Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Carmen

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shanidar
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MessageSujet: Carmen   Carmen EmptyVen 23 Sep 2011 - 14:40

Tentative de lecture croisée de l'oeuvre de Mérimée : Carmen, je devrais dire des oeuvres tant les avatars de cette Bohémienne sont importants ; une oeuvre tout à la fois littéraire, musicale, picturale, cinématographique, qui nous emporte de Mérimée à Thomas Mann, de Bizet à Goran Bregovic en passant par Enrico Rava, de Francisco Rosi à Carlos Saura en passant par Chaplin (si, si) et même une adaptation sud-africaine, signée Mark Dornford-May. On ne compte pas le nombre d'incarnation de cette histoire dont l'opéra est sans doute l'un des plus joué au monde !

et pour commencer :
Carmen Ambre10
Portrait d'Emilie Ambre en Carmen par E. Manet, peint en 1880
car avec Carmen, Mérimée met en scène tout le désir de pittoresque et de couleur locale qui caractérise les intellectuels du XIXème siècle, avides de voyages (tour d'Europe et autres visites de l'Orient, à l'instar de Flaubert et bien d'autres). Ce qui se joue ici n'est pas seulement le drame d'une passion, mais surtout la représentation emblématique d'une pensée tournée vers l'étranger, l'étrange et l'inconnu...
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shanidar
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MessageSujet: Re: Carmen   Carmen EmptyVen 23 Sep 2011 - 14:47

C'est en 1845, que Mérimée publie Carmen dans La Revue des Deux Mondes et voici ce qu'il dit de cette nouvelle :

Le 16 mai 1845, il écrit à la comtesse de Montijo (future impératrice Eugénie) :

Je viens de passer huit jours enfermé à écrire (...) une histoire que vous m'avez racontée il y a 15 ans et que je crains d'avoir gâté. Il s'agissait d'un jaque de Malaga qui avait tué sa maîtresse, laquelle se consacrait exclusivement au public. Après Arsène Guillot, je n'ai rien trouvé de plus moral à offrir à nos belles dames. Comme j'étudie les bohémiens depuis quelque temps, j'ai fait mon héroïne bohémienne.

et s'adressant à Ludovic Vitet :

Vous lirez dans quelques temps une petite drôlerie de votre serviteur qui serait demeurée inédite si l'auteur n'eût été obligé de s'acheter des pantalons.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Carmen   Carmen EmptyVen 23 Sep 2011 - 15:22

Il faut reconnaître que la nouvelle de Mérimée est très différente de l'adaptation faite par Bizet, Halévy et Meilhac. La nouvelle est découpée en 4 chapitres, il s'agit à chaque fois d'un récit fait ou retranscrit par un narrateur, un archéologue qui n'existe pas dans l'opéra. En revanche dans la nouvelle pas de Micaëla (la bonne amie de José), pas d'Escamillo (le fameux toréador) mais un pâle Lucas vite oublié, pas d'auberge et le déroulement du récit est très différent.

Il n'empêche l'opéra de Bizet est une grande réussite. Ce qui n'a pas été franchement le cas le jour de la première. En effet, la représentation à l'Opéra-Comique est un flop, les chanteurs comme les musiciens ne valent pas tripettes, les changements de décors sont longs et poussifs, bref, le public s'ennuie et quitte progressivement la salle. De toute manière, Bizet cumule les incompréhensions depuis ses débuts, peu reconnu, il s'adonne aux commandes pour nourrir sa famille. Surtout, le public et la critique dénoncent le caractère pervers de Carmen, cette femme dominatrice, diablesse, sans foi ni toit, sans attaches et réclamant une liberté bien saugrenue pour l'époque.

Le soir de la première le 3 mars 1875, complètement dépité, Bizet rentre à Bougival, où il habite. Il est souffrant. En mai, il se baigne dans les eaux de la Seine, son mal empire et dans la nuit du 2 au 3 juin, il meurt d'un arrêt cardiaque, à l'âge de 36 ans. Il n'aura pas eu le temps de voir son opéra gagner peu à peu le coeur de ses contemporains. Mais écoutons l'ouverture et si cela ne vous donne pas envie de sortir vos casseroles et de taper dessus et bien... je ne sais pas, tenter les couvercles, ça fait de très jolies cymbales !


