêves, dans un aller-retour incessant entre passé et présent. Les premières pages, qui décrit la simplicité lumineuse d'un couple qui dort, sont un excellent exemple de cette prose envoûtante qui cache l'évidente sobriété de l'observation d’Amy Sackville
L’histoire du couple de Julia, nous montre avec une grande justesse l'enlisement dans les non-dits d'un couple, pourtant s’aimant, mais cette partie du récit reste le point faible du livre (et l’on a fort souvent envie de botter le train de cette pusillanime héroïne). On est par contre fasciné par l'histoire des aïeux, Edward et Emily : l’histoire tragique de cette expédition polaire partie dans l'enthousiasme pour aboutir à l'anéantissement est à la fois palpitante et splendide, et la réclusion d’Emily, cette jeune femme un peu folle qui décida d'épouser un héros, vécut si sagement avec son attente et ses fantasmes, mais révéla un siècle après tous ses secrets est une merveille de complexité psychologique.
Au total cela donne un livre à la forme plutôt originale, qui souffre sans doute un peu que l'auteur, dans ce premier roman, ait peut-être voulu trop en faire, mais qui renferme des moments inoubliables, nous révélant la magie d’une fascination pour le pôle que l'on n'est pas prêt d'oublier, et nous disant que les héros, malgré les apparences et l’aveuglement de leurs observateurs, restent des êtres humains. .