Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Sylvie Germain

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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 12:12

Marko a écrit:
Mais c'est que tu finirais par me donner envie de le relire! laugh

Ce serait tout de même faire très fort avec tous les livres qui t'attendent!... laugh
Remonte plutôt aux débuts de l'oeuvre...
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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 12:15

bulle a écrit:
Very Happy Je pourrais le copier demain à mon retour du boulot Wink

Super!...Mais il ne faut pas que cela te donne trop de travail...(P.82-83-84 en Ed.Folio- Sinon, c'est dans La dixième apparition de La PLeurante...)
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coline
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 12:24

rivela a écrit:
Beau commentaire du livre Coline, les quelques extraits que tu as mis sont intéressant et donne envie de lire ce livre. et quelle ressource tu as, à peine lu déjà un commentaire complet du livre, moi qui me ronge les ongles pendant 2 heures à réfléchir sur ce que je peux écrire, mince.

conciliabule Bien sincèrement, il vaut mieux que je n'attende pas trop sinon je ne fais pas de commentaire...
Et pour tout dire, celui-ci m'a donné un peu de mal car j'avais plusieurs lectures de ce roman et je ne savais pas qu'elle était la plus juste...C'est en écoutant Sylvie Germain (vidéo) que je me suis décomplexée , elle accepte qu'il y ait plusieurs lectures. Alors je me suis lancée...
Et il y a bien plusieurs lectures possibles de ce roman car je ne crois pas que Nathria, Marko, Lucretius et moi ayons vraiment fait la même...
C'est génial, non?

Mais ne vous prenez pas la tête à savoir en cours de lecture...laissez-vous emporter par cette histoire (simple) si vous décidez de la lire... content
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rivela
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 12:42

Une histoire simple qui et sujet à débat, alors c'est réussit pour Sylvie Germain.
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Aeriale
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 14:24

Citation :
Tout le monde le sait, il s’agit dans ce roman, de la disparition
Ben non, je ne le savais pas mais ton beau commentaire Coline me donne envie d'en savoir plus.
Lara aussi a fait une belle analyse de cet "effacement" un thème fort qui donne matière à réflexion...

Du coup tu m'as mise l'eau à la bouche. Et un de plus, un, à noter de la rentrée...
(manque de bol. Marko avait plutôt réussi à me faire dire ' celui-là je le saute sourire ')
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Marko
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 15:28

aériale a écrit:
Citation :
Tout le monde le sait, il s’agit dans ce roman, de la disparition
Ben non, je ne le savais pas mais ton beau commentaire Coline me donne envie d'en savoir plus.
Lara aussi a fait une belle analyse de cet "effacement" un thème fort qui donne matière à réflexion...

Du coup tu m'as mise l'eau à la bouche. Et un de plus, un, à noter de la rentrée...
(manque de bol. Marko avait plutôt réussi à me faire dire ' celui-là je le saute sourire ')

L'important c'est qu'on lise Sylvie Germain Very Happy Mais surtout surtout lisez L'enfant méduse
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 19:03

J'ai pensé à Bulle et à Coline aujourd'hui!
En revenant de chez l'orthodontiste (ba oui c'est l'âge qui veut ça...), je suis passée à la librairie commander un livre de Beauvoir, Pourquoi faut-il brûler Sade?, (au passage qui n'est plus disponible ce qui commence à m'énerver, parce que je vois le moment où il ne va plus du TOUT être édité, et ça bien sûr avant que je mette la main dessus... humeur ), bref j'étais avec ma grand-mère et j'avais juste l'argent pour Beauvoir et pas plus, et Germain coûtait trop cher pour moi.. Donc en faisant la queue pour Beauvoir, je louchais dangereusement sur Hors-champs, ma grand-mère m'a vu et m'a demandé si je le voulais; J'ai culpabilisé 1/2 secondes, puis j'ai envoyé ma conscience aller se faire voir! J'ai fait un grand sourire et j'ai dit oui! J'ai fait un gros bisous à Mémé. Ce cadeau m'a consolé de ne pas avoir trouvé Beauvoir! swing
J'ai donc Hors champs et L'enfant méduse qui attendent que j'en ai fini avec Sarraute!!!!!! (Enfance au passage est un vrai coup de coeur!) cheers
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 19:09

