Marcelle Sauvageot

Laissez-Moi

Un texte douloureux et poignant sur une rupture amoureuse, un texte digne écrit par une femme qui va mourir et qui le sait, alors même que son grand amour la quitte. C'est tout à la fois dur et tendre, car tous les souvenirs de cet amour reviennent en mémoire à l'auteur, qui les acceuille et les rejette aussi. C'est court, c'est fort ; on se sent parfois un peu troublé par ces sentiments si intimes et par tant de sincérité. On est même parfois un peu agacé par la soumission ou plutôt par les compromis acceptés par cette femme amoureuse.

Un beau texte, je suis sûre que coline a déjà songé à en faire une lecture à haute voix si ce n'est pas déjà fait.

domreader a écrit:

Laissez-Moi

Un texte douloureux et poignant sur une rupture amoureuse, un texte digne écrit par une femme qui va mourir et qui le sait, alors même que son grand amour la quitte. C'est tout à la fois dur et tendre, car tous les souvenirs de cet amour reviennent en mémoire à l'auteur, qui les acceuille et les rejette aussi. C'est court, c'est fort ; on se sent parfois un peu troublé par ces sentiments si intimes et par tant de sincérité. On est même parfois un peu agacé par la soumission ou plutôt par les compromis acceptés par cette femme amoureuse.

Un beau texte, je suis sûre que coline a déjà songé à en faire une lecture à haute voix si ce n'est pas déjà fait.

Cela a été fait Domreader...plusieurs fois!

Des lecteurs aussi divers mais associés dans leur louange ne peut que me titiller.
Vraiment pas le genre de livre que j'ai envie de lire mais ... cet indéfinissable me dit qu'il doit être dans ma LAL ...
Et pas juste pour faire de la figuration, bien au contraire ...

GrandGousierGuerin a écrit:

Des lecteurs aussi divers mais associés dans leur louange ne peut que me titiller.
Vraiment pas le genre de livre que j'ai envie de lire mais ... cet indéfinissable me dit qu'il doit être dans ma LAL ...

Oui...c'est bien de l'ajouter dans une LAL...

C'est bien que ce fil remonte, ça me rappelle que je l'ai sur ma Kindle, je vais donc le lire tout bientôt.

coline a écrit:

« Laissez-moi »

Depuis sa première publication, il y a soixante-dix ans, le livre de Marcelle Sauvageot a bouleversé des écrivains aussi différents que Clara Malraux, Paul Valéry, Paul Claudel, Jean Giraudoux, René Crevel ou Jacques Chardonne…
Il est ressorti il y a deux ans je crois et pour la première fois il a rencontré un grand nombre de lecteurs…

Marcelle Sauvageot est morte à trente- quatre ans de la tuberculose. Jeune professeur de Lettres, elle reçoit alors qu’elle est très malade et retourne au sanatorium, une lettre de rupture de son amant. Il lui annonce son prochain mariage avec une autre et lui propose une amitié en consolation.

D’autres que Marcelle Sauvageot auraient fait scandale, demandé pourquoi, supplié. Elle lui adresse une épître qu’elle n’expédiera jamais et dans laquelle elle ausculte son amour qui s’écroule. Elle soupèse chaque faux-semblant, elle se remémore les concessions, les mensonges, la passion, tout ce qu’elle a donné et reçu. Avide de pureté, elle traduit les exigences qu’elle a vis-à-vis d’elle, et aussi de l’amour, son refus de la tiédeur, de la médiocrité des sentiments.

« Savez-vous ce que c’est que l’amitié ? Croyez-vous que ce soit un sentiment plus tiède qui se contente des restes et des menus services que l’on ne peut éviter de se rendre ? » lui écrit-elle.

Ce livre est poignant, criant de vérité et de sensibilité.
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A travers l'épître destiné à son amour perdu ,elle dissèque sans complaisance , ni faux-semblant s, dans une volonté d'honnêteté dure et lucide l'histoire courte de "cette tranche de vie" qui sera  certainement la dernière qui la rattachera au monde des "bien-portants" .....
"Je pense à toi . tu as un petit rire dans la gorge et des dents que je n'aime pas . Tes yeux se ferment un peu , comme pour pénétrer l'esprit de ton interlocuteur et lui montrer que tu as vu clair en lui . Tes lèvres se retroussent légèrement sur des dents qui apparaissent noires et ta tête toute entière se tend en avant .Tu prends cet air quand tu exposes une théorie lumineuse que tu viens de découvrir ou quand tu as trouvé le moyen de ramener à un sentiment  mesquin ce qu'on croyait être une belle pensée .Tu ressembles à un petit commerçant qui ne veut pas se laisser faire je suis génée quand tu es ainsi : que tu rapetisses .Mais il ne faudrait pas que quelqu'un s'aperçoive de ce petit travers et fasse une remarque ;je serais très méchante .Tu as des jugements parfois , dans les domaines que tu prétends ignorer .Tu dénonces un tableau , une oeuvre musicale, un poême par ces mots : c'est facile .Tu veux , semble-t-il , reprendreta position , compromise un instant par une chose plus grande que toi ; et tu as tellement peur du snobisme que tu nies le beau que tu as ressenti .Je sais et je n'aime pas . Mais si on insinuait le doute sur ton intelligence , je répondrais vertement comme si on m'insultait .? Tu es un peu fat , tu te regardes dans la glace , à la dérobée , d'un coup d'oeil satisfait , tu te redresses quand tu passes près d'une femme et tu la fixes en conservant une attitude indifférente ; si elle t'a jeté un regard , sûrement elle t'a trouvé bien ; si on te parle d'une femme , tu coupes la parole pour dire : "elle est jolie?".Tu m'amuses et j'ai envie de prendre un sourire moqueur .Mais qu'on ne dise pas que tu es un "joli coeur "; tes faiblesses sont à moi . Je les ai découvertes peu à peu en t'examinant sans trêve. Je souffres que tu aies ces travers , mais je ne voudrais pas que tu changes . Je t'en parle quelquefois en souriant .Je ne voudrais pas te froisser , ni te donner des conseils .Je voudrais que tu saches ce que je sais ; et je voudrais qu'au lieu d'essayer de ne pas pas te montrer tal que tu es , tu me dévoiles toutes toutes tes petites laideurs .Je les aimerais car elles seraient bien à moi . Les autres ne les connaîtraient pas , et c'est par là que nous nous rejoindrions , en dehors du monde .Rien n'est plus attachant que les faiblesses et les défauts : c'est par eux que l'on pénètre l'âme de l'être aimé , âme constamment caché par le désir de paraître semblable à tout le monde "


