Mamá [Andres Muschietti]

MAMÁ

Le réalisateur (Andres Muschietti, qui en est également le scénariste) de ce film est peut-être inconnu, par contre, le producteur est Guillermo Del Toro (Son fil, ici; et on retrouve son influence.

Deux petites filles disparaissent juste après une histoire glauque (père qui tue la mère et enlève ses enfants).
Elles trouvent refuge dans une vieille maison abandonnée, en pleine forêt, au bord d'un lac. Cinq après (elles doivent avoir 6 ans pour la plus petite, 10 ans pour la plus grande), elles sont retrouvées (l'oncle les a cherché assidûment pendant tout ce temps). Enfants sauvages, elles sont suivies par un psychanalyste, et installées avec leur oncle et sa petite amie rock'n roll, dans une grande et belle maison.
Leur comportement, évidemment, est étrange (surtout la plus petite) : elles dorment parterre, parlent peu, chantonnent une chanson, mangent presqu'exclusivement des cerises, ont des poupées faites de brindilles et de boue.
Qui plus est, elles semblent s'être inventées un être protecteur et rassurant qu'elles nomment Mamá.

Seulement... Mamá semble exister pour de vrai...


Ce qu'il y a de bien dans ce film, et qu'on retrouve notamment dans quelques films de Del Toro, c'est que l'horreur est au service de l'histoire, et non l'inverse. On nous raconte une fable fantastique et sombre. On n'est pas là pour nous faire sursauter sur notre fauteuil ou montrer des scènes violentes et gores au possible.
Et en plus, on s'intéresse à l'enfant, aux mécanismes psychologiques de protection, de capacités à mêler imaginaire et réalité, et au pouvoir de créer quelque chose de palpable d'un élément complètement éthéré.
Rendre Vrai le Fabuleux.

J'ai aimé les gamines.
La petite, proche du petit animal. Qui surgit dans le noir, qui effraie par ses comportements instinctifs.
La grande, ses regards qui en savent tellement mais ne dit rien. L'impression qu'elle porte trop de choses sur ses épaules, qu'elle veut protéger tout le monde.
La jeune femme, distante, méfiante, qui ne veut pas de gosses, et qui se retrouve avec deux êtres étranges. Qui fait des efforts, prends sur elle. Petit à petit, s'attache.
Le fantôme, tantôt apeurant par sa force, son mystère, sa colère, sa possessivité, tantôt attendrissant, par sa protection, ses jeux, ses chansons, ses poupées.

Le spectateur oscille constamment entre la peur que tout finisse mal, l'envie de les voir trouver un équilibre tous ensemble, ou de voir débarquer avec soulagement une sorte d'happy end de chaque chose à sa place.

Dans ce film, on ne sait jamais vraiment pour qui l'on doit avoir peur. C'est rare cet attachement au Monstre.

Les acteurs sont tous très bons, en tout cas les deux petites filles et Jessica Chastain. Les personnages masculins sont complètement zappés, presqu'inutiles (si ce n'est pour introduire un ou deux rebondissements, qui, même parfois, ne servent à rien).
J'ai aimé l'omniprésence du fantôme, comme on le sent partout, tout le temps, et comme il devient de plus en plus envahissant, imposant. Les effets très gothiques de ses apparitions sont à la fois doux et sombres, avec un voile brumeux, comme mouillé (qui rappelle parfaitement son histoire).

J'ai aimé tous les contrepieds avec les films du genre, notamment, le fantôme n'est pas que méchant, et la fin. Quelle fin ! Bravo ! C'est Absolument une fin Parfaite, équilibrée, censée, intelligente, émouvante et tragique.

Absolument rien à ajouter ou à enlever.

Rien à ajouter si ce n'est insister sur le fait que ce film est une réussite dans le genre. Il a remporté le prix du public et le grand prix du festival de Gérardmer. Existant initialement en version courte, c'est Guillermo del Toro qui leur a proposé de les aider à développer une version plus longue. D'où peut-être cet aspect de conte horrifique et une certaine fragilité/force des figures feminines qu'on retrouve dans le film ? Pas de violence gratuite mais des frissons et de l'émotion. On en redemande ! Un réalisateur à suivre.

Je vous rejoins pour souligner la qualité de l'interprétation des filles et de Jessica Chastain (vraiment polyvalente dans ses rôles). La peur est en effet au service du récit et ne devient jamais un artifice gratuit.
J'ai par contre été beaucoup moins convaincu par la mise en scène qui tient difficilement la durée : les mêmes effets de style sont sans cesse répétés ainsi que les leitmotivs musicaux. Sur ce point, le passage à une version longue est à mon avis laborieux tant la dernière demie-heure maintient péniblement une tension, même si la résolution finale retrouve une force expressive.
D'autres aspects m'ont plus ou moins gêné, des personnages secondaires inutiles (forcément sacrifiés) à une contextualisation sociale expédiée mais maladroite. Il est cependant peu évident de construire une structure cohérente dans le genre horrifique (auquel je suis souvent peu sensible) et Muschietti ne s'en sort pas trop mal.

