Un bon début, ça aide...

Ce qu'il advint d'Emma par la suite ? Oui, excellente question. Mais qui était Emma au fond ?

Une bonne femme dépravée qui hantait la cote depuis longtemps ? Une
aventurière débordant de vie ou une jeune fille candide qui voulait simplement du bien à tout le monde ?

Emma était tout ça et bien plus encore.
Elle était connue des chasseurs longtemps avant d'arriver en personne, et
elle était aimée à Alborg, d'où elle venait, dans tout le Danemark et presque partout dans le monde.
Parce qu'Emma existe et a depuis toujours existé dans le coeur de presque tous les hommes. La plupart d'entre eux connaissent leur Emma et l'adorent.

Jorn RIEL - Ce qu'il advint d'Emma par la suite. Dans le recueil Un safari
arctique. P. 81.

Emma : une femme, une fée ? Bonne question. Je me la pose depuis le jour
de Noel où j'ai rencontré moi-meme une fée en chair et en os. Ou plutot, c'est elle qui m'a rencontré...
Pour cause de défection du Père Noel.

Ici, il neige. C'est un jour pour Jorn Riel. Tout le monde aime Jorn Riel et
ses copains et leurs avatars.

Je revois encore la blancheur de ma mère pendant qu'elle glisse sous la
surface de la rivière.
Je suis dans ma cuisine immaculée quand le souvenir me revient, des années plus tard.
Nous sommes quelque part à l'ombre, au bord de la rivière Holcomb, et
ma mère porte une combinaison blanche qui ondoie dans l'eau.
Elle est très pale et grosse et le ballonnement de la combinaison la fait
paraitre énorme.
Agenouilée dans l'eau, immergée jusqu'aux épaules, elle tourne le visage
vers le ciel. Ses bras adipeux tremblotent dans l'air, plongent dans l'eau
sombre. Elle inspire et ferme la bouche. Elle glisse loin de moi, loin de nous tous.

Je suis tout juste assez grande pour savoir que ça ressemble à une noyade.
Pouquoi sommes nous allées à la rivière quand elle est gonflée par la pluie, quand elle court si fort et si vite ?
Pourquoi ?

Jim GRIMSLEY - l' Enfant des eaux.

L' Enfant des eaux est découpé sous forme de brefs récits qui ressemblent fort à une chronique de famille. Et qui pourrait etre autobiographique. En tout cas, c'est l'impression qu'on a.
Une famille de Caroline du Nord. Pauvre, presque misérable. Pauvres gens,
pauvres blancs.
Décrits avec tendresse et nostalgie. Une prose maigre et précise qui
dissimule bien ce qui n'est pas dit ou exprimé.

bix229 a écrit:

Jim GRIMSLEY - l' Enfant des eaux.

L' Enfant des eaux est découpé sous forme de brefs récits qui ressemblent fort à une chronique de famille. Et qui pourrait etre autobiographique. En tout cas, c'est l'impression qu'on a.
Une famille de Caroline du Nord. Pauvre, presque misérable. Pauvres gens,
pauvres blancs.
Décrits avec tendresse et nostalgie. Une prose maigre et précise qui
dissimule bien ce qui n'est pas dit ou exprimé.

C'est son roman le plus réussi, le plus sobre avec son premier "Les oiseaux de l'hiver" . Les autres sont plus mélodramatiques malgré des personnages très attachants (Confort et joie qui est la suite des oiseaux notamment). Pareil pour Dreamboy. Ils sont en grande partie autobiographiques et il semble avoir eu une enfance traumatique. C'est un peu l'ancêtre de Brokeback Mountain d'Annie Proulx.

Après sa mort, il revenait. Toujours.
Le dernier jour de la semaine de deuil, lorsque la perte s’était fondue dans le quotidien, que la douleur, il fallait déjà la rechercher, telle une piqûre d’insecte hier encore urticante et aujourd’hui devenue à peine perceptible, quand on avait mal au dos à force de rester assis sur les sièges bas imposés aux survivants, pour ces sept jours, par l’ancienne coutume, il revint, avec le plus grand naturel, pénétra dans la pièce au milieu des autres visiteurs, dont rien en apparence ne le distinguait.

Melnitz Charles Lewinsky

Depuis six semaines un calme relatif règnait sur le front espagnol.
L'hiver était froid; le vent de Guadarrama fouettait Madrid; dans leurs tranchées, les Maures crachaient le sang.
Les cols de la Sierra Nevada étaient impraticables, les miliciens de la république étaient sans uniformes ni couvertures et leurs hopitaux manquaient de chlorophorme; on les amputait de leurs doigts gelés sans
les endormir.
A l' hopital anarchiste de Malaga l'un d' eux chanta la Marseillaise tandis
qu' on lui coupait deux orteils; cette méthode fit école.

Arthur KOESTLER - Un testament espagnol

Koestler était correspondant d'un journal londonien pendant la guerre civile
d'Espagne.
Arreté à Malaga par les franquistes, après la chute de la ville, il fut condamné à mort, et pendant 4 mois, il attendit son exécution.
Dans la préface au livre, il écrit que deux raisons avaient justifié la publication de son témoignage.

1. Ce qui se passe dans la tete d'un homme condamné à mort.

2. L'expérience démontre que toute guerre se compose de dix pour cent seulement d'action et de quatre vingt dix pour cent de souffrance passive.

Comme George Orwell, Koestler est un homme qui n'a pas craint de s'engager, c'est à dire de risquer concrètement sa liberté et sa vie pour
informer le monde de l'horreur dont il était témoin et qu'on ne pouvait
ignorer.
Comme Orwell et d'autres, anonymes ou non, il fut l'honneur et la conscience de son époque.

