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| Robert Walser [Suisse] | |
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Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 9:55 | |
| Auteur Suisse écrivant en langue allemande. Vivant plus ou moins de ses écrits, il compose poésie, chroniques littéraires, romans. Admirés par des auteurs de renoms comme Robert Musil , Franz Kafka, il quittera Berlin pour aller s'isoler à Bienne. Depressif chronique, il écrit, loin des bruits de la société mondaine littéraire. Interné en hôpital psychiatrique en 1933, il en sortira en 1956, trouvant la mort, lors d'une promenade dans la neige.
Dernière édition par Queenie le Lun 10 Aoû 2009 - 11:29, édité 1 fois | |
| | | Queenie ...
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| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 9:58 | |
| Section de rattrapage, je pique les mots de coline. - coline a écrit:
- La Rose
La Rose sera le dernier ouvrage de Robert Walser publié. « Une fois de plus, je n'ai fait là qu'esquisser ; en réalité, je devrais me sentir tenu d'en faire davantage. » Et en effet, Walser relate en une quarantaine de textes courts, même pas des nouvelles, des situations, des portraits. Une écriture qui ressemble au travail des impressionnistes en peinture, par petites touches délicates.
Je tournais les pages de ce livre, savourant l'écriture, mais pas plus accrochée que cela à ce qu'il racontait...J'ai toujours du mal à passer trop vite d'un sujet à un autre. Et puis j'ai trouvé ce qu'il fallait faire! Lire un texte...s'échapper...vaquer à autre chose...lire un autre livre...puis revenir au texte suivant de Walser toute disponible pour l'accueillir... Et à ce moment-là...c'est une révélation!
Ses écrits ont le charme (un peu désuet?) des écrits de Paul Gadenne, de Charles Juliet... J'aime beaucoup retrouver de temps à autres ce style d'écriture. Il y manque l'action qu'on peut trouver dans les récits plus contemporains mais quelle belle langue! Extraits de La Rose : "Il ne faut pas que les écrivains se croient grands parce qu'ils se frottent à la grandeur, ils doivent au contraire essayer d'être significatifs dans les petites choses. Qu'est-ce que j'ai pensé à ce propos récemment? Qu'il fallait apprendre à parler de l'objet le plus infime d'une manière belle, ce qui vaudrait mieux que de s'exprimer pauvrement sur un sujet copieux."
"La dame de mes pensées est si belle et je lui voue la ferveur d'un respect si sacré que je suis forcé de m'accrocher à une autre, saisissant ainsi l'occasion de me remettre de la fatigue de nuits sans sommeil, de raconter à la suivante combien de charme avait la précédente, et de lui dire: "Je t'aime tout autant."
"Si l'on m'y autorise, j'évoquerai et chanterai un petit ruisseau qui se précipitait de la falaise, dans un chatoiement argenté, d'une beauté rieuse et divine, profondément grave et gai, et la manière dont il éclaboussait les rochers et rebondissait, petite contribution à ce colosse qu'est la mer où, à des milliers de mètres de profondeur, des monstres innocents nagent autour d'arbres cachés et éternellement humides, tandis que des paquebotsde luxe ornent la surface, et je parlerai d'ombres doucement posées sur la prairie, des petites maisons sur la pente, et d'un garçon couché.Quelle horreur, si cela faisait bâiller le lecteur!" | |
| | | Queenie ...
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| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 10:00 | |
| - coline a écrit:
- Histoires d'images:
un livre qui combine littérature et peinture.
Le premier interlocuteur de Robert Walser était un peintre, son propre frère, Karl Walser.
Le dialogue avec la peinture est une source d'inspiration pour Robert Walser. Les textes de ce livre ne sont pas des commentaires rigoureux des oeuvres mais plutôt une expression très libre qu'elles font naître où se mêlent l'imaginaire et la mémoire de l'auteur. J'ai posté deux textes écrits sous forme de poèmes, parce qu'ils sont les plus courts...D'autres, en prose, font parfois plusieurs pages (mais jamais beaucoup tout de même) . | |
| | | Queenie ...
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| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 10:00 | |
| - coline a écrit:
- Dans Histoires d'images:
Sonnet sur une Vénus du Titien
Ses cheveux noirs semblent chanter une mélodie, La crémeuse blancheur de ses membres rayonne, Ce corps gracieux, se pourrait-il qu'il s'en étonne, Est la somme subtile de suaves harmonies.
De tout son long, on croirait qu'elle supplie, Souplement alanguie sur une sorte d'ottomane, Penchée, telle svelte oriflamme, Sur les humains dont elle serait l'amie.
Dans ses mains, un bouquet de violettes sourit, Dispense ses parfums au spectateur ravi, Devant l'autel, dévote, une servante prie.