A travers cet extrait , on se rend compte de la profondeur de son amour .....Passionné ? Non , nul effet de romance exaltée , d'aveuglement  inhérent à "l'état amoureux" des premiers temps de la rencontre : il s'agit bien d'un amour mûr , d'une femme exigeante et pourtant dans l'acceptation totale de l'être aimé .....Et c'est ce qui rend ce court récit si intense et déchirant !


Cette lettre de rupture brutale certes n'a rien n'inattendu pour "l'amoureuse" : 

"J'essayais de garder un petit appui en dehors de vous , afin de pouvoir m'y accrocher le jour où vous ne m'aimeriez plus .Ce petit appui , ce n'était pas un autre , ce n'était pas un rêve , ni une image . C'était ce que vous appeliez mon égoisme et mon orgueil ; c'était moi que dans la souffrance, je voulais pouvoir retrouver . Je voulais pouvoir me serrer moi-même sur moi , seule avec mon mal , mes doutes , mon manque de foi . Dans la détresse, c'est parce que je me sens , que j'ai la force de continuer .Si tout change , si tout me fait mal , je suis moi-même avec moi même .Pour que je me sois perdue , il aurait fallu que je fusse sûre de n'avoir plus besoin de moi ."

Ce magnifique passage traduit la force inextinguible de cette "amoureuse" qui s'était préparée dès le début de sa relation à cette fin tragique ....Préparée ....et peut-être "prédisposée"....Cette jeune femme en sursis, avec cette maladie dont l'issue est fatale s'est construite de manière à trouver la force pour survivre .....
Cette absence de fougue amoureuse et de déraison l'a protégé des tourments passionnels mais n'a-t elle pas contribué aussi à cet échec ? 



" C'est du bonheur d'être bouleversé et de ne plus rien savoir .Mais avoir un petit de conscience qui sait toujours ce qui se passe , qui, parce qu'il sait, permet à tout l'être intellectuel et raisonnable d'avoir aussi à chaque seconde quelque chose du bonheur qui arrive , avoir ce petit coin de conscience qui apprécie lentement l'évolution de la joie , la suit jusqu'à ses fins les plus extrêmes ,n'est-ce pas du bonheur ? Il y a un petit coin qui ne vibre pas mais ce petit coin reste le témoin de la joie ressentie .C'est lui qui se souvient et qui peut dire :j'ai été heureux et je sais pourquoi .Je veux bien perdre la tête , mais je veux saisir le moment où je perds la tête et pousser la conscience au plus loin de la conscience qui abdique .Il ne faut pas être absent de son bonheur . "

Là encore , on se rend compte de la volonté de maîtrise de "l'amoureuse" qui ne lâche pas l'intellect ; on peut poser la question : peut-on garder une partie "raisonnable" dans les prémisses de ce qu'on souhaiterait être "une longue histoire d'amour " ?  L'abandon de soi n'est-il pas quelque peu incontournable pour avancer vers l'autre ? 
Ce texte magistrale dans son intégralité témoigne d'une telle soif d'absolue dans l'impossibilité du lâcher-prise cérébral que je n'ai pu m'empêcher de penser que cette jeune femme s'est réellement conditionnée pour ne céder à la vague déferlante de l'amour afin de toujours garder le contrôle ..... 
Paradoxe de cette quête d'absolu inaccessible pour une "amoureuse" agrippée à ses repères intérieurs .... 

Et pourtant ....Ö combien je la comprends !!!!!

Quelle force dans ces lignes! Quelle force dans ce tempérament!

Je ne sais plus discerner les citations de tes commentaires Eglantine ! 
Les deux s'imbriquent et se nourrissent à merveille ...
Et on voit que cette œuvre a un écho profond en toi ....