Le Mont Ararat

Pour les mystiques, c'est la montagne sacrée par excellence .
Le Mont Ararat est celui sur lequel l’arche de Noé se serait échouée après le Déluge.
La pluie est tombée pendant quarante jours et quarante nuits. Il ne reste plus que Noé et les occupants de l’arche. Dieu fait passer un vent sur la terre et les eaux désenflent. Au bout du dixième mois apparaissent les sommets des montagnes.
L’arche s’arrête sur le mont Ararat.

Dès le IVème siècle, plusieurs aventureux s’y hasardèrent en quête de l’arche.
Le sommet ne fut atteint qu'en 1850 par une importante expédition russe.
En 1916, un aviateur russe survolant le massif, déclara avoir repéré quelque chose qui ressemblait à la silhouette d’une grande coque. Son rapport déclencha sur ordre du tsar une expédition dont, par suite de la révolution, on ne connut jamais les résultats.
En 1955, un enthousiaste tirait de la première crevasse venue un morceau de bois qu’il présenta comme un débris de l’arche. Une datation au carbone 14 aurait donné environ 5 000 ans.

A 1 000 kilomètres d'Ankara et à 40 d'Erevan, les 5 165 mètres couronnés de neige du massif volcanique, entre la Turquie, l'Arménie et l'Iran inspirent le plus grand respect.
A cause de l'histoire qui s'est déroulée à son pied.
L'Ararat est toujours l'unique mausolée d'un million et demi de morts arméniens.

« De fréquents barrages de l'armée turque, omniprésente ici, rappellent que nous sommes en région kurde.
Au fil des kilomètres, le décor se précise. Plaques de neige, air vif sous le soleil brûlant, sensation d'ivresse, on dépasse sans s'en rendre compte les 2 000 mètres, dans une vraie plénitude. Soudain, à l'approche de Dogubayazit, gros bourg poussiéreux situé au pied même de l'Ararat, le paysage s'aplanit, le ciel se rapproche, les ruisseaux abondent. Plus d'arbres ni de cultures; ici, pendant près de six mois par an, tout est enfoui sous la neige et coupé du monde. En revanche, marmottes et hermines, bravant le ruban d'asphalte, éperviers et aigles, dont Yachar Kemal a si bien décrit le vol dans La Légende du mont Ararat (Gallimard), et quelques cigognes, nichées au sommet des poteaux électriques, viennent rappeler que Noé emporta avec lui, sur ordre d'en haut, «les bestioles de toute espèce». L'instinct animal ne trompe guère. Au détour d'un virage, sans tambour ni trompette le voici qui surgit, sublime et inégalable: colossal Ararat!

Il est si subit, si grand, si large, si puissant qu'il semble tout droit sorti des profondeurs de la terre.

Arthur Kœstler, qui l'avait vu d'Arménie, résume au mieux l'émotion ressentie: «Il semble très vraisemblable qu'il ait paru flotter avec le même détachement au-dessus des eaux du Déluge.»

C'est un monument de lumière blanche, éblouissante masse jaillie d'un haut plateau parfaitement lisse et verdoyant. D'autant que le ravissement est double. A l'est du Grand Ararat, voici que se dessine la silhouette gracieuse du Petit Ararat. Il a beau être plus bas (3 925 mètres, tout de même), le petit frère est infiniment gracieux. Une ligne courbe, très régulière, comme un trait de plume du Créateur, relie les deux monts, distants d'une quarantaine de kilomètres. Au total, deux pics qui se répondent dans un rectangle de 40 kilomètres carrés. Merveille chromatique, qui montre par deux fois le même prodige: des prairies ascendantes, des sables, puis une strate basaltique de 1 000 mètres d'épaisseur, juste de quoi souligner les glaces étincelantes du sommet. Vert, gris, noir, blanc, le tout dressé vers le ciel. Vision unique au monde et parfaitement inoubliable.

On comprend mieux le choc quand on sait que l'Ararat est en fait la plus haute montagne du monde si l'on prend sa mesure, non pas au-dessus du niveau de la mer, mais au-dessus de la plaine qu'il domine. Dogubayazit est à 1 800 mètres; d'où l'impression de gigantisme monolithique. Près de 3 400 mètres de dénivelé, d'un seul bloc. Du côté arménien, l'écart est encore plus spectaculaire: 4 355 mètres par rapport à la plaine d'Etchmiadzine, tout près d'Erevan! Alors que l'Everest, l'Elbrouz, le Chimborazo, le mont Blanc ne dominent les vallées environnantes que de 3 000 à 4 000 mètres.

Seul un volcan pouvait produire un tel surgissement. La dernière éruption connue remonte à 1840, date à laquelle l'Ararat se trouvait en territoire russe, dans la province d'Arménie. Cette année-là, enfer et damnation. En une nuit, de gigantesques crevasses se creusèrent sur les flancs, laissant échapper des gaz terribles qui projetèrent une pluie de roches en fusion. Le village d'Ahora et le monastère arménien de Sourp Hagop, vieux de huit siècles, furent rayés de la carte. Mais, de nos jours, personne, en Turquie, n'a gardé la mémoire de cette éruption. L'histoire officielle turque a farouchement occulté toute forme de référence à quoi que ce soit d'arménien.

De Soliman le Magnifique (XVIe siècle) à 1828, le Grand Ararat fait partie de l'Arménie perse, tandis que le Petit Ararat devient «une gigantesque borne frontière entre les trois empires», ottoman, russe et perse. Puis, de 1828 à 1918, le grand rêve d'expansion tsariste vers le sud s'accomplit et les deux sommets prennent la nationalité russe. Enfin, en 1918, après le traité de Brest-Litovsk, signé par les bolcheviques au détriment de toute la Russie, c'est l'Arménie arménienne, éphémère République, totalement isolée, qui hérite de l'Ararat avant de le reperdre, en 1920, après une terrible offensive militaire lancée par Mustafa Kemal, Atatürk.