Ô un regard encore sur sa chevelure, Puis encore un sur la belle courbure, L'humble dessin de ses hanches chéries. 1927 | |
| | | Queenie ...
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| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 10:01 | |
| - coline a écrit:
Dans Histoires d'images:
LA CHUTE D'ICARE DE BRUEGEL
Ilots épars,rutilant sur la mer, frégates arrivant d'on ne sait quel hémisphère, il y a, me semble-t-il, beaucoup de cultures sur ces îles, il doit être sept ou huit heures du soir, non, il n'est pas si tard, car on voit un laboureur, un de ces âpres besogneurs trimant encore dans les champs comme un héros agricole, gagnant petit, jouant son rôle, la terre est noire, ou brune . Un être ailé veut se confier aux airs, nous le verrons bientôt gesticuler dans l'éther. Merveilleuse, malicieuse, la lune guigne, et tel autre, face au temple de la nature, assis sur un rocher ultra-vieux, n'a d'yeux que pour un minuscule oiseau qui vole et s'égosille, épris de ses propres trilles, tandis que les moutons, à l'abandon, broutent en paix, à l'Occident pâle teinté de rouge. Aïe, une main s'agite dans un muet appel à l'aide, et choit de tout en haut jusques en bas, comme le golfe marin sourit gaiement, en minaudant, car l'autre avait juré que vainqueur au-dessus de la mer, libre de toute pesanreur, béat, il épouserait la divine beauté dans l'azur, au mépris des racines terrestres, or dans l'art de la dégringolade le voici fort bon petit maître et il lui faudra se sentir plutôt petit à l'avenir. Mais tout de même, il sied de rendre justice aux bienfaits de l'esprit d'entreprise, ce que j'ai écrit je le dois à un tableau de Bruegel qui me reste en mémoire, je lui voue une estime notable, car la peinture est admirable. Toute ambition d'élévation au-dessus de la vie commune, a dans la vie sa fin. | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 10:08 | |
| J'ai emprunté un livre de Walser à la bibliothèque, intriguée par cet auteur de la simplicité magnifique que l'on me vantait il y a quelques temps. Me voilà donc avec Nouvelles du jour dans les mains. Et je ne peux rien en dire de plus que ce qui a déjà été dit par coline. - coline a écrit:
Je tournais les pages de ce livre, savourant l'écriture, mais pas plus accrochée que cela à ce qu'il racontait...J'ai toujours du mal à passer trop vite d'un sujet à un autre. Et puis j'ai trouvé ce qu'il fallait faire! Lire un texte...s'échapper...vaquer à autre chose...lire un autre livre...puis revenir au texte suivant de Walser toute disponible pour l'accueillir... Et à ce moment-là...c'est une révélation!
Ses écrits ont le charme (un peu désuet?) des écrits de Paul Gadenne, de Charles Juliet... J'aime beaucoup retrouver de temps à autres ce style d'écriture. Il y manque l'action qu'on peut trouver dans les récits plus contemporains mais quelle belle langue! En effet, des textes courts à ne surtout pas lire les uns derrière les autres, des textes qui contiennent des vérités du quotidien. L'impression de lire des Fables de la Fontaine modernes, avec une petite phrase conclusion à la fin de tous ces textes. Et l'écriture a certes une musicalité bien à elle, un rythme à part. Mais je n'ai pas pu finir le livre emprunté. Il m'aurait fallu le livre chez moi, pour au grès de mes envies pouvoir y feuilleter tranquille une ou deux pages, le temps d'une ou deux histoires. A s'enfiler les textes trop rapidement, l'impression étrange de vide, de creux, de non intérêt. Alors que laissant à chaque texte toute la place qu'il lui faut, on y découvre une grande force. Je m'essayerai bien un roman, pour voir ce que ça peut bien donner.
Dernière édition par Queenie le Sam 2 Aoû 2008 - 19:40, édité 1 fois | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 11:12 | |
| - Queenie a écrit:
- J'ai emprunté un livre de Walser à la bibliothèque, intriguée par cet auteur de la simplicité magnifique que l'on me vantait il y a quelques temps.
Me voilà donc avec Nouvelles du jour dans les mains. Et je ne peux rien en dire de plus que ce qui a déjà été dit par coline.
- coline a écrit:
Je tournais les pages de ce livre, savourant l'écriture, mais pas plus accrochée que cela à ce qu'il racontait...J'ai toujours du mal à passer trop vite d'un sujet à un autre. Et puis j'ai trouvé ce qu'il fallait faire! Lire un texte...s'échapper...vaquer à autre chose...lire un autre livre...puis revenir au texte suivant de Walser toute disponible pour l'accueillir... Et à ce moment-là...c'est une révélation!
