Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Errol Morris

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animal
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MessageSujet: Errol Morris   Errol Morris EmptyVen 14 Déc 2012 - 17:05

Errol Morris Errol_10

Errol Morris

Citation :
Diplômé en Histoire des universités de Princeton, de Berkeley et du Wisconsin (une formation déterminante quant aux méthodes de recherches et d'investigations qu'il va employer tout au long de sa carrière) Errol Morris tourne son premier documentaire en 1978, Gates of heaven, après avoir lu un article dans le San Francisco Chronicle sur les cimetières pour animaux. Avec son deuxième film, Vernon, Florida (1981), il confirme son attachement aux sujets atypiques en évoquant l'existence des habitants excentriques d'une ville du sud des Etats-Unis, en plein Bayou.

En 1988, il achève Le Dossier Adams, sans doute l'œuvre la plus controversée de sa filmographie. Présentée comme étant "le premier mystérieux film qui a vraiment élucidé un crime", il fait capoter la condamnation à mort de Randall Dale Adams convaincu du crime de l'officier de police de Dallas, Robert Wood. Le cercle des critiques de New York élit Le Dossier Adams meilleur documentaire de l'année en 1988. C'est la première fois dans toute l'histoire de l'industrie cinématographique américaine qu'un documentaire réussi à faire disculper un condamné à mort.

En 1992, il tourne Une brève histoire du temps, sur la vie et le travail de Stephen Hawking, un physicien de génie polyhandicapé. Le cinéaste se voit récompensé par le Prix du Meilleur réalisateur et le Grand Prix du Jury au Festival du Film de Sundance. Toujours fidèle à sa technique consistant à mélanger témoignage et mise en scène, ce que ses détracteurs ne manquent pas de lui reprocher, il signe avec Mr. Death (2000) un documentaire glaçant sur la grandeur et la décadence de Fred Leuchter Jr., un ingénieur du Massachusetts chargé de conduire une expertise sur l'utilisation de gaz mortels dans les camps de concentration nazis. Historien de formation, il est très à l'aise pour conduire l'entretien qu'il a avec Robert McNamara dans The Fog of war, le Secrétaire à la défense sous les présidences de Kennedy et de Johnson, personnage clé de l'Administration américaine de ces cinquante dernières années. Sa dernière oeuvre, S.O.P. (2007), qui relate les exactions commises par l'armée américaine dans la tristement célèbre prison d'Abu Ghraib en Irak, n'a pas manqué de raviver des feux mal éteints aux Etats-Unis.

Je n'ai toujours pas vu Gates of Heaven mais c'est par ce film que j'ai d'abord entendu parler de Errol Morris, plutôt à cause de l'anecdote de Werner Herzog qui a mangé sa chaussure si le film se faisait. voir : Werner Herzog Eats His Shoe.

Il y a peu j'ai vu quelques unes de ses pubs pour la bière Miller High Life, c'est qu'il a beaucoup donné dans le domaine. Mais surtout c'est que j'ai voulu voir :

Errol Morris Sop10

Standard Operating Procedure (2008)

Le film a pour sujet les actes condamnés (partiellement au moins) commis par des militaires américains en Irak à la prison d'Abou Ghraib. Le centre du film est l'ensemble de photos prises par trois soldats des mauvais traitements et humiliations et les interviews des soldats, qui ont pris ou apparaissent sur les photos ou ont témoigné de ce qu'ils ont vu. Il y a aussi par le film un rappel d'évolution de situations et de responsabilités : directives, effectifs, ...

Sur fond de "résultat à tout prix" et de bombardements quasi quotidiens sur le site, avec l'appui de quelques reconstitutions, le film tourne autour de l'inquiétante limite entre le "ce qui va" et le "ce qui ne va pas" pour ces militaires sous pressions (entre lesquels passent aussi des membres d'autres services) ou entre l'acte criminel, la faute et la standard operating procedure.