Résultat, il n'y a, en vérité, qu'un peu plus de quatre-vingts ans seulement que l'Ararat est turc: plus précisément, depuis le traité de Moscou, conclu entre léninistes et kémalistes.

L’Arménie est devenue indépendante en 1991.

A Erevan aucun bâtiment officiel, ni à travers le monde aucune église arménienne, dans lequel on ne trouve une gravure, peinture ou sculpture du mont sacré Ararat.

L’Ararat est classé par l'armée turque «objectif militaire de deuxième classe», c'est-à-dire d'un accès autorisé mais réglementé. De 1990 à 2000, c'était strictement interdit. »
(dans L’Express)

Merci coline pour tous ces renseignements! Cela donne envi d'y aller

Il est très impressionnant! :)

c'est un endroit magnifique :)


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mais j'aurais peur d'un autre déluge

C'est vrai que c'est magnifique !

On comprend que les Arméniens le regardent avec nostalgie...

Puis-je vous livrer quelques souvenirs d'Arménie, pays cher à mon coeur ? Je parlerai de la Géorgie et de l'Azerbaidjan, un autre jour (si quelqu'un est intéressé).

AVRIL 2003 ARMENIE

J'ai longtemps rêvé de l'Arménie, je sentais comme une communauté d'esprit avec son peuple. En louant un studio une semaine à Erevan, j'ai pu m'imprégner du quotidien de cet république de l'ex URSS.

Je me souviens :

de mon studio, près du quartier de l'opéra
des coupures d'eau entre 12 et 18H
des conducteurs (fous) en Lada
de Marie, Nara, Kolya...
de la terrasse du café Triumph
du cognac Ararat
du marché aux puces dit "Vernissage"
de l'hôtel Armenia
de la vue sur le mont Ararat "exilé" en territoire turc
du musée Sarian
des 1752 marches pour atteindre "Mère Arménie"
de l'hôtel Shirak
d'une religieuse très bavarde à Etchmiazdin
du buffet de la pizza di roma
d'une visite privée au musée du génocide
de l'éblouissement de Geghard
du thé à l'abricot de l'Artbridge café
de la neige sur le lac sevan
d'une messe à 2000 mètres d'altitude
de l'étonnant musée Paradjanov
d'une chanteuse susurrant "tombe la neige"
de la fosse de Grégoire à Khor virap
des cigarettes Erabuni
des ornières sur les routes

traversay a écrit:

Je parlerai de la Géorgie et de l'Azerbaidjan, un autre jour (si quelqu'un est intéressé).

je t'attends....

Très beau souvenirs qui auraient leur place dans le fil de Bixx.J'attends aussi.

Tu mentionnes Erevan Coline. Gilbert Sinoué y a placé le cadre de son dernier roman, préfacé par Charles Aznavour.

En voici un résumé :

Citation :

Je voudrais voir quelle force au monde peut détruire cette race, cette petite tribu de gens sans importance dont l'histoire est terminée, dont les guerres ont été perdues, dont les structures se sont écroulées, dont la littérature n'est plus lue, la musique n'est pas écoutée, et dont les prières ne sont pas exaucées.
Allez-y. détruisez l'Arménie. Voyez si vous pouvez le faire. Envoyez-les dans le désert. Laissez-les sans pain ni eau. Brûlez leurs maisons et leurs églises. Voyez alors s'ils ne riront pas de nouveau, voyez s'ils ne chanteront ni ne prieront de nouveau. Car il suffirait que deux d'entre eux se rencontrent, n'importe où dans le monde. pour qu'ils créent une nouvelle Arménie..

Je connaissais de nom sans savoir ou se situait cette montagne, maintenant je sais. Merci pour ces belles photos et l'explication.

Coline, merci d'avoir ouvert ce fil sur le mont Ararat, cette montagne pour laquelle saigne le cœur de mes chers Arméniens puisqu'ils ne peuvent plus y aller librement, les frontières entre la Turquie et l'Arménie étant fermées.
Traversay, merci pour tous ces souvenirs de ce beau pays. J'aurais voulu être à ta place pour apprendre à connaître Erevan.
J'ai lu le livre de Gilbert Sinoué, comme le dit Charles Aznavour, j'ai crevé l'abcès...
Mais mes enfants ! Vous ne parlez pas de ce fabuleux instrument qu'est le duduk, cette sorte de flûte en bois... certains disent de roseau, d'autres d'abricotier alors finalement, je ne sais pas... mais ce que je sais à coup sûr, c'est que j'ai été mordue par le son de ce fabuleux instrument : doux, grave, lancinant, portant en lui toute la nostalgie, la souffrance du peuple arménien.
Merci pour ce sujet.
Daisybraille

Ararat me ramène aussi au film d'Atom Egoyan qui était un étrange objet cinématographique avec des moments très forts. On y entend le duduk (pas dans la bande annonce qui est épouvantable) arrangé par son fidèle collaborateur Mychael Danna.

Marco, merci pour ton message.
On entend également le duduk dans le film "Mayrig" d'Henri Verneuil. J'ai lu le livre éponyme.
Pour écouter de la musique arménienne, il faut aller sur le site de l'Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (je ne peux pas écrire l'URL car je ne suis pas inscrite depuis une semaine).
C'est très beau.
Daisybraille