Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Robert Guédiguian

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MessageSujet: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMar 15 Sep 2009 - 16:27

Robert Guédiguian Robert10
wiki a écrit:

Robert Guédiguian est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste de cinéma français né le 3 décembre 1953 à Marseille.
Mère allemande et père arménien, il grandit dans le milieu ouvrier, et s'intéresse très tôt aux questions socio-politiques. Ses films seront imprégnés de ce réalisme social.
Il s'entoure de la même équipe pour ses films, ce qui donnent vraisemblablement cet aspect : film de famille, de potes, de discussions. Et notamment sa femme, Ariane Ascaride, sera de toutes ses productions.

Filmographie :

1980 : Dernier Été
1985 : Rouge Midi
1985 : Ki lo sa ?
1989 : Dieu vomit les tièdes
1993 : L'argent fait le bonheur
1995 : À la vie, à la mort !
1997 : Marius et Jeannette
1998 : À la place du cœur
2000 : À l'attaque !
2000 : La ville est tranquille
2002 : Marie-Jo et ses deux amours
2004 : Mon père est ingénieur
2005 : Le Promeneur du Champ-de-Mars
2006 : Le Voyage en Arménie
2008 : Lady Jane
2009 : L'Armée du crime
2011 : Les Neiges du Kilimandjaro



Robert Guédiguian 19096725

Citation :
Dans Paris occupé par les allemands, l'ouvrier poète Missak Manouchian prend la tête d'un groupe de très jeunes juifs, hongrois, polonais, roumains, espagnols, italiens, arméniens, déterminés à combattre pour libérer la France qu'ils aiment, celle des Droits de l'Homme.
Dans la clandestinité, au péril de leur vie, ils deviennent des héros.
Les attentats de ces partisans étrangers vont harceler les nazis et les collaborateurs. Alors, la police française va se déchaîner, multiplier ses effectifs, utiliser filatures, dénonciations, chantages, tortures...

Quelques ellipses maladroites, des décors pas toujours "raccord", une poignée d'anachronismes : que pèsent ces quelques imperfections au regard du traitement inspiré d'un sujet qui, à l'instar d'Indigènes, est une leçon d'histoire (très) française, qu'il est plus que jamais nécessaire de rappeler ? L'armée du crime de Robert Guédiguian raconte le courage, insensé, d'hommes et de femmes qui luttèrent pour la liberté d'un pays au prix de leur propre vie. Oui, des immigrés qui se battaient pour la France ! Le film est davantage porté sur l'action que sur la réflexion, mais celle-ci est sous-jacente, et il reflète une époque où un engagement passait avant tout par des actes, même influencés par un discours. Héros ordinaires, en des temps qui ne l'étaient pas, les membres de la bande de Manouchian sont montrés avec leurs failles et leurs doutes. La France collaborationniste aussi, décrite sans aménité, sans manichéisme non plus. Déroutant dans ses premières minutes, pour cause d'intrigues éparpillées, le film de Guédiguian se resserre progressivement autour de cette armée de l'ombre vouée au sacrifice. Le metteur en scène n'a pas voulu d'une oeuvre didactique, il a préféré montré dans leur nudité brutale l'action d'une poignée d'irréductibles pour qui liberté et droits de l'homme n'étaient pas que des mots. Un hommage à la bravoure, un véritable devoir de mémoire, si ces mots là ont encore un sens aujourd'hui.
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMar 15 Sep 2009 - 20:11

entre la référence à Indigènes et le imperfections + action... je crois que je m'abstiendrai... de toute façon j'aurai pas le temps pour le ciné...
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMar 15 Sep 2009 - 23:33

animal a écrit:
entre la référence à Indigènes et le imperfections + action... je crois que je m'abstiendrai... de toute façon j'aurai pas le temps pour le ciné...

