Celine Sciamma

Dommage que le résumé de Tomboy ne permette pas au film de conserver intact le secret de ses premières minutes et de jouer avec les interrogations du spectateur. Malgré cela, le talent et les prouesses réalisées par Céline Sciamma nous permettent malgré tout de continuer à douter : l’enfant que nous voyons est-il une fille ou un garçon ? On a l’impression que les deux lui conviennent parfaitement et qu’il revient uniquement au spectateur de trancher, selon la focale qu’il choisit d’adopter.

Laure n’a pas décidé de son plein gré de se faire passer pour un garçon. Ce sont les circonstances qui l’ont amenée à mentir sur son identité. Nouvelle arrivée dans un quartier où personne ne la connaît, elle rencontre Lisa. Par quelques mots anodins, Laure comprend que celle-ci la prend pour un garçon, et plutôt que de rétablir la vérité, Laure se trouve un nouveau prénom : Mickaël. C’est aussi simple que ça. Céline Sciamma n’a pas envie de chercher des explications en remontant dans le passé de Laure ou en invoquant les failles du milieu familial dans lequel elle a grandi. Ce foyer, d’ailleurs, semble très humain et chaleureux, et Laure paraît s’y sentir à l’aise.


L’enjeu tourne plutôt autour de la difficulté à garder le mensonge intact. Souvent, il semble à la limite d’être démasqué. Ainsi lorsque les autres enfants, jouant à action et vérité, insinuent un rapprochement amoureux entre Lisa et Mickaël, lorsqu’il s’agit de jouer à torse-nu sur le terrain de football ou de passer un après-midi à nager dans le lac, chaque jeu anodin se charge soudain d’enjeux énormes, épreuves que Laure arrive à surmonter avec ruse, mais au prix d’interrogations qui surviennent bien trop tôt dans son existence. La petite sœur de Laure est bientôt prise au jeu du mensonge, mais lorsque ses parents prennent conscience de la supercherie dont leur fille a usé durant tout l’été, Laure est contrainte d’avouer la vérité à ses amis.
Encore plus talentueuse que dans la Naissance des pieuvres, Céline Sciamma innove dans une histoire imprévisible qu’elle ne cherche pas à dénaturer ou à rendre conventionnelle en y introduisant des éléments d’explication forcément oiseux. Le mérite revient aussi aux acteurs de tout âge –enfants, préadolescents, adultes- dont le ton sonne avec justesse et noblesse, parvenant ainsi à sublimer la réalisation de Céline Sciamma.

Je n'en peux plus de l'attendre :

Bande de filles plait beaucoup aux critiques. Je l'attends aussi.

Bon alors ???

Dolan nous a fait kiffer du Celine Dion.
Sciamma (re)donnera des envies de Rihanna.

Maryvonne a écrit:

Bon alors ???

Dolan nous a fait kiffer du Celine Dion.
Sciamma (re)donnera des envies de Rihanna.

J'ai bien l'impression... Je vais y aller cette semaine.

Marko a écrit:

Maryvonne a écrit:

Bon alors ???

Dolan nous a fait kiffer du Celine Dion.
Sciamma (re)donnera des envies de Rihanna.

J'ai bien l'impression... Je vais y aller cette semaine.  

Partante!!!

Bande de filles


Ambiance planante et enveloppante, belle photographie en format scope, musique électronique joyeuse ou mélancolique, tendresse du regard qui suspend les moments d'amitié et de bonheur éphémères pour compenser la dureté du constat social. Le film raconte en quelques chapitres séparés par des fondus au noir la métamorphose d'une adolescente réservée et soumise en guerrière prête à affronter le milieu dont elle cherche à s'extraire. La liberté a un prix mais elle sera peut-être prête à la conquérir. Très beau film qui envoûte et touche par la justesse avec laquelle il montre la complicité entre ces adolescentes. Je trouve un tout petit peu plus faible la dernière partie où la magie du début se dilue un peu et perd de son rythme. Mais l'ensemble se boucle sur une fin sobre et émouvante. Une cinéaste qu'on suivra avec beaucoup d'intérêt.