Lara a écrit:
J'ai donc Hors champs et L'enfant méduse qui attendent que j'en ai fini avec Sarraute!!!!!! (Enfance au passage est un vrai coup de coeur!) cheers

Tu vas faire le grand écart!
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 19:31

Marko a écrit:
Lara a écrit:
J'ai donc Hors champs et L'enfant méduse qui attendent que j'en ai fini avec Sarraute!!!!!! (Enfance au passage est un vrai coup de coeur!) cheers

Tu vas faire le grand écart!

Avec Joie! cheers
J'ai confiance.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMar 1 Sep 2009 - 21:46

coline a écrit:
bulle a écrit:
Very Happy Je pourrais le copier demain à mon retour du boulot Wink

Super!...Mais il ne faut pas que cela te donne trop de travail...(P.82-83-84 en Ed.Folio- Sinon, c'est dans La dixième apparition de La PLeurante...)
Voilà content

@ Lara, content

Citation :
La ville n'était plus que noire et blanche. La terre, dans les squares et les parcs, s'était durcie en mottes couleur de suie saupourdrées de fine neige
où sautillaient d'énormes freux aux cris aigres. Les troncs des hêtres , des tilleuls, étaient gris anthracite et les façades des maisons semblaient crépies à poussière de scories. Mais les toits étaient blancs, les branches nues des arbres et les ramilles scintillaient de givre et les bouleaux étincelaient. Un soleil blême transparaissait au loin, très loin, dans le ciel voilé par les fumées qui s'élevaient en torsades noirâtres des cheminées. Il gelait à pierre fendre.
Les passants allaient à tout petit pas, les yeux embués de froid, le visage envaporé dans la brume de leur propre souffle. Mais les gens ne se regardaient pas, ne voyaient rien; toute l'attention était accaparée par le trottoir laqué de plaques de verglas. On marchait à pas d'équilibristes, les bras en balancier, les mains prêtes à amortir une chute.
Dans une rue du côté de Karlov des poubelles fumaient, emplies de cendres rousses à ras bord. Une odeur âcre flottait dans l'air glacé. Au deuxième étage d'une maison une fenêtre attirait le regard. Elle offrait un peu de couleurs. Derrière la vitre, à côté d'un compotier empli d'oranges était posé un vase en faîence orné de motifs jaunes et bleus. Le vase contenait un bouquet de chrysanthèmes mauves mêlés à d'autres, aux tons de cuivre et d'ocre pâle. Des monticules de charbon formaient de petites pyramides le long du trottoir, face aux soupiraux des caves. Un pigeon mort gisait au pied de l'une de ces pyramides à demi effondrée dont les morceaux s'éparpillaient alentour.
En ce jour de grand froid ce tas de lignite m'évoqua la nouvelle de Kafka, A cheval sur le seau à charbon, où le personnage part en quête de quoi remplir son poêle vide. " Fini le charbon, le seau est vide, la pelle ne signifie plus rien; le poêle souffle glacé, la pièce est gonflée de froid; par la fenêtre on voit les arbres raidis de givre; le ciel n'est plus qu'un bouclier d'argent qui s'oppose à toutes les prières. Il me faut pourtant du charbon, je n'ai pas encore le droit de geler. Derrière moi le poêle impitoyable, devant moi le ciel qui ne l'est pas moins; je dois passer juste entre les deux pour aller demander secours au charbonnier. "

Citation :
Et ce personnage est si pauvre et transi, son dénuement si grave, qu'il en devient burlesque. Le voilà qui s'envole dans l'air cinglant de froid à cheval sur son seau lamentablement vide. - " Magnifique, magnifique; des chameaux couchés sur le sol ne se lèvent pas plus splendidement en se secouant sous le bâton du conducteur. Dans la rue gelée, trot régulier; je monte parfois jusqu'au premier étage, jamais je ne descends jusqu'aux portes. " Le miséreux se pare de goire bouffonne, caracolant sur son alerte seau de parade. Et le cavalier transi ne doute pas qu'avec une telle monture il va attirer l'attention du charbonnier bien au chaud au creux douillet de sa cave, et conquérir sa pitié. Plus même que sa pitié:= son respect, une crainte sacrée. Car il sort tout droit du Décalogue, ce cavalier illuminé de froid, il est un écuyer de Dieu, - il est l'incarnation du Cinquième Commandement; ' Tu ne tueras pas. " - " Il faut que j'arrive comme le mendiant qui veut mourir au seuil de la maison, râlant de faim, pour décider la cuisinière à lui ingurgiter le dernier marc de café: à moi, il faut que le charbonnier, furieux, mais ébloui par l'Évidence du Commandement: " Tu ne tueras point" , jette une pelletée dans mon seau. "
Et il appelle le charbonnier d'une voix de héraut biblique, il l'interpelle au nom de la Loi, Mais le bonhomme est un peu dur de l'oreille; sa femme , elles, a très bien entendu, mais elle est dure du coeur, inflexible. Ce qu'elle voit, c'est un gueux à califourchon sur un seau vide, béant comme une gueule famélique. Un sans-le-sous, un bon à rien. Qu'il s'en aille donc au diable , ce grotesque jockey, qu'il s'en aille bien vite, lui et son cheval de fer, brouter au loin l'air glacé. Qu'il disparaisse loin, très loin de sa paisible et chaude cave. Alors elle dénoue son tablier et le secoue vivement pour chasser l'importun, comme on chasse un oiseau, une mouche. Le tablier claque dans la rue déserte, dans le silence vibrant du froid. Et le petit cheval de fer est de si peu de poids, son cavalier lui-même est si léger, qu'il bondit aussitôt et s'enfuit, - " Le vent d'un tablier de femme suffit à lui faire quitter le sol. "
Citation :

Et là-dessus il s'envole vers les cimes glacées. Il tombe au pays des icebergs et s'y perd à jamais, errant parmi les traces des petits chiens de l'Arctique. La charbonnière, indifférent à tous les Commandements, l'a exilé au bout du monde, au bout du froid, - désert livide d'où on ne revient pas.
Ici le charbon ne manquait pas; les caves en dégorgeaient sur le trottoir. Le cavalier transi aurait pu en gaver le ventre creux de son seau en bondissant d'un pyramide à l'autre.
Mais il manque toujours quelque chose. Il arrive touours un moment où l'on retrouve en selle sur un manque, sur un trou résonnant. Et il suffit alors que l'autre, auprès duquel précisément on venait mendier attention et secours, réponse à nos questions, pitié enfin, agite son mouchoir avec désinvolture ou sa main d'un air agacé, pour que nous soyons aussitôt propulsés aux confins des mers de glace.

Passa-t-elle, ce jour-là, la géante? Errait-elle dans le quartier de Karlov, était-elle au fond de la cave où s'éboulait lentrement le charbon? Tremblait-elle dans le froid sec qui raidissait la ville et les passants, claudiquait-elle, invisible, dans cette rue? Toujours est-il qu'elle se leva, qu'elle traversa le teste de Kafka dont je venais d'avoir réminiscence. Elle va partout, elle n'habite nulle part, elle hante tous les lieux. Or les textes aussi sont des lieux, - Ilos le sont même par excellence. Ils sont des lieux où tout peut advenir, - l'éblouissement et les ténèbres, et jusqu'à la parole de Dieu.