Dommage...
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyLun 16 Nov 2009 - 5:39

L'ARMEE DU CRIME

Date de sortie cinéma : 16 septembre 2009

Réalisé par Robert Guédiguian
Avec Simon Abkarian, Virginie Ledoyen, Robinson Stévenin,

Long-métrage français. Genre : Historique, Drame
Durée : 2h19 min Année de production : 2008

Synopsis : Dans Paris occupé par les allemands, l'ouvrier poète Missak Manouchian prend la tête d'un groupe de très jeunes juifs, Hongrois, Polonais, Roumains, Espagnols, Italiens, Arméniens, déterminés à combattre pour libérer la France qu'ils aiment, celle des Droits de l'Homme.
Dans la clandestinité, au péril de leur vie, ils deviennent des héros.
Les attentats de ces partisans étrangers vont harceler les nazis et les collaborateurs. Alors, la police française va se déchaîner, multiplier ses effectifs, utiliser filatures, dénonciations, chantages, tortures...
Vingt-deux hommes et une femme seront condamnés à mort en février 1944.
Dans une ultime opération de propagande, ils seront présentés comme une Armée du crime, leurs visages en médaillon sur un fond rouge placardés sur les murs de toutes les villes du pays. Ces immigrés, morts pour la France, entrent dans la légende.

Mon avis:un début un peu long à démarrer mais une montée en intensité assez incroyable. Un beau film finalement alors que j'y allais un peu sceptique.
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyLun 16 Nov 2009 - 7:31

Citation :
Un beau film finalement alors que j'y allais un peu sceptique.
Oui! J'ai eu raison, non?
Belle reconstitution, bien faite. Vraiment un film à voir, surtout actuellement.
Autour du poète arménien Missak Manouchian , des étrangers ,hongrois, polonais,roumains, espagnols, italiens.Des immigrés.
Et en fond, le génocide arménien dans lequel Manouchian a perdu toute sa famille.
Et puis, la police française, rien de nouveau mais quand même..on se demande comment eux ont pu vivre après.

Louis Aragon, Léo Ferré


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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyLun 16 Nov 2009 - 9:14

Marie a écrit:
Un beau film finalement alors que j'y allais un peu sceptique.

Et la scène de la rafle est tétanisante...
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyDim 20 Nov 2011 - 22:15

Robert Guédiguian 19816052

Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian

Citation :
Bien qu’ayant perdu son travail, Michel vit heureux avec Marie-Claire. Ces deux-là s’aiment depuis trente ans. Leurs enfants et leurs petits-enfants les comblent. Ils ont des amis très proches. Ils sont fiers de leurs combats syndicaux et politiques. Leurs consciences sont aussi transparentes que leurs regards. Ce bonheur va voler en éclats avec leur porte-fenêtre devant deux jeunes hommes armés et masqués qui les frappent, les attachent, leur arrachent leurs alliances, et s’enfuient avec leurs cartes de crédit… Leur désarroi sera d’autant plus violent lorsqu’ils apprennent que cette brutale agression a été organisée par l’un des jeunes ouvriers licenciés avec Michel.

Un retour aux sources pour Guédiguian, qui sonne aussi comme un regain de forme après L'Armée du crime, qui m'avait beaucoup déçu. Les neiges du Kilimandjaro sont portées par un récit ample et rigoureux qui s'interroge sur la transmission entre les générations. Si l'amertume est présente, elle ne cède pas à l'aigreur et les protagonistes sont confrontés à leurs doutes, à la difficulté d'envisager des perspectives. Guédiguian choisit alors de sceller un nouveau départ, avec un élan dont la générosité ne se laisse pas aveugler par la naïveté.
Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride et Gérard Meylan, par leur complicité, donnent beaucoup d'eux-mêmes et apportent une vitalité indispensable au cinéma de Guédiguian, sinon réduit à une coquille vide.
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMer 23 Nov 2011 - 1:18

Avadoro a écrit:
Robert Guédiguian 19816052

Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian

Citation :
Bien qu’ayant perdu son travail, Michel vit heureux avec Marie-Claire. Ces deux-là s’aiment depuis trente ans. Leurs enfants et leurs petits-enfants les comblent. Ils ont des amis très proches. Ils sont fiers de leurs combats syndicaux et politiques. Leurs consciences sont aussi transparentes que leurs regards. Ce bonheur va voler en éclats avec leur porte-fenêtre devant deux jeunes hommes armés et masqués qui les frappent, les attachent, leur arrachent leurs alliances, et s’enfuient avec leurs cartes de crédit… Leur désarroi sera d’autant plus violent lorsqu’ils apprennent que cette brutale agression a été organisée par l’un des jeunes ouvriers licenciés avec Michel.

