[url=https://servimg.com/view/11695915/16743][img]https://i.servimg.com/u/f13/11/69/59/15/a28.jpg[/img][/url]
[size=9]Miniature datant du XIIIe siècle extraite d'un recueil de poésies de Jean Bodel et qui le représente (homme tenant un texte dans ses mains).
Miniature de la Bibliothèque nationale de France, à Paris.[/size]
Trouvère arrageois, Jean Bodel débute dans la carrière littéraire comme jongleur vers 1190. En 1194, il est membre de la confrérie des jongleurs et bourgeois d'Arras en même temps que sergent de l'échevinage. Il prend la croix en 1199 ou 1200, lors de la prédication de Foulques de Neuilly qui prélude à la IVe Croisade, mais, devenu lépreux en 1202, il se retire à la léproserie de Beaurain, près d'Arras, où il meurt. (source Universalis)
[b]Le jeu de Saint Nicolas[/b]
Un classique du temps d’Adam de La Halle et de quelques autres qui on bâti l’édifice de notre belle littérature nationale.
Ce jeu est une de nos plus vieilles pièces de théâtre, dont il faut imaginer la magie de la gestuelle et des décors symboliques.
Il y a un arrière-fond historique puisque nous sommes aux alentours des années 1200, l’auteur lui-même a vécu l’euphorie des croisades et on peine à rallier pour la quatrième. Est-ce un écrit propagandiste en faveur de la foi et des conversions de masse ? On le dit.
Mais c’est à nuancer car le portrait de l’ennemi du moment, le Sarrasin, est brossé ici sous les traits d’un roi fort riche, plutôt avisé et entouré d’une cohorte d’orientaux parés et valeureux.
Il y a guerre idéologique et militaire entre les 2 camps irréconciliables (chrétiens et mahométans) et Bodel s’appuie sur une tradition hagiographique pour construire sa trame : celle de Saint Nicolas.
Il reprend et adapte cette belle histoire qui raconte que la statue du saint protège les trésors quand elle est posée dessus et que les malheureux voleurs qui tentent de se les approprier risquent de voir apparaître le saint lui-même pour remettre en bon ordre ledit trésor et leur conscience. De la morale donc, du merveilleux aussi, qui donne bien le ton de ces « miracles médiévaux ».
Ici, le roi Sarrasin a capturé un ennemi chrétien. Un brave homme, un de ces « prud’hommes » pieux, sincères et confiants en Dieu. Il risque la torture et promet au roi que Saint Nicolas fera doubler ses richesses.
Le Maure, narquois, est prêt à lui laisser une chance et annonce que son trésor est accessible à tous, mais que la statue de l’impie est censée le protéger.
Et il attend.
Au même moment, dans une sombre taverne, une bande de coquins joue aux dés et s’abandonne au vin enivrant. Ils décident d’approcher le trésor du roi Sarrasin…
Le dérobent et condamnent ainsi notre innocent prisonnier à mourir torturé car Saint Nicolas n’est qu’une affabulation.
C’est sans compter sur la foi et la prière de notre lumineux prisonnier ! Saint Nicolas lui-même vient alors morigéner les voleurs et leur enjoint de rendre le trésor. Dans la foulée, il en double la valeur.
Le Sarrazin capitule, la foi chrétienne est la vraie foi, opérative, il se détourne de Mahomet et se convertit au christianisme.
L’ensemble finit sur une prière commune.
Difficile d’interpréter ce texte, sans y voir un certain militantisme que je qualifierais de pacifique puisqu’ici, point de sang ou de violence. Juste un miracle, un fait surnaturel qui suscite l’adhésion du « païen », forcé de reconnaître la supériorité et la bonté des chrétiens.
Jean Bodet a-t-il lui-même rêvé une telle réconciliation entre ces deux idéaux religieux, si guerriers à son époque ?
Il y aurait beaucoup à méditer, mais je confirme l’extraordinaire qualité de cette œuvre, sa force et son charme.
:bravo: