Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Miguel-Angel Asturias [Guatemala]

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shanidar
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Sigismond
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Marie
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 4 Aoû 2013 - 3:20

Le larron qui ne croyait pas au ciel
traduit de l'espagnol par Claude Couffon
Albin Michel

Shanidar a écrit:
Mais comme je regrette de ne pas pouvoir lire ces livres dans leur langue originelle !!!
Moi aussi, et pas que cela. Car je crois vraiment que pour être encore plus envoûté par ce roman, mieux vaut dominer tous les jeux de langage qui y abondent. Et connaître les références culturelles ..
Mais tant pis, il suffit finalement de plonger dans le monde de la Cordillère des Andes vertes, là où tout le sol blessé perd son sang. Et surtout dans cette langue foisonnante, et d'accepter de s'y noyer un peu. En revenant régulièrement sur ce que disait Sigismond des personnages!
 
L'histoire, Sigismond l'a racontée. En fait, pour moi, il y a deux parties distinctes dans ce livre. La première est plus historique, celle de la conquête d'un territoire par ces fameux conquistadors , les Teules.Mais  d'emblée, un élément majeur, à chaque camp sa magie.

Les Teules- yeux bleu clair, cheveux blonds, peau blanche- ont fait un mauvais calcul: l'hiver les a devancés. Les premières averses paralysent leur progression. L'eau les frappe, l'eau qu'ils ne voient pas, aveuglés par le brouillard; l'eau les frappe, l'eau qu'ils n'entendent pas, assourdis par l'altitude; l'eau les frappe, l'eau qu'ils ne sentent pas, tellement la pluie tombe sur eux. Ils combattent contre une armée de cristal qui dispose de la foudre, de l'éclair et du tonnerre, des arbres qui tombent, des pierres qui roulent, des étincelles et des serpents de feu. Une main osseuse, cubitière d'armure, sort des croix de l'air et se les plaque sur le visage. Une autre main osseuse, manche de bure, sort des croix de l'air et se les plaque sur le visage.Guerre de religion, non. Guerre de magie.

Et c'est cette même magie qui va manquer au chef des opposants Mam.. déjà là pointe l'ironie , aux croix brandies, prétexte des invasions espagnoles,Caibilbalàn, le Seigneur des Andes vertes, opposera sa raison..


Puissant
Caibilbalàn, le valeureux guerrier de ta compagnie te répond! Salut, Seigneur de la Grande Forteresse! Sans la magie la guerre perd son attrait et se réduit aux dimensions mesquines de l'exactitude: elle est le feu qui brûle, l'eau qui noie, la pierre qui écrase, le poison qui tue, l'obsidienne qui blesse comme blessent la flèche, la lance et la pique. Et sans les escadrons de guerriers chatoyants aux visages peints et aux parures de couleur, la guerre n'est plus qu'une chose confuse, grise, dépourvue de grâce et de beauté.
- Et ce qui nous a manqué pour triompher dans la dernière bataille contre les Teules.....
Toute puissance est magie! La magie c'est l'éclair qui ne se transforme pas en pierre d'aimant mais qui se change en chef , et alors, comment obéir à un chef qui ne croit pas qu'il est....qu'il est le mage des tempêtes? Pourquoi lui obéir?



Ces longs extraits, d'une part pour la beauté du texte lui-même, mais aussi pour la portée universelle qu'il a..



La deuxième partie, beaucoup plus longue, s'attache au chemin de ces quatre marginaux,déjà décrits par Sigismond. Anti-héros par excellence., partis
 découvrir le fameux passage entre Atlantique et Pacifique, pour en tirer une gloire personnelle. Et là débute aussi la fabuleuse histoire du Mauvais Larron.


Comment les réchappés des galères auraient-ils pu ne pas adorer le Mauvais Larron? Et avec eux les fils qui n'oubliaient pas leurs pères brûlés sur le bûcher, les réconciliés et les apostats, les hérétiques, les non-baptisés, les judaïsants? Pourtant, en dehors de ces hommes de sac et de corde ou de ces sangs-impurs, les chrétiens aux idées larges préféraient eux aussi à la croix spirituelle la croix rebelle de l'impie. Moins d'anges et plus d'or! Moins d'indiens convertis et plus d'esclaves dans les mines! Moins de christs et plus de croix du Mauvais Larron , Seigneur de toute la création dans le monde de la cupidité, depuis que l'homme est homme!


C'est long, je sais , mais c'est très difficile de parler de cet extraordinaire roman sans être long. Et encore, je vous épargne les écureuils, les tarentules, les coeurs de palmier et leurs conséquences digestives., les tigres et les guenons !

Pour m'attarder juste une minute sur ce fabuleux dialogue entre  Lorenzo Ladrada, le sculpteur et sa créature, le Mauvais Larron, presque d'ordre métaphysique:


On peut tout pardonner à l'homme , sauf ce que tu fais et qui consiste à dérober au coeur de celui qui attend quelque chose, oui, quelque chose, ce petit brin de possible...ou d'impossible, si tu préfères, car partout et à toute heure, quand on n'est pas de ton clan, quelque chose est sur le point d'arriver. Tu es le pire des voleurs! Va..tu me fais souffrir...je ne veux pas te voir mourir sur une croix..ils ne te pardonneront pas, tu leur as volé l'espérance..va et dis-leur que si, tu crois au ciel, dis-leur que dans la mort tout ne finit pas, dis-leur que la matière est pétrie dans l'homme avec les forces divines qui composent l'âme, dis-leur qu'il n'est pas sûr que l'homme une fois disparu, une fois désintégré, rien ne lui survive!
Et, après un silence, l'esclave, couché sur le sol poursuit, sans ouvrir les yeux:
- Je pourrais t'éclairer sur d'autres points- c'est pour cela que tu m'as acheté- mais que peut t'apprendre d'utile, à toi qui n'as ni foi ni espérance, celui qui comme moi croit que l'âme retourne au tout et qu'elle reprend sa place dans le brasier des cieux?

Et le mot de la fin ( pas du texte!)à Güinakil, l'Indien, avec ce passage déjà cité par Sigismond:


- Il n'y aura pas d'autres fers ni d'autres croix ! Si la première, avec ce Dieu qui n'avait rien à voir avec les biens matériels et la richesse de ce monde, a coûté tant de fleuves de larmes, tant de mers de sang, tant de montagne d'or et de pierres précieuses, à quel prix nous aurait-il fallu contenter ce deuxième crucifié, bandit de grand chemin, pour lequel on doit profiter ici-bas de tout ce qui est à l'homme ? ...Si le Dieu de la première croix, le rêveur, le songe-creux, nous a valu la désolation, l'abandon, l'esclavage et la ruine, qu'aurions-nous pu attendre de ce deuxième crucifié, pratique, cynique et voleur ? Si, avec la première crois, celle du juste, tout ne fut que rapines, viols, bûchers et pendaisons, qu'aurions-nous pu attendre de la croix d'un hors-la-loi, d'un brigand ? ...

Fresque épique, iconoclaste ,pleine d'une saine ironie,  contenant de nombreux thèmes de réflexion..
Je redoutais un peu cette lecture, j'en suis sortie ravie, merci Sigismond!
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GrandGousierGuerin
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 4 Aoû 2013 - 11:45

Superbe commentaire Marie !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 4 Aoû 2013 - 23:01

Magnifique, Marie, quelle grande joie ça fait de lire cela, bien que je sois tout rouge et caché sous mon clavier (c'est malin) !

Le personnage, qui est loin d'être secondaire, de Titil-Ic est le plus ardu à cerner. Au reste le roman s'achève sur elle.
Qu'en as-tu pensé ?
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Marie
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 5 Aoû 2013 - 3:30

Caché sous ton clavier? Tu es souple!!Very Happy 
Mais c'est vrai que c'est le genre de livre dont on aimerait discuter plus longtemps, je suppose qu'il y a eu des études, j'ai regardé le lien que tu donnes, mais comme je ne parle pas espagnol...

Citation :
Le personnage, qui est loin d'être secondaire, de Titil-Ic est le plus ardu à cerner. Au reste le roman s'achève sur elle.
Qu'en as-tu pensé ?

Et bien déjà, tu précises dans ta présentation de Miguel-Angel Asturias que sa mère était indienne. C'est un élément important , il me semble, et pourtant, je ne l'ai pas retrouvé ailleurs.
Citation :
Indienne convertie, passerelle entre les hommes;
Et mère du premier métis, pour introduire la notion du double héritage culturel de ce pays.:

L'Indienne frémit en entendant le parler des deux races en une seule voix qui lui disait: - Un croisement de croix dans ton ventre..la Croix du Christ et la croix du vent, du tonnerre, de l'éclair et de la foudre, tout cela qui commence dans ton être habité!


Une mère surprise, d'ailleurs, c'est assez drôle ce passage, que son fils ne naisse pas comme l'avait décrit son père, avec d'emblée une armure et un heaume, et suivi du cheval Very Happy 

Après, convertie...théoriquement. Mais, comme dans la culture polynésienne, de façon tellement superficielle. Dès que le danger menace son enfant, elle retourne à sa culture: Elle appartenait à cette nature faite d'êtres animés qui fuyaient dans cette clarté blanche qui changeait tout en cendres .

C'est très beau d'ailleurs, cette ultime confrontation entre les mages , les Découvreurs et le pauvre Ladrada qui finira seul! S'est -elle   changée en fantôme,  en traces, en ombre, en têtes??


Citation :
Cette subtile disparition-là, à la fin, avec le bébé, en dépit de toutes les recherches, donne envie de poursuivre l'écriture du roman pour soi seul.
Et bien, on le sait, quand même à la fin, ce qu'elle est devenue? Ou tu as une autre interprétation? 

Et une question, peut être de traduction, ou la traduction est bonne, mais je n'ai pas compris l'image:

C'est ta langue...lui dit l'Indienne, livide, les lèvres fendillées comme de la boue sèche.
-C'est mon fils..
-C'est pareil..dit-elle;- Et, timidement: - Il est né sans cheval!..- et après l'avoir regardé avec ses yeux profonds, craintifs:-..et sans armure! Mais c'est ta langue!

Qu'est ce que veut dire ce " c'est ta langue"???( p 176)
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shanidar
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 5 Aoû 2013 - 11:01

Quel beau commentaire, Marie ! Les extraits que tu as choisi s'enchaînent admirablement et donnent une bonne idée de l'écriture particulièrement entrainante d'Asturias (qui n'hésite pas à jouer sur les répétitions comme s'ils s'agissaient du refrain d'une chanson, ou qui s'amuse beaucoup avec les enjambements d'un mot à un autre...), mais derrière cette originalité d'écriture se tient aussi une réflexion et des prises de position non dénuées d'humour... J'ai hâte de poursuivre...
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 5 Aoû 2013 - 15:44

Il y a des lectures qui nous transcendent. Littéralement. Et c' est pour cela que je lis. Pour ce phénomène passionnel et personnel et qui va bien au delà de la lecture et de la connaissance que
nous pensions avoir de nous-meme...
Cette dimension humaine de l' imagination qui est de l' ordre de la création...
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 5 Aoû 2013 - 15:57

Marie a écrit:

Et bien déjà, tu précises dans ta présentation de Miguel-Angel Asturias que sa mère était indienne. C'est un élément important , il me semble, et pourtant, je ne l'ai pas retrouvé ailleurs.
J'ai dû l'extraire d'une préface ou d'une 4ème de couv', en tous cas un lien ici (en anglais) qui précise que la maman d'Asturias était indienne et enseignante:
http://kirjasto.sci.fi/asturias.htm

Alors j'y ai bien pensé au =maman d'Asturias, tout comme il est tentant de voir que le personnage le plus positif et "aimable" du roman -à vrai dire peut-être le seul positif et aimable des personnages principaux !- soit aussi le seul caractère féminin.
Mais je me garde des outils que je ne maîtrise pas, et la fine psychologie profonde des auteurs, je prends ce que j'en lis (surtout si c'est asséné avec force expertise diplômée), mais ne m'y risque guère !

Marie a écrit:
Qu'est ce que veut dire ce " c'est ta langue"???( p 176)
Il faudrait aller au texte original (je l'ai eu entre les mains, assez longtemps en plus, mais je suis passé au travers de cette question-là, j'étais assez aveugle pour ne pas me la poser sans doute, mais):
"langue" en français peut s'entendre de façon anatomique, ce que nous avons entre les mâchoires, derrière les gencives, ou aussi bien "idiome".
Mais en espagnol, comme en anglais ou dans la plupart si ce n'est la totalité des "langues", ce sont deux mots bien distincts: en espagnol lengua & idioma. En anglais tongue & language, etc...

Donc se référer au texte original nous offrirait une clef, si ce n'est décisive, du moins nous permettant de partir dans la bonne direction...
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Marie
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyMar 6 Aoû 2013 - 2:45

Ce n'est qu'un détail, Sigismond!
Shanidar, je te le conseille vivement.
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 10 Nov 2013 - 16:10

L'ouragan (titre original: Viento fuerte) - 1955.