Prélude



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shanidar
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MessageSujet: Re: Carmen   Carmen EmptyLun 26 Sep 2011 - 11:56

Ce qu'écrit Thomas Mann dans La montagne magique (1924), traduit par Maurice Betz :



C'était de nouveau un morceau français, tiré d'un opéra (...). C'était le deuxième acte dans la taverne espagnole, une auberge assez vaste, une sorte de bouge décoré de châles et d'une douteuse architecture mauresque. La voix chaude, un peu rude, mais racée et prenante, déclara vouloir danser devant le sergent, et déjà l'on entendait claquer les castagnettes. Mais au même instant, trompettes et clairons sonnaient à plusieurs reprises un signal militaire qui fit sursauter le gars. "Attends un peu !" s'écriait-il, dressant les oreilles comme un cheval. Et comme Carmen demandait : "Et pourquoi, s'il te plaît", "N'entends-tu pas ?" s'écriait-il, tout étonné qu'elle n'en fût pas frappée autant que lui-même. C'étaient les clairons de la caserne qui sonnaient la retraite. "Il me semble, là-bas...", disait-il, en langage d'opéra. Mais la Tzigane ne pouvait comprendre cela, et surtout ne voulait pas le comprendre. Tant mieux, disait-elle, et c'était mi-sottise, mi-insolence ; ils n'avaient plus besoin de castagnettes, le ciel lui-même leur envoyait de la musique pour danser et donc : Lalala ! Il était hors de lui. Sa propre et douloureuse déception s'effaçait complètement devant ses efforts pour lui faire entendre de quoi il s'agissait et qu'aucun amour au monde ne pouvait l'emporter sur ce signal. Comment était-il donc possible qu'elle ne comprit pas une chose aussi fondamentale et aussi absolue ? "Il faut que je rentre au quartier, pour l'appel", s'écria-t-il, désespéré de l'ignorance de la femme qui lui faisait le coeur plus gros qu'il n'était déjà. Mais il fallait entendre la réponse de Carmen ! Elle était furieuse, elle était indignée jusqu'au tréfonds de l'âme, sa voix n'était plus qu'amour déçu et irrité. Ou ne faisait-elle que semblant ? "Au quartier ? Pour l'appel ?" et que faisait-il de son coeur ? Et son coeur si tendre, si bon, qui dans sa faiblesse, -oui, elle l'avouait : dans sa faiblesse- avait été prêt à amuser monsieur ! "Ta ra ta ta !" et en un geste de farouche moquerie elle portait sa main devant sa bouche pour imiter le clairon. "Ta ra ta ta !" Et cela suffisait ! Il sursautait, l'imbécile, et voulait s'en aller. A la bonne heure, va t'en ! Elle lui tendait son shako, son sabre, sa giberne ! "Et va-t'en, mon garçon, retourne à ta caserne !" Il implorait sa pitié. Mais elle continuait de le railler amèrement, en faisant semblant d'être lui, qui au son des clairons, avait perdu la tête. Ta ra ta ta, à l'appel ! Grand Dieu, il arriverait trop tard. Eh bien, va-t'en, puisqu'on sonne l'appel; c'est tout naturel pour toi, espèce d'imbécile, de me laisser ainsi à l'instant où j'allais daanser. "Eh voilà son amour !"

Carmen et José

Situation torturante ! Elle ne comprenait pas. La femme, la gitane ne pouvait et ne voulait pas comprendre ! Elle ne le voulait pas, car, sans aucun doute, dans sa fureur, dans ses sarcasmes il y avait quelque chose qui dépassait l'instant présent et l'élément personnel, une haine, une hostilité profonde contre le principe qui par la voix des clairons français -ou des cors espagnols- appelait le petit soldat amoureux, quelque chose dont son ambition naturelle, impersonnelle et son désir le plus ervent seraient de triompher. Elle possédait un moyen très simple : elle affirmait que s'il s'en allait, elle ne l'aimerait plus. Et c'était là justement ce que José, là-dedans, au fond du coffret, ne supportait pas d'entendre. Il la conjurait de le laisser parler. Elle ne voulait pas.Alors il la força à l'écouter : c'était un instant d'un satané sérieux, des sons tragiques s'élevaient de l'orchestre, un motif sombre et menaçant qui, Hans Castorp le savait, se prolongerait à travers tout l'opéra, jusqu'à la catastrophe finale, et qui formait aussi l'introduction pour l'air du petit soldat, le nouveau disque qui allait suivre.

