Lecture en commun - Edmund White : Hôtel de Dream

cooool! Merci.

Nezumi a écrit:

Queenie a écrit:

J'ai l'impression que ça fait très "français", genre univers artistique qui foisonne comme tout ce qui tournait autour de Sartre-Beauvoir, voyez ?

Tu veux dire le style de White ou le milieu artistique qui gravite autour de Crane ? Parce que oui, en effet, il a toute une cour d'admirateurs qui le considèrent comme un petit génie, sa femme en premier.
C'est pour ça que Kena et moi nous étonnons que quelqu'un qui tenait de l'écrivain culte à l'époque soit à moitié oublié aujourd'hui.

Pour le fond en tout cas, pour la forme, je pourrais pas trop dire.

Je pense qu'en anglais, ça doit être vraiment bien écrit, Kenavo confirmera.

Parce qu'en français je trouve que parfois ça sonne bizarre, c'est le petit bémol que je mettrais...

Selby, non je ne pense pas (dit la fille qui n'en a jamais lu...). Il y est souvent question de sexe, avec un langage cru, l'ambiance y est mortifère et tout, mais ça reste plutôt érudit et truffé d'allusions littéraires. Et en même temps ce n'est pas rasoir du tout, il a un grand talent pour recréer les atmosphères urbaines, je ne suis pas prête d'oublier sa description du New-York populaire du début du siècle. Et puis tous ces portraits écrivains...j'aime de plus en plus ce genre de "biographie fantasmée".

Nezumi a écrit:

Je pense qu'en anglais, ça doit être vraiment bien écrit, Kenavo confirmera

oui.. c'est très bien, je ne peux que confirmer

Nezumi a écrit:

j'aime de plus en plus ce genre de "biographie fantasmée".

ah oui.. depuis des années un grand faible pour moi... et si je tombe sur un si bon et beau livre qu'est cet Hotel de Dream, j'en ai encore plus envie


Chapitre 9

Pour la première fois Edith Wharton est citée.. et avec un terme assez négatif:
august friend de Henry James.. pas très flattant et surtout étonnant parce que je ne la voyais pas si "rigide" dans ses convictions, mais si Henry James lui-même a peur qu'elle rencontre le couple Stephen/Cora à cause de leur situation (ils ne sont pas mariés), cela doit être le cas..

Stephen sent approcher sa mort où il n'a plus envie/l'énergie d'écouter les ragots rapportés par Cora, mais il veut continuer de lui dicter son roman.
Intéressant aussi les idées de Cora concernant le sujet de ce roman: si Stephen se voit lui-même en tant que Theodore (maintenant) et Elliott (étant jeune), et si ce monde masculin ne veut pas en plus montrer qu'il veut garder Cora à distance, un monde qui l'exclue..

Ce chapitre donne aussi un très long extrait de ce roman.. et c'est un pur déclice.. le portrait de cet homme, Theodore, devient de plus en plus palpable et l'image que White a donné avec le Gilles et encore plus convaincante.
Le moment le plus touchant: quand Theodore, qui a loué une chambre pour Elliott dans laquelle il peut le retrouver tous les jours, le porte le premier jour sur ses bras au-dessus du seuil.. comme des jeunes mariés

kenavo a écrit:

Pour la première fois Edith Wharton est citée.. et avec un terme assez négatif:
august friend de Henry James.. pas très flattant et surtout étonnant parce que je ne la voyais pas si "rigide" dans ses convictions, mais si Henry James lui-même a peur qu'elle rencontre le couple Stephen/Cora à cause de leur situation (ils ne sont pas mariés), cela doit être le cas..

Oui, les auteurs de l'époque sont décrits comme plutôt conservateurs. White montre la rigidité morale de l'époque, même dans les milieux censés être plus ouverts. Déjà qu'ils désapprouvent l'union libre de Cora et Stephen, ce n'est même pas la peine d'envisager ce qu'ils penseraient du roman "Le garçon maquillé".

kenavo a écrit:

Stephen sent approcher sa mort où il n'a plus envie/l'énergie d'écouter les ragots rapportés par Cora, mais il veut continuer de lui dicter son roman.
Intéressant aussi les idées de Cora concernant le sujet de ce roman: si Stephen se voit lui-même en tant que Theodore (maintenant) et Elliott (étant jeune), et si ce monde masculin ne veut pas en plus montrer qu'il veut garder Cora à distance, un monde qui l'exclue..