Citation :
Ils sont les lieux où s'illuminent la solitude, l'absence, où stridule le vide, où chante le silence. Chant de sirène en haute mer, en haute terre. Et le coeur fait naufrage, énamouré d'espace, épris d'immensité, oublieux de la mort car soudain de plain-pied avec elle. Non pas avec elle, vraiment, mais avec la pensée d'elle, - avec son futur imminent. Et le coeur fait naufrage pour mieux remonter au jour, dans les hauteurs du jour, et accoster la terre. La terre où nous croyons vivre, mais qui demeure toujours promise, toujours à l'horizon. La terre vers laquelle il nous faut sans cesse revenir, par tous les chemins, qu'ils soient de boue, de pierre, d'eau ou de ciel. Et les chemins de l'encre participent de tous; ils sont des raccourcis. Des raccourcis en tortueux labyrinthes qui nous font déboucher, parfois , abruptement, sur la plus claire des clairières. Un instant la vie est là, et nous sommes au monde. Nous nous tenons au vif, au mitant du monde, dont il nous semble frôler enfin le sens et la pleine beauté. Un instant la vie est là, lumineuse, et le monde nous est offert. Cela ne dure pas, mais cela laisse des traces, - runes d'amour fou gravées au profond de la chair, de la mémoire, et du désir de la pensée. Runes qui longtemps, longtemps, scandent leurs chants en sourdine dans notre sang.

Citation :
Ces textes-là, qui naufragent le coeur pour mieux le rendre universel, fût-ce le temps d'un battement, la géante au pied clochant les traverse de part en part. Ses pas résonnent dans leurs mots, ses larmes luisent entre leurs lignes.
Et ce jour-là elle murmura à fleur du texte que la vue d'un tas de charbon venait de m'évoquer. Et un instant il me sembla que si je me penchais vers le soupirail à moitié obstrué par cet amas de lignite, j'allais apercevoir ses yeux, ses yeux levés vers la trouée au ras du trottoir, du fond de la cave emplie de combustible. Ses yeux démesurés, et follement pleurants, d'une tendresse insoutenable. Ses yeux presque transparents, au regard suppliant, dévorant de lumière, consumé de pitié.
Des yeux que l'on ne peut croiser sans perdres la raison, - et qu'imaginer, déjà suffit à navrer la pensée. Des yeux dont le regard vous saisit à la gorge et ne vous lâche plus, vous enlace avec tant de douceur que l'on garde à jamais l'envie de pleurer, de pleurer de ses larmes à elle.
Je n'ai pas regardé, j'ai passé mon chemin. Et pourtant, je l'ai vue, et je la vois encore.

Elle n'a rien dit ce jour-là, elle ne dit jamais rien. Mais elle a fait éclater le texte remémoré, comme une vitre, et tous les bris de verre, tous les éclats de givre, sont tombés en moi. Et ce fut, cette fois-là, le mystère de la chair, la splendeur du désir, l'émerveillement de l'amour sans mesure, - et la douleur d'aimer, qui murmurèrent leur obsédante antienne.


A cheval sur un seau de charbon. Ceux qui ont froid, du froid insinuéè jusque dans les os, dans les veinnes, vont ainsi par les rues. A cheval sur une huche à pain. Ceux de la peau, coulée, acide, le long des nerfs, vont ainsi par les rues. Nul nel es voit, ils sont légers, transparents; ils volent au-dessus de nos têtes. Et si par mésaventaure nous les apercevons, nous détournons vite les yeux. Ce simple battement de cils suffit à les chasser, et alors ils s'envolent comme de vieux papiers emportés par le vent. Le vent mauvais, sifflant, de la misère. Du malheur.
A cheval sur un nom. Cela aussi peut arriver. Soudain on se trouve juché, pitoyable, hagard, sur le nom de celui ou de celle qui nous a quitté, qui a déserté notre amour. L'abandon est tel, la trahison si cruelle, que cela nous arrache à nous-mêmes, nous soulève du sol comme un fétu de paille. C'est que le corps de l'autre, enfui très loin du nôtre, parti s'offrir ailleurs, nous manque au point de nous priver du poids de notre propre chair. C'est que le corps de l'autre, de l'unique, était devenu notre lest en ce monde; il s'était même fait au fil du temps notre vrai corps, - corps de jouissance et de tendresse.