En effet, des textes courts à ne surtout pas lire les uns derrière les autres, des textes qui contiennent des vérités du quotidien. L'impression de lire des Fables de la Fontaine modernes, avec une petite phrase conclusion à la fin de tous ces textes. Et l'écriture a certes une musicalité bien à elle, un rythme à part. Mais je n'ai pas pu finir le livre emprunter. Il m'aurait fallu le livre chez moi, pour au grès de mes envies pouvoir y feuilleter tranquille une ou deux pages, le temps d'une ou deux histoires. A s'enfiler les textes trop rapidement, l'impression étrange de vide, de creux, de non intérêt. Alors que laissant à chaque texte toute la place qu'il lui faut, on y découvre une grande force.
Queenie, j'attendais tes impressions et ce matin je suis heureuse de les lire et de voir que nous les partageons. Nous disons exactement la même chose sur les écrits de Walser... C'est à déguster, par moments, à petites doses, pour mieux apprécier... Il me semble que des littéraires, ou des amateurs de littérature, ne peuvent pas rester dans l'ignorance de ces écrits. Et quand nous disons que Walser parle de"petites choses", malgré tout le respect que je dois à Delerm, je trouve que c'est d'une autre dimension! Le genre de livre qu'il faut acquérir et non emprunter, comme tu le dis, pour pouvoir y revenir, à l'envie...Un peu comme on s'achète tous les livres de poésie... Comme toi, j'ai envie de m'attaquer un de ces jours à l'un de ses romans...Je pense que ce sera "L'institut Benjamenta" | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 11:16 | |
| Je me pose une question...Je n'avais pas ouvert un fil Robert Walser?...Je ne le trouve plus... Suis neu-neu ou quoi? | |
| | | Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
| | | | LaChose Superviseur
Messages : 1091 Inscription le : 31/01/2007 Localisation : Fondations.
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 12:58 | |
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| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 13:18 | |
| Ça me rassure.... il n´y a pas que moi - Citation :
- Je me pose une question...Je n'avais pas ouvert un fil Robert Walser?...Je ne le trouve plus...
Ça arrive de confondre.... | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 14:03 | |
| - Portouverte a écrit:
- En cas de doute le classement alphabétique par nom est pratique…
C'est ce que je me suis dit tout à l'heure en cherchant effectivement tout comme vous le fil Walser (qui n'existait pas!) ...Très pratique ,par contre il doit être tenu à jour ,et ça c'est du boulot! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Mer 14 Mar 2007 - 17:04 | |
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| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Dim 25 Mar 2007 - 16:07 | |
| Trouvé sur le blog de Pierre Assouline (extraits):
(20 août 2006)
Comment Robert Walser m’est tombé dessus. Cet été, un écrivain m’est tombé dessus au moment où je m’y attendais le moins. Entendez : alors que je me croyais protégé de toute intrusion par la barrière de livres que j’avais emportés avec moi. Cela a commencé par un zapping télévisé un samedi soir à la recherche de la chronique des événements courants. Métropolis m’est apparu sur Arte, la figure de Robert Walser m’a sauté au visage et la voix chaude de Pierre-André Boutang a fait le reste pour m’entraîner dans ses pas. C’est le genre d’écrivain dont on précise toujours entre parenthèses (Bienne 1878- Herisau 1956), non pour encourager à visiter le canton de Berne ou celui d’Appenzell, mais pour éviter que l’on en fasse une sorte d’écrivain autrichien du XIXème siècle. Il faut dire que l’intéressé n’avait rien fait lui-même pour se rendre inoubliable. A croire qu’il était la principal obstacle à la diffusion de son oeuvre. Dans le beau documentaire commenté par Boutang, au fil des témoignages et des évocations, il apparaît bien comme le plus grand écrivain suisse de langue allemande dont la fin (les vingt quatre dernières années de sa vie dans un asile psychiatrique, à sa sa demande puis contre son gré) éclaire rétrospectivement le début et le milieu de la vie. A l’écart, marginal, inclassable, il l’était sans aucun doute, comme il était fragile, mélancolique, solitaire, pauvre, nomade, vierge, rêveur, détaché des biens matériels et effrayé à l’idée de réussir quelque chose. De tous les métiers qu’il avait pratiqués avec l’air de ne pas y toucher (dans les assurances et la banque, puis dans une bibliothèque) avant de se vouer à l’écriture, le plus étonnant, celui qui mériterait qu’on lui consacre une nouvelle dont il serait le héros, c’est bien celui de valet au château Dambrau à Falkenstein (Haute-Silésie) en 1905, au sortir d’une école pour valets. Robert Walser a énormément écrit et publié : des romans (Les Enfants Tanner, Le