jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Gatien Lapointe Sam 6 Juil 2013 - 13:23 | |
| Gatien Lapointe (1931-1983) a livré l'un des plus beaux recueils de poésie québécoise, Ode au Saint-Laurent. Lors des années 1960, ses talents de poète sont révélés sur la scène québécoise et il gagne notamment le prix du gouverneur-général du Canada en 1963 pour Ode au Saint-Laurent. Ce recueil contient le poème du même titre qui est d'ailleurs assez long. Après ces débuts fort prometteurs, Gatien Lapointe se retire. Arbre-radar finit par donner une nouvelle trajectoire à son oeuvre déjà remplie. Quelques années après, il nous quittait déjà. Je vous laisse parcourir sa bibliographie : - Citation :
- - Jour malaisé, 1953
- Otages de la joie, 1955 - Le temps premier, 1962 - Ode au Saint-Laurent, 1963 - Le premier mot, 1967 - Confrontation, 1973 - Arbre-radar, 1980 - Québec, 1981 - Corps et graphies, 1981 - Barbare inouï, 1981 - Le premier paysage, 1983 - Instant-phénix, 1986 - Tard dans la nuit, 2002 | |
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jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Gatien Lapointe Sam 6 Juil 2013 - 13:48 | |
| Il nous faut révéler davantage les talents en présence. Gatien Lapointe a écrit dans Ode au Saint-Laurent, outre le poème du même nom, «Présence au monde» que je retranscris ici : - Citation :
- «Présence au monde»
C'est le premier matin du monde et j'interroge Homme demeure errante dans le temps Un nid fait son feu sous la pluie Une femme enceinte fleurit son seuil Un arbre tremble de mille paroles La chaleur enveloppe l'univers La lumière creuse des sources Un secret bouge entre la terre et moi.
Je trouve d'instinct les mains du soleil J'apprivoise l'odeur sauvage Je pèse le temps d'un fruit qui rougit Je dis le temps qui mûrit dans mon coeur Un frisson élargit ma main Un sourire aggrave mes yeux Ma langue remplit d'eau le nuage flétri Je ne vis que dans la lueur du combat.
Je fais des digues je plante des phares Je souffle sous l'écorce du plaisir Toute forme caresse un mot nouveau Je parle au nom de tous les hommes Je tends des filets et j'écoute J'approche la terre de mon oreille Je tire des images du fond de la terre De mon toit je salue l'aurore de chaque homme.
Douce déchirante merveille d'être Je me grise de voir et de toucher Je m'enflamme de chaque floraison Et chaque grain dore en moi ses épis J'oriente le cours d'eau je donne élan au feu Je révèle et je définis dans l'éphémère Je touche le ciel du bout de la main Et c'est le ciel qui me brûle les yeux.
Chaque mort de l'homme agrandit ma tombe J'entends la plainte des oiseaux qu'on tue Je vois le bond des bêtes qu'on enchaîne Je conduis au jour l'arbre aveugle Et je veille au fond de chaque blessure Un destin m'identifie à chaque être Je quitterai la peine du voyage Je regarde au plus près de ma maison.
J'assemble des mots d'ombre et de lumière Je traduis en oracles chaque souvenir Et demain m'ouvre aujourd'hui sa demeure Le monde est ma présence Je borde mon chemin j'aiguise mes outils Je sème et je récolte au rythme du soleil Et la nuit qui tombe ne me surprend pas J'appelle un grand amour.
Je souffre et le sapin cache sa bouche Quel secret coupe mon visage en deux Quel mot à mi-chemin de naître et de mourir J'ai un grand besoin d'habiter Je mets des nids dans chaque main Dans chaque pas je plante un mot d'espoir Un feuillage établit l'harmonie de ma table D'ici je dis oui au temps de la terre
J'abolirai la mort je vivrai à tout prix. | |
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