Nous sommes faits de la chair des autres. Il y a ces deux corps qui nous précèdèrent comme de toute éternité qui nous ont engendré, - ceux des parents. Il y a ceux qui grandirent à nos côtés, nés des mêmes parents, porteurs d'une même mémoire enfouie, obscure, dans la chair et le sang, - ceux de la fratrie. Il y a ceux qui s'engendrent à leur tour de notre propre chair, ces corps enfants qu'il faut longtemps veiller, nourrir et protéger pour les laisser mûrir et croître jusqu'à ce qu'ils se détachent de nous et s'en aillent d'une démarche ferme au-delà des frontières que nous avions tracées. Tous nous demeurent consubtantiels.
Et il y a cet être qui surgit soudain, venu d'ailleurs, qui se détache un jour de la foule et vient à notre rencontre, s'approche tout près de nous. Qui s'approche si près que son souffle se mêle au nôtre, que son visage se glisse en nous. C'est l'amant, c'est l'amante, qui se fait notre corps compagnon. Notre corps second. Et qui, bien consubtantiel, par les voies du désir qui coupent à l'oblique celle de la filiation.

Citation :
Pour l'avoir contemplé, enlacé, caressé, pour avoir dormi tout contre lui, dans sa chaleur et son odeur, pour l'avoir désiré d'un désir encore accru au comble même de son assouvissement, on le connaît, cet autre, comme nul ne le connaît, - Il est sacré, le corps de l'amant, de l'amante, il est pur, jusque dans les fougues et les râles du désir s'accomplissant. Il est notre secret, notre orgueil et notre bonheur. Bonheur fertile qui féconde tous nos autres instants de bonheur, tous nos autres élan vers le monde, vers les choses et les êtres . Il est la stèle dressée tout le long du chemin, à chaque carrefour; la stèle dont le texte se renouvelle sans cesse et dont on ne se lasse pas de recommencer la lecture , avec les doigts, les lèvres autant qu'avec les yeux.

On le croyait nôtre, inséparable, d'une indéfectible complicité, ce corps second. On se leurrait. Le voilà qui s'en va, nous renie, nous oublie. Et la douleur pénètre dans chaque pore de la peau, elle s'insinue partout, et la raison, que l'on tâche pourtant d'endurcir, éclate, s'effrite. La raison ne veut plus rien entendre, c'est l'épouvante. On se heurte à l'absence de l'autre, on ne sait plus où aller, où se cacher, où fuir. On s'humilie, on se surprend à épier, éperdument, sa silhouette dans la rue, dans la foule, à sursauter au moindre bruit. comme s'il s'en revenait; tous les pas sont ses pas. Mais lui, elle, marche ailleurs, si loin de nous, indifférent.


Citation :
On l'accuse, le maudit, l'injurie, mais le pardon déjà se trame au fond de nous. On voudrait mourir, mais on perdure, tendu dans le désir fou de le revoir. Encore une fois , juste une fois, rien qu'une fois. On le hait, mais on l'appelle avec l'immense patience, et douleur et amour des prophètes rappelant leur peuple frivole à la fidélité. On se moque, on médit de l'infidèle, - on blasphème, mais un mendiant recroquevillé au dond de nous lui tend la main, l'implore.
Et l'on s'envole, à cheval sur un nom; on dérive vers les cimes glacées du silence où se gèlent nos larmes, nos appels. On tremble, on est si nu, on a si froid. On supplie l'autre de venir vêir notre nudité de son corps. On est si nu, que l'on est écorché, à moitié dépeaussé. On est nu jusqu'au coeur. Et l'on se sent petit, infiniment, et laid, tout ratatiné de chagrin et de froid, indésirable à soi-même, à tous, de n'être plus désiré par l'autre. L'autre qui jamais ne reviendra.