Un retour aux sources pour Guédiguian, qui sonne aussi comme un regain de forme après L'Armée du crime, qui m'avait beaucoup déçu. Les neiges du Kilimandjaro sont portées par un récit ample et rigoureux qui s'interroge sur la transmission entre les générations.

Le nouveau Guédiguian est à la fois familier et surprenant. Familier parce qu'on y retrouve les "héros" de l'Estaque, un peu fatigués et vieillissants, mais toujours engagés et solidaires. Surprenant, car le cinéaste remet tout en question le temps d'une scène violente qui fait basculer ses personnages vers la dépression puis vers une lucidité nouvelle avec la conscience que le monde qui les entoure a bien changé et qu'il n'est plus possible de l'ignorer. Les certitudes qui volent en éclat donnent un ton amer et mélancolique au film. Et c'est là où Les neiges du Kilimandjaro séduit en imposant malgré tout une bonté bienveillante qui surmonte les coups du sort et de bambou. Entre les mains d'un autre réalisateur le scénario du film apparaitrait sans doute naïf et angélique. Pas avec Guédiguian dont le positivisme est revigorant et qui trouve toujours la lumière au bout du tunnel. Il est bien aidé par sa petite bande fidèle (Ascaride, Darroussin, Meylan) que rejoignent avec bonheurs des acteurs immédiatement au diapason (Canto, Jolivet, Demoustier, ...). Les neiges du Kilimandjaro est porté par un bel optimisme, peut être un brin utopique, mais pas béat pour un sou. Et ça fait un bien fou.
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MessageSujet: les neiges du Kilimandjaro   Robert Guédiguian EmptyJeu 24 Nov 2011 - 11:14

traversay a écrit:
Robert Guédiguian 19816052

Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian
Le nouveau Guédiguian est à la fois familier et surprenant. Familier parce qu'on y retrouve les "héros" de l'Estaque, un peu fatigués et vieillissants, mais toujours engagés et solidaires. Surprenant, car le cinéaste remet tout en question le temps d'une scène violente qui fait basculer ses personnages vers la dépression puis vers une lucidité nouvelle avec la conscience que le monde qui les entoure a bien changé et qu'il n'est plus possible de l'ignorer. Les certitudes qui volent en éclat donnent un ton amer et mélancolique au film. Et c'est là où Les neiges du Kilimandjaro séduit en imposant malgré tout une bonté bienveillante qui surmonte les coups du sort et de bambou. Entre les mains d'un autre réalisateur le scénario du film apparaitrait sans doute naïf et angélique. Pas avec Guédiguian dont le positivisme est revigorant et qui trouve toujours la lumière au bout du tunnel. Il est bien aidé par sa petite bande fidèle (Ascaride, Darroussin, Meylan) que rejoignent avec bonheurs des acteurs immédiatement au diapason (Canto, Jolivet, Demoustier, ...). Les neiges du Kilimandjaro est porté par un bel optimisme, peut être un brin utopique, mais pas béat pour un sou. Et ça fait un bien fou.



J’aurais aimé pleinement partager l'enthousiasme de Traversay pour Les neiges du Kilimandjaro, film a priori sympathique, quoi qu'il en soit généreux. C'est un grand film populaire au sens où Victor Hugo écrivait des romans populaires. Les Misérables à l’Estaque.



Guédiguian raconte l'histoire de Michel et Marie-Claire, des gens de peu, qui ont réussi leur vie: élevé de beaux enfants, acheté leur maison, ils ont continué à s'aimer, développé l'amitié, et, surtout, ils ont vécu selon leur cœur et leurs convictions. Tout cela leur permet, la cinquantaine passée, de se retourner satisfaits sur leur parcours, et d’affronter le chômage sans (trop) de détresse : il y a des choses plus importantes dans la vie . Par contre il vont ployer quand un événement violent (au sens qu’il viole) les confronte à leur propre questionnement, et ébranle leurs certitudes. Et comme le roseau, grâce à leurs qualités intrinsèques, ils sauront se redresser.