Menottages, menaces, humiliations, la plupart des photos montrent les détenus nus avec des sacs sur la tête et attachés. Il y a les explications factuels et les interviews d'après. Des raisons de peur, de flou dans l'application des règles, des directives de briser la résistance des détenus avant les interrogatoires et dans les interviews des explications qui ont l'air plus lointaine, qui tiennent semble-t-il du vivre avec. Mais les photos sont toujours là. Comment concilier le sourire au lèvre à côté d'un mort au visage tuméfier ou la photo avec un prisonnier en laisse et la mauvaise histoire d'amour ou le craquage ponctuel.

Et cela s'étend à la non formation, non préparation des jeunes soldats qui ont pris part à tout ça sans qu'on sache jusqu'où. Et il n'y aura que ceux d'en bas, qui auront été condamnés dans ce film qui n'oublie pas le bilan extrêmement négatif : aucune information utile (et pire encore si on en croit certains témoignages : information ratée).

C'est glaçant, inquiétant, notamment par la part de normalité qui peut (qui doit légitimement ?) cohabiter avec une réécriture partielle des faits, sorte de version officielle ou d'approximation puisqu'on ne saura jamais. C'est aussi une façon d'aborder la question du "comment c'est possible ?" ces horreurs et des reports de responsabilité (vers le haut et vers le bas de la hiérarchie) de façon actuelle (et avec la belle couche de fausse efficacité décomplexée).

On voit aussi un rapport à l'image pas simpliste avec des limites et des contraintes, une grande incertitude.

Citation :
LE FIGARO. - Quel a été le déclic qui vous a poussé à entreprendre la réalisation de ce documentaire ?

Errol MORRIS.-Oh ! Mais tout simplement le déclic d'un appareil photo ! D'ailleurs, tout est parti des 270 clichés donnés à la division Enquêtes criminelles de l'armée (Army Criminal Investigation Division, NDLR) et que j'ai tenu à montrer dans le film. Ce qui m'a le plus frappé dans ces images, pardonnez-moi, mais c'est bien sûr l'obscénité de certaines d'entre elles. La plus emblématique restera sans doute celle de « Gilligan », un homme nu encagoulé debout, juché sur une caisse en bois, les bras en croix, entourés de fils barbelés… Et quand on sait que ce sont parfois des femmes soldats qui infligeaient ce genre de mauvais traitements, on pense parfois aux textes du marquis de Sade. Ces photos n'ont pas été prises par des reporters de guerre, mais par de simples soldats…

Pourquoi avez-vous choisi ce titre S.O.P., en forme d'acronyme ?

J'ai choisi ce titre parce que derrière S.O.P., acronyme pour « Procédure standard d'interrogatoire », (Standard Operating Procedure) se cache une manière insidieuse de banaliser la torture.

Vous filmez parfois des lettres d'une femme soldat. Apparaissent alors les mots décrivant l'horreur. Pourquoi un tel procédé ?

Je voulais trouver un juste équilibre entre le film, les photos et le texte. J'ai alors repensé à Robert Bresson, dont je suis un grand fan. Il a utilisé ce type de technique à plusieurs reprises, notamment dans Journal d'un curé de campagne (1951). J'ai d'abord cru que ce serait répétitif. Mais en réalité, cela confère une force énorme au documentaire. Il faut toujours retenir les leçons des grands cinéastes…

Finalement, votre documentaire ne peut s'empêcher d'être politique. Est-ce une façon de sonder l'âme tourmentée de l'Amérique d'aujourd'hui ?

C'est vrai. Mais attention, je ne suis pas Michael Moore. Je n'ai aucun grief contre l'Administration Bush. Non, ce que je retiens, ce sont les mots de Janis Karpinski, générale de brigade rétrogradée depuis, qui déclare dans le film : « Les tortures perpétrées dans la prison d'Abou Ghraïb n'ont pas permis d'obtenir d'informations exploitables. » Aucun renseignement utile pour l'effort de guerre n'est jamais sorti de cette prison. Pourquoi alors avoir laissé se perpétrer de tels actes sans rien faire ?