Carmen et José bis

Pour illustrer les propos de Thomas Mann, j'ai choisi deux versions très différentes, la première me semble très proche des propos de Mann, la seconde est plus... charnelle et montre moins (à mon avis) le cas de conscience qui se pose au 'petit soldat'. On voit ici combien l'opéra de Bizet a pu être scandaleux quand il fut joué pour la première fois à l'Opéra-Comique, avec cette bohémienne moqueuse, libre, insensée et séductrice et surtout maîtresse de son destin. On sait ce que, plus tard, d'autres compositeurs firent des rôles féminins dans le répertoire de l'opéra (Berg en particulier avec Lulu). Carmen marque sans doute un énorme changement dans la représentation de la femme sur scène.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Carmen   Carmen EmptyLun 26 Sep 2011 - 11:59

"La fleur que tu m'avais jetée..."
Carmen Fleur_10
Carmen a envoyé sur José une fleur de cassie, une fleur rare d'un arbuste cousin de l'acacia

José chantant cela merveilleusement. Hans Castorp jouait parfois ce disque séparément, en dehors du contexte familier, et l'écoutait toujours avec la sympathie la plus attentive. Les paroles de cet air ne valaient pas grand-chose, mais l'expression suppliante des sentiments était émouvante au plus haut point. Le soldat chantait la fleur que Carmen lui avait jetée à leur première rencontre et qui avait été son bien le plus cher lorsqu'il fut mis aux arrêts à cause d'elle. Il avouait, profondément remué, qu'il avait à certains instants maudit son sort parce qu'il lui avait fait rencontré Carmen. Mais aussitôt il avait amèrement regretté ce blasphème et il avait prié Dieu à genoux de lui accorder de la revoir.

Carmen Carmen10
film de Jacques Feyder datant de 1926


"Te revoir" -et ce "te revoir" était dans le même ton aigu par lequel il avait commencé tout à l'heure "Et dans la nuit je te voyais."- La revoir... - et à présent toute la magie instrumentale qui pouvait être propre à peindre la douleur, la nostalgie, la tendresse éperdue, le tendre désespoir du petit soldat, éclatait dans l'accompagnement, - alors elle avait surgi devant son regard, dans tout son charme fatal, de sorte qu'il avait clairement et nettement senti qu' "elle s'était emparée de tout son être" ("emparée" avec une appoggiature sanglotée d'un ton entier sur la première syllabe), que c'en était fait de lui pour toujours. "Toi, ma joie, mon bonheur", chantait-il désespérément, sur une mélodie qui se répétait et que l'orchestre reprenait encore une fois plaintivement, mélodie qui, partant du ton fondamental, montait de deux intervalles et retournait avec ferveur vers la quinte inférieure. "Car tu n'avais eu qu'à paraitre", assurait-il d'une manière superflue et démodée, mais infiniment tendre, escaladait ensuite la gamme jusqu'au sixième degré pour ajouter : "qu'à jeter un regard sur moi", laissait retomber sa voix de dix tons et prononçait, bouleversé, son "Et j'étais une chose à toi" dont la fin était douloureusement prolongée par un accord d'une harmonie variable, avant que le "toi" se fondît avec la précédente syllabe dans l'accord fondamental.


La fleur que tu m'avais jetée...

"Oui, oui !" disait Hans Castorp avec une mélancolie reconnaissante, et il jouait encore la finale où tous félicitaient le jeune José de ce que sa rixe avec l'officier lui eût coupé toute possibilité de retour, de sorte qu'il devait déserter, comme Carmen, à son effroi, l'y avait naguère convié.

Le ciel ouvert, la vie errante,
Pour pays l'univers, pour loi, sa volonté,
Et surtout la chose enivrante,
La liberté, la liberté !

chantaient-ils en choeur (on les comprenait parfaitement).
"Oui, oui !" dit-il encore une fois, et il passa à un quatrième morceau qui lui était non moins cher.
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