C’est une histoire magnifique, chaleureuse et émouvante. Cela donne des scènes dune vie quotidienne riche, qui vous emportent par moment. Je regrette donc d'autant plus de n'avoir pu plus aimer ce film. Ce n'est pas tant la multiplication des coïncidences, et les situations invraisemblables qui m'ont gênée. Je sais que je suis au cinéma, que ces artifices sont au service de l'intrigue et je les accepte. Ils font parti du jeu. Mais j'ai trouvé l’ interprétation incertaine (même Daroussin…), certains personnages fouillés (les deux garçons trop parfaits, une mère (du braqueur) trop mauvaise). Quant à la symbolique du petit bateau en papier malmené par le courant dans l'eau du caniveau, elle est malheureusement à mourir de rire.



Je ne crois pas que ces critiques doivent empêcher de voir le film, qui a d’énormes qualités, et des moments d'enchantement, j'ai des regrets par rapport au film réellement magnifique que Guédiguian aurait pu nous offrir.

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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyLun 19 Déc 2011 - 22:09

topocl a écrit:

J’aurais aimé pleinement partager l'enthousiasme de Traversay pour Les neiges du Kilimandjaro, film a priori sympathique, quoi qu'il en soit généreux. C'est un grand film populaire au sens où Victor Hugo écrivait des romans populaires. Les Misérables à l’Estaque.

Ce n'est pas tant la multiplication des coïncidences, et les situations invraisemblables qui m'ont gênée. Je sais que je suis au cinéma, que ces artifices sont au service de l'intrigue et je les accepte. Ils font parti du jeu. Mais j'ai trouvé l’ interprétation incertaine (même Daroussin…), certains personnages fouillés (les deux garçons trop parfaits, une mère (du braqueur) trop mauvaise). Quant à la symbolique du petit bateau en papier malmené par le courant dans l'eau du caniveau, elle est malheureusement à mourir de rire.

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La lutte c'est classe

Effectivement ce film est très classe. C'est une fable qui est inspirée du poème de Victor Hugo "Les pauvres gens" et dont l'apparente naïveté un peu utopique fait beaucoup de bien. Guédiguian est un moraliste comme les frères Dardenne mais avec un univers plus solaire, plus méridional (comme une sorte de descendant de Pagnol). Il va parfois trop loin et peut agacer mais cette fois je trouve qu'il a réussi une alchimie presque parfaite qui rend ce film touchant et réjouissant. Je suis même complètement réconcilié avec lui alors que j'y allais à reculons (mais stimulé par vos commentaires et une presse très favorable). Je trouve les comédiens épatants et j'accepte les artifices scénaristiques qui servent la parabole sociale. Il y a plein de petites digressions savoureuses comme la séquence au café avec ce serveur qui sait panser les plaies de l'âme et anticiper les besoins de ses clients. C'est typiquement l'univers de Guédiguian qu'on retrouve dans cette magie improbable d'une forme d'humanisme idéalisé mais indispensable. Beaucoup d'humour (le safari sur la plage), d'auto-dérision, de générosité loin d'être mièvre. J'ai versé ma larme plus d'une fois avec une sorte d'émerveillement d'enfant. Et ça fait du bien. Un film politique dans le bon sens du terme et qui ne sombre pas dans la démagogie ou la leçon de morale déplaisante. Un des meilleurs films du moment pour moi.


Citation :
Victor HUGO (1802-1885)

Les pauvres gens

Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.

II

L'homme est en mer. Depuis l'enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu'il sorte, il faut qu'il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir
Quand l'eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
Remmaillant les filets, préparant l'hameçon,
Surveillant l'âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
l s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L'endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d'argent,
Ce n'est qu'un point ; c'est grand deux fois comme la chambre.
Or, la nuit, dans l'ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les manoeuvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés,
Et fait râler d'horreur les agrès effarés.
Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées,
Et Jeannie en pleurant l'appelle ; et leurs pensées
Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du coeur.

III

Elle prie, et la mauve au cri rauque et moqueur
L'importune, et, parmi les écueils en décombres,
L'océan l'épouvante, et toutes sortes d'ombres
Passent dans son esprit : la mer, les matelots
Emportés à travers la colère des flots ;
Et dans sa gaine, ainsi que le sang dans l'artère,
La froide horloge bat, jetant dans le mystère,
Goutte à goutte, le temps, saisons, printemps, hivers ;
Et chaque battement, dans l'énorme univers,
Ouvre aux âmes, essaims d'autours et de colombes,
D'un côté les berceaux et de l'autre les tombes.