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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyMer 26 Déc 2012 - 22:11

Errol Morris 45010

Gates of Heaven (1978)

Documentaire à base d'interviews ayant pour sujet les cimetières pour animaux. D'une façon déroutante le film explore d'abord le petit business puis la récupération en plus grand. Assez cruellement, l'amour porté aux animaux de compagnie côtoie le business, l'entreprise. ça ne veut pas dire que ça n'existe pas ou que c'est nié par le film mais le spectateur sera submergé par l'apparence, très plastique et très propre à l'américaine, et le business cohérent, jusqu'à l'extrême dans la deuxième moitié avec les paroles d'un des fils du patron sur ses motivational speeches (c'est monstrueux).

Du coup on ne sait plus vraiment où est le sujet, le rapport à la mort, à l'accomplissement, à la cohésion. On assiste peut-être à un portrait choquant d'un mode de vie (collectif). Il y a quelque chose de fascinant et de désarmant derrière la (sincère) maladresse visible.


"From the beginning, I would always object when people would say, 'It's the pet-cemetery movie.' No, no, no, no! It's not about pet cemeteries. And the next question is always,'If it's not about pet cemeteries, what is it about?' Well, that's tricky! In essence, it embodies many of the ideas that are in every single film I've made. The obsession with language. Eye contact. An interest in accounts of subjective experience rather than objective reporting. The fundamental belief that if you scratch the surface of any person, you will find a world of the insane, very close to that surface."

Errol Morris


You don't know where the US is standing after a State of the Union Address, but after seeing that film you will know. It's a film on a family behind all that [the pet cemetaries], with all their failures and all their dreams and all their dramas involved. And it's the only authentic film on love and emotion and late capitalism and maybe it's the only authentic film on loss of emotions and distortion of feelings and degeneration of feelings. It's a very, very sad film.
Werner Herzog
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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyVen 25 Mar 2016 - 10:44

Standard Operating Procedure

Décidemment, je suis de moins en moins sûre que la décision de certains documentaristes de laisser à la charge des spectateurs le soin de 'se faire son propre film' soit une bonne solution. Surtout quand il s'agit, comme dans SOP, d'évènements déjà profondément subjectifs, instables, compliqués parce que terriblement humains.

J'ai donc été gênée par le choix d'Errol Morris de ne pas intervenir durant son documentaire, de n'apporter aucune explication à ce qu'il donne à voir : des photos de militaires américains humiliant des prisonniers irakiens ; coupées par les interviews de militaires (essentiellement quatre femmes) et de mises en scène macabre.

On ne saura rien des effectifs de la prison, ni du nombre de militaires américains, de prisonniers irakiens ou de gardiens irakiens. On ne saura pas pourquoi il a interrogé essentiellement quatre femmes, un sergent black et deux ou trois autres soldats, on ne saura pas combien ont participé aux tortures (s'ils étaient plus nombreux, si les faits ne sont le résultat que d'un extrême petit nombre…). Juste à la fin on apprendra que le gradé qui a dirigé ces opérations est en prison (10 ans) et qu'on a interdit à la production de l'interviewer.

Je comprends qu'on puisse choisir de ne pas devenir juge des actes commis par les militaires et donc de renoncer à poser la question essentielle du pourquoi et de laisser au spectateur deviner les raisons qui ont conduit chacun à obéir à des ordres illégaux : tous s'accordent pour dire qu'on ne peut pas se soustraire à un ordre quand on est soldat (on connait bien cette ligne de défense depuis les nazis), et qu'il s'agit d'actes exceptionnels parce qu'on est en guerre (la prison chaque jour bombardée vous rappelle que d'autres soldats meurent sur le terrain) ; d'autres justifient leurs actes (en particulier dans des lettres) en expliquant qu'étant obligés d'être acteurs, ils se veulent également témoins de ce qu'on les a 'forcé' à faire. Une autre explique qu'elle était amoureuse… Un autre qu'il est devenu fou. Un autre encore qu'il était là au mauvais endroit au mauvais moment. Etc. Bien. Mais de regret : point. De remord : nul. De pardon : impensable.