Alors on se replie sur son vide, on n'a même plus de mots, de souffle, pour appeler l'autre. On est vaincu. L'amour fou pour l'autre ne nous met plus en apesanteur, nous retombons, lourd d'absence, si pesant de chagrin, de honte. - " Des sommets blancs de tous côtés, mon seau, unique tache sombre. Si tout à l'heure j'étais en haut, je suis en bas maintenant, je me tords le cou à regarder les montagnes. Des étendues de glace couvertes de gelée blanche, coupées de stries laissées par les pistes de patineurs disparus. Sur la neige haute dont pas un pouce ne cède, je marche sur la trace des petits chiens arctiques. Ma chevauchée a perdu tout sens, je descends et je porte mon seau sur mon épaule."

Les pas de la géante faisaient crisser le texte, et le Cinquième Commendement vibrait dans l'air glacé. Mais la ville était sourde, la tere un névé noir, le ciel un bouclier de fer. Les amants délaissés rasaient les murs, le front baissé, les lèvres closes, bleuris de froid. Nul ne les remarquait, - on est si fade quand on chute au profond du malheur qu'on en devient insignifiant.
La géante pleurait au fond des caves, accroupie sous les tas de chabon. Elle pleurait en silence dans la crasse et le froid la douleur des amants qui se sont plus aimés.
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMer 2 Sep 2009 - 0:37

aériale a écrit:
Citation :
Tout le monde le sait, il s’agit dans ce roman, de la disparition
Ben non, je ne le savais pas mais ton beau commentaire Coline me donne envie d'en savoir plus.

J'aime beaucoup Sylvie Germain (je précise au cas où vous ne sauriez pas... sourire ), je ne sais pas comment dire...elle me parle plus profondément que la pupart des autres auteurs...
Mais ses livres ne sont pas de ceux dont on peut dire aux autres avec certitude: oui vas-y, fonce...
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMer 2 Sep 2009 - 0:44

Lara a écrit:
J'ai pensé à Bulle et à Coline aujourd'hui!
En revenant de chez l'orthodontiste (ba oui c'est l'âge qui veut ça...), je suis passée à la librairie commander un livre de Beauvoir, Pourquoi faut-il brûler Sade?, (au passage qui n'est plus disponible ce qui commence à m'énerver, parce que je vois le moment où il ne va plus du TOUT être édité, et ça bien sûr avant que je mette la main dessus... humeur ), bref j'étais avec ma grand-mère et j'avais juste l'argent pour Beauvoir et pas plus, et Germain coûtait trop cher pour moi.. Donc en faisant la queue pour Beauvoir, je louchais dangereusement sur Hors-champs, ma grand-mère m'a vu et m'a demandé si je le voulais; J'ai culpabilisé 1/2 secondes, puis j'ai envoyé ma conscience aller se faire voir! J'ai fait un grand sourire et j'ai dit oui! J'ai fait un gros bisous à Mémé. Ce cadeau m'a consolé de ne pas avoir trouvé Beauvoir! swing
J'ai donc Hors champs et L'enfant méduse qui attendent que j'en ai fini avec Sarraute!!!!!! (Enfance au passage est un vrai coup de coeur!) cheers

Ah!...ta grand-mère a de la chance d'avoir une Lara qui aime lire!...
J'adorais le moment où mon petit-fils hésitait sans fin avec gourmandise sur plusieurs livres quand je lui disais: "Un seul s'il te plaît!" pour qu'à la fin il en emporte deux tout de même... Je faisais le grand coeur mais j'étais si heureuse qu'il aime les livres! content
Son appétit de lecture lui est passé...Je le regrette... Sad

"Enfance" de Sarraute est un livre très beau. Je crois que j'avais dû écrire un commentaire sur le fil il me semble...


