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| Ida Hattemer-Higgins | |
| | Auteur | Message |
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shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Ida Hattemer-Higgins Dim 16 Sep 2012 - 15:55 | |
| née à Cincinatti, dans l'Ohio, elle a grandi à Boston, Massachussets. Elle a étudié la littérature allemande et chinoise à New York avant de partir s'installer au Japon, en Inde, en Suède et enfin à Berlin, où elle a travaillé comme guide et traductrice. Elle partage désormais son temps entre Berlin et Moscou. L'histoire de l'Histoire, son premier roman a été publié en France en août 2011. (source éditeur) | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Dim 16 Sep 2012 - 15:57 | |
| un premier roman époustouflant audacieux intelligent poétique onirique cauchemardesque fantasque difficile et dur | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Dim 16 Sep 2012 - 16:04 | |
| L'histoire de l'Histoire
Très étrange roman que celui-ci, qui joue à plein la carte du fantastique, un fantastique plein de cauchemars, de sensations déformées, de malaise, d'hallucinations et autres malformations dangereuses d'une réalité angoissante…
De quoi s'agit-il ?
Margaret Taub est une jeune américaine, vivant à Berlin, guide touristique pour une agence qui propose une visite des lieux nazis.
Margaret se réveille un matin dans une forêt, elle ne se souvient pas des derniers mois qu'elle a vécu. Elle se sent transformée.
De retour chez elle, elle reçoit un courrier (adressé à une autre) qui l'invite à se rendre à un rendez-vous chez un médecin. Contre toute attente, elle s'y rend. Le médecin est une gynécologue aveugle qui l'ausculte (en la prenant pour l'autre tout en sachant qu'elle ne l'est pas)(ça commence) et lui montre un film qui doit transformer sa vision du monde. Après cette rencontre (très psychanalysante) Margaret voit Berlin devenir un corps, les murs se transforment en chair, les rues respirent, les monuments suent et dégagent une violente odeur de pourriture humaine.
Rien ne va plus…
Margaret s'enferme en elle-même et s'intéresse de plus en plus à la vie de Magda Goebbels. Fascinée par le nazisme, elle se met à chercher tous les livres qui racontent la vie de cette femme et tente de donner un sens à sa propre vie en cherchant un sens à celle de Magda. Magda a tué ses six enfants avant de se suicider. A ce geste, Margaret envisage deux explications : soit Magda estimait ses enfants nazis trop purs pour continuer à vivre dans un monde non-nazi ; soit elle avait conscience des crimes du régime nazi et estimait ses enfants souillés par ses propres crimes. Margaret pense qu'en trouvant la solution à cette énigme, elle donnera un sens à son propre sentiment de culpabilité.
Pendant ce temps, des visions plus cauchemardesques les unes que les autres hantent sa vie. Elle est par exemple épiée par un faucon à tête de femme qui est la représentation fantasmée de Magda Goebbels…
Le roman est extrêmement fort. Très bien écrit et surtout parfaitement articulé autour de questions qui se déploient, de plus en plus précises, de plus en plus fascinantes, comme par exemple : quelle légitimité à une jeune américaine de relire l'histoire de l'Allemagne nazie ? Quel est l'héritage (la part de honte) éprouvé par les enfants de nazis et le défaut d'héritage de tous les enfants juifs morts entre 1935 et 1945 ?
Un roman fantastiquement vertigineux. Pas forcément agréable à lire (malgré la fluidité du style) mais qui génère un malaise profond, marécageux, gluant, une sensation d'étourdissement, de perte des repères, avec pour seul point d'appui l'histoire nazie (qui est tout sauf lumineuse). D'ailleurs l'une des premières images du livre est cette lutte étrange entre le temps et la lumière, lutte qui perturbe et aveugle la narratrice, lutte symptomatique de la scission profonde entre la mort et la vie, le passé et le présent, la lumière et la nuit, la mémoire et son oubli.
Le nom même de Margaret Taub n'est pas anodin car d'après mon dictionnaire allemand, il est l'exact reflet de l'état dans lequel la jeune fille traverse tout le roman, puisque Taub veut dire sourd, vide, engourdi.
Sans compter quelques épisodes absolument glaçant, comme par exemple la visite guidée du camp de Sachsenhausen et pas seulement parce que cette visite se fait par moins vingt degrés, mais parce qu'elle soulève (comme l'ensemble du roman) d'importantes questions éthiques. Les mêmes questions qui ont surgi en Allemagne à la sortie du film La Chute, dans lequel Hitler était montré comme un homme affaibli, usé, malade et presque pitoyable, transformer le monstre en être humain revenait à le rendre ordinaire, image inadmissible, quasiment insoutenable. Il est plus facile de condamner un monstre qu'un être humain… Se pose aussi la question du mal. Si on part du postulat que personne ne peut dire : je n'ai jamais rien fait de mal dans ma vie, alors où se place-t-on sur l'échelle du mal ? Si le mal accompagne toute vie d'homme, même la plus sainte, peut-on le quantifier, lui donner une valeur, s'absoudre ou se condamner ?