Ils ont été jugés, cassés de leurs grades, ils ont payé leur dette en étant emprisonnés, ils sont aujourd'hui délivrés. Mais quid des irakiens humiliés ? Rien. Quid des irakiens torturés ? Nada. Pas un nom, pas un témoignage, pas une identité : rien que des corps nus, attachés, empilés, cognés, effrayés, mordus par des chiens et recousus vaille que vaille par une des militaires à qui on a 'appris'…

Voilà. Morris montre une photo de sévices et puis les tortionnaires prennent la parole pour tenter (en général) de minimiser la joie qu'on peut lire sur leurs visages hilares ou mettre en doute la violence des gestes : un expert dit : Vous voyez là il existe deux photos qui prouvent que Graner a frappé un irakien couché par terre, mais England affirme que c'était un jeu et qu'il n'a pas frappé le détenu (et c'est peut-être vrai) ; comme il est peut-être vrai qu'une minute plus tard (selon les dires d'un autre sergent) il a frappé un autre prisonnier. Etc. Les photos ne sont pas des preuves suffisantes, du moins en France… en France, la justice continue à privilégier la parole du condamné et de la victime pour décider de la peine encourue ; les films, les photos ne suffisent pas à condamner. Aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas et cela laisse malgré tout le sentiment d'avoir été floué, de ne pas avoir été conduit jusqu'au bout des choses, des pensées, des éléments qui ont créé l'horreur d'Abou G. L'impression d'être mené en bateau alors même que l'absence de commentaire se veut garant d'une belle objectivité. Mais on peut tout faire dire à une photo…

Il n'en reste pas moins, comme le dit animal, que ce documentaire est effrayant parce qu'il montre comment des soldats trop jeunes et malformés ont été utilisés à des fins mensongères. Comment des femmes ont été utilisées parce qu'elles étaient des femmes pour humilier les prisonniers irakiens. Comment la discrimination sexuelle ou religieuse a fonctionné à plein pour créer l'horreur… Et Guantanamo n'est toujours pas fermé et des prisons secrètes américaines (et pas que) continuent à faire croire aux militaires que par la torture on peut obtenir des informations valables. Une hérésie…

Merci à animal de m'avoir indiqué l'existence de ce documentaire, qui montre bien la difficulté à mettre en scène une réalité incommunicable et fuyante.
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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyVen 25 Mar 2016 - 23:09

En y repensant à la lumière de ton commentaire, c'est comme s'il rendait indissociables le pendant des faits, le pourquoi-comment complexe et difficilement sondable car il y a à la fois transgression et décalage, comme s'il s'agissait d'une autre réalité, de l'après plus normal, plus proche et qui est en même notre seule possibilité d'approcher les faits. Ce qui ne manque pas non plus de nous renvoyer à notre image de nous-mêmes et à notre manière de faire avec.

Dérangeant à plusieurs niveaux.

Il faudrait que j'en vois d'autres de ses films.
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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyDim 27 Mar 2016 - 10:13

C'était peut-être à chaud et ça se passait de commentaires pour parler ce qui se passait et dont on parlait beaucoup à ce moment-là. Cela aurait été peut-être intéressant d'imaginer qu'il aurait pu faire un deuxième documentaires qui aurait donné un peu plus la parole aux Irakiens. J'en avais vu quelques images, mais pas tout le documentaire.
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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyMar 29 Mar 2016 - 10:13

pia a écrit:
C'était peut-être à chaud et ça se passait de commentaires pour parler ce qui se passait et dont on parlait beaucoup à ce moment-là. Cela aurait été peut-être intéressant d'imaginer qu'il aurait pu faire un deuxième documentaires qui aurait donné un peu plus la parole aux Irakiens. J'en avais vu quelques images, mais pas tout le documentaire.

Oui j'ai aussi pensé que le documentaire avait été filmé 'à chaud' et qu'il n'avait donc pas besoin de commentaires superfétatoires sur le moment cependant même quand on a le sentiment de 'bien connaître' l'affaire, les seules images suffisent mal à raconter une histoire.