C'est vrai que toute l'histoire au deuxième plan ne fonctionne pas bien du tout, et ne sert pas à grand chose.
(Pour le côté social horrifique réussi, l'immédiat exemple qui me vient, c'est Morse, mais il y en a d'autres c'est certain, mais c'est vrai que pour Mama je ne garderais pas cet aspect en mémoire)

Quelqu'un de mon entourage avait eu les mêmes réticences que toi sur les apparitions trop répétitives et trop nombreuses du fantôme. Je n'avais pas du tout ressenti cela, parce que je trouvais très cohérent qu'elle soit énormément présente, et de plus en plus. Et je trouve logique qu'elle ne fasse pas moult choses différentes, c'est l'histoire basique d'un fantôme : une obsession, une fonction, agit en boucle, toujours les mêmes comportements. C'est une ancienne vision de laquelle s'est beaucoup éloigné le cinéma d'aujourd'hui mais que je trouve très cohérente.

Je suis convaincu sur le papier mais le fantôme m'a déçu sur un plan visuel (j'avoue que c'est complètement subjectif) en plus d'être dévoilé trop vite à mon goût, sans laisser aucun mystère sur la légitimité des apparitions ainsi que sur l'issue d'un conflit.

Avadoro a écrit:

Je suis convaincu sur le papier mais le fantôme m'a déçu sur un plan visuel (j'avoue que c'est complètement subjectif) en plus d'être dévoilé trop vite à mon goût, sans laisser aucun mystère sur la légitimité des apparitions ainsi que sur l'issue d'un conflit.

Je ne comprends pas : aucun mystère sur la légitimité des apparitions et l'issue du conflit (parce que, finalement, le conflit se termine pas de façon si prévisible que ça, non ?).
A quels moments, les apparitions t'ont semblé "gratuites" ?


Moi, j'aime bien, visuellement, son côté arbre, branchu, écorche écorcée (pour son corps), et le côté liquide, vaseux, mou (de son visage) : rappel très fort de son histoire.

Queenie a écrit:

Moi, j'aime bien, visuellement, son côté arbre, branchu, écorche écorcée (pour son corps), et le côté liquide, vaseux, mou (de son visage) : rappel très fort de son histoire.

Autant je te rejoins concernant l'aspect visuel branchu écorché écorcée, autant son visage, j'ai trouvé que c'était un mauvais choix. J'aurais préféré un faciès moins excessivement déformé, ça aurait rajouté à l'angoisse. Là, je sortais un peu du film aux moments où son visage apparaissait. C'était un poil trop.

J'ai trouvé qu'un suspense artificiel était maintenu à travers l'investigation du docteur, alors que l'identification du fantôme est vite établie ainsi que les motifs de sa présence (le témoignage vidéo de l'aînée est explicite). L'imagination, le doute, sont des facteurs laissés de côté et cela m'a frustré. C'est vrai que le rebondissement de la conclusion peut surprendre mais le cheminement vers celle-ci (affrontement symbolique avec Jessica Chastain) est surligné et vite perçu.
Concernant la gratuité des apparitions, elles sont surtout trop répétitives pour moi : le même procédé (à partir du mur et du placard) est sans cesse reproduit. Au bout d'un moment, il n'y a plus d'étonnement.

Je n'ai pas beaucoup aimé ça. Trop d'effets faciles (bouh! Fais moi peur en surgissant du hors champ). Un fantôme/Poltergeist inspiré des films japonais (chevelure tentaculaire, déplacements saccadés et rapides) beaucoup trop visible sans suffisamment de place pour le mystère et la suggestion. Les 2 gamines sont ce qu'il y a de plus flippant dans le film. J'aurais presque préféré la piste du trouble de la personnalité multiple à cette histoire de trauma assez classique. Dans le genre je trouve nettement mieux 2 Soeurs, The Ring ou Dark Water (y compris les remakes américains). J'avais plus envie de rire qu'autre chose. C'est du grand-guignol et c'est assez formaté. La scène finale plutôt macabre est sympa. Sans plus! Dommage par ce que j'adore ce genre de films.

Marko a écrit:

J'avais plus envie de rire qu'autre chose. C'est du grand-guignol et c'est assez formaté. La scène finale plutôt macabre est sympa. Sans plus! Dommage par ce que j'adore ce genre de films.

  Je ne veux pas le voir!