Elle songe, elle rêve. - Et tant de pauvreté !
Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été.
Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge.
- Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge,
La côte fait le bruit d'une enclume, on croit voir
Les constellations fuir dans l'ouragan noir
Comme les tourbillons d'étincelles de l'âtre.
C'est l'heure où, gai danseur, minuit rit et folâtre
Sous le loup de satin qu'illuminent ses yeux,
Et c'est l'heure où minuit, brigand mystérieux,
Voilé d'ombre et de pluie et le front dans la bise,
Prend un pauvre marin frissonnant, et le brise
Aux rochers monstrueux apparus brusquement.
Horreur ! l'homme, dont l'onde éteint le hurlement,
Sent fondre et s'enfoncer le bâtiment qui plonge ;
Il sent s'ouvrir sous lui l'ombre et l'abîme, et songe
Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !

Ces mornes visions troublent son coeur, pareil
A la nuit. Elle tremble et pleure.

IV
Ô pauvres femmes
De pêcheurs ! c'est affreux de se dire : - Mes âmes,
Père, amant, frère, fils, tout ce que j'ai de cher,
C'est là, dans ce chaos ! mon coeur, mon sang, ma chair ! -
Ciel ! être en proie aux flots, c'est être en proie aux bêtes.
Oh ! songer que l'eau joue avec toutes ces têtes,
Depuis le mousse enfant jusqu'au mari patron,
Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon,
Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse,
Et que peut-être ils sont à cette heure en détresse,
Et qu'on ne sait jamais au juste ce qu'ils font,
Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond,
A tous ces gouffres d'ombre où ne luit nulle étoile,
Es n'ont qu'un bout de planche avec un bout de toile !
Souci lugubre ! on court à travers les galets,
Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les !
Mais, hélas ! que veut-on que dise à la pensée
Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !

Jeannie est bien plus triste encor. Son homme est seul !
Seul dans cette âpre nuit ! seul sous ce noir linceul !
Pas d'aide. Ses enfants sont trop petits. - Ô mère !
Tu dis : "S'ils étaient grands ! - leur père est seul !" Chimère !
Plus tard, quand ils seront près du père et partis,
Tu diras en pleurant : "Oh! s'ils étaient petits !"

V

Elle prend sa lanterne et sa cape. - C'est l'heure
D'aller voir s'il revient, si la mer est meilleure,
S'il fait jour, si la flamme est au mât du signal.
Allons ! - Et la voilà qui part. L'air matinal
Ne souffle pas encor. Rien. Pas de ligne blanche
Dans l'espace où le flot des ténèbres s'épanche.
Il pleut. Rien n'est plus noir que la pluie au matin ;
On dirait que le jour tremble et doute, incertain,
Et qu'ainsi que l'enfant, l'aube pleure de naître.
Elle va. L'on ne voit luire aucune fenêtre.

Tout à coup, a ses yeux qui cherchent le chemin,
Avec je ne sais quoi de lugubre et d'humain
Une sombre masure apparaît, décrépite ;
Ni lumière, ni feu ; la porte au vent palpite ;
Sur les murs vermoulus branle un toit hasardeux ;
La bise sur ce toit tord des chaumes hideux,
Jaunes, sales, pareils aux grosses eaux d'un fleuve.

"Tiens ! je ne pensais plus à cette pauvre veuve,
Dit-elle ; mon mari, l'autre jour, la trouva
Malade et seule ; il faut voit comment elle va."

Elle frappe à la porte, elle écoute ; personne
Ne répond. Et Jeannie au vent de mer frissonne.
"Malade ! Et ses enfants ! comme c'est mal nourri !
Elle n'en a que deux, mais elle est sans mari."
Puis, elle frappe encore. "Hé ! voisine !" Elle appelle.
Et la maison se tait toujours. "Ah ! Dieu ! dit-elle,
Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps!"
La porte, cette fois, comme si, par instants,
Les objets étaient pris d'une pitié suprême,
Morne, tourna dans l'ombre et s'ouvrit d'elle-même.

VI

Elle entra. Sa lanterne éclaira le dedans
Du noir logis muet au bord des flots grondants.
L'eau tombait du plafond comme des trous d'un crible.