Dernière édition par coline le Mer 2 Sep 2009 - 1:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMer 2 Sep 2009 - 0:46

Lara a écrit:
Marko a écrit:
Lara a écrit:
J'ai donc Hors champs et L'enfant méduse qui attendent que j'en ai fini avec Sarraute!!!!!! (Enfance au passage est un vrai coup de coeur!) cheers

Tu vas faire le grand écart!

Avec Joie! cheers
J'ai confiance.

Je te dirais bien de commencer par L'enfant méduse... Wink
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMer 2 Sep 2009 - 1:01

[quote="bulle"] @ Lara, content

Citation :
La ville n'était plus que noire et blanche....La géante pleurait au fond des caves, accroupie sous les tas de charbon. Elle pleurait en silence dans la crasse et le froid la douleur des amants qui se sont plus aimés.


Bulle a fait un gros travail puisqu'elle a carrément mis le chapitre entier...Ul n'est peut-être pas facile de comprendre quand on ne sait pas ce que raconte La pleurante des rues de Prague...
Merci Bulle!

Ce qui concerne plus précisément la nouvelle de Kafka:
Bulle a écrit:



"En ce jour de grand froid ce tas de lignite m'évoqua la nouvelle de Kafka, A cheval sur le seau à charbon, où le personnage part en quête de quoi remplir son poêle vide. " Fini le charbon, le seau est vide, la pelle ne signifie plus rien; le poêle souffle glacé, la pièce est gonflée de froid; par la fenêtre on voit les arbres raidis de givre; le ciel n'est plus qu'un bouclier d'argent qui s'oppose à toutes les prières. Il me faut pourtant du charbon, je n'ai pas encore le droit de geler. Derrière moi le poêle impitoyable, devant moi le ciel qui ne l'est pas moins; je dois passer juste entre les deux pour aller demander secours au charbonnier. "

Et ce personnage est si pauvre et transi, son dénuement si grave, qu'il en devient burlesque. Le voilà qui s'envole dans l'air cinglant de froid à cheval sur son seau lamentablement vide. - " Magnifique, magnifique; des chameaux couchés sur le sol ne se lèvent pas plus splendidement en se secouant sous le bâton du conducteur. Dans la rue gelée, trot régulier; je monte parfois jusqu'au premier étage, jamais je ne descends jusqu'aux portes. " Le miséreux se pare de goire bouffonne, caracolant sur son alerte seau de parade. Et le cavalier transi ne doute pas qu'avec une telle monture il va attirer l'attention du charbonnier bien au chaud au creux douillet de sa cave, et conquérir sa pitié. Plus même que sa pitié: son respect, une crainte sacrée. Car il sort tout droit du Décalogue, ce cavalier illuminé de froid, il est un écuyer de Dieu, - il est l'incarnation du Cinquième Commandement; ' Tu ne tueras pas. " - " Il faut que j'arrive comme le mendiant qui veut mourir au seuil de la maison, râlant de faim, pour décider la cuisinière à lui ingurgiter le dernier marc de café: à moi, il faut que le charbonnier, furieux, mais ébloui par l'Évidence du Commandement: " Tu ne tueras point" , jette une pelletée dans mon seau. "
Et il appelle le charbonnier d'une voix de héraut biblique, il l'interpelle au nom de la Loi, Mais le bonhomme est un peu dur de l'oreille; sa femme , elle, a très bien entendu, mais elle est dure du coeur, inflexible. Ce qu'elle voit, c'est un gueux à califourchon sur un seau vide, béant comme une gueule famélique. Un sans-le-sous, un bon à rien. Qu'il s'en aille donc au diable , ce grotesque jockey, qu'il s'en aille bien vite, lui et son cheval de fer, brouter au loin l'air glacé. Qu'il disparaisse loin, très loin de sa paisible et chaude cave. Alors elle dénoue son tablier et le secoue vivement pour chasser l'importun, comme on chasse un oiseau, une mouche. Le tablier claque dans la rue déserte, dans le silence vibrant du froid. Et le petit cheval de fer est de si peu de poids, son cavalier lui-même est si léger, qu'il bondit aussitôt et s'enfuit, - " Le vent d'un tablier de femme suffit à lui faire quitter le sol. "