C'est un roman réaliste, ne retrouvant la verve de réalisme magique, coutumière à l'auteur, que dans les ultimes chapitres.  
En cela, il serait susceptible de permettre un lectorat plus ample, moins dérouté par l'écriture Asturienne. Mais je connais pas que ce soit le cas.

C'est le premier d'une sorte de trilogie (à L'ouragan succède Le Pape Vert et Les yeux des enterrés), dans laquelle la critique considère souvent que c'est ce qu'Asturias a fait de plus engagé. Oui mais voilà, comme Asturias réfute l'étiquette d'écrivain engagé, on n'est guère avancés.

C'est, au fond, le descriptif de ce qu'on appelle une république bananière, et, dans un style très épuré, nous avons de splendides peintures des petites gens, des bananeraies dans l'air moite et vert, des journaliers, de la sueur, de la communauté expatriée gringo, des fièvres paludéennes de la côte hostile.

Si vous poussez votre moteur de recherches, vous constaterez la véracité du fond, la Tropical Platanera n'étant autre que la United Fruits. Et les évènements appartiennent à l'histoire du Guatemala.
Un de ces gringos, qui fait un peu une irruption inattendue de personnage a priori secondaire dans ce roman en guise d'entrée, épouse la cause des manoeuvres et petits paysans.
Se bat à leurs côtés, devient une sorte de leader, tout en restant intégré à la communauté nord-américaine de la côte guatémaltèque.

L'histoire de cette lutte, à travers ce personnage, est plaisamment narrée jusqu'à la fin, coup de théâtre, en forme de tombé de masque, qui vient précéder le grand emballement magique terminal.

Au niveau des extraits, je ne sais trop où piocher:
Ou bien vous faire partager l'Asturias juste réaliste, ce qui n'est tout de même pas si fréquent dans son oeuvre, ou bien un extrait de l'un des chapitres finaux, où vous retrouverez l'Asturias que l'on connait bien ?

scratch Pour laisser le temps de la réflexion, je vais me replonger dans quelques séquences Laughing ...


Dernière édition par Sigismond le Lun 11 Nov 2013 - 14:48, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 10 Nov 2013 - 17:19

Allons-y pour un extrait du premier chapitre:
L'ouragan, chapitre I a écrit:
Le train partait. Un train qui s'arrêta devant une gare qui ne semblait pas reposer sur terre, mais pendre des cacaoyers, des guarumos, des lianes, des branchages. Tout le sol était couvert d'écorces et de feuilles à moitié sèches d'eucalyptus. Quelques décharges d'électricité céleste éclatèrent plus bas vers la côte. Deux, trois squelettes d'oiseaux de proie boitillaient en courant le long des remblais sur lesquels reposaient les rails qui se perdaient en arrivant à la courbe, où un pont revêtu de décorations ajourées et tortillées bleues et blanches, laissait passer sous lui une rivière, semblable à un chemin de fer d'eau qui allait plus vite en s'approchant de la mer, son terminus.