Je reviens sur l'idée d'animal du rapprochement des faits, de cette manière compliquée de relater ce qui ne peut se dire ni se comprendre et aussi peut-être ce que l'on n'a pas envie d'entendre et je le rapproche forcément de ma lecture récente de L'Ecriture ou la vie de Semprun, parlant de cette même difficulté à se faire entendre et de cette même perplexité face à la narration (quelle forme, quelle technique choisir pour être entendu ??). J'imagine que c'est la question que se pose dès le départ un documentariste... et qu'il n'y a pas de formule miracle...

Voilà ce qu'écrit Semprun après avoir vu au cinéma des images d'actualité sur la découverte des camps (nous sommes juste après la libération) et qui laisse penser que face à l'horreur le spectateur a besoin d'un sous-titre pour non seulement tenter de comprendre mais aussi (et surtout) tenter de sentir :

Citation :
Cependant, si les images des actualités confirmaient la vérité de l'expérience vécue -qui m'était parfois difficile à saisir et à fixer dans mes souvenirs- elle accentuaient en même temps, jusqu'à l'exaspération, la difficulté éprouvée à la transmettre, à la rendre sinon transparente du moins communicable.

Les images, en effet, tout en montrant l'horreur nue, la déchéance physique, le travail de la mort, étaient muettes. Pas seulement parce que tournées, selon les moyens de l'époque, sans prise de son directe. Muettes surtout parce qu'elles ne disaient rien de précis sur la réalité montrée, parce qu'elles n'en laissaient entendre que des bribes, des messages confus. Il aurait fallu travailler le film au corps, dans sa matière filmique même, en arrêter parfois le défilement : fixer l'image pour en agrandir certains détails ; reprendre la projection au ralenti, dans certains cas, en accélérer le rythme, à d'autres moments. Il aurait surtout fallu commenter les images, pour les déchiffrer, les inscrire non seulement dans un contexte historique mais dans une continuité de sentiments et d'émotions. Et ce commentaire, pour s'approcher le plus près possible de la vérité vécue, aurait dû être prononcé par les survivants eux-mêmes : les revenants de cette longue absence, les Lazares de cette longue mort.

Il aurait fallu, en somme, traiter la réalité documentaire comme une matière de fiction.

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MessageSujet: Re: Errol Morris   Errol Morris EmptyMar 19 Avr 2016 - 14:05

Errol Morris 91ti8p10

Tabloid (2010)

Citation :
Ce documentaire traite de l'affaire Joyce McKinney, une ancienne Miss Wyoming, qui fut accusé, en Angleterre en 1977, d'avoir enlevé et violé Kirk Anderson, un missionnaire mormon américain. Cette affaire devint un sujet majeur pour les tabloïds britanniques et déclencha une bataille entre le Daily Mirror et le Daily Express.

Quand vous ne connaissez pas cette histoire vous découvrez au fur et à mesure. D'abord une histoire d'amour très plastique, cliché et irréelle au possible. Ensuite vous basculez dans le rocambolesque dignes de films d'espionnage pour vous retrouver dans le drame policier. Enfin ? vous nagez dans le tabloid. Un côté soutient l'amour fou, l'autre va retourner un passé pas très glamour de call girl tendance dominatrice. Mais on ne s'arrête pas là...

Interviews, marque de fabrique du réalisateur, de Joyce McKinney, d'autres protagonistes entrecoupées d'images de vieux films, de photos de l'époque sur un mode léger si ce n'est directement humoristique.

Un film dont la perception évolue au fil des minutes. La question de la vérité : le sauvetage par amour du jeune missionnaire ou le kidnapping et le viol de la même victime, le mélange des deux ce n'est plus vraiment la question.

On retrouve, refait un parcours d'illusions du rêve américain aux extrémismes mormons et surtout on se retrouve privés de jugement devant l'incarnation, Joyce McKinney, de l'imagerie du tabloid comme caricature de notre monde. Un mouvement qui a des allures de ressassement qui a force induit une réalité individuelle. Ou plus qu'individuelle ?

Ce drame pas très sérieux a valu une action en justice de la part de la principale intéressée au réalisateur et aux distributeurs du film. Certes il y a de la folie dans cette histoire. C'est vraiment perturbant sans avoir de trop y toucher !
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