j'ai été bien contente de trouver le post de colimasson après avoir lu "poulet aux prunes"...
c'est vrai qu'on oublie peu à peu l'origine de la dépression du père de famille (le tar cassé et irremplaçable). parce que ce tar n'est que symptomatique de la dépression de l'homme, déclenche sa décision de se laisser mourir, mais finalement il faut chercher "sous" le tar la mécanique de cette dépression mortifère. c'est l'objet même de la bd et c'est fait très habilement : tous les éléments sont donnés au fur et à mesure mais dans une sorte de désordre artistique et c'est au lecteur (s'il le veut) de rassembler les morceaux pour aboutir à une sorte de point de vue sur cette affaire de suicide quasiment auto-programmé.
J'ai aimé :
- que cette bd s'achève en reprenant son commencement.
- que la mort soit annoncée : cela donne plus de piment à tout ce qui va se passer avant, y conduire, y participer. (ça m'a rappelé un roman lu en 2015 : "requin" de Bertrand Belin, dans lequel il est annoncé dès le début du livre que le narrateur est en train de se noyer et qu'il n'en réchappera pas...)
- que chaque jour soit comme un tableau, éclairant un pan de l'existence de l'homme couché : le régime politique du pays, la musique, son frère, sa femme, sa fille, son fils, la sensualité, la religion, sa mère, son idylle...
- que cette histoire très plombante sur le fond soit racontée avec autant d'humour :
- que ce suicide ne soit pas du tout "médicalisé", que l'hôpital ne fasse pas partie de l'histoire (comme ça le serait en Europe certainement), que la volonté de mourir soit respectée, que seul compte de comprendre comment cet homme en est arrivé là.
- que cet homme reste insensible à certaines tentatives censées lui redonner goût à la vie.
- trouver moi-même un sous-titre à cette histoire : "poulet aux prunes", une dépression iranienne...
je n'ai pas parlé du graphisme : noir et blanc, minimaliste, sans être austère (il arrive à rendre la sensualité : "la grande Sophia Loren"), appliqué, au service du récit.
je n'ai pas vu le film sorti 7 ans après la bd, en 2011.