Adelaido s'étira tant qu'il put, inclina son chapeau et tirant son machete de sa ceinture, le garda à la main, la pointe à moitié baissée vers le sol, jusqu'au petit village qui s'était formé non loin de la gare.
Il fit les petits achats dont il avait besoin, les jeta dans ses musettes, s'arrêta pour rouler une cigarette, l'alluma, et se mit en marche. Tout était déjà bien ordonné au long de ce nouveau monde vert où il n'y avait rien d'arbitraire, avec les chemins tracés sous de milliers de feuilles détachées de troncs charnus, de squames avec des barbes de poissons séchés, les uns et les autres couleurs de chair d'enfant à la mamelle; dans la branche longue comme une rame, ils semblaient perdre leur sens de carnosité qu'ils avaient à la naissance du tronc et amincir leurs feuilles comme des ailes de papillons. Chaque feuille de bananier produisait sur la tête de Lucero la sensation de la rame qui est hors de la mer quand elle pénètre dans l'air chaud.
Et allons-y pour l'entame du chapitre XVI (qui fait partie du final):
L'ouragan, chapitre XVI a écrit:
Un soleil nu, si terrible que les araignées apparaissaient entre les pierres, non pas une, mais des centaines, non pas des centaines, mais des milliers, dans un bouillonnement interminable, sortant de terre pour ne pas être brûlées. Un vrai four diurne et nocturne et pas une goutte d'eau. Les habitants s'arrêtaient pour regarder le ciel, la peau sèche, le souffle desséché, en sueur, haletants. Les ténèbres bleues du ciel. Les animaux, épuisés par la chaleur et la soif, se pliaient sur eux-mêmes comme des paquets de ligne. Les arbres dans l'immense brasier, en forme de flammes sans feu et les bananiers, pompant pour leur soif toute l'humidité du terrain. Le Chama sortit les marmites de chaux déjà préparées et se dirigea vers le cimetière. Il n'y avait que lui dans toute l'étendue plane et visible jusqu'à la courbe de l'horizon. Pas à pas, seul, avec les marmites de chaux. La terre craquait. Il fallait profiter de l'heure de midi du 9 mars. On le vit entrer dans le cimetière. Seul. Si seul que les morts à demi enterrés auraient pu le saisir avec leurs mains de feu glacé, car la terre était pareille à un four et les morts eux-mêmes avaient une température de vivants. Cimetière d'os chauds, de mouches vertes et rougeâtres avec un vrombissement de ventilateurs volant au-dessus d'une végétation couleur de vieux poil.
Seul. Si seul que les morts auraient pu lui parler. Le buste court, enveloppé dans un vêtement couleur d'écorce d'arbre, des chiffons gonflés par la pluie, aux fils desquels s'étaient fixés des nuages de poussière qui les avaient cartonnés et rendus rugueux, végétaux; La veste, sans revers, fermée jusqu'au cou. De chaque côté du visage il portait, en guise de barbe, une tignasse sombre, charbonneuse. Pour voir, il faisait un grand effort afin d'ouvrir ses yeux enterrés parmi les rides, ses paupières n'étaient que rides, son front que rides, ses oreilles étaient comme des rides, ses mains, des rides avec des doigts, ses pieds des doigts avec des rides. 
Un mot de la traduction (de Georges Pillement, dans l'édition Gallimard); est-ce par respect, ou littéralité, en tous cas la ponctuation ne semble pas toujours obéir aux canons du découpage de la phrase française (vous en observerez peut-être un ou deux exemples dans le premier extrait). Et j'ai relevé un "compte" mis pour "conte" (soyons indulgent: peut-être était-ce une faute de frappe ?).
Enfin, la bouillie bordelaise rendue par le "bouillon bordelais", entre guillemets dans le texte traduit par Pillement, m'a fait m'esclaffer !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyDim 11 Mai 2014 - 21:14

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Le Pape vert

Ça va être compliqué, frustrant, incomplet et bancal de parler de ce Pape vert. Un début de livre dans lequel il est parfois difficile d'entrer, touffu, étouffant, pas toujours bien clair, pourtant on est entrainé et l'atmosphère qui persiste est du genre entêtante.

Un exotisme différent, des attaches différentes et une perspective différente mais si je devais trouver un point de repère pour la première partie ce serait Faulkner. L'histoire de ce jeune pirate de Geo Maker Thompson rongé d'ambition qui pose ses pieds de pirate au Guatemala pour devenir planteur de bananes est tout de suite une folie, une destinée obstinée et violente, marquée au plus profond par... autre chose.

Il y a l'envoutement de la chaleur mais il ne prend pas le dessus sur la rage méthodique de l'américain qui use de ruse et de violence pour imposer ses bananeraies et réduire sa main d'œuvre à un esclavage moderne. L'objectif est de fournir les États-Unis en bananes pour le compte d'une grande compagnie... en écartant jusqu'aux possibilités de remords de certains actionnaires.

Revenons à l'autre chose, qui pourrait bien être lié aux femmes et à leurs présences autant charnelles que magiques, intimement liées au lieu. C'est par elles, la jeune Mayari surtout que ça ne colle pas au simple plan du récit critique de conquête capitaliste. Elle est une porte mystérieuse sur un monde de sorciers et de jungle, de fleuve, une révolte naturelle... qui s'étouffe.

C'est par sa fille ensuite que le plan échoue. Le coup de force pour retourner à Chicago et s'imposer comme nouveau président de la compagnie, et d'annexer le pays, il doit y renoncer à cause de sa fille qui succombe au même genre de mal que lui.

Dans la deuxième partie, on les oublie un peu, le maintenant grand-père et son petit-fils ne sont qu'une drôle d'image lointaine d'amérique et qui malgré ses rapports de force à l'air déplacée dans le monde encore rural qui n'a pas été complètement digéré, loin s'en faut, par la compagnie, le dollar, et le mode de vie.  Plus facile à lire mais pas toujours plus clair malgré des enjeux assez palpables.