Au fond était couchée une forme terrible ;
Une femme immobile et renversée, ayant
Les pieds nus, le regard obscur, l'air effrayant ;
Un cadavre ; - autrefois, mère joyeuse et forte ; -
Le spectre échevelé de la misère morte ;
Ce qui reste du pauvre après un long combat.
Elle laissait, parmi la paille du grabat,
Son bras livide et froid et sa main déjà verte
Pendre, et l'horreur sortait de cette bouche ouverte
D'où l'âme en s'enfuyant, sinistre, avait jeté
Ce grand cri de la mort qu'entend l'éternité !

Près du lit où gisait la mère de famille,
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille,
Dans le même berceau souriaient endormis.

La mère, se sentant mourir, leur avait mis
Sa mante sur les pieds et sur le corps sa robe,
Afin que, dans cette ombre où la mort nous dérobe,
Ils ne sentissent pas la tiédeur qui décroît,
Et pour qu'ils eussent chaud pendant qu'elle aurait froid.

VII

Comme ils dorment tous deux dans le berceau qui tremble !
Leur haleine est paisible et leur front calme. Il semble
Que rien n'éveillerait ces orphelins dormant,
Pas même le clairon du dernier jugement ;
Car, étant innocents, ils n'ont pas peur du juge.

Et la pluie au dehors gronde comme un déluge.
Du vieux toit crevassé, d'où la rafale sort,
Une goutte parfois tombe sur ce front mort,
Glisse sur cette joue et devient une larme.
La vague sonne ainsi qu'une cloche d'alarme.
La morte écoute l'ombre avec stupidité.
Car le corps, quand l'esprit radieux l'a quitté,
A l'air de chercher l'âme et de rappeler l'ange ;
Il semble qu'on entend ce dialogue étrange
Entre la bouche pâle et l'oeil triste et hagard :
- Qu'as-tu fait de ton souffle ? - Et toi, de ton regard ?

Hélas! aimez, vivez, cueillez les primevères,
Dansez, riez, brûlez vos coeurs, videz vos verres.
Comme au sombre océan arrive tout ruisseau,
Le sort donne pour but au festin, au berceau,
Aux mères adorant l'enfance épanouie,
Aux baisers de la chair dont l'âme est éblouie,
Aux chansons, au sourire, à l'amour frais et beau,
Le refroidissement lugubre du tombeau !

VIII

Qu'est-ce donc que Jeannie a fait chez cette morte ?
Sous sa cape aux longs plis qu'est-ce donc qu'elle emporte ?
Qu'est-ce donc que Jeannie emporte en s'en allant ?
Pourquoi son coeur bat-il ? Pourquoi son pas tremblant
Se hâte-t-il ainsi ? D'où vient qu'en la ruelle
Elle court, sans oser regarder derrière elle ?
Qu'est-ce donc qu'elle cache avec un air troublé
Dans l'ombre, sur son lit ? Qu'a-t-elle donc volé ?

IX

Quand elle fut rentrée au logis, la falaise
Blanchissait; près du lit elle prit une chaise
Et s'assit toute pâle ; on eût dit qu'elle avait
Un remords, et son front tomba sur le chevet,
Et, par instants, à mots entrecoupés, sa bouche
Parlait pendant qu'au loin grondait la mer farouche.

"Mon pauvre homme ! ah ! mon Dieu ! que va-t-il dire ? Il a
Déjà tant de souci ! Qu'est-ce que j'ai fait là ?
Cinq enfants sur les bras ! ce père qui travaille !
Il n'avait pas assez de peine ; il faut que j'aille
Lui donner celle-là de plus. - C'est lui ? - Non. Rien.
- J'ai mal fait. - S'il me bat, je dirai : Tu fais bien.
- Est-ce lui ? - Non. - Tant mieux. - La porte bouge comme
Si l'on entrait. - Mais non. - Voilà-t-il pas, pauvre homme,
Que j'ai peur de le voir rentrer, moi, maintenant !"
Puis elle demeura pensive et frissonnant,
S'enfonçant par degrés dans son angoisse intime,
Perdue en son souci comme dans un abîme,
N'entendant même plus les bruits extérieurs,
Les cormorans qui vont comme de noirs crieurs,
Et l'onde et la marée et le vent en colère.

La porte tout à coup s'ouvrit, bruyante et claire,
Et fit dans la cabane entrer un rayon blanc ;
Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant,
Joyeux, parut au seuil, et dit : C'est la marine !