Tout à fait, voyant que toute l'énergie de Stephen se concentre sur "l'étrange petit livre", Cora formule les hypothèses que tu dis et se demande aussi s'il n'y exprime pas "des tendances ancrées en lui". Elle écarte ensuite cette idée en se rappelant à quel point son mari aime les femmes. Cela dit, comme tu le soulignes, le personnage de Théodore devient de plus en plus crédible, en particulier dans ces pages du Chap.9 qui montrent sa passion pour Elliott. Pour un homme à femmes, Crane sait bien décrire le désir pour le corps masculin, avec ce luxe de détails intimes. Est-ce juste le talent du romancier, qui sait se glisser dans d'autres peaux que la sienne, ou a t'il éprouvé cette attirance pour Elliott ?

kenavo a écrit:

Ce chapitre donne aussi un très long extrait de ce roman.. et c'est un pur déclice.. le portrait de cet homme, Theodore, devient de plus en plus palpable et l'image que White a donné avec le Gilles et encore plus convaincante.
Le moment le plus touchant: quand Theodore, qui a loué une chambre pour Elliott dans laquelle il peut le retrouver tous les jours, le porte le premier jour sur ses bras au-dessus du seuil.. comme des jeunes mariés

Oui, la scène est touchante, d'autant plus qu'on comprend que cette histoire est sans issue. D'abord parce que la société n'est évidemment pas prête à accepter ce genre de situation. Et puis si Théodore est sincèrement amoureux, il sait qu'Elliott, lui, se laisse aimer, même s'il se sent bien avec Théodore et apprécie le confort matériel que cette liaison lui apporte.

Ce que je retiens de ce passage, c'est la façon dont Crane se met lui-même en scène. Théodore remarque la casquette qu'il a offerte à Elliott, le temps que son amant passe avec le "petit écrivain journaliste hirsute". Il se met à les suivre et commence à éprouver une jalousie dévorante qui le poussera à faire surveiller Elliott par un détective privé (nommée Maggie!).
C'est drôle cette place déterminante que se donne Crane dans ce roman, et on peut vraiment se demander s'il n'y exprime pas ses fantasmes. A moins qu'on apprenne plus tard qu'en effet, il a vraiment joué un rôle dans l'histoire entre Elliott et Théodore.

Chapitre 10
On a l'explication de l'escapade de Crane à La Havane: il ne se "décidait pas à emménager avec Cora" et était incapable d'oublier un ancien amour. C'est également lors de ce séjour qu'il contracte les maladies qui vont tellement l'affaiblir.
Dans ce chapitre, je remarque que le passage du "il' au "je" se fait de plus en plus facilement, de façon presque imperceptible. Cela reflète la confusion qui règne dans l'esprit fiévreux de Crane, et puis peut-être aussi la manière dont il s'intègre à son roman en tant que personnage?

kenavo a écrit:

Nezumi a écrit:

j'aime de plus en plus ce genre de "biographie fantasmée".

ah oui.. depuis des années un grand faible pour moi... et si je tombe sur un si bon et beau livre qu'est cet Hotel de Dream, j'en ai encore plus envie

Tu vas positivement te régaler avec The women de TC Boyle, une des meilleures du genre que j'aie lues à ce jour. Tu m'as dit que tu l'emmenais en vacances ?
A propos, il va falloir que nous bouclions rapidement cette LC Edmund White alors, même si c'est un vrai plaisir de commenter ce roman en prenant le temps.

Nezumi a écrit:

ce n'est même pas la peine d'envisager ce qu'ils penseraient du roman "Le garçon maquillé".

impossible de le publier dans son temps

Nezumi a écrit:

Pour un homme à femmes, Crane sait bien décrire le désir pour le corps masculin, avec ce luxe de détails intimes. Est-ce juste le talent du romancier, qui sait se glisser dans d'autres peaux que la sienne, ou a t'il éprouvé cette attirance pour Elliott ?

tout à fait.. c'est étrange comme il semble avoir le plaisir de revenir encore et encore aux détails du corps d'Elliott.. il se peut qu'il se 'cache' derrière Theodore

Nezumi a écrit:

Ce que je retiens de ce passage, c'est la façon dont Crane se met lui-même en scène. Théodore remarque la casquette qu'il a offerte à Elliott, le temps que son amant passe avec le "petit écrivain journaliste hirsute".

oui, comme il ne lui suffisait pas de laisser derrière lui une oeuvre, mais en plus une présence de lui-même dans le roman..

Nezumi a écrit:

Chapitre 10
On a l'explication de l'escapade de Crane à La Havane: il ne se "décidait pas à emménager avec Cora" et était incapable d'oublier un ancien amour. C'est également lors de ce séjour qu'il contracte les maladies qui vont tellement l'affaiblir.

tout à fait.. on a la réponse et il n'était vraiment pas engagé de revenir vers Cora.. d'ailleurs, le plus qu'il faiblit, le plus elle lui tappe sur les nerfs, en tout cas il fait des remarques mesquines sur elle et son comportement.

Nezumi a écrit:

Dans ce chapitre, je remarque que le passage du "il' au "je" se fait de plus en plus facilement, de façon presque imperceptible. Cela reflète la confusion qui règne dans l'esprit fiévreux de Crane, et puis peut-être aussi la manière dont il s'intègre à son roman en tant que personnage?

ce passage du "il" au "je" a aussi eu mon attention.. j'ai en fait relu un passage, parce que je n'étais plus sûre comment on était arrivé à cela.. et j'aime bien tes deux explications.. toutes deux probables..

petite remarque à côté: White mentionne la Librairie du Congrès à Washington (rendez-vous de Stephen Crane et Lily, son grand amour) - une connaissance de moi a vécu 25 ans à Washington et elle parlait toujours avec enthousiasme de cette librairie.. et si ce rendez-vous est simplement une invention de White pour parler lui-même de ce sublime endroit?