Qu'y trouverait-on ? Des femmes mystérieuses et manifestations évidentes de la nature. Un monde intermédiaire, plongé dans plus grand que lui mais toujours proche. Un mélange d'argent sans tête, de conscience nationale et de justice et ... on ne sait trop quoi. Déroutant. On retombe de temps en temps sur les rencontres parfois violentes des gamins qui jouent au baseball. Ensuite une guerre motivée par les géants de la banane... et quelques dilemmes de protagonistes qui semblent dépassés. Ou qui ruminent une abyssale incertitude, le personnage du lieutenant par exemple...

Et ponctuellement des envoutements, des passages dont le sens n'a pas l'air directement lié au temps ou à la durée du récit.

Mélange des genres. La part historique lève un coin de voile sur ces histoires tristes et contrariées de l'autre bout du monde, des parts autobiographiques doivent apparaitre aussi (si j'en crois une relecture rapide du fil) et la part moins certaine... laisse au lecteur "quelque chose".

Je n'ai pas tout compris, pas complètement compris la structure du texte et la mise entre parenthèse de cette destinée (pas complètement condamnée ?) de Geo Maker Thompson (pris au piège), pourtant il devrait en rester "quelque chose".


Et merci à Sigismond pour la découverte !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 12 Mai 2014 - 20:10

Ah, merci à toi, Le Panda  Laughing  !

Deux ou trois détails:
Geo Maker Thompson surgit de la mer - comme les conquistadores, comme Le mal en général dans les livres d'Asturias.
Son nom, Geo Maker, mettons "celui qui fabrique, qui usine, à partir de la terre" - celui qui ne met pas la terre en valeur, mais pille celle-ci pour produire de la valeur marchande...


Enfin, sur les "je n'ai pas tout compris" - tout n'est pas à comprendre chez Asturias, du moins le crois-je vraiment. Il y a une part de ressenti subjectif, une part de poésie plutôt hermétique; comme je le disais à Shanidar (message vers le bas de la page précédente), je ne suis pas éloigné de croire que la faconde aidant, le littérateur Asturias semble parfois entraîné par sa plume, et, par séquences, dans plusieurs de ses ouvrages, nous ne sommes plus très éloignés de l'écriture automatique chère à Soupault-Breton. Je prends à témoin Une certaine mulâtresse, ou le final d'Hommes de maïs.

En toute hypothèse cela traduit les fièvres et les indolences oniriques du climat local. Mais n'est-ce pas trop clinique comme supposition pour être pertinente, avec un gaillard aussi déroutant et talentueux que Miguel-Angel Asturias ? Si, certainement (oui, je fais les réponses et les questions  Laughing ) - donc nous en restons à notre constat interrogatif...
Quelle plume, en tout cas, merci de le souligner ! Et, bien sûr, ravi que ça t'ai plu !
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 12 Mai 2014 - 21:17

je n'ai pu m'empêcher aussi de me demander s'il n'y avait pas quelques cailloux dans la traduction ?

C'est un beau salopard ce Maker Thompson mais il m'a eu l'air au final un peu malade du pays ou contaminé par le pays un peu malgré lui, un à côté ou une légère transformation de sa sauvagerie d'origine. Ou l'inattendue capacité de pouvoir attendre son heure dans les ombres ?
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 12 Mai 2014 - 22:33

un court extrait d'entre-deux :

Citation :
   Une touche d'or, çà et là, dans le ciel couvert de nuages et la chaleur plus forte. C'est toujours ainsi après les averses. Une buée s'élève du sol comme du cuir d'une bête qui ne pourra jamais se refroidir. Le bruit des machines du train sur le ballast. Les fenêtres éclairées des maisons. Le plaisir de retrouver le hamac et le sommeil... Musiques, musiques surgies du silence, petites musiques humaines, disques, radios... Autant dire rien, au milieu de la grande orchestration des espèces qui font du bruit en vivant, parce que leur sang, parce que leur amour vivent de devenir musique... Tous ces sons, cet écheveau de sons...
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Marko
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 EmptyLun 12 Mai 2014 - 22:58

Un auteur qui m'intimide (pas sûr que son univers soit totalement pour moi) mais le commentaire d'Animal est irrésistible. Je tenterai.
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MessageSujet: Re: Miguel-Angel Asturias [Guatemala]   miguel - Miguel-Angel Asturias [Guatemala] - Page 3 Empty

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