La neuvième pierre (roman traduit de l'anglais par Céline Schwaller)Ce roman se situe en 1864 et commence en Inde. Un anglais se fait tuer d'une façon mystérieuse (sa trachée est écrasée mais il n'y a aucune trace de strangulation) et l'on devine que ce meurtre a un lien avec les pierres précieuses que sa femme et lui transportent... Puis, le roman se poursuit par un second meurtre, avec le même mode opératoire et la même raison mais cette fois-ci à Londres. Après une cinquantaine de pages le lecteur s'attend à une quête haletante et il en sera pour ses frais. Il faudra attendre environ la page 450 pour que le roman policier qu'on a entre les mains redevienne un peu policier et relance l'aventure, mais la fin est très décevante (même un tout petit enfant avec un peu d'imagination serait frustré par cette fin-là...).
Entre temps, ceux qui n'aiment pas trop les romans policiers mais qui sont attirés par l'Angleterre du XIXème siècle et/ou l'Inde découvriront un roman plein d'informations, de petites histoires, d'anecdotes et de contes. Les amoureux des pierres précieuses seront sans doute happés par les descriptions de bijoux tous plus beaux les uns que les autres, chaque pierre se voyant reliée à une histoire, une planète, un dieu indien... ; ceux qui aiment les légendes liront avec attention les contes orientaux qui parsèment le texte, les superstitieux apprendront que la sauge éloignent les mauvais esprits, les anglicistes découvriront peut-être que les conducteurs de cab mettent du foin dans leur voiture quand il va pleuvoir pour éviter que les clients ne salissent le bois verni du sol. Et tout cela est distillé sans que jamais Fitzpatrick ne semble donner de leçon.
Il faut ajouter que le livre a pour héroïne une jeune orpheline anglaise, qui se déguise en garçon pour pouvoir travailler dans un journal. Plus elle grandit et plus les gens qui l'entourent découvrent ses fabuleux talents d'écrivain et vont donc lui apporter toute leur aide. Que c'est beau ! Et cela permet à Fitzpatrick de passer en revue toutes les femmes opprimées de la littérature anglaise (de Charlotte Brontë à Elizabeth Barrett Browning) sans oublier notre George Sand nationale. Tout cela enrobé dans une écriture un peu niaise qui semble vouloir refléter l'air du temps (bah oui, les femmes étant illettrées, elles sont du coup des naïves, des sottes, des nouilles). J'ai pensé de temps en temps à Sarah Waters avec
Caresser le velours pour le côté reconstitution historique absolument crédible et la revendication féministe ouverte mais là où Waters met un peu le feu à la bienséance et au puritanisme anglais, Fitzpatrick reste d'une linéarité maussade.
Un livre bourré d'informations, un livre qui est sans doute d'un point de vue historique très juste mais un livre qui manque d'audace, de suspense (un comble pour un polar) et d'un peu d'astuce et même d'espièglerie (on est en quelque sorte dans le monde de Candy où tout le monde est beau et gentil, ou l'on tue sans le faire exprès, où le prince charmant arrive pile poil au bon moment et où tout s'achève à l'heure délicieuse du tea time).
Beaucoup de regret donc, car non seulement Fitzpatrick tenait un sujet original (le pouvoir des pierres précieuses) mais en plus son livre est très documenté et solide, hélas hélas tout cela manque cruellement d'un peu de noirceur.