J'ai tout pardonné, Pourtant, quand j'avais vingt ans, si l'on m'eût dit que je pardonnerais, et facilement encore, mon dépit eût été grand. J'y tenais à ma haine. Il ne se passait pas de jour que je ne la secoue . Non pas pour m'en défaire. Pour m'assurer de sa vigueur. Pour réentendre le tintement des vieilles chaînes. Pour me convaincre qu'il ne fallait jamais arriver où j'en suis. Mais la haine et la rancoeur sont choses si inutiles qu'une aération quotidienne ne les empêche pas de se vermouler. De tous les lieux communs, le plus commun c'est, je pense, que le temps est le plus grand remèdes.
Le temps....Et pour moi, et pour LUI. Les dernières années, il était sans défence, fragile et pitoyable, à la merci d'autrui autant que peut l'être un enfant. De sa violence et de sa tyrannie, il avait perdu jusqu'au souvenir et il eût été bien étonné d'apprendre que nous ne l'avions pas toujours aimé. Il est parti comme un bon père de famille, content de lui et content de sa progéniture. Tout semble ainsi fort bien. L'époque où je n'imaginais ce passage que prédédé de dramatiques reproches me raaît bien lointaine. Des reproches? Et à qui? À ce petit être ridé, fondu de moitié, tremblant, démuni de tout ce qui fait l'homme - la vue, l'ouïe, le muscle, l'entendement - ? À ce petit être dépossédé de la force cruelle qui avait été à la fois son orgueil et son maître? Il ne nous inspirait plus que douceur, la douceur qu'à l'autre bout de ses quatre-vingt-dix annnées il avait dû inspirer à sa mère, comme si la filiation, entre lui et nous, avait rebroussé chemin. J'avais toujours su qu'il vivrait tèrs vieux bâti comme il était à chaux et à sable, mais je n'avais pas prévu que sa longévité donnerait à ma pitié le temps de survenir. - Dans un gant de fer - Claire Martin

Surement que la phrase y est sur le topic mais j'ai pas trop envie de me taper les 17 pages.

Le monde inverti - Christopher Priest a écrit:

« J’avais atteint l’âge de 1000 Km »

Samael a écrit:

Surement que la phrase y est sur le topic mais j'ai pas trop envie de me taper les 17 pages.

Le monde inverti - Christopher Priest a écrit:

« J’avais atteint l’âge de 1000 Km »

Excellent roman de SF que j'ai adoré

Ceci est le livre de Franz Biberkopf, naguère terrassier et déménageur à Berlin.
Lequel vient de quitter la prison où l'avaient fourvoyé de vieilles histoires.
Il se retrouve à Berlin et veut désormais etre honnète.
Au début, tout ira bien. Mais à la longue, et bien que jouissant d' une
certaine aisance matérielle, il sera jeté en lutte et bataille contre quelque
chose d'imprévisible et qui, venue de l'extérieur, ressemble à la Fatalité.
Par trois fois, elle l'assaille et fausse le tracé de sa vie.
L'homme est dupé, moqué, ignoblement joué. Il remonte le courant et tient toujours.
Bassesse le malmène, vilenie le frappe. Il se relève avec peine, presque
hors de combat.
Alors une force brutale le terrasse, formidable, inouie.
Et voilà l'homme aux abois. Il a tenu bon jusqu'au bout; maintenant toute
issue barrée, il abandonne la partie, se voit achevé.

Alfred DOBLIN - Berlin Alexanderplatz

Etrange début. Etrange roman... Le ton et la couleur sont là tout de suite.
Berlin. République de Weimar, années 1925-3O...
Un homme se présente, criminel repenti, ou presque.
Le livre mélange les genres... Il n'est pas d'un accès très facile pour ce dont je m'en souviens...

Celui-là m'a scotché ! Surtout pour une première approche de cet auteur :

Citation :

- L'homme a la bite en pointe ! Haarrk ! l'homme a la bite en pointe ! fit la voix aiguë, nasillarde et comme avinée de Heidegger.
Brusquement excédé, Eléazard von Wogau leva les yeux de sa lecture ; pivotant à demi sur sa chaise, il saisit du premier livre qui lui tomba sous la main et le lança de toutes ses forces vers l'animal.

Jean-Marie Blas de Roblès - Là où les tigres sont chez eux.

Steven a écrit:

Celui-là m'a scotché ! Surtout pour une première approche de cet auteur

Ah oui dis donc!!
Je ne le voyaiis pas comme ça non plus: il est vraiment blase le Roblès..

aériale a écrit:

Steven a écrit:

Celui-là m'a scotché ! Surtout pour une première approche de cet auteur

Ah oui dis donc!!
Je ne le voyaiis pas comme ça non plus: il est vraiment blase le Roblès..

C'est un perroquet à moitié sénile qui s'exprime et qui dit sa phrase favorite...

Plus j' avance, plus j' observe, plus je me regarde vivre, moins je conçois
qu'il soit possible de considérer l' histoire des peuples et l' histoire de
l' esprit autrement que comme une série d' alternances tantot rapides et
tantot précipitées, de désintégrations par la connaissance et d' intégrations par l' amour....

C'est le rythme du drame biologique où, de la cellule sexuelle, surgit l' aventure de l' organisme supérieur que la faim et l' amour portent à
recréer la cellule sexuelle pour se précipiter, par elle, dans un organisme nouveau.

Elie FAURE - L' Esprit des formes.

Cet ouvrage date de 1927 et il n' a pas vieilli. Et il a inspiré en son temps un certain André Malraux...