Et là-dessus il s'envole vers les cimes glacées. Il tombe au pays des icebergs et s'y perd à jamais, errant parmi les traces des petits chiens de l'Arctique. La charbonnière, indifférent à tous les Commandements, l'a exilé au bout du monde, au bout du froid, - désert livide d'où on ne revient pas.
[...]Mais il manque toujours quelque chose. Il arrive touours un moment où l'on retrouve en selle sur un manque, sur un trou résonnant. Et il suffit alors que l'autre, auprès duquel précisément on venait mendier attention et secours, réponse à nos questions, pitié enfin, agite son mouchoir avec désinvolture ou sa main d'un air agacé, pour que nous soyons aussitôt propulsés aux confins des mers de glace."
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MessageSujet: Re: Sylvie Germain   germain - Sylvie Germain - Page 18 EmptyMer 2 Sep 2009 - 10:18

Oh merci Bulle d'avoir tout copié!
J'ai tout lu!
Et même si je ne connais que vaguement l'histoire, je peux te dire que cette géante me touche beaucoup. C'est drôlement poétique:

Citation :
Nous sommes faits de la chaire des autres.
(...)
Elle va partout, elle n'habite nulle part, elle hante tous les lieux. Or les textes aussi sont des lieux, - Ilos le sont même par excellence. Ils sont des lieux où tout peut advenir, - l'éblouissement et les ténèbres, et jusqu'à la parole de Dieu.Ces textes-là, qui naufragent le coeur pour mieux le rendre universel, fût-ce le temps d'un battement, la géante au pied clochant les traverse de part en part. Ses pas résonnent dans leurs mots, ses larmes luisent entre leurs lignes.
(...)
Elle n'a rien dit ce jour-là, elle ne dit jamais rien. Mais elle a fait éclater le texte remémoré, comme une vitre, et tous les bris de verre, tous les éclats de givre, sont tombés en moi. Et ce fut, cette fois-là, le mystère de la chair, la splendeur du désir, l'émerveillement de l'amour sans mesure, - et la douleur d'aimer, qui murmurèrent leur obsédante antienne.
(...)
Un instant la vie est là, et nous sommes au monde. Nous nous tenons au vif, au mitant du monde, dont il nous semble frôler enfin le sens et la pleine beauté. Un instant la vie est là, lumineuse, et le monde nous est offert. Cela ne dure pas, mais cela laisse des traces, - runes d'amour fou gravées au profond de la chair, de la mémoire, et du désir de la pensée. Runes qui longtemps, longtemps, scandent leurs chants en sourdine dans notre sang.
(...)
Nul ne les remarquait, - on est si fade quand on chute au profond du malheur qu'on en devient insignifiant.
La géante pleurait au fond des caves, accroupie sous les tas de chabon. Elle pleurait en silence dans la crasse et le froid la douleur des amants qui se sont plus aimés.

Oh je ne la connais pas et elle me touche tout de même. c'est fou les mots.
Quant à la nouvelle de Kafka, et bien Germain à une jolie façon de l'analyser. J'aime:
Citation :
Mais il manque toujours quelque chose. Il arrive touours un moment où l'on retrouve en selle sur un manque, sur un trou résonnant. Et il suffit alors que l'autre, auprès duquel précisément on venait mendier attention et secours, réponse à nos questions, pitié enfin, agite son mouchoir avec désinvolture ou sa main d'un air agacé, pour que nous soyons aussitôt propulsés aux confins des mers de glace.
/
Et je comprends mieux après avoir lu!
Il y a l'air d'avoir une ambiance assez sordide chez Kafka.
Vous rallongez mes listes de lecture là. Very Happy
Merci en tout cas Bulle et Coline!
conciliabule Je vais essayer de lire bien vite après Sarraute. L'enfant méduse, puis hors champs, en respectant l'ordre. Wink
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Sylvie Germain
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