D'accord avec Marko pour la photographie, les moments d'amitié et de bonheur éphémères. J'ajouterai que j'ai été bluffé par les actrices de la bande de fille. Mais Marianne trouve t' elle vraiment la liberté ? Ici, je spoile pour ceux qui n'ont pas vu le film et veulent le voir.

Spoiler:

C'est voulu par la réalisatrice bien sûr mais j'ai vu une chronique répétitive qui m'a un peu lassé, à part dans ces brefs moments que tu décris si bien Marko. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour moi.

J'ai aimé le côté tribal qu'elle explorait déjà dans Tomboy. Je pense qu'elle s'intéresse à la persistance de ces organisations archaïques dans les rapports humains d'aujourd'hui. Elle crée une belle dynamique de groupe. Parfois j'ai pensé à Éléphant de Gus Van Sant pour le côté atmosphérique et la déification des adolescents. Elles sont magnifiques et magnétiques. La liberté? Bien fragile évidemment mais elle fonce en tout cas.

(et quelles métamorphoses entre les 3 moments du films… impressionnant)

Bande de filles

J'ai été sensible à la perception d'une dimension collective, à la recherche d'une affirmation personnelle qui doit affronter l'impasse et l'échec. La mise en scène de Céline Sciamma exprime toujours un regard d'une grande force même si j'ai été, contrairement à Tomboy, sceptique face à certains choix. Le film me semble souvent trop stylisé et la musique de Para One est séduisante mais presque trop présente, intrusive.

Sciamma privilégie une ambiance certes fascinante, au détriment d'une puissance narrative et d'une clarté expressive. Le visage de Marieme-Vic est un fil conducteur abrupt, émouvant mais j'espérais davantage.

Marko a écrit:

La liberté? Bien fragile évidemment mais elle fonce en tout cas.

Pour moi, si la liberté fonce, c'est dans le mur. Et d'autres films, sur le même sujet, m'ont bien plus impressionné ("Sweet sixteen" de Ken LOACH, par exemple.)

Bon, ma question va être idiote, car j'ai peur de ne pas comprendre la réponse. Mais qui ne tente rien n'a rien. Le film est séduisant dans quel sens, pour vous - en dehors du fait que le personnage principal est en lui-même fascinant - ? Car votre réponse changera peut-être ma vision. En plus, ma lecture actuelle a peut-être faussé celle-ci.

Exini a écrit:

Le film est séduisant dans quel sens, pour vous - en dehors du fait que le personnage principal est en lui-même fascinant - ?

C'est d'abord un plaisir esthétique. Il y a une ampleur dans la façon de filmer, d'accompagner les personnages dans les étendues urbaines de la Défense comme dans le métro par exemple. Une caméra aérienne qui ouvre ou ferme l'espace. Il y a une sensualité du mouvement. Celui des filles qui dansent, se battent, marchent... mais aussi la façon de déplacer la caméra en elle-même. Un mélange d'animalité et de douceur. La photographie contribue à cette sensualité. Il y a une stylisation qui n'est pas gratuite. La réalisatrice nous fait partager l'intimité de ces filles et les montre à la fois dures et fragiles. Des enfants qui ont grandi trop vite (l'une suce même son pouce en dormant). Elle doivent se battre pour ne pas s'effondrer. La stylisation sert à sublimer leur beauté, leur énergie, à suspendre le temps avant que la violence du milieu ne les dévore. Il y a une précarité de ces bulles de joie et de complicité.



J'aime aussi l'absence de manichéisme. Tous obéissent aux lois de leur organisation sociale quasi tribale. Le personnage de l'amoureux de l'héroïne principale est touchant par sa sensibilité, ses limites, son impuissance à changer le cours des choses.

Pour la liberté, je pense aussi que les personnages sont dans l'impasse mais cette fille en tout cas s'approprie tous les codes pour mieux les contourner. Je ne sais pas si elle s'en sortira mais elle en a l'énergie. Et on peut imaginer que ce soit possible...

On se retrouve sur certaines idées (j'avais aussi remarqué que l'une d'elle suçait son pouce lors de son sommeil) et bien sûr les scènes où les filles se retrouvent, libérées de toute pression, sont réussies. Je te remercies en tout cas d'avoir répondu !

Je le reverrai plus tard (lors de sa diffusion télé ?), mais à tête reposée.