Commis, L’Institut Benjamenta), des recueils de poèmes et de "petites proses", des textes divers pour les journaux. Avant son internement pour schizophrénie, ressentant un "effondrement de la main", il rédigeait (notamment Le Brigand) d’une écriture microscopique que des chercheurs opiniâtres mettront des années à déchiffrer. Ce qu’il appelait "le territoire du crayon". Le reclus de l’asile de Herisau en proie au délire de persécution, dont l’oeuvre avait pourtant été célébrée haut et fort par Kafka, Musil, Benjamin, Hesse, Zweig et Canettti, se serait effacé du monde dans l’indifférence quasi générale n’eut été l’amitié admirative de l’éditeur et écrivain Carl Seelig, son compagnon de promenade. Car Walser fut toute sa vie, et surtout les derniers temps, un promeneur absolu, qui voulut élever la marche à pied au rang d’un art de vivre. La promenade était sa respiration. Robert Walser cessa de respirer le 25 décembre 1956, les pieds dans la neige, alors qu’il se promenait." | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Robert Walser [Suisse] Dim 25 Mar 2007 - 16:10 | |
| Trouvé sur le blog de Pierre Assouline (extrait):
"De lui, je n’avais lu autrefois que l’Institut Benjamenta (L’Imaginaire) : l’angoissante ironie qui s’en dégageait m’avait laissé un puissant souvenir, notamment l’occupation principale des élèves entre les enseignements théorique et pratique : l’attente… Je me promettais de revisiter Walser plus à fond d’autant qu’il ne se passe guère de semaines sans que les meilleurs critiques suisses, de ceux du Passe-Muraille à ceux du Temps, n’y encouragent leurs lecteurs. Et puis voilà, dans la torpeur d’une nuit d’août, après avoir éteint la télévision aussi distraitement qu’elle avait été allumée, en mettant un peu d’ordre dans les livres mis de côté depuis un an "à lire d’urgence en vacances", je me suis laissé happer par le dernier livre de W.G. Sebald Séjours à la campagne (Logis in einem Landhaus, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau, Actes Sud) paru à la fin de l’année dernière. L’auteur des Emigrants et de Vertiges, s’y livre à quelques exercices d’admiration de Jean-Jacques Rousseau à Peter Hebel, six portraits en hommage à leur génie qui forment selon la loi du genre son autoportrait en creux. Et entre les pages 123 et 161, "Le promeneur solitaire. En souvenir de Robert Walser". Il était écrit que je ne lui échapperais pas. Sebald, qui identifie Walser à son grand-père qu’il adorait, enrichit son texte, comme à son habitude, de photographies et de documents publiés entre les lignes même et non dans un cahier spécial -heureux auteur auquel son éditeur permet une telle licence ! Le procédé lui autorise tous les recoupements et correspondances. Rien de tel pour dégager des similitudes de ce fleuve d’incertitudes. Très attaché au travail sur la langue, Sebald était bien placé pour décortiquer dans la graphorrée de Robert Walser les néologismes dont il avait le secret, tels que das Manshettelige (la dégonflardise) ou das Angstmeierlich (la génuflexibilité), et ses bizarreries comme un sofa "scrouinant" (gyxelnd). Son analyse de la parenté Gogol-Walser est des plus réjouissantes, comme l’est celle de ses "microgrammes", cette écriture minuscule pratiquée au fin fond de son terrier, de celui qui se sent dans l’illégalité et la clandestinité par rapport à la société, et constitue les archives d’une "véritable émigration intérieure". On comprend que W.G. Sebald avoue avoir été toute sa vie envoûté par l’ombre fraternelle de Robert Walser.
J’ai lu ces pages en vacances. En rentrant, au courrier, j’ai trouvé parmi quelques livres un poche à paraître à la rentrée Retour dans la neige (traduit de l’allemand par Golnaz Haudichar, 143 pages 5,50 euros, Points), recueil de 25 récits exquis parus entre 1899 et 1920 et signés… Robert Walser. Si ce n’est pas un signe, qu’est-ce qu’un signe ? Il ne m’en faut pas plus pour me convaincre que désormais, son oeuvre ne me lâchera plus. Dans la préface et les notes, Bernhard Echte nous apprend que Walser a passé son dernier quart de siècle à coller des sacs en papier, fabriquer de la ficelle et trier des petits pois à l’atelier de l’hôpital. Cela nous en dit bien davantage, et autrement mieux, que la phrase de Philippe Delerm ("Robert Walser, un faux naïf et un grand écrivain") que le Seuil a jugé bon de faire figurer en gros caractères au centre de la couverture du livre. Si l’on a bien compris, avec la nouvelle police de caractères, c’est là la nouvelle signature graphique de cette collection. Si l’on en juge par le résultat, le principe est absurde -et risque d’aboutir parfois à des accouplements grotesques. Quoi qu’on pense des qualités et du talent de Philippe Delerm, Robert Walser ne méritait pas ça. | |
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