Vous le voyez, un roman particulièrement dense, riche et difficile parce qu'il touche des thèmes profonds, douloureux, ceux de la mémoire et de l'oubli, ceux de l'héritage et de la culpabilité. Un livre fort.
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| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Dim 16 Sep 2012 - 16:10 | |
| j'ajoute ces quelques mots figurant sur la 4ème de couverture :
Un véritable coup de coeur... Ida Hattemer-Higgins construit un univers comme peu d'auteurs savent le faire : son Berlin de chair prend littéralement vie entre les pages et son réalisme magique est un hommage postmoderne à Salman Rushdie, Kafka, Angela Carter et Yann Martel. New York Journal of Books.
de tels rapprochements font fortes impressions, je note tout de même que parfois l'auteure se repose un peu sur des métaphores éculées qui ternissent légèrement le propos (le lapin pris dans les phares d'une voiture et autres images pas très originales). Mais tout cela reste rare et n'enlève rien à la force sidérante et noire du discours.
enfin : petite mention à l'égard de l'éditeur (Flammarion) dont le nombre impressionnant de coquilles dans le texte finit par émouvoir même un lecteur passionné... | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Dim 16 Sep 2012 - 16:54 | |
| - shanidar a écrit:
un premier roman époustouflant audacieux intelligent poétique onirique cauchemardesque fantasque difficile et dur il n'y avait même pas besoin du commentaire qui suit pour nous faire envie! | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Lun 17 Sep 2012 - 8:56 | |
| Je le note direct ! Tu donnes Furieusement Envie ! | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Lun 8 Oct 2012 - 9:30 | |
| L'histoire de l'Histoire. Extrait, fin du premier chapitre. - Citation :
- En rentrant dans son appartement de Schönberg, elle se sentait si légère qu'elle eut moins l'impression de marcher vers la chambre que d'être soulevée par une vague puis projetée contre le ressac.
Une Margaret robuste se glissa alors sous les couvertures et dormit avec avidité tandis qu'une autre, ombre fragile de la dormeuse, se dirigea vers l'armoire pour la vider complètement. Elle porta les vêtements dans la cour et les jeta tous sans exception à la poubelle. De retour dans la chambre, elle rejoignit la jeune endormie et se confondit avec elle. Quand la Margaret ayant retrouvé son unité s'éveilla de son troisième sommeil, elle découvrit une autre planète. Dans ce monde nouveau, elle reprit son ancienne existence. Un livre qui va me demander une certaine attention je pense. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Lun 8 Oct 2012 - 9:36 | |
| toute la suite est la reconstitution pas à pas de cette perte de mémoire subie par le personnage et la tentative de réunir les différents avatars de Margaret. Sans être schizophrènes, nous hébergeons tous plusieurs personnes en nous, les personnalités de Margaret sont soumises à la culpabilité d'un secret dont on ne comprend qu'à la fin du roman de quoi il s'agit. Heureusement l'écriture limpide de l'auteure empêche le lecteur de se perdre dans le labyrinthe de couches superposées de l'histoire. | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Mer 10 Oct 2012 - 12:58 | |
| Plus qu'un style limpide ou clair, je dirais que c'est une écriture limite chirurgicale. Avec peu d'intériorité, d'émotions dans le personnage (alors confronté à des sensations troublantes, et méticuleusement décrites). C'est étrange, cette distance. Cette froideur. ça correspond évidemment bien à l'état de Margaret, mais ça a du mal à me maintenir attentive. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Mer 10 Oct 2012 - 14:49 | |
| (en réalité j'ai été surprise que tu réagisses à mon commentaire et je me demande ce qui t'as attirée dans cette histoire...). | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Ida Hattemer-Higgins Ven 12 Oct 2012 - 13:37 | |
| (oh ben. Des trucs : comme le refoulement d'un passé. La métamorphose de l'environnement sous l'effet de secrets, d'"humeur". Des petites choses)
En fait, c'est un livre dans lequel j'arrive à accrocher quand je rentre vraiment dedans : donc, impossible de le lire dans le métro, entre deux stations, juste une demie heure en passant. L'ambiance prend du temps à n’imprégner, mais elle fonctionne. Problème : je n'ai pas le temps en ce moment de vraiment déguster une telle façon d'écrire, de décrire, de visualiser. | |
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| | | | Ida Hattemer-Higgins | |
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