X

"C'est toi !" cria Jeannie, et, contre sa poitrine,
Elle prit son mari comme on prend un amant,
Et lui baisa sa veste avec emportement
Tandis que le marin disait : "Me voici, femme !"
Et montrait sur son front qu'éclairait l'âtre en flamme
Son coeur bon et content que Jeannie éclairait,
"Je suis volé, dit-il ; la mer c'est la forêt.
- Quel temps a-t-il fait ? - Dur. - Et la pêche ? - Mauvaise.
Mais, vois-tu, je t 1 embrasse, et me voilà bien aise.
Je n'ai rien pris du tout. J'ai troué mon filet.
Le diable était caché dans le vent qui soufflait.
Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre,
J'ai cru que le bateau se couchait, et l'amarre
A cassé. Qu'as-tu fait, toi, pendant ce temps-là ?"
Jeannie eut un frisson dans l'ombre et se troubla.
"Moi ? dit-elle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l'ordinaire,
J'ai cousu. J'écoutais la mer comme un tonnerre,
J'avais peur. - Oui, l'hiver est dur, mais c'est égal."
Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal,
Elle dit : "A propos, notre voisine est morte.
C'est hier qu'elle a dû mourir, enfin, n'importe,
Dans la soirée, après que vous fûtes partis.
Elle laisse ses deux enfants, qui sont petits.
L'un s'appelle Guillaume et l'autre Madeleine ;
L'un qui ne marche pas, l'autre qui parle à peine.
La pauvre bonne femme était dans le besoin."

L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
"Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, C'est l'affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche,
C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.

- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, lès voilà!"


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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMar 20 Déc 2011 - 7:38

Ce poème, il est vraiment beau. je l'avais appris à l'école primaire, et je suis encore capable de le réciter. (enfin le début).
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyMar 20 Déc 2011 - 9:04

topocl a écrit:
Ce poème, il est vraiment beau. je l'avais appris à l'école primaire, et je suis encore capable de le réciter. (enfin le début).
Une lumière dans les ténèbres. Quel style!
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyVen 23 Mai 2014 - 19:38

Vu à la télé Les neiges du Kilimandjaro.
Ce film avait tout pour me plaire, mais j'ai trouvé trop de situations invraisemblables et peu plausibles.
La scène ou Ariane Ascaride pénètre dans l'appartement où sont sagement assis les 2 jeunes en train de faire leurs devoirs, et cette façon qu'ils ont de l'adpoter immédiatement comme une mère de remplacement a sonné le glas de mon adhésion au message humaniste de l'auteur.
Tant pis hein.
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyDim 22 Juin 2014 - 20:18

Robert Guédiguian 8254410

Vu le nouveau Guediguian Au fil d'Ariane, fable humaniste un peu foutraque et inégale mais qui propose des digressions gonflées et savoureuses. D'autres plus agaçantes et surlignées. Du Guediguian plutôt en forme entre Pagnoĺ et Jean Ferrat. J'avais préféré le précédent. Pas grand chose à dire de plus.
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MessageSujet: Re: Robert Guédiguian   Robert Guédiguian EmptyVen 20 Nov 2015 - 8:06

Une histoire de fou

Robert Guédiguian Hisoir10

Guedigian est un cinéaste qui défend des thèses. Ici, la cause des Arméniens revendiquant la reconnaissance du génocide. Dans les années 80, des attentas ont ainsi été perpétrés. Au sein même des Arméniens de la lutte armée, des dissensions sont vite apparues sur le choix des moyens, que la fin justifie ou non. Guedigian évoque la possibilité du pardon et de la compréhension vis à vis des terroristes.


J'aime toujours autant la façon qu'à ce cinéaste de filmer l'intimité et la dignité des petites gens, de participer à leurs joies, à leurs élans, comme à leur peine, à nous toucher par des « héros » droits et sincères. je regrette de  ne pas avoir pu pleinement en profiter : j'ai  trouvé qu'il tombait ici dans un mélo effroyable, sans hésiter à rajouter couche sur couche des personnages trop « parfaits » et des péripéties improbables.

Ce n'était sans doute pas la période idéale pour avoir une vison objective, voire indulgente, pour ce film.
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