Nezumi a écrit:

Tu vas positivement te régaler avec The women de TC Boyle, une des meilleures du genre que j'aie lues à ce jour. Tu m'as dit que tu l'emmenais en vacances ?

oui.. lu les premières 200 pages.. mais je veux le terminer d'une traite et donc les vacances sont idéales pour cela..

Nezumi a écrit:

A propos, il va falloir que nous bouclions rapidement cette LC Edmund White alors, même si c'est un vrai plaisir de commenter ce roman en prenant le temps.

oui, on va y arriver.. en ce qui me concerne, il y a encore quelques jours - pas de nouvelle lecture en commun avant le 15 ..

kenavo a écrit:

petite remarque à côté: White mentionne la Librairie du Congrès à Washington (rendez-vous de Stephen Crane et Lily, son grand amour) - une connaissance de moi a vécu 25 ans à Washington et elle parlait toujours avec enthousiasme de cette librairie.. et si ce rendez-vous est simplement une invention de White pour parler lui-même de ce sublime endroit?

Superbe! Merci pour la photo, ça donne une de ces envies de la visiter...

Nezumi a écrit:

ça donne une de ces envies de la visiter...

ô que oui...

bon, continuons


Chapitre 11

Stephen et son "cortège" (dixit Cora) est arrivé à Bâle et il l'interprète qu'elle parle du "Trauerzug" (est-ce qu'on fait une différence en français? parce qu'en allemand cela fait quand même une différence et White parle ici du mot "cortège" en temps d'un enterrement)

autre jeu de mot que j'ai retenu: Taylor était son "nom de pute"

S'ensuit encore une fois une plus longue partie du roman, il y a la visite chez le détective et Theodore apprend surtout que Elliott a probablement la syphillis et au lieu de craindre, il se réjouit - et espère presque qu'il l'a aussi attrapé - et fait des phantasmes sur leur maladie qu'ils vont 'partager' ensemble.. comme si à ce moment Elliott allait lui "appartenir" à lui tout seul..


encore une fois deux remarques sur la célébrité de Stephen Crane: dans le chapitre 10 il remarque que Cora est nerveuse avant leur départ vers Calais, disant: ce voyage pourrait "tuer l'auteur américain le plus célèbre" et qu'on ne lui pardonnerait pas de l'avoir emmené à faire ce voyage
et dans le chapitre 11 il parle d'une citation dans la presse qu'il est l'héritier de Edgar Allen Poe..
tout parti en cendres

Je suis drôlement impressionnée, il en génère des commentaires ce livre ! Mais j'avoue que j'ai un peu de mal à suivre vos commentaires, c'est un de ces livres qu'il faut lire pour comprendre vraiment de quoi les autres parlent on dirait (ou peut-être que c'est juste moi ).

Epi a écrit:

Je suis drôlement impressionnée, il en génère des commentaires ce livre !

à part le fait que le livre est vraiment riche en détails pour commenter, le moment qu'on est à deux.. on peut commencer à analyser chaque virgule

Epi a écrit:

Mais j'avoue que j'ai un peu de mal à suivre vos commentaires, c'est un de ces livres qu'il faut lire pour comprendre vraiment de quoi les autres parlent on dirait (ou peut-être que c'est juste moi ).

non.. probablement tu as raison.. à partir du moment qu'on sait que celui qui fait cette lecture est à l'autre bout du message, on n'explique pas tout et tout.. tandis que sans connaissance du texte.. les commentaires deviennent probablement un peu flou

Je trouve qu'on sent tout de même l'ambiance générale (un peu foutraque non?) du livre. Après, c'est sûr que les petits détails sont flous.

Epi a écrit:

Je suis drôlement impressionnée, il en génère des commentaires ce livre ! Mais j'avoue que j'ai un peu de mal à suivre vos commentaires, c'est un de ces livres qu'il faut lire pour comprendre vraiment de quoi les autres parlent on dirait (ou peut-être que c'est juste moi ).

Je confirme Epi! Ce n'est pas toi, j'ai essayé de vous suivre intriguée par cette incroyable (et très alléchante) profusion de commentaires mais je n'ai pas pu le faire correctement.
Dès que j'ai du temps je relirai tout le début mais c'est clair que vous nous avez mis en appétit, et merci

Queenie a écrit:

Je trouve qu'on sent tout de même l'ambiance générale (un peu foutraque non?) du livre.

aériale a écrit:

mais c'est clair que vous nous avez mis en appétit, et merci

je ne sais pas si ce livre me plait autant à cause de cette lecture si intense.. mais en tout cas si on aime le genre de la biographie romancée.